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Droit de réponse à Monsieur Pascal CLÉMENT, Ministre de la justice

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Droit de r ?ponse original

Type : Word

Taille : 33 kio

Date : 9-02-2006

Mise en ligne : 10 février 2006

Texte de l'article :

-LETTRE OUVERTE -

 : Monsieur Pascal CLÉMENT, Ministre de la justice, 13 Place Vendôme 75001 Paris ;

DE : Monsieur Abdelhamid HAKKAR, détenu au CP de Clairvaux- 10310 Ville-sous-Laferté.

Clairvaux, le 31 janvier 2006

DROIT DE RÉPONSE

Monsieur le Ministre,

Sauf mon respect, mais vous me permettrez d’exercer le droit de réponse que me suscitent les récentes déclarations que vous avez tenues notamment à la presse à la suite du Manifeste que neuf de mes codétenus et moi avions à escient diffusé ce 16 janvier dernier sous forme de « Communiqué ».

A titre liminaire, je note de ce que vous me visez personnellement. En affirmant sur les ondes radios et à la presse écrite je vous cite : « je pense à une manipulation d’un détenu qui leur a fait dire ça », vous auriez pu avoir le courage d’aller jusqu’au bout de vos pensée et citer clairement mon nom.

Ainsi, visiblement vous êtes plus prompt à réagir à notre Communiqué en question qu’à répondre aux courriers que je vous adresse, j’entends tout notamment le dernier en date du 8/12/2005 dont je vous ai rendu destinataire (et dont copie fut à toutes fins transmise à la presse et aux agences A.F.P. et Reuters).

Dans ce dernier courrier, outre la destruction totale de mon matériel informatique par votre administration et mes 12 années d’isolement (parmi lesquelles je dois directement les 5 dernières années à votre compagne, Madame Laure De Choiseul), je vous soulignais les artifices juridiques criminels en vertu desquels on me maintient, à la façon des États les plus totalitaires, aujourd’hui encore emprisonné après 22 années de détention, à l’issue de la mascarade qu’a constitué la prétendue "révision" de mon procès quand aussi bien je devrais être libre depuis le 26 février 2003, à l’issue de mon procès devant la Cour d’assises des Hauts-de-Seine. C’est qu’en effet, si celle-ci n’avait pas délibérément violé le principe de non rétroactivité en modifiant et aggravant après coup mes incriminations je n’encourais plus depuis, pour des faits datant de 1984, qu’une peine de 20 ans, laquelle aurait conséquemment conduit à ma libération immédiate (le Cour EDH que vos juges m’ont contraint de ressaisir d’une nouvelle plainte ne manquera pas de vous le rappeler prochainement).

Vous le savez pertinemment vos fonctionnaires et vous, avant même la révision de ma condamnation du 8/12/1989 (qui n’a pas été annulée à ce jour !) et au titre de laquelle je suis détenu depuis le 2 septembre 1984, je pouvais prétendre à ma libération à compter du 2 septembre 2002, soit après avoir purgé une période d’emprisonnement de 18 années correspondant à la mesure de sûreté assortissant cette peine ainsi que cela m’avait été alors notifié. Depuis cette prétendue "révision", et tandis qu’on a diminué ma période de sûreté en la portant à 16 années, on s’applique depuis paradoxalement à me dénier toute possibilité de libération.

Je note aussi que vous ne daignez pas davantage donner une réponse tant au Comité des Ministre qu’à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui vous ont encore interpellé à mon cas vers la fin de ce mois de janvier 2006 comme en témoigne leur site Internet (cette ratonnade judiciaire dont je suis l’objet nous illustre s’il en est la bonne foi qui peut bien vous animer à l’heure même où vous vous apprêtez à ratifier avec l’Algérie un « Traité d’amitié »).

Ceci étant, au sens où notre démarche n’était pas motivée au premier chef par nos conditions de détention dont vous louez pour nous le caractère « humaniste » !, mais seulement sur la politique pénale de ces dernières années visant à un allongement indéfini de la durée d’exécution de nos peines et du non sens des mesures de sûreté, "l’empêcheur de tourner en rond" comme se plaisent à me qualifier vos collaborateurs pour justifier leurs rétorsions à mon encontre vous dit : parlons-en.

D’abord, vos centrales, et en cela Clairvaux n’y échappe pas, sont devenues les annexes des hôpitaux psychiatriques au sens où vous y enfermez de plus en plus de malades nous affectant moralement au point de nous amener à vivre au quotidien un remake de "Vol au dessus d’un nid de coucou"... (on voudrait faire perdre la raison à ceux d’entre nous qui ne l’auraient pas encore perdue qu’on ne s’y prendrait pas autrement). De ce point de vue, que dire de ceux des individus atteints de graves pathologies (VIH et autres hépatites aiguës) et qu’on laisse crever au fond de leurs geôles, dans une agonie quotidienne indigne de l’État de droit qu’on nous vante de manière récurrente (de la même façon qu’on ne prête qu’aux riches : la "Loi Kouchner" c’est bien sûr pour les autres... ). Ainsi donc : Nous sommes « dangereux » ! Même s’il peut s’appliquer à certains, l’argument est commode. Cette notion indéfinie a permis toutes ces dernières années de nous affliger de tessons de mépris et de refus.

Certes, nous avons ce que vous appelez un "terrain de sport" (goudronné), mais on se garde de préciser qu’il nous sert de terrain de promenade. La "salle de musculation" ? En dehors d’un nombre restreint de détenus (une dizaine), personne d’autre ne l’utilise tant l’état d’esprit des emmurés vifs de cet établissement est écrasé par la réalité du quotidien carcéral. La salle "informatique’" ? Elle n’est accessible qu’aux détenus inscrits aux cours que vient prodiguer, durant une demie journée et une fois par semaine, un professeur. On omet ici de préciser que son accès est en fait restreint à 5/6 personnes seulement (sur près de 70 détenus du bâtiment). La liberté de circulation ? II est vrai que les détenus peuvent ici aux heures d’ouvertures sortir de leur cellule durant les mouvements, mais le plus souvent la majorité préfère encore rester cloîtrée. L’accès au téléphone ? Il se fait à nos frais grâce aux cartes de France Télécom vendues en cantine.

A cet égard, il faut rappeler que depuis juillet 2003, on a installé en lieu et place des cabines téléphoniques publiques existantes depuis l’année 1984 et au moyen desquelles on écoutait et enregistrait déjà nos conversations, un nouvel appareil dit "sécurisé" (numérisé) permettant les mêmes écoutes, notamment des conversations échangées avec nos Avocats, et limitant dorénavant nos numéros d’appels à 10 correspondants. Les parloirs ? Effectivement, les visites ont lieu tous les jours pour permettre aux détenus dont les familles (c’est le cas d’une majorité) résident qui dans le Sud, qui dans les Pyrénées ou encore d’aussi loin de rencontrer leurs proches.

Le "travail" ? Ah ! Parlons-en ! D’abord, par bâtiment, il y a tout au plus une trentaine de postes. Tandis que le "salaire" versé à ceux travaillant est à peine de moitié de celui versé à l’extérieur, on nous surfacture la totalité des produits cantinés à l’extérieur !!! Comme si cela ne suffisait pas, et tandis qu’on nous prélevait déjà automatiquement 10% de nos maigres pécules (sur les salaires et/ou mandats que nous percevons de nos proches) pour les attribuer aux parties civiles, on a institué à la faveur de la Loi Perben 11 des nouvelles mesures restrictives visant à prélever d’office à cette même fin jusqu’à 40% de nos avoirs et à subordonner en sus l’octroi des réductions de peines (dont on a divisé par deux le bénéfice) à un versement volontaire supplémentaire de notre part !!!

Janus peut aller se rhabiller ! Votre escapade d’aujourd’hui à Clairvaux (en hélicoptère ! Ce qui nous rappelle quelque chose) ne nous a pas trompé. Clic ! Clac ! Quelques "images" à l’adresse de l’opinion et puis s’en va. Une visite guidée de plus au cours de laquelle on a pris soin de ne poser surtout aucune question à un quelconque détenu. Après quoi on pouvait entendre que : "tout allait pour le mieux du monde" ! Mais La question que vous avez soigneusement occultée n’était pas tant nos conditions de détention, seulement celle concernant l’allongement indéfini de la durée d’exécution des peines et des mesures de sûreté à l’issue desquelles nous ne voyons aucune issue.

Vous affirmez péremptoirement que nous saurions que nous sortirons un jour. Quand, dans quel état et conditions ? J’en suis à 22 années de détention quand je n’ai été condamné qu’à 16 années de sûreté ! Pourquoi s’applique-t-on à me dénier la possibilité de mettre en oeuvre les mesures d’aménagement de peine alors que je suis, en droit, proposable à leur bénéfice depuis le ...2 septembre 2000, soit il y a de cela 6 années déjà !? Nul n’est dupe : on me fait payer l’affront d’avoir fait condamner I’Etat français par les instances européennes et de vous être vu imposer par celles-ci la révision de mon affaire.

A choisir à la mort lente que vous m’avez programmée, c’est moi qui vous prends au mot. Chiche : revenez ici avec la guillotine, moi je m’y présenterais. Je ne me résigne pas à mon sort d’enterré vif.

Abdelhamid HAKKAR

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