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Déclaration du collectif "Octobre 2001" à l’occasion du XXème anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France

Mise en ligne : 17 juillet 2002

Dernière modification : 2 février 2006

Texte de l'article :

 1 - Les formes de sanctions prononcées à l’encontre des délinquants et des criminels traduisent les valeurs fondamentales d’une société. Le 9 octobre 1981, l’abolition de la peine de mort fit triompher en France le caractère inaliénable du droit à la vie pour chaque individu.

2 - Depuis le 1er mars 1985, le protocole n°6 à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales érige cette abolition en obligation juridique de droit international. A l’exception de la Turquie, tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ont aujourd’hui signé ce protocole. Seule la Russie ne l’a pas encore ratifié.

3 - L’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 affirme également le droit à la vie de tout individu et stipule que " nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels ". Pourtant, en 1999, au moins 1 831 condamnés furent exécutés dans 31 pays et plus de 3 800 personnes condamnées à mort dans 63 pays différents . L’Arabie Saoudite, la Chine, les Etats-Unis, l’Iran et la République Démocratique du Congo sont responsables de 85% de ces exécutions.
Au cours du seul premier trimestre 2000, les Etats-Unis ont exécuté plusieurs mineurs au mépris du droit international . Depuis 1990, outre les Etats-Unis, l’Iran, le Nigeria, l’Arabie Saoudite, la Somalie ou le Yémen ont supprimé la vie de personnes condamnées pour un crime commis avant l’âge de 18 ans.

4 - Partout où la peine de mort est appliquée, on relève des disparités de sentence d’une juridiction à l’autre, des irrégularités dans la constitution des jurys et une application arbitraire du droit de grâce. Or, dans une justice par définition relative, comment justifier une peine irréversible ?

5 - A la fin du 18ème siècle, Beccaria affirmait déjà " En donnant aux hommes l’exemple de la cruauté, la peine de mort n’est pour la société qu’un mal de plus (...). La peine de mort n’est pas un droit mais une guerre de la nation contre le citoyen ".

Une exécution n’est jamais un acte de légitime défense face à une menace de mort immédiate. C’est une agression physique et morale définitive à l’encontre d’une personne que les autorités ont déjà réduite à l’impuissance. Légitimer pour une communauté d’individus la possibilité de supprimer la vie de l’un de ses membres, prisonnier sans défense, ne peut avoir d’effet pédagogique sur l’apprentissage du respect de la vie d’autrui. Aucune efficacité dans la prévention de la criminalité n’a jamais pu être imputée à la peine de mort.

6 - Si dans les démocraties, aucun code pénal n’autorise plus à torturer un tortionnaire, à rouer de coups un homme coupable de violences, c’est bien parce que nos sociétés ont compris qu’elles devaient bâtir leurs modèles de sanction sur des valeurs différentes de celles qu’elles condamnent.

7 - Alors qu’une majorité de pays dans le monde a aboli la peine de mort, qu’une dynamique internationale est engagée contre cette peine, agissons pour qu’elle disparaisse définitivement des systèmes juridiques de l’ensemble des pays du monde.

8 - La justice française prétend aujourd’hui mettre la prévention de la récidive par l’amendement au premier rang des objectifs du prononcé de la peine.
Affirmer que toute personne est susceptible d’amendement oblige à abolir toute forme de mise à l’écart définitive.
Pourtant, aujourd’hui encore, l’existence des peines de sûreté pour les peines à temps prononcées, ou pour les réclusions criminelles à perpétuité, n’a donné lieu qu’à très peu de réflexions.

9 - Si l’un des fondements à un possible amendement réside dans l’acceptation de la peine et la reconnaissance de sa légitimité par le condamné, comment un individu peut-il se reconnaître dans un verdict ne lui laissant aucune possibilité de faire valoir une évolution de son comportement ? Un verdict qui le définit comme monstre irrécupérable, qui l’engage à accepter sa propre mort sociale. Quelle motivation pour changer, se soigner, se former, travailler, s’il n’existe aucun moyen d’aménagement des peines prenant ces critères en considération ?

10 - Les incohérences et la faiblesse des moyens accordés à la mission de réinsertion confiée à l’administration pénitentiaire mettent gravement en péril l’exercice de cette mission , tout particulièrement pour les détenus soumis à de longues peines et pour ceux qui souffrent de graves symptômes psychiatriques,. Si l’on attend qu’un détenu respecte les règles de la société après sa libération, assurons-nous que le fonctionnement de l’institution carcérale lui garantisse l’accès à tous les moyens nécessaires à la préparation individualisée de sa réinsertion, et le respecte à tout moment en tant que sujet de droit.

11 - L’abolition de la peine de mort en 1981 a coïncidé avec la naissance des associations d’aide aux victimes. Le législateur a ainsi permis que la prise en charge sociale d’un crime ne s’arrête pas au prononcé de la sanction à l’égard de son auteur.
Pour aller au-delà, seule une implication de l’ensemble du corps social dans un débat démocratique peut aujourd’hui redéfinir les conditions de réintégration dans notre communauté des individus qui ont enfreint ses règles. C’est à cette condition que la qualité de membre à part entière de notre société, de sujet de droit, pour chaque individu quelle que soit la gravité de son crime, pourra s’affirmer comme instrument fondamental de l’ordre social.

12 - Appelons à une véritable réflexion comparative, au niveau européen, sur les peines prononcées pour les crimes les plus graves, et ce dans la perspective de définir ce qui devrait être la peine maximale encourue, le dernier échelon de l’échelle des peines en Europe.
Agissons pour que le XXe anniversaire de l’abolition de la peine de mort, en France, marque la naissance d’une véritable réflexion collective et démocratique sur le sens de la peine, et les moyens affectés à son exercice.

Paris, le 13 février 2001

Membres fondateurs :
Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France)
Association Française de Criminologie (AFC)
Association Louis-Edmond Pettiti, association d’Action des Droits de l’Homme, 0rdre des avocats à la Cour d’appel de Paris
Association nationale des visiteurs de prison (ANVP)
Ensemble Contre la Peine de Mort dans le Monde (ECPM)
Fédération des Associations Réflexion, Action, Prison et Justice (FARAPEJ)
Groupe Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées (GENEPI)
Groupe Multiprofessionnel des Prisons (GMP)
Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
Observatoire International des Prisons (OIP)
Penal Reform International (PRI)

Membre observateur :
Amnesty International - section française, non signataire de la déclaration. Son mandat international ne lui permet pas de prendre position sur les points 8 à 12. AI-section française approuve les points 1 à 7 et souhaite participer à l’ensemble des travaux du collectif Octobre 2001.

Autres personnes morales signataires
Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP)
Association " Parcours de femmes ", Lille,
Aumônerie catholique des prisons,
Ban Public, association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe, Paris,
Institut des hautes études sur la Justice (IHEJ),
Mouvement pour les droits de l’homme (Liban),
Revue " Cultures et Conflits ",
Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’Administration pénitentiaire (SNEPAP),



Chaque organisation, chaque personne est invitée à signer ce texte...
par courrier (Secrétariat du collectif) :
Projet suivi par Sonia Feltesse
Association Française de Criminologie (AFC)
c/o M. Pierre Pélissier, 19 rue Ginoux
75015 Paris
Tél. 06 60 92 87 54
E-mail : octobr2001@yahoo.com

par mail : octobre2001@yahoo.com (en envoyant vos nom, prenom, email)

Autres signataires

Alvarez Josefina, criminologue, professeur associé, Univ. de Montpellier,
Archer Evry, chef du service au CHRU de Lille, secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire,
Bar Bruno, éducateur spécialisé, Avignon,
Bechlivanou Georgia, juriste, doctorante Univ. Paris I,
Benet Fabienne, enseignante, docteur en sciences de l’éducation, Paris,

Bivona Delphine, étudiante en droit et criminologie, Univ. Paris I et Paris II,
Blanc Alain, magistrat, Paris,
Bishop Norman, expert consultant au Conseil de l’Europe (Suède),
Body-Gendrot Sophie, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris,
Boillat Patricia, licenciée en psychologie du travail, responsable d’agence SPC, Lausanne (Suisse)

Bolze Bernard, fondateur de l’Observatoire international des prisons (OIP), Lyon.
Bonnelli Laurent, sociologue, doctorant, Univ. Paris X Nanterre,
Bruhnes Jacques, député, vice-président de la commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises,
Busson Guy-Bernard, ingénieur, Paris.
Campiche Antoine, Epalinges (Suisse),

Caraveo Jean-Pierre, adj. du directeur des services pénitentiaires d’insertion et de probation, Nice,
Cario Robert, maître de conférences de sciences criminelles, co-directeur du DESS " Droit des victimes ", Univ. Pau et Pays de l’Adour,
Chaboche Adrien, étudiant en doit, Univ. Paris II Assas,
Chantraine Gilles, sociologue, doctorant, Univ. Lille I,
Chauvière Michel, directeur de recherche au CNRS, CERSA, Univ.. Paris II,

Coucourde Pierre, drh, SICPA SA, Lausanne (Suisse),
Commaille Jacques, professeur à l’Ecole normale supérieure de Cachan, directeur de recherche au CNRS,
Coquoz Raphael, criminaliste, chargé de cours à l’Institut de police scientifique et de criminologie, Univ. Lausanne (Suisse),
Delbos Vincent, magistrat, Versailles,
Dittgen Alfred, professeur, Univ. Paris I Panthéon-Sorbonne,

Dubois-Sacrispeyre, directrice éditoriale des Editions Erès, Ramonville St Agne,
Dumortier Christelle, démographe, Lille,
Evrard Catherine, Paris,
Faucher Pascal, magistrat, Bordeaux,
Feltesse Sonia, rédactrice en chef de la revue " Dedans-Dehors ", Paris,
Firdion Jean-Marie, Paris,

Frisch Arnaud, producteur, Neuilly-sur-Seine,
Gagnon François, doctorant en communication, Univ. Montréal (Canada),
Gaillard Laurent, ingénieur mathématicien, Managua (Nicaragua),
Gatti Uberto, professeur de criminologie, Univ. de Gènes, (Italie),
Gérin André, député du Rhône, maire de Vénissieux

Godefroy Thierry, économiste, CNRS, Guyancourt,
Gravier Bruno, médecin responsable du Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaire du
Canton de Vaud (Suisse),
Grenet Jacques, enseignant Univ. Paris Nord,
Herzog-Evans Martine, maître de conférences en droit, Univ. Paris X Nanterre,
Igelman Marina, étudiante en criminologie, Univ. Paris II Assas,

Jabès Claude, consultant en marketing et communication, Lausanne (Suisse),
Julliot X. responsable région PACA de la fraternité des Prisons,
Kensey Annie, chargée d’études en socio-démographie pénale, Paris,
Killias Martin, professeur de criminologie et de droit pénal, Univ. de Lausanne (Suisse),
Kuhn André, professeur de criminologie et de droit pénal,Univ. de Lausanne (Suisse),

Kunz Karl-Ludwig, professeur, Univ. Bern (Suisse),
Lagandré Véronique, sociologue et démographe, doctorante, Univ. Paris I,
Laganier Juliette, sociologue et démographe, étudiante à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris,
Landreville Pierre, professeur, Ecole de criminologie, Univ. Montréal (Canada),
Le Quang Sang Julie, docteur en sciences politiques, Paris,

Lawrence Anne-Victoire, professeur à Kean University (Etats-Unis),
Leplat François, conseiller technique à la délégation à la sécurité routière, Paris-La Défense,
Lévy René, chercheur au CNRS, Guyancourt,
Lombard Françoise, maître de conférences en droit, directrice adjointe de l’Institut de criminologie, Univ. Lille II,
Loty Laurent, enseignant-chercheur Univ. Rennes 2.

Maestracci Nicole, magistrat, Paris,
Malberg Henri, ancien conseiller de Paris, président de la commission Justice du PCF,
Martin Yves, responsable formation LOGEM Software Engineerin SA, Yverdon (Suisse)
Mary France-Line, socio-démographe, doctorante Univ. Paris V, CNRS,
Marzano-Parisoli Michela, philosophe, chargée de recherches au CNRS, CERSES, Paris,

Morin Christèle, juriste, doctorante Univ. Evry Val d’Essonne,
Mucchielli Laurent, chercheur au CNRS, Guyancourt,
Niggli Marcel, professeur de droit pénal, Univ. Freiburg, Seminar für Strafrecht, (Suisse),
Paris Milko, Paris,
Parisoli Luca, juriste, enseignant-chercheur, Univ. Paris X Nanterre,

Pélissier Pierre, magistrat, Paris,
Peschanski Denis, historien, chercheur au CNRS, Cachan,
Petit Jacque-Guy, directeur du Centre d’histoire des régulations et des politiques sociales, Univ. Angers, CNRS,
Pfefferkorn Roland, sociologue, enseignant-chercheur, Univ. Marc-Bloch Strasbourg,
Près Michel, Paris,

Prigent Yves, chargé de communication, Paris,
Pryen Denis, directeur des Editions L’Harmattan, Paris,
Queloz Nicolas, professeur à la Faculté de droit, Univ. Fribourg (Suisse),
Raynal Florence, journaliste indépendante, Paris
Remillieux Pascal, éditeur, Paris,

Robert Christian-Nils, professeur de criminologie Faculté de droit, Univ. Genève, (Suisse)
Robert Philippe, directeur de recherche au CNRS, Guyancourt,
Roché Sébastian, chercheur au CNRS, Grenoble,
Sacrispeyre Jean, gérant des Editions Erès, Ramonville St Ange
Shäfer Ulrike, thérapeute, Elmshorn (Allemagne),

Selih Alenka, professeur, directrice de l’Institut de criminologie, Ljubjana, (Slovénie)
Serra Teresa, avocate, Servulo Coorreia & Associados (Portugal),
Tella Marisa, conseillère en personnel, SPC, Lausanne (Suisse),
Terrenoire Jean-Paul, sociologue, directeur de recherche au CNRS
Tournier Pierre V, directeur de recherche au CNRS, Guyancourt.

Trabut Charlotte, magistrat, Paris,
Tubex Hilde, Chercheur en criminologie, chargée de cours, Vrije Universiteit, Brussel (Belgique),
Vuille Cédric, cardiologue, Grenolier (Suisse),
Vrga Sandrine, sociologue, doctorante, Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris,
Waller Irvin, professeur de criminologie, Univ. Ottawa, ancien président de la Société mondiale de victimologie (Canada).

[...]

Liste arrêtée au 12 avril 2001.