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KAMO Société Caraïbéenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales

2007 N°5 KAMO : l’irresponsabilité pénale et l’expertise psychiatrique pénale

Mise en ligne : 5 juin 2007

Dernière modification : 6 avril 2008

Texte de l'article :

L’IRRESPONSABILITE PENALE
et
L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE PENALE

Monsieur le Président,

Les sorcières qu’on brûlait autrefois furent souvent des malades mentales. Les progrès des connaissances et la civilisation des m ??urs ont permis la disparition de ces pratiques d’un temps heureusement révolu.

Pourtant, et notamment à l’époque impériale romaine, avec le célèbre rescrit de l’empereur stoïcien Marc-Aurèle, l’impact de la maladie mentale sur la responsabilité d’un délinquant avait été remarquablement décrite et les mesures préconisées s’avéraient d’une justesse que notre contemporanéité semble oublier. Régresserions-nous ?

Si vous envisagez la création d’hôpitaux-prisons, ou si d’ores et déjà les unités d’hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) représentent un projet en cours de réalisation, c’est parce que vous avez remarqué de nombreux malades mentaux dans les prisons. Ce nombre risque d’aller croissant car l’irresponsabilité pénale pour abolition du discernement pourrait être de moins en moins prononcée au détriment d’une altération du discernement qui laisse le sujet punissable, même si les magistrats doivent tenir compte de cette dimension pathologique pour fixer le régime de la peine.

N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime.
Code Pénal. Article 122.1
.

La prise de décision judiciaire est souvent précédée par des avis psychiatriques. Plusieurs rapports officiels récents ont fait état de nombreux problèmes posés par les expertises psychiatriques (mais également psychologiques) ainsi que l’affaire dite d’Outreau. Ces travaux préconisaient tous la tenue d’une conférence de consensus ou d’une audition publique sur ce sujet. La réflexion collective des spécialistes de l’expertise psychiatrique pénale a pris la forme d’une audition publique qui s’est tenue en janvier 2007 au ministère de la santé et dont nous attendons les conclusions. Le passage d’une conférence de consensus à une audition publique indique notamment que l’état des connaissances sur le sujet ne permet pas un niveau de preuves suffisant qui puisse conduire à des recommandations catégoriques.

Monsieur le Président, on ne peut dissocier la réflexion sur le devenir carcéral de sujets délinquants, mais souffrant de troubles mentaux, de la qualité et de la prudence des expertises psychiatriques pénales qui représentent un acte majeur de la procédure pénale et dont l’importance n’a guère besoin d’être soulignée dans un Etat de droit. Les associations d’experts demandent depuis des années un éclaircissement de la situation expertale mais auquel l’Etat semble refuser de répondre. Il vous appartiendra de pouvoir régler avec la diligence que l’on vous connaît, de nombreux contentieux en suspens depuis des années entre diverses administrations et les experts, tandis que les professionnels concernés devront s’efforcer de délimiter le champ de l’expertise au vu des travaux de l’audition publique de janvier 2007.