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USA : Témoignage de Billy Vickers après qu’il ait survécu à son exécution le 9 décembre 2003

Mise en ligne : 9 mars 2004

Dernière modification : 23 janvier 2011

Texte de l'article :

Ce texte a été dicté par Billy Vickers à Hank Skinner après qu’il ait survécu à son exécution le 9 décembre 2003, après avoir attendu jusqu’à minuit (heure de l’expiration de son mandat d’exécution) dans l’antichambre de la mort à la prison de Walls - Huntsville. Billy Vickers a souhaité faire partager son expérience au plus grand nombre.
Billy et Hank avaient des cellules presque mitoyennes et Billy n’ayant plus la force d’écrire, il a demandé à Hank de restranscrire leurs conversations qui retracent les dernières semaines de la vie de Billy entre deux dates d’exécution. Il a été exécuté le 28 janvier 2004.

"TROIS PAS ET DEMI"
Par Billy Frank Vickers, alias "Sonny"

Tout a commencé quand j’ai eu "ma date" en septembre. Jusque-là, tout ça restait très lointain. Maintenant, cela devenait trop réel. C’est comme si un poids incommensurable me tombait sur les épaules. Soudain le calendrier apparaissait de plus en plus gros et chaque numéro prenait une importance énorme. Chaque jour, chaque heure et chaque minute qui s’écoulaient, il y avait ces pensées qui revenaient, comme "bon, je n’aurais jamais sans doute l’occasion de faire ci ou ça (ou voir, entendre, dire, lire, etc.). Chaque chose revêtait un parfum d’oppression définitive. Mon esprit galopait encore et encore et ce pendant des heures et des heures. Au début de chaque jour, je me réveillais en réalisant qu’un autre jour venait de s’écouler.

Je me souviens avoir penser parfois à tous ceux qui sont morts de façons horribles et je me suis surpris à les envier. Pour eux, aussi horrible qu’ait été leur mort, c’est arrivé vite et ça s’est terminé en quelques minutes/moments. Pour moi, ca aura pris un peu plus de 11 ans. Elle a toujours été là, la mort. Mais maintenant elle est juste au-dessus de ma tête, encore à quelques jours de moi. Je ne pouvais pas imaginer comment tenir le coup jusqu’au bout, puis j’ai ri de moi-même et de la démence de cette pensée.

Le jour de mon exécution, je n’ai pas du tout dormi. Je n’arrivais pas à penser de façon cohérente. Tout me semblait une éternité, pourtant je me demandais où partait tout ce temps. Et puis les regrets ont fait surface car je pensais principalement à ma famille et à quel point elle souffre. Je n’arrêtais pas de penser à ce que j’aurais dû dire à ma famille et que j’ai oublié de dire. Les choses que j’aurais dû écrire. Mais maintenant c’est trop tard. Le temps semblait se rapetisser quand j’étais en visite avec eux et que je leur répétais combien je les aime et les adieux.

Ensuite je me suis retrouvé enchaîné et embarqué dans une camionnette et c’était trop tard pour dire quoi que ce soit. Toutes ces pensées et ces regrets se répèteront à l’infini dans ma tête pendant ces heures dans l’antichambre de la mort à attendre ma mort.

Dans cette maison de la mort, je ne pense qu’à ma famille. Je prie pour que d’une façon ou d’une autre, elle soit délivrée de la souffrance et de la douleur pour que je puisse gérer le reste seul, comme mon problème. Puis je me suis surpris à revoir défiler mes pensées lors de mon transfert à Huntsville, tous mes sens étaient tellement exacerbés que cela en était douloureux. J’entends encore les pneus de la camionnette sur la route comme un bruit qui inonde mes oreilles avec chaque voiture qui passe, chaque arbre, chaque maison que nous dépassons. Je me suis dit "Je ne verrais plus jamais cela". Ensuite j’ai commencé à percevoir chaque battement de mon coeur comme si mon oreille était posée dessus. Pourtant ça faisait mal et je ne comprends pas pourquoi il continuait à battre si fort.

Puis mes pensées se sont éparpillées quand le directeur est venu me voir dans ma cellule pour m’expliquer le déroulement des opérations le moment venu. Il pointe en direction d’une porte que je peux voir de ma cellule et me dit qu’il s’agit de la porte d’accès à la chambre d’exécution. Quand l’heure arrivera, ils viendront me chercher. Si je ne peux pas marcher, ils me porteront - mais d’une façon ou d’une autre, c’est là que j’irai. Il me dit que le prêtre va bientôt arriver.

Le prêtre arrive et me dit que lorsque je serais attaché sur la table, il sera là et tiendra ma cheville pour me réconforter.

Alors que ces gens me parlent, je sais que ce sont des gens mais ne même temps je les perçois autrement, en mal. Pendant que ces pensées lancinantes me turlupinent, tout semble s’assombrir alors que nous sommes au milieu de la journée et qu’il y a de la lumière partout. Puis je visualise la porte derrière laquelle l’ambulance attendra pour récupérer mon corps et tout me revient en pleine face , "ça y est". Il n’y a pas de mots pour décrire la tension que je ressens alors que je prie qu’ils se dépêchent pour qu’on en finisse.

Chaque fois qu’un son de talkie-walkie me ramène à la vie, une porte qui claque, un téléphone qui sonne, je sursaute comme si je sortais de mon propre corps. Cela dure pendant presque 6 heures. Le prêtre me dit que si j’entends des bruits dans la pièce derrière, je ne dois pas m’inquiéter, c’est juste l’équipe d’exécution qui se met en place et que je ne dois pas "m’alarmer" (ils sont juste en train de se préparer pour te tuer, pas de quoi s’inquiéter ! HWS). Ils m’ont tenu "alarmé" pendant ces longues heures de torture.

J’ai parlé un peu avec le prêtre pendant que je faisais les cent pas dans ma cellule. Je me dis que je vais avoir un infarctus avant qu’ils ne viennent me chercher pour m’allonger sur cette croix horizontale et me mettre des aiguilles dans les bras au lieu des clous. Ça fait deux heures que j’ai des sueurs froides. Je n’arrive pas à penser. Je marche, encore et toujours, trois pas et demi. Je ne me souviens d’aucun détail ou sujets que le prêtre a dû aborder, juste un paquet de mots.

Je mange un peu de mon dernier repas, mais rien n’a de goût. Je regarde le repas dans l’assiette et constate qu’il en manque une partie.

Six heures arrivent. Rien. Je continue à déambuler, encore et encore ces trois pas et demi. Sept heures, huit heures, toujours la même chose. Ma bouche est tellement désséchée que rien ne pourrait l’humidifier. Je sais qu’ils vont ouvrir cette porte à tout moment et que je vais faire face à cette table et à ces aiguilles. Ça y est.

Chaque fois que je cligne de l’¦il pour faire tomber les gouttes de sueur, je la vois qui s’ouvre cette porte, enfin c’est ce que je crois voir.

Neuf heures. Je déambule toujours. Je n’en peux plus ! Je ne peux pas y échapper. "Mon Dieu", je prie, "qu’on en finisse, d’une façon ou d’une autre mais qu’on en finisse". J’ai l’impression que mon esprit est éclaté par le stress dans des millions de directions et ce n’est plus qu’un morceau de gruyère plein de trous.

Dix heures. Je marche encore et toujours. Je sais que mes avocats sont en train de déposer des recours et je veux avoir l’espoir, mais cette porteŠŠ. J’y crois, si un sursis avait été accordé, on le saurait déjà.

Onze heures - Je tourne en rond. Tout mon corps va exploser et se réduire en brumes. Ça ne peut pas être vrai.

Minuit moins dix. Je suis tellement déphasé et confus que ce méli-mélo de pensées brouille mon esprit et que tout me semble n’être que bruit. Ils me disent que c’est trop tard, qu’ils ne peuvent plus me tuer. Ils me demandent de préparer mes affaires pour retourner à Polunsky. Je ne comprends rien. Je devrais déjà être mort. Je me souviens à peine du retour, je n’arrive pas à marcher droit.

Les jours suivants je me suis senti vraiment bizarre, comme si j’étais dans l’espace, hors du temps et de la réalité. Je ne parviens plus à penser, je n’arrive pas à croire que je suis encore là. Ils ont laissé le mandat d’exécution expirer. Je pense qu’ils devraient me laisser la vie sauve. Je n’ai eu qu’un seul jeu d’appels, alors ils ne devraient pas avoir une deuxième occasion de m’exécuter, non ? Il n’y avait aucune raison juridique, ils ont juste raté leur coup. Peut-être devrais-je m’estimer chanceux, mais je me sens trompé et maudit. Je ne peux même pas être exécuté correctement ! Pourtant je suis reconnaissant et heureux d’être en vie, juste pour ma famille. Ma plus grande inquiétude est de les imaginer endurer tout cela avec moi, à cause de moi.

La semaine dernière, j’ai appris par mon avocat que j’avais une nouvelle date d’exécution. Le 28 janvier, 2004, il va falloir remettre ça. Je n’y crois pas. Je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir dire à ma femme et à mes enfants. Je reste assis dans ma cellule, je tente de comprendre et je pleure. Je crois n’avoir jamais versé autant de larmespendant autant de jours d’affilée ou avoir eu le c¦ur déchiqueté à ce point. Il n’existe pas de mots pour décrire ces sensations. Maintenant le cauchemar recommence, je n’arrive pas à y croire. Je ne sais qu’il n’y aura pas d’autre fois ce coup-ci.

Par Billy Frank "Sonny" Vickers

H.W. Hank SKINNER
3872 FM 350 South
Livingston
TX 77351-8580

http://www.hankskinner.org