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Ministère de la Justice

Unites de vie familiale - Communiqué du Ministère de la Justice

Mise en ligne : 3 novembre 2003

Texte de l'article :

Paris, le 29 septembre 2003
UVF
COMMUNIQUE DE SYNTHESE

Dominique Perben, ministre de la Justice, annonce l’ouverture des premières unités expérimentales de visite familiale

Dominique Perben annonce officiellement, le 29 septembre 2003, le lancement de l’expérimentation de dispositifs de rencontres prolongées entre des personnes incarcérées et leur famille.
Le 26 septembre 2003, une personne détenue du centre pénitentiaire de Rennes a accueilli pendant plus de six heures, les membres de sa famille dans une unité expérimentale de visite familiale (UEVF). Deux autres établissements pénitentiaires ouvriront des dispositifs du même type en 2004 : les maisons centrales de Poissy et de Saint-Martin-de-Ré.
L’administration pénitentiaire expérimente ainsi une nouvelle forme de maintien des liens familiaux des personnes incarcérées. Dans ces trois établissements pilotes, les condamnés à de longues peines, ne bénéficiant pas de permission de sortie, pourront recevoir leur famille dans les UEVF pour une durée variant de 6 heures à 72 heures.
Au centre pénitentiaire de Rennes, ce sont trois appartements de type F3 qui ont été construits dans l’enceinte de la prison. Un règlement intérieur en prévoit les modalités de fonctionnement et notamment, limite le nombre de personnes pouvant y être accueillies.
Les membres de la famille proche ou élargie, les personnes justifiant d’un lien affectif solide, tous titulaires d’un permis de visite délivré par le chef d’établissement, sont susceptibles de rencontrer dans ces conditions une personne condamnée à une longue peine et ne bénéficiant pas de permission de sortie.
L’administration pénitentiaire se doit d’assurer la sécurité des personnes détenues mais aussi de leurs visiteurs. Différents dispositifs ont été prévus pour que ces locaux sans surveillance directe, puissent faire l’objet d’une intervention rapide si nécessaire.
L’évolution de la société à l’égard de la prison a conduit l’administration pénitentiaire à une évolution constante de ses structures. Les personnels pénitentiaires ont su s’adapter et innover dans la prise en charge des personnes incarcérées. Ils peuvent aussi s’appuyer sur un programme de formation spécial dispensé par l’ENAP (Ecole nationale d’administration pénitentiaire). Un bilan de l’expérimentation sur Rennes sera réalisé au premier semestre 2005, et pour celles conduites à Poissy et Saint-Martin-de-Ré, un bilan sera fait à la mi 2006. 

Les UEVF
Unités expérimentale de visites familiales
Centre pénitentiaire de Rennes
Lundi 29 septembre 2003

Les premières unités expérimentales de visites familiales sont rennaises
Le 26 septembre 2003, les unités expérimentales de visite familiale (UEVF) du centre pénitentiaire de Rennes ont accueilli les premières rencontres prolongées en détention d’une personne détenue avec plusieurs membres de sa famille.
A l’instar d’autres pays (Danemark, Ecosse, Finlande, Pays-Bas, Suisse, Espagne, Canada) où ils sont pratiqués, l’administration pénitentiaire française a souhaité expérimenter ces dispositifs qui permettent aux personnes incarcérées de rencontrer leur famille et de partager des moments d’intimité, durant plusieurs heures sans surveillance sur trois sites : le centre pénitentiaire de Rennes, la maison centrale de Poissy et la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré.
Ces trois établissements pénitentiaires qui accueillent des femmes à Rennes et des hommes à Saint-Martin-de-Ré et à Poissy, ont pour caractéristique commune de prendre en charge des détenus longues peines, ne bénéficiant pas, pour la plupart, de permission de sortir et dont la famille, souvent éloignée, ne peut multiplier des visites-parloirs à durée très limitée.
C’est en juin 1995, qu’un groupe de travail chargé de réfléchir à l’opportunité d’un tel projet rend ses conclusions : « Il est donc proposé l’instauration dans les établissements pénitentiaires de lieux privatifs permettant à la famille, dont l’un des membres est détenu, de vivre intra-muros pendant un certain temps toutes les dimensions de la vie familiale, de la préparation de ses repas à un sommeil partagé en passant par des rapports amoureux ».
Huit ans après, ces recommandations se sont concrétisées : le centre pénitentiaire de Rennes devancera les maisons centrales de Poissy et de Saint-Martin-de-Ré de quelque six mois pour donner le coup d’envoi d’une expérience humaine originale.
Les UEVF : pour les longues peines qui n’ont pas de permission de sortie
Les réflexions menées depuis de nombreuses années autour du sens de la peine de prison ont naturellement conduit à faire évoluer les modalités de prise en charge des personnes incarcérées : conditions de détention, accès aux droits, aux soins, à l’enseignement, aux activités culturelles et sportives, maintien des liens familiaux. Le « milieu fermé » ainsi qu’en jargon judiciaire sont désignés les établissements pénitentiaires [1], s’est de plus en plus ouvert aux intervenants et professionnels d’autres institutions publiques et associatives qui ont apporté leur savoir-faire pour améliorer les conditions d’incarcération des personnes détenues.
Ainsi, il a semblé indispensable de poursuivre les opérations menées depuis de nombreuses années pour privilégier le maintien des liens familiaux des personnes détenues, comme l’un des meilleurs garants de leur réinsertion : suppression des dispositifs de séparation dans les parloirs, prises de rendez-vous facilitées, abris et salles d’attente pour l’accueil des familles. Parallèlement, l’administration pénitentiaire favorise les actions des associations et collectivités publiques qui interviennent sur cet aspect relationnel. Ainsi, le Relais enfants-parents dont les actions s’articulent autour de la relation entre l’enfant et le parent incarcéré, a pu, dans de nombreux établissements, aménager des parloirs spécifiques pour ces rencontres : espace décoré, mobilier adapté et jouets pour les enfants.
Les UEVF testent une nouvelle voie dans ce domaine, puisqu’elles permettront à des personnes condamnées à de longues peines, ne bénéficiant pas de permission de sortie, de recevoir pour une durée qui pourra varier de 6 heures à 72 heures, dans des conditions matérielles et d’intimité satisfaisantes, tous les membres de leur famille.
 
Un trois pièces pour recevoir sa famille en prison
Le centre pénitentiaire de Rennes dispose donc de trois UEVF (unités expérimentales de visite familiale). Concrètement, ce sont des appartements de type F3, entièrement meublés, qui sont ainsi mis à la disposition des personnes détenues qui en font la demande (et qui ne bénéficient pas de permission de sortie) pour leur permettre de recevoir leur famille.
Situées dans l’enceinte du centre pénitentiaire mais en dehors de la détention proprement dite, les UEVF sont composées :
 D’un séjour avec coin cuisine,
 De deux chambres (l’une avec lit double, l’autre comportant deux lits simples)
 Une salle de bain
 Des toilettes séparées
 Une terrasse et un jardinet.

L’une d’elles est adaptée pour le séjour de personnes handicapées.
Si ces rencontres s’effectuent sans surveillance directe ni caméra, un règlement intérieur en détermine le fonctionnement. Notamment, il limite le nombre de personnes pouvant être accueillies (quatre au CP de Rennes). Chaque appartement est en outre équipé d’un interphone et d’une alarme pour qu’une intervention rapide des personnels puisse être déclenchée en cas de problème (malaise, accident…).
Contrairement à la croyance populaire, il n’est pas possible d’apporter en prison des denrées alimentaires. Dans le cas des UEVF, la règle est la même et les détenus visités doivent commander à l’établissement les produits qui serviront à la confection de leurs repas. C’est déjà un retour à la vie sociale pour la personne détenue qui devra prévoir la composition des repas pour ses visiteurs.

Des visites prolongées pour maintenir le lien familial
Les visites dans les UEVF sont autorisées une fois par trimestre. Elles peuvent durer de 6 heures à 48 heures. Une fois par an cette durée pourra être portée à 72 heures.
Pour bénéficier de rencontres dans les UEVF, il faut en faire la demande au chef d’établissement. Dans tous les cas, pour être autorisées, ces visites auront fait l’objet d’un accord écrit de la personne détenue et des visiteurs.
Ceux qui peuvent recevoir des visites en UEVF sont :

Les condamnés définitifs ne bénéficiant pas de permission de sortie ou d’autres aménagements de peine garantissant le maintien des liens familiaux, affectés dans un des trois sites pilotes (CP Rennes, MC de Poissy ou de St-Martin-de-Ré).

Ceux qui peuvent rencontrer un condamné répondant à ces critères sont :
-Les membres de la famille proche, justifiant d’un lien de parenté juridiquement établi (le conjoint, les personnes pacsées, les enfants légitimes, naturels ou adoptifs, le père et la mère, les frères et sœurs),
-Les membres de la famille élargie, justifiant d’un lien de parenté juridiquement établi (cousins, cousines, oncle, tante, grands-parents…),
-Les personnes ne justifiant pas d’un lien de parenté juridiquement établi mais pour lesquelles un faisceau d’indices sérieux permet d’attester d’un véritable et solide lien affectif avec la personne incarcérée dans le cadre d’un projet familial.

Les personnes qui remplissent une des trois conditions ci-dessus doivent en outre être titulaires d’un droit de visite (délivré par le chef d’établissement, il ne peut être refusé aux membres de la famille ou tuteurs que pour des motifs liés au maintien de la sécurité ou au bon ordre de l’établissement).
Pour avoir accès aux UEVF, visiteurs et visités auront dû s’entretenir au préalable avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Ces entretiens permettent de constituer le dossier et d’informer les utilisateurs des modalités et du fonctionnement du dispositif. La personne détenue ne bénéficie pas d’un droit systématique aux UEVF. La demande devra être renouvelée auprès du chef d’établissement. Un refus d’accès à ce dispositif doit être motivé.

Sécurité assurée pour visiteurs et visités
L’administration pénitentiaire se doit de garantir la sécurité des personnes qu’elle accueille tant durant leur incarcération que durant leurs visites ou interventions.
C’est pourquoi, un certain nombre de dispositions ont été prises pour que les personnes séjournant dans ces lieux, situés dans l’enceinte pénitentiaire mais hors détention, soient assurées d’une protection suffisante.
Des rondes extérieures sont effectuées par les personnels pénitentiaires qui pourront aussi exercer des contrôles dans les UEVF, après en avoir prévenu les occupants.
En cas de problème ou d’incident dans l’UEVF, les familles peuvent alerter les agents par l’interphone. L’effraction des portes ou fenêtre déclenche une alarme.
Ainsi les visiteurs sont soumis au passage sous portique de détection et leurs bagages sont contrôlés.
Enfin, les mineurs ne peuvent rester sans la présence d’un adulte autre que la personne détenue dans l’UEVF.
La personne détenue étant responsable des lieux mis à sa disposition, elle est la première à s’y installer pour en vérifier l’état et accueillir ses visiteurs. Elle sera la dernière à les quitter après qu’un état des lieux ait été réalisé en sa présence.

Des personnels pionniers mais formés
L’organisation actuelle des parloirs, sans dispositif de séparation, a semble-t-il créé des frustrations pour les utilisateurs, parce que, soumis aux mêmes règles que les lieux publics, ces espaces collectifs obligent à des rapports affectifs limités. Les agents, chargés de réprimer certains comportements contraires à la pudeur, se trouvent alors placés dans une situation humainement délicate.
Si l’objectif des UEVF n’est pas de résoudre la question de la sexualité en prison, il est indéniable que leur ouverture représente une nouvelle voie dans ce domaine. Mais c’est aussi la première exception à la règle fondamentale de l’administration pénitentiaire qui veut que les personnes détenues soient potentiellement toujours placées sous la surveillance des fonctionnaires chargés de les contrôler.
C’est pourquoi, les agents appelés à travailler dans les UEVF, reçoivent une formation d’adaptation pour exercer leurs fonctions dans ces nouvelles structures portant sur les points suivants :
-Création et philosophie des UEVF
-Politique du maintien des liens familiaux
-Approche psychologique et sociologique concernant les détenus et leur intimité
-Approche psychologique et sociologique des liens parentaux
-Cadre juridique (présentation de la circulaire et du règlement intérieur)
-Aspects techniques, selon la catégorie professionnelle, de l’organisation des visites (de l’accueil téléphonique à l’analyse des situations).

Le temps de cette expérimentation, fixé à 18 mois, leur permettra d’inventer de nouveaux savoirs-faire et les transmettre pour encore les faire évoluer. L’ENAP (Ecole nationale d’administration pénitentiaire) a suivi le démarrage du projet UEVF et enclenché une recherche-action dès juillet 2002 afin de préparer les premiers modules de cette formation. Cette analyse se poursuivra durant les mois à venir pour constituer un état des lieux, évaluer les évolutions, les adapter aux futures formations et aussi tirer un bilan avant d’envisager une éventuelle généralisation du dispositif.

Contact presse : Martine Leguedey Tel. 01 49 96 28 15 
© Ministère de la justice - septembre 2003

 

Notes:

[1En opposition au « milieu ouvert » qui concerne la prise en charge des peines alternatives à l’incarcération (TIG, libération conditionnelle, sursis avec mise à l’épreuve, contrôle judiciaire…)