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> Edito

Un tiers de personnes présumées innocentes en prison

Mise en ligne : 27 mai 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

Il y a presqu’1 an (le 6 juin 2006), l’assemblée nationale enregistrait le rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement ; l’un des axes de ce rapport est une réflexion sur sur le recours à la détention provisoire.

 La part des personnes prévenues dans la population écrouée est de 31 % au 1er mars 2007 (source : statistique mensuelle de la population écrouée et détenue en France). Ce chiffre est globalement stable. En comparaison avec les autres pays d’Europe, la France se situe dans la moyenne. Les pays d’Europe où la détention provisoire est la moins courante sont l’Angleterre et le Pays de Galle (avec moins de 20% de la population écrouée). La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si la personne mise en examen encourt une peine criminelle ou une peine correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement, ou si la personne se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire. En outre, la durée moyenne de la détention provisoire est également un indicateur pertinent d’évaluation de cette disposition. En France, cette durée suit, depuis les années 1970 une tendance à l’augmentation.

 Pourtant, l’article 137 du code de procédure pénale (CPP) stipule que "La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs, elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire." Il est bien question d’exception ; mais cette exception, sans devenir la règle, devient en tout cas une réponse courante, refusant ainsi de mettre en œuvre les alternatives possibles à une détention provisoire. La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, a introduit plusieurs réformes, comme la possibilité de l’appel en matière criminelle ou la protection de la présomption d’innocence des personnes mises en cause par une procédure judiciaire. A cet égard, le juge des libertés et de la détention, distinct du juge d’instruction, prend désormais la décision de placement en détention provisoire. La durée maximale possible de détention provisoire est de 4 ans (pour certaines catégories d’infractions). Les durées maximales sont applicables jusqu’à l’ordonnance de mise en accusation ; reste ensuite le temps d’attente du jugement. En dépit de l’article 137 du CPP, en dépit de la loi du 15 juin 2000, en dépit également des conclusions du rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau, il est encore fait un recours trop systématique à la détention provisoire.

 La détention provisoire n’est pas un mal nécessaire ; elle est une contradiction entre le statut de personne présumée innocente et ce qu’implique, de fait, l’incarcération, en terme d’atteinte aux libertés. Ce d’autant plus que les conditions d’incarcération en maison d’arrêt sont préoccupantes, notamment en terme de surpopulation et d’impossibilité de communication avec l’extérieur. Faire de la détention provisoire une réelle exception permettrait de reconnaître véritablement la présomption d’innocence et contribuerait à résorber au moins en partie la surpopulation chronique des maisons d’arrêt.

La rédaction
Ban Public
Mai 2007