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République de Turquie

Capitale : Ankara
Nature du régime : parlementaire monocaméral
Nature de l'État : république centralisée
PNB par habitant(e) en dollars : 3 160
Population du pays : 65 900 000
Population carcérale totale : 47 635 en 1998
Population carcérale féminine : nc
Taux pour 100 000 habitant(e)s : nc
Prévenues : nc Condamnées : nc
Ministère de tutelle : ministère de la Justice
Peine de mort : abolie en pratique

La torture est pratiquée dans le but d'extorquer des aveux et des informations sur des organisations illégalesou de sanctionner un soutien présumé à celles-ci. Les conditions d'hygiène, d'alimentation et de soins médicaux sont médiocres. La quasi-totalité des détenues n'a pas accès au travail, aux formations ni aux activités.

L'article 8 de la Constitution prévoit une peine de 3 ans d'emprisonnement pour toute apologie du “séparatisme”.
Dans les 6 provinces placées sous état d'urgence dans le sud-est de la Turquie, les personnes arrêtées pour des crimes et délits qui sont du ressort des cours de sûreté de l'État peuvent être détenues en garde à vue jusqu'à 15 jours. Pour les autres régions, la durée de cette garde à vue est de 7 jours.
Pour des cas individuels, la personne doit être déférée devant le juge dans les 48 heures suivant son arrestation. La durée maximale pour ouvrir un procès contre une personne inculpée est limitée à 4 mois après son inculpation. Cette limitation est introduite dans la législation par une loi du 6 mai 1998. Aucune limite n'existait avant cette date.

La peine de mort est toujours inscrite dans la loi. Des personnes continuent d'être condamnées à la peine capitale. La dernière exécution date de 1984.

Le chiffre exact de la population carcérale féminine n'est pas connu. Les femmes sont détenues dans des parties séparées dans les prisons pour hommes.
En octobre 1997, 43 femmes sont détenues à la prison d'Izmir, 33 se trouvent à la prison de Mersin (type E), 11 à la prison fermée d'Ünye.
Dix mineures sont incarcérées à l'établissement pour mineur(e)s d'Izmir.

De très nombreuses exécutions extrajudiciaires sont commises par les forces de sécurité. De sources non officielles, 26 532 membres du pkk, 5 185 membres des forces de sécurité et 5 209 civils sont morts dans le conflit kurde, de 1984 à novembre 1997.
Andrea Wolf, 33 ans, de nationalité allemande, engagée dans la lutte armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (pkk), décède dans des circonstances douteuses, le 22 octobre 1998. Ses compagnons déclarent qu'elle aurait été arrêtée, interrogée et abusée par des officiers turcs avant d'être exécutée “de sang froid” à Keles, une localité de l'est du pays.

Des militantes d'extrême gauche ou des Kurdes sont souvent victimes de détentions arbitraires et illégales. Le Code de procédure pénale prévoit un enregistrement rapide et en bonne et due forme des détentions ainsi que la notification aux familles. Ces dispositions ne sont presque jamais respectées. La durée de la garde à vue peut être considérablement prolongée.
Ayse Aslan et sa fille de 12 ans, Muhabet, sont non officiellement privées de liberté, le 30 janvier 1996. Les parents d'Ayse Aslan n'ont aucune information sur le lieu de leur détention. La détention arbitraire d'Ayse Aslan, ainsi que celle de sa fille, dure jusqu'au 20 mars 1996, date à laquelle elle est officiellement reconnue. Les autorités confirment qu'elles seront traduites devant la cour de sûreté de l'État de Diyabakir. Elles sont détenues en attendant leur procès à la prison de Batman.

Les détenues politiques ou d'opinion sont la plupart du temps des Kurdes membres supposés du pkk, des militantes de partis d'extrême gauche, des militantes des droits de la personne, des journalistes et des écrivains.
Une vague d'interpellations de responsables, de membres et de sympathisant(e)s du HEDP, parti démocratique populaire dont la majorité des adhérents sont kurdes, débute le 22 juillet 1999. Des femmes figurent parmi les personnes arrêtées : Hanim Köker, membre du Comité des femmes du hadep, Dilek Demiral, secrétaire générale de l'Union des fonctionnaires (KESK), Kilek Demiral, Fatma Kurtulan et Fatma Nedim Vargün. Ces personnes sont arrêtées sous le coup de la loi antiterroriste.
Depuis 1991, plus de 100 membres du hadep et des mouvements auxquels il a succédé sont morts des suites de tortures, ont “disparu” ou ont été victimes d'exécutions extrajudiciaires.
Zeynep Baran, présidente de la Fondation pour la solidarité envers les femmes kurdes, est condamnée en 1998 à 2 ans de prison pour avoir publié une brochure présentant son organisation.
Leyla Zana, élue députée de Diyarbakir en octobre 1991, est condamnée à 15 ans de prison en 1994 pour son action en faveur des droits de la personne et de la reconnaissance du peuple kurde. Première femme kurde élue députée au parlement de son pays, elle est arrêtée après avoir fait une déclaration en langue kurde au parlement. Elle est détenue, seule dans une cellule, à la prison centrale d'Ankara. La lumière de sa cellule reste allumée 24 heures sur 24.

Les mauvais traitements et les actes de torture sont pratiqués de manière systématique dans l'ensemble du pays. Ces actes sont encore plus fréquents dans les 10 régions du Kurdistan turc. La juridiction d'exception qui y sévit depuis 1987 encourage le recours à la torture. Fréquemment condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, la Turquie a fait l'objet de 2 “déclarations publiques” du Comité contre la torture (CPT), ce qui représente une sanction exceptionnelle.
Ces déclarations (1992 et 1996) soulignent que le recours à la torture et aux mauvais traitements sont chose courante dans les locaux de police turcs. Les méthodes de torture recensées par la Fondation turque des droits de l'homme consistent notamment à passer les victimes à tabac, à les dénuder entièrement et à bander leurs yeux, à les exposer à un jet d'eau glacé sous haute pression, à les pendre par les bras et les poignets attachés dans le dos, à leur infliger des décharges électriques, à leur assener des coups sur la plante des pieds, à les menacer de mort et à leur faire subir des violences sexuelles. Les victimes de tortures et leurs familles, ainsi que les défenseurs des droits humains qui luttent pour que cessent les violences, sont harcelés et intimidés. Les médecins qui rédigent des rapports précis sur des lésions résultant de tortures subissent le même traitement. Le taux d'acquittement des membres des forces de sécurité contre lesquelles des poursuites sont engagées est compris entre 88 % et 97 %, en 1999.
Les “mères du samedi”, proches des personnes “disparues”, qui depuis plusieurs années manifestaient silencieusement chaque samedi dans le quartier de Galatasaray, à Istanbul, ont cessé de se rassembler en mars 1999. Depuis août 1998, elles n'ont pas cessé de faire l'objet de mesures de harcèlement, de détention et de mauvais traitements de la part de la police. Hanim Tosun, dont l'époux avait “disparu”, affirme avoir été frappée à coups de matraque, de pied et de poing lors de son arrestation durant l'une de ces manifestations en septembre 1998. Elle a été emmenée dans un véhicule de police en compagnie d'autres personnes. Une séquence vidéo montre des policiers en train de pulvériser du gaz poivré dans le véhicule avant d'en fermer les portières, acte potentiellement mortel. À la suite de cet incident, Hanim Tosun et 30 autres personnes doivent être conduites à l'hôpital pour recevoir des soins.
Filiz Celik affirme avoir été torturée en détention pendant qu'elle était enceinte. Son bébé est mort-né en juillet 1999 dans une prison d'Istanbul.
Duygu Senem, qui aurait été battue durant sa détention au poste de police d'Istanbul en avril 1998, affirme que la police a confisqué son rapport d'examen médical.
Cinq policiers de la section antiterroriste d'Istanbul sont accusés en 1997 d'avoir torturé Gulderen Baran pendant un interrogatoire en 1995.
La journaliste Hatun Temizalp a été détenue pendant 7 jours en mars 1997, à la section antiterroriste d'Istanbul. Selon son témoignage, les policiers qui l'ont interrogée l'auraient injuriée, menacée et partiellement déshabillée. Ils lui auraient attaché les deux bras à un bâton. Deux personnes l'auraient saisie, l'auraient fait monter sur une chaise, l'auraient pendue au plafond et auraient retiré la chaise. Mme Temizalp aurait subi ce traitement à plusieurs reprises. Sous l'effet de la douleur, elle aurait perdu connaissance. Selon un rapport de radiographie, ce traitement lui aurait fracturé une omoplate. Conduite devant un juge, Mme Temizalp a déclaré avoir été torturée et a déposé plainte.
Sevgi Kaya, 15 ans, est arrêtée en février 1996 à Istanbul. Elle est accusée d'appartenir à une organisation interdite. Détenue au secret, elle est torturée pendant 12 jours. Les policiers la battent puis la déshabillent. Ils lui attachent les mains avec une corde reliée à une poutre, la hissent par les bras et la menacent de mort.
Zehra Aydin, professeure stagiaire, est arrêtée à son domicile, le 11 juin 1996. Elle est transférée dans le service des soins intensifs de l'hôpital de Diyarbakir, après quelques jours de détention.
Döne Talun, âgée de 12 ans, est arrêtée à Ankara, en 1996. Elle se plaint d'avoir été battue et d'avoir subi des décharges électriques pendant les 5 jours passés au siège de la police d'Ankara pour interrogatoire. Les policiers nient l'avoir arrêtée. Les rapports rédigés par des médecins corroborent les accusations de torture formulées par Döne Talun.

Les détenues sont fréquemment victimes de violences sexuelles et violées. Elles sont soumises à des contraintes de prostitution. Des tests de virginité sont effectués, bien qu'ils soient officiellement bannis des interrogatoires policiers par une nouvelle réglementation entrée en vigueur en octobre 1998. Selon l'Association des médecins turcs, des examens gynécologiques forcés sont pratiqués avec pour seul but le viol de l'intimité de la femme détenue. Des tortures sexuelles sont également pratiquées, comme l'envoi d'un jet d'eau glacé ou l'introduction de divers objets dans le vagin. Des personnes détenues peuvent être victimes de harcèlement sexuel devant leur conjoint(e).
Medine Oncel, âgée de 22 ans, saute d'une fenêtre en août 1999 pour éviter d'être de nouveau mise en détention par la police antiterroriste. Sa famille affirme qu'elle a été sévèrement battue et violée pendant sa détention de 10 jours en novembre 1998 dans un centre de détention.
Une fille kurde âgée de 16 ans et Fatma Deniz Palatto, âgée de 19 ans, sont détenues et torturées pendant 5 et 7 jours respectivement en mars 1999 au poste de police d'Iskenderun. Elles doivent rester nues pendant des heures, debout, dans des positions épuisantes. La fille plus jeune est exposée à des harcèlements verbaux et sexuels. Elle reçoit à plusieurs reprises des coups sur ses organes génitaux, ses seins et autres parties du corps. Elle est suspendue par les bras et arrosée avec de l'eau froide sous pression.
Cinq femmes sont détenues incommunicado pendant 5 jours en mai 1998 à Istanbul. Elles auraient été battues, auraient dû rester debout pendant des heures et auraient été victimes de harcèlement sexuel. Aynur Tokluoglu aurait été fouillée à nu et aurait été suspendue par les bras attachés derrière le dos.
En septembre 1997, la Cour européenne des droits de l'homme estime que les forces de sécurité turques avaient effectivement torturé Sükran Aydin, alors qu'elle se trouvait au siège de la gendarmerie de Derik, en 1993. Sükran Aydin, âgée de 17 ans au moment des faits, a été violée, exhibée nue et rouée de coups.

La séparation entre les femmes et les hommes détenus est effective.
Les mineures incarcérées peuvent faire l'objet d'une instruction judiciaire. Celle-ci porte sur leurs antécédents familiaux, leur situation sociale, leur éducation et leur scolarité. Les mineures en conflit avec la loi, âgées de 11 à 15 ans au moment des faits, et celles qui ont moins de 18 ans au moment où est prise la décision de les sanctionner, doivent légalement être envoyées dans un centre pour mineures. Dans les faits, des mineures et des majeures sont parfois détenues ensemble. Leurs conditions de détention sont similaires.

La quasi-totalité des établissements récents sont des prisons à régime spécial, destinées aux personnes détenues pour motif politique. Appelées de type M, L ou E, ces prisons sont éloignées des villes et ne sont pas d'accès facile pour les familles. Deux à trois femmes y sont placées par cellule. Trois centres d'éducation surveillée et une prison pour femmes et mineures reçoivent des filles. Tous les établissements réservés aux mineures sont surpeuplés.
La prison d'Izmir se situe dans une banlieue résidentielle de la ville de Buca. Elle est mise en activité en 1960. Elle accueille des personnes prévenues ou condamnées.
L'établissement de Mersin (type E) est situé à environ 5 km, par l'autoroute, des villes de Mersin et Adana. Ses trois bâtiments ont été construits en 1982. Les femmes et les mineures sont détenues dans le bloc B, qui est aussi le bloc médical et celui des activités.
La prison fermée d'Ünye est à la périphérie de la ville d'Ünye. C'est un bâtiment de 2 étages qui reçoit des personnes détenues de droit commun.

Les cellules sont fréquemment surpeuplées. La lumière peut rester allumée 24 heures sur 24. L'aération des cellules est insuffisante. De nombreux parasites sont présents.
L'éclairage et la ventilation dans la prison d'Izmir sont médiocres. Les cellules contiennent des lits superposés à 3 étages, parfois si rapprochés que l'espace de passage est restreint. Les détenues rangent leurs vêtements dans des casiers ou les accrochent aux montants des lits. Des parties de l'établissement ont été divisées en cellules de 7,7m2. Ces cellules contiennent une ou deux personnes, mais sont équipées pour en recevoir trois. Elles disposent de lits et d'un coin toilette à demi-séparé avec un bassin pour se laver et un w-c, en très mauvais état en 1997.
La prison de Mersin (type E) comprend, au premier étage du bloc B, deux dortoirs et une grande cellule réservés aux femmes. En 1997, le premier dortoir, d'une superficie de 35 m2, compte neuf femmes et un enfant. Le second dortoir, d'une superficie de 55 m2, compte 24 femmes et quatre enfants.
Les cellules de la prison d'Ünye sont équipées de lits, de tables, de chaises et de casiers. Elles sont plutôt propres. Les prisonnières font des efforts pour décorer leur cellule.

L'alimentation n'est ni équilibrée ni suffisante en quantité. Les menus manquent de vitamines. Les féculents constituent l'essentiel du repas. Les régimes spécifiques ne sont pas pris en compte par l'administration, même ceux liés à des motifs de santé. Les détenues dépendent des produits que leurs familles apportent. Les produits alimentaires cantinables sont de mauvaise qualité et leurs prix sont dissuasifs. Des cas sont rapportés où le personnel de surveillance s'emploie à rendre immangeables les aliments apportés au cours de visites.
Les repas de la prison d'Izmir sont variés chaque semaine. Les détenues peuvent cuisiner et se préparer du thé ou du café dans le réfectoire. Le matériel est délabré et usagé.
Beaucoup de personnes détenues dans la prison de Mersin (type E) se plaignent de la mauvaise qualité et de la monotonie des repas. La cuisine est mal équipée.

Les conditions d'hygiène sont très mauvaises. L'eau accessible n'est pas toujours potable. Les toilettes et les douches sont en nombre insuffisant et souvent en mauvais état. L'administration pénitentiaire ne distribue que très parcimonieusement les produits sanitaires aux détenues.
Chaque unité de la prison d'Izmir comprend deux w-c, deux lavabos et une douche. La plupart des équipements nécessitent une réparation, en 1997. Les détenues ont accès aux douches une fois par semaine. Elles lavent elles-mêmes leur linge et leurs draps.
Des personnes détenues à la prison de Mersin (type E) contestent le manque d'hygiène, en 1997. Elles réclament davantage de savon, aucune distribution n'ayant eu lieu pendant au moins 3 mois. Seul le nettoyage des draps des mineur(e)s incarcéré(e)s, des malades et des nouvelles arrivantes est assuré, les autres détenues devant l'effectuer elles-mêmes. Des rats et des cafards sont signalés dans les cellules.

Les soins, même les plus élémentaires, dispensés dans les prisons sont insuffisants. Les médicaments prescrits ne sont pas toujours distribués. Tous les établissements ne bénéficient pas de la présence d'un médecin. Les détenues doivent alors être prises en charge par des organisations de santé extérieures. Les médecins spécialisés et les psychologues sont peu nombreux. Des obstacles administratifs provoquent des retards importants pour les transferts de détenues vers les hôpitaux publics. Les détenues sont menottées, souvent de façon trop serrée, lors des transferts. Des malades dissimulent leur état par crainte des mauvais traitements qui ont lieu pendant les transferts. Les détenues hospitalisées sont menottées ou enchaînées à leur lit pendant la totalité de leur séjour. Des gardes sont présent(e)s pendant les examens. Les détenues en stade final d'une maladie ne bénéficient pas systématiquement d'une libération anticipée.
La confidentialité des dossiers médicaux n'est pas toujours respectée, les feuilles de prescriptions médicales pouvant être transmises du médecin au directeur de la prison sans enveloppe.
Trois médecins travaillent à la prison d'Izmir. Un(e) psychiatre et un(e) ophtalmologue interviennent deux fois par semaine. De nombreux cas d'automutilations sont relevés chez les mineures, en 1997.
Aucun médecin ne travaille à plein temps à la prison de Mersin (type E), en 1997. Le personnel soignant, composé d'un médecin à temps partiel, d'un dentiste, d'une infirmière et d'un psychologue, n'a pas la possibilité d'examiner systématiquement chaque nouvelle personne entrante. Ce sont les surveillants qui adressent ces personnes aux médecins.

Les détenues enceintes peuvent, d'après la loi, accoucher et être prises en charge par un hôpital extérieur. L'administration pénitentiaire n'accorde pas systématiquement l'autorisation nécessaire. Les détenues enceintes ou nouvellement accouchées ne bénéficient pas de traitement particulier.

Une femme qui accouche peut garder son enfant pendant sa détention. Les autres femmes ne peuvent pas être incarcérées avec leur enfant. Les enfants ne sont pas logés séparément des autres détenues. Ils ne font l'objet d'aucune attention particulière. L'administration ne met à la disposition des mères ni garderie ni crèche. L'enfant sortant de prison est confié à des proches ou, le cas échéant, à une institution.
Les enfants détenus avec leur mère à la prison de Merzin (type E) vivent dans les cellules collectives. Aucun équipement spécial n'est prévu pour eux. Ils partagent le lit de leur mère.

Les sanctions à l'encontre des détenues sont, le plus souvent, la suppression jusqu'à 3 mois du droit de visite et de correspondance, et le placement en cellule disciplinaire. La circulaire du 3 novembre 1997 stipule que, dans tous les établissements pénaux, les cellules disciplinaires doivent désormais avoir une superficie de 9 à 10m2 au sol, avec une vitre de 100 x 75 cm, une douche, des w-c, et l'accès à une cour pour la promenade et les exercices physiques. En cas d'impossibilité d'accéder à une cour, les personnes détenues doivent pouvoir effectuer au moins 1 h 30 d'exercices séparément des autres détenu(e)s.
Les six cellules d'isolement de la prison d'Ünje ont une superficie de 10m2. Elles sont équipées de lits et d'un coin toilette partiellement séparé. La lumière est artificielle et insuffisante, de même que la ventilation.
À la prison de Mersin, les cellules d'isolement mesurent 7m2 et sont équipées d'un lit, d'un w-c et d'un lavabo. L'éclairage naturel est insuffisant et la lumière artificielle mal adaptée. Quelques cellules, d'une superficie de 3 m2, sont très sombres et mal ventilées.
La plus sévère sanction à l'encontre des mineures incarcérées à Izmir est le placement à l'isolement pour une durée de 15 jours. Les quatre cellules d'isolement mesurent moins de 5m2 chacune, ne comprennent ni table ni chaise et sont sales. Des plaques métalliques obstruent les fenêtres. L'éclairage artificiel demeure constamment allumé. En 1997, les mineures placées à l'isolement sont privées de sorties, n'ont pas le droit de lire ni d'avoir de linge de rechange ou de prendre de douche.

Les relations entre le personnel et les personnes détenues à la prison d'Ünye sont particulièrement pauvres. Le personnel intervient auprès des détenues uniquement pour effectuer des contrôles, notamment les 3 contrôles journaliers obligatoires.

Les détenues peuvent bénéficier d'une visite d'une heure toutes les semaines. Seules les personnes portant exactement le même nom de famille que la détenue sont autorisées à la visite. Les visiteurs et les visiteuses font fréquemment l'objet de fouilles dégradantes. Les entretiens se déroulent dans des parloirs obscurs et bruyants, parfois sans possibilité de se voir ou de s'entendre. La plupart des parloirs sont démunis de siège. Des gardes sont présents pendant les visites. Les courriers font l'objet d'une censure. Les photographies, les cartes de vœux ou les fleurs sont systématiquement confisquées.
Les visites fermées dans les prisons d'Izmir, de Mersin et d'Ünye ont lieu dans de petits parloirs, très bruyants et surpeuplés. Une vitre sépare les détenues des visiteurs et visiteuses.
Les visites ouvertes sont autorisées une fois par mois. Les femmes détenues à la prison d'Izmir peuvent avoir des visites ouvertes avec leurs enfants jusqu'à l'âge de 10 ans.

Les détenues n'ont pas, le plus souvent, accès aux formations. Aucun cours d'alphabétisation n'est proposé, en dépit du nombre élevé de femmes détenues illettrées.
Toutes les filles détenues à la prison pour mineur(e)s d'Izmir suivent des cours de couture, en 1997.

Les activités des détenues sont principalement la lecture, parfois la télévision et la radio. Les cassettes de musique kurde et les livres en kurde ne sont pas autorisés. Certains périodiques sont interdits, notamment ceux qui ne sont pas écrits en langue turque.
Une aile de la prison d'Izmir centralise les activités telles que le cinéma, la salle de sport, la bibliothèque et la mosquée. L'organisation des activités est déficiente.
En 1997, aucune activité sportive n'est possible et la salle de cinéma n'a pas servi depuis des années. Seule la bibliothèque semble fonctionner correctement. Elle compte 5 000 ouvrages. Les détenues peuvent acheter des journaux, livrés quotidiennement à la prison. En 1997, aucune femme emprisonnée à la prison de Mersin (type E) n'a accès aux activités autres que la télévision et la lecture. Pour passer le temps, certaines confectionnent des fleurs artificielles en cellule.
Les filles détenues à la prison d'Izmir n'ont pas accès aux activités sportives ou culturelles, contrairement aux garçons.

Le travail est, de façon générale, inaccessible aux détenues. Les rares détenues qui travaillent peuvent ne pas toucher leur salaire. Les travaux proposés sont liés à l'entretien de la prison comme la cuisine, la laverie ou le nettoyage.

La loi antiterroriste est à l'origine de nombreuses limitations du droit à la défense. Elle autorise 4 jours de détention au secret, une pratique qualifiée d'“inacceptable” par le CPT. Il est communément admis que la détention au secret favorise les actes de torture. La présomption d'innocence n'est pas reconnue devant les cours de sûreté de l'État. Les accusées doivent prouver qu'elles ne sont pas coupables des faits qui leur sont reprochés. Les aveux extorqués sous la torture sont reconnus valables par ces tribunaux. La confidentialité des entretiens avec l'avocat(e) n'est pas respectée. Les personnes accusées dans une même affaire ne peuvent pas se réunir avec leur avocat(e). Les avocat(e)s peuvent subir des harcèlements (écoutes téléphoniques, menaces, injures) et avoir des difficultés à obtenir des documents concernant leurs clientes.
L'avocate Sevil Dalkiliç, âgée de 33 ans, est condamnée à 30 ans de prison en 1997. Elle subit des tortures pendant son interrogatoire. Elle avait accepté d'enquêter sur la mort suspecte d'une personne d'origine kurde, à laquelle l'État ne serait pas étranger.
Des boîtes aux lettres sont disposées afin de permettre aux personnes détenues de communiquer directement, en confidentialité, avec le ministère de la Justice. Le procureur de la justice dispose des clefs de la boîte, dont il relève le contenu régulièrement pour le transmettre au ministère. Les détenues n'accordent pas leur pleine confiance à ce système : certains courriers n'auraient pas été transmis. Elles n'ont pas non plus un accès régulier aux boîtes.
En vertu de récentes modifications de la législation, les enfants doivent désormais se voir attribuer un(e) avocat(e) à tous les stades de l'enquête, y compris en cas de crimes relevant de la compétence des cours de sûreté de l'État. Tout interrogatoire préliminaire d'un(e) mineur(e) soupçonné(e) de crime doit être conduit par le procureur en personne, ou par des assistants qu'il aura désignés.


 

La Cour européenne des droits de l'homme reconnaît pour la première fois le viol comme acte de torture, dans l'arrêt du 25 septembre 1997, Aydin contre Turquie. La Cour est arrivée à la conclusion que l'ensemble des actes de violences physique et mentale commis sur la personne de la requérante et celui de viol, qui revêt un caractère particulièrement cruel, sont constitutifs de tortures interdites par l'article 3 de la Convention européenne pour la prévention de la torture.

En avril 1998, un procureur demande la peine de mort envers les personnes coupables du meurtre de femmes ayant commis l'adultère. Le plus souvent, tous les hommes de la famille participent à ces “meurtres d'honneur”. En 1998, Gonul Aslan, 19 ans, ayant fui le domicile conjugal avec son amant, est noyée par son père, ses oncles et ses cousins dans l'Euphrate. La plupart des “meurtres d'honneur” ont lieu dans des régions rurales ou parmi les populations ayant récemment immigré en ville où les femmes, mariées très jeunes, sont illettrées. Des groupes de femmes se battent pour que les coupables soient punis.

 

Le Code civil turc contient des discriminations à l'égard des femmes en ce qui concerne les droits et les obligations dans le mariage. Les femmes acquièrent automatiquement le nom de leur époux. Le mari est libre de choisir le domicile conjugal. En cas de désaccord entre les parents au sujet des enfants, le père peut prendre seul la décision finale. Une femme seule qui met au monde un enfant n'est pas automatiquement considérée comme la gardienne légale de cet enfant. Une décision de justice peut être requise en ce cas.

 

INDEX : Turquie

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