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Théâtre thérapeutique pour prisonniers, de Bob Stoner

Mise en ligne : 6 mai 2003

Dernière modification : 3 août 2003

Texte de l'article :

A mon avis, le théâtre thérapeutique ne peut être utile qu’aux gens qui ont de graves problèmes psychiques – schizophrénie, maniaco-dépression paranoïa et autres. En fait, le vrai théâtre thérapeutique a pour but de traiter ces maladies spécifiques à travers des techniques propres à chaque type de malaise.

Souvent on trouve un théâtre similaire dans les centres d’accueil pour toxicomanes. Ce théâtre là n’a pas vraiment une finalité thérapeutique proprement dite, il constitue plutôt une sorte de « théâtre de réadaptation sociale. J’ai assisté à ce type de théâtre, que personnellement je trouve stérile.

On est à la rue parce qu’on n’a pas de famille ou de réseau relationnel sur qui compter en cas de chute. On se dope pour se soulager de la peine d’être à la rue. Un théâtre « de réadaptation sociale » ne leur est d’aucune aide. En revanche, des programmes de réinsertion (qui inclut le traitement de maladies mentales) peuvent les aider.

J’imagine que c’est ce type de théâtre pseudo-thérapeutique et approximatif qui commence à faire son entrée dans les prisons en ce moment.

Une idée me vient à l’esprit : le mauvais usage qui est fiat le plus souvent du théâtre thérapeutique viendrait peut-être de la mauvaise qualité du travail de ses animateurs. La plupart d’entre eux sont d’anciens comédiens qui n’ont pas su se maintenir sur scène. Par conséquent, ils se rabattent sur des projets théâtre subventionnés par l’Etat, comme le théâtre pédagogique ou thérapeutique, qui leur permettent de gagner leur vie.

Il est évident que des prisonniers qui souffrent sérieusement de troubles psychiques tireraient avantage du théâtre thérapeutique. Mais ceux-là sont peu nombreux. Auto mutilations, désirs suicidaires, voire le suicide même parmi les prisonniers, ne proviennent pas majoritairement de troubles psychiques mais bien plus des coordinations de vie inhumaines sur les lieux de détention.

Le théâtre thérapeutique n’aidera pas le prisonnier qui pense à se tuer parce qu’il n’a pas les moyens de s’acheter du savon, du dentifrice ou du papier toilette. Il n’a pas de problèmes psychiques à proprement parler. Dans sa situation – qui est celle d’un animal au zoo – le suicide est une alternative justifiable.

Soumettre un tel individu à des projets théâtre thérapeutique est non seulement inadapté mais encore dangereux.

Ceux qui bénéficient d’un traitement par le théâtre thérapeutique savent qu’ils sont malades – schizophrènes, maniaco-dépressifs ou autres. Ils acceptent cette idée de base nécessaire au succès du traitement : « tu souffres de maladie mentale et tu dois guérir ».

Puisque le candidat au suicide en question ne souffre pas d’une telle maladie, il ne peut vraisemblablement accepter la prémisse de départ, d’être un malade mental. Mais le réel danger est, en l’occurrence, que s’il se met à suivre le programme thérapeutique pour une quelconque raison non fondée – il a par exemple un esprit créatif qu’il a envie de développer – et que pour cela, il accepte la prémisse de départ, alors il développera à coup sûr une maladie mentale.

Les prisonniers qui supportent difficilement leur réclusion auraient davantage intérêt à participer à des ateliers de « théâtre de résistance » - qui leur prouveraient un simple état de fait, à savoir que le prisonnier déterminé ne pourra pas être rompu. Il peut être tué mais pas rompu. En revanche, le théâtre thérapeutique e persuade du contraire en lui disant « tu es faible. Tu es malade. Tu es fragile ».

Bon Stoner
Théâtre Vagatur