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témoignage d’une transsexuelle incarcérée (courriers de novembre et décembre 2009)

Mise en ligne : 11 décembre 2009

C. est transsexuelle, incarcérée avec les hommes elle demande depuis des années à changer de sexe et à être incarcérée avec les femmes.

Texte de l'article :

Je suis la première transsexuelle en prison à avoir commencée un traitement hormonal derrière les barreaux, je suis aussi la première transsexuelle en prison à demander l’opération. J’ai dû me faire ma vasectomie moi-même et me faire l’ablation des testicules moi-même aussi. J’ai passé bien des étapes, subi bien des souffrances, bien des agressions, puis j’ai relevé la tête et me suis assumée.

A Fleury, comme partout en France, aucune transgenre ne désire l’opération, une transgenre est une personne qui se sent bien dans son corps avec un sexe d’homme et une poitrine, une transsexuelle comme moi est une personne qui haït son sexe de naissance, en a horreur, elle désire ardemment qu’on le lui retire.

J’en suis à plus de 4 ans de combat et à 3 ans de mutilations pour crier ma détresse car j’avais beau demander par écrit que ma différence soit respectée, je n’avais de la part de l’UCSA de Caen que du mépris, de l’intolérance, de l’homophobie. Lorsque pour aller mieux j’ai demandé une vasectomie, comme réponse de l'UCSA, je n’ai eu que « faites-le vous-même », ce que j’ai donc fait. Par la suite, j’ai dû moi-même m’oter les testicules car celles-ci fabriquaient de la testostérone qui faisait conflit avec mes hormones féminines. L’UCSA ne faisait que regarder les testicules sorties de leur poche, dans l’attente qu’elles nécrosent. L’Administration s’est fâchée de la situation et a trouvé le moyen de m’emmener en urgence à l’hôpital où ils ont décrété que j’étais à la limite de la septicémie et qu’elles baignaient dans le pus et le sang complètement nécrosées…

Je ne vais pas écrire toutes les mutilations que l’UCSA a constatées mais ne faisait rien d’autre que regarder cette chose brûlée, écrasée, coupée, sectionnée… Tout cela n’était que dans le but d’aller mieux, puisque l’UCSA ne faisait rien pour m’aider, il me fallait, en tant que transsexuelle, empêcher cette chose de bouger, ce qui aurait été un drame.

Je reconnais qu’ici, à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes, l’Administration comme le corps médical ont été géniaux, très tolérants envers ma différence, ils se sont battus pour débloquer la situation scandaleuse dans laquelle l’UCSA de Caen m’a mise. Ici, je suis considérée comme une femme, on me laisse vivre en femme, en jupe.

Je me bats comme une enragée pour être parmi les miennes, pas chez les transgenres à Fleury car je ne suis pas transgenre, mais je me bats pour aller en section « femmes ». J’ai trois expertises qui disent que je suis une véritable transsexuelle, donc à l’opposé de mon sexe de naissance. Je suis donc en transition de sexe, donc une femme. De plus, sur ces trois expertises, deux ont été demandées par la justice et ont été rendues par deux experts en la matière : « Bornstein » et « Coutanceau », je n’ai plus de testicules et un organe mâle complètement mort. Ma place n’est pas chez les hommes : 3 expertises et plus d’organe mâle fonctionnel, en plus j’ai ma poitrine de femme (des seins) et un corps complètement féminin.

Il n’y a pas de précédent à mon cas, je suis la seule à ce jour comme cela en France.

Et même si l’Etat français ne veut pas de jurisprudence, je m’en moque, si je dois en mourir j’en mourrai mais je me battrai pour tout et jusqu’au bout avec l’espoir qu’ils comprennent (...)

 

(…) un grand merci aussi de mettre en ligne mon témoignage, grâce à cela je ne suis plus un fantôme, ça va donner à certaines personnes l’occasion de réfléchir avant de dire ou de faire n’importe quoi, comme certaines réflexions, certaines fouilles… Ça va crier au monde qu’il y a une transsexuelle en France en prison qui n’est pas respectée, que même si elle est unique, elle a droit à la tolérance, à être reconnue dans sa différence, à vivre. Qu’une transsexuelle n’est pas un jouet, qu’elle a droit à un suivi et un traitement médical comme tout être humain, qu’elle doit être encadrée, reconnue et protégée dans sa différence.

Mais surtout, ça ouvrira peut-être des consciences et un débat sur un dysfonctionnement de ma différence en prison : opérée ou non, mon combat reste d’être respectée dans ma différence. Grâce à cette publication, mon combat va être affiché aux yeux de tous, montrer qu’il y a un dysfonctionnement médical et administratif en prison. Si je perds mon combat, il restera une trace de celui-ci pour celles à venir à tenter, où l’on est, leur transition.