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Tabac : interdiction de fumer dans les pénitenciers fédéraux au Canada

Mise en ligne : 17 février 2006

Texte de l'article :

INTERDICTION DE FUMER DANS LES PÉNITENCIERS FÉDÉRAUX

Le trou attend les délinquants
Tristan Péloquin

Source : Cyberpresse

Que le milieu carcéral se le tienne pour dit : depuis mardi, l’usage du tabac est interdit à l’intérieur des murs des pénitenciers fédéraux, et tout détenu surpris à griller une cigarette en cachette dans sa cellule risque de se retrouver au trou.

Cette mesure disciplinaire, jugée beaucoup trop sévère par plusieurs avocats spécialistes du milieu carcéral, fait l’objet d’une demande d’injonction qui sera entendue cet après-midi par la Cour fédérale.

L’entrée en vigueur de l’interdiction totale de fumer à l’intérieur des pénitenciers fédéraux survient après plus de deux ans de consultations par le Service correctionnel du Canada (SCC).

Les Syndicat des agents correctionnels réclamait depuis des années cette mesure afin de protéger ses membres contre la fumée secondaire, mais les détenus - dont plus de 70% sont des fumeurs - s’y opposaient vivement.

Les détenus devront donc désormais obligatoirement fumer à l’extérieur, dans des zones désignées et à des moments choisis par les autorités carcérales.

Le renforcement du nouveau règlement antitabac est en principe laissé à la discrétion de chaque directeur de prison. Mais selon la « Grille de mesures disciplinaires » obtenue par La Presse, « lorsque le processus de règlement informel est jugé inefficace », les détenus qui défient l’interdiction de fumer peuvent se retrouver en isolement après trois infractions. La grille prévoit d’abord un avertissement. En cas de récidive, une amende de 25$ peut ensuite leur être imposée, suivie d’une autre amende de 35$ à laquelle peut s’ajouter une « période d’isolement » pouvant aller jusqu’à dix jours, a-t-on constaté.

Aux yeux de l’avocat Martin Latour, spécialiste du droit carcéral, ces sanctions sont complètement démesurées. « Si une personne libre se fait prendre à fumer dans un édifice fédéral comme le Complexe Guy Favreau, elle aura dans le pire des cas à payer une amende de 105$. Cela n’a aucune commune mesure avec le fait d’envoyer quelqu’un au trou 23 heures et demie sur 24. C’est une sanction beaucoup trop sévère par rapport à ce qu’elle est à l’extérieur des murs », estime-t-il.

Me Latour note aussi qu’un détenu qui participe à différentes corvées dans un pénitencier fédéral gagne au maximum 6,90$ par jour. « À ce salaire-là, une amende de 35$ représente une semaine de travail normal pour les détenus. C’est donc injuste de leur imposer de telles sanctions », poursuit-il.

Au Service correctionnel du Canada, on assure que tout sera fait pour faciliter l’entrée en vigueur du nouveau règlement antitabac. Dans un premier temps, les surveillants accorderont plus de périodes de sortie pour permettre aux détenus d’assouvir leur vice dans les cours intérieures surveillées. « Les détenus auront aussi accès gratuitement à et des timbres de nicotine ou des comprimés comme le Zyban pendant les trois prochains mois », indique le porte-parole du SCC, Jean-Yves Roy.

De son côté, le président québécois du Syndicat des agents correctionnels, Sylvain Martel, assure que les gardiens de prison appliqueront le règlement avec prudence. « C’est clair pour nous qu’il faut faire preuve de bon jugement », indique-t-il.

« On s’inquiète cependant du caractère arbitraire des sentences. En laissant le soin à chaque établissement de décider quelles mesures disciplinaires appliquer, on ouvre inévitablement la porte à des problèmes », croit le représentant syndical.