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> Edito

Suicides et morts en prison

Mise en ligne : 8 janvier 2007

Dernière modification : 18 décembre 2007

Texte de l'article :

Durant la première semaine de l’année 2007, triste bilan pour les prisons françaises : un homme de 24 ans s’est suicidé, par pendaison, à la maison d’arrêt de Douai ; un autre, de 40 ans, s’est suicidé, par pendaison également, à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy ; un homme a agressé, jusqu’à la mort, son "codétenu" à la maison d’arrêt de Rouen. Une telle surenchère de violence, qu’elle soit dirigée contre soi on contre l’autre, retient naturellement l’attention. Faut-il attendre que l’actualité nous rattrape ou faut-il anticiper les problèmes ?

En maison d’arrêt, la surpopulation est chronique ; mais rien n’est fait. Au 1er septembre 2006, la densité de la population est de 129 pour 100 pour les maisons d’arrêt et quartiers maison d’arrêt ; 9 établissements ou quartiers ont une densité égale ou supérieure à 200 pour 100, 38 ont une densité comprise entre 150 et 200, 45 entre 120 et 150, 41 entre 100 et 120. Comment dans ces conditions le personnel pénitentiaire peut-il faire autre chose que simplement garder ? Il ne peut ni assurer la sécurité des personnes et encore moins contribuer à leur réinsertion. Or, la prison a pourtant 3 missions : la garde, la sécurité et la réinsertion.

Le nombre de personnes incarcérées atteintes de troubles mentaux est en augmentation. L’irresponsabilité pénale est de moins en moins prononcée : on enferme dans les prisons des personnes qui devraient voir reconnaître leurs troubles et se voir proposer des soins. Les personnes qui bénéficient d’une expertise psychiatrique pré-sentencielle ne subissent pas toujours les effets positifs supposés de l’application du 2ème alinéa de l’article 122-1 du nouveau code pénal : "La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime". Dans la réalité, il ne s’agit pas d’une circonstance atténuante. L’augmentation du nombre de personnes incarcérées atteintes de troubles mentaux s’explique également par les effets hautement pathogènes de l’incarcération elle-même.
En cas de troubles mentaux avérés d’une gravité "relative", les personnes sont livrées à elle-même durant l’incarcération, avec comme principal soin un traitement psychotrope anxiolytique. Mais la prescription d’anxiolytiques ne doit pas dépasser 12 semaines (arrêté du 7 octobre 1991) et doit être strictement encadré. Outre leur fort potentiel de dépendance, les anxiolytiques ont un certain potentiel désinhibiteur, favorisant, dans certains cas, le passage à la violence contre soi (suicide) ou contre autrui. Les réactions paradoxales de violence toucheraient plus particulièrement les sujets ayant des antécédents agressifs ou un faible contrôle pulsionnel et certaines personnalités fragiles. Elles seraient favorisées par les situations de frustration. Or la frustration est la règle en prison, institution basée sur un fonctionnement non négocié. Avec un taux de suicide 7 fois plus élevé en prison qu’en milieu libre il ne peut être fait l’économie d’aucune réflexion sur les causes possibles de cette sursuicidité.

Concernant l’agression qui a eu lieu à la maison d’arrêt de Rouen, une enquête de l’administration pénitentiaire est en cours pour vérifier que toutes les procédures ont été appliquées ; la justice a elle aussi ouvert une enquête. Dans l’hypothèse où il serait conclu à une mise en cause d’un membre, ou de plusieurs membres du personnel de l’administration, cela ne permettrait pas d’apporter une réponse satisfaisante à des problèmes récurrents, soulevés depuis des décennies.

La rédaction

Ban Public

(Janvier 2007)