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Communiqué de la société caraïbéenne de psychiatrie légale

Publié le jeudi 12 juillet 2007 | https://banpublic.org/communique-de-la-societe/

Mesdames et Messieurs les Députés de Guadeloupe,
 
Le mardi 17 juillet l’Assemblée nationale doit étudier le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
 
De nombreux points inquiètent les professionnels qui auront la charge d’assurer une injonction de soins dans le cadre de la peine de suivi socio-judiciaire prononcée par les tribunaux.
L’inquiétude est motivée par :
 

  • la non prise en compte des travaux des professionnels exprimés à l’occasion de la conférence de consensus intitulée « Psychopathologie et les traitements des auteurs agression sexuelle » de 2001 et de l’audition publique relative à « l’Expertise psychiatrique pénale » de janvier 2007 (textes consultables sur le site : .http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/).
  • L’extension des opportunités d’injonctions de soins qui multiplieront expertises et moyens sanitaires actuellement connus comme particulièrement déficitaires et difficiles à combler (pénurie de psychiatres, d’experts psychiatres et de médecins coordonnateurs). Ces difficultés, bien connues des autorités, ne permettent pas l’application de la loi du 17 juin 1998 relative à la répression et à la prévention des infractions sexuelles.
  • La non efficacité des dispositions, notamment des articles 8 et 9 du projet de loi, qui prévoient que réductions de peine et libération conditionnelle ne seront pas accordées si le condamné n’a pas accepté des soins en prison. Cette disposition implique de fait une obligation de soin en prison ce que les soignants en milieu pénitentiaire refusent, car elle s’avère inefficace et instaure une double peine (privation de liberté plus privation de consentir à des soins). Il faut tenir compte également que la prison n’est pas un lieu propice aux soins.
     
    Outre ces considérations générales, nous attirons votre attention sur la situation en Guadeloupe.
    Depuis début 2006, nous sommes quelques professionnels de la santé mentale du Pôle de Psychiatrie légale dépendant du Centre Hospitalier de Montéran à travailler en collaboration avec les autorités judiciaires (Le Parquet, les Juges d’application des peines), la DSDS (médecin inspecteur départemental) pour susciter des candidatures de médecins coordonnateurs et pour établir un réseau de psychiatres et de psychologues traitants.
    En effet, pour l’instant la loi de 1998 demeure inapplicable en Guadeloupe par manque de médecins coordonnateurs et de professionnels motivés par ces soins très particuliers et spécialisés. Les professionnels de la Santé mentale préfèrent, et on ne peut pas le leur reprocher, consolider le dispositif de soins courants en santé mentale.
     
    L’adoption du projet de loi risque d’allonger les procédures judiciaires (faute d’experts) ou rendra tout simplement inapplicables les nouvelles dispositions. Les quelques professionnels engagés dans ces soins spécialisés sont persuadés qu’il faut continuer la démarche entreprise par la loi de 1998 qui consiste à inciter à des soins certains délinquants incarcérés, mais pas à les y obliger. Outre l’inefficacité de la mesure, on peut craindre au contraire de faire émerger des comportements dangereux et des tensions dans le monde carcéral.
     
    Comptant sur votre étude attentive de ce projet de loi, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les Députés, en l’assurance de notre respectueuse considération. Nous nous tenons également à votre disposition pour tout éclaircissement sur ces sujets, notamment sur la situation en Guadeloupe.
     
    Dr Michel DAVID
    Psychiatre des Hôpitaux - Chef de service
    Co-référent régional de Association de Recherche et de Traitement des Auteurs d’agression sexuelle
    Membre de l’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire
    Président de la Société Caraibéenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales

    Franciane CONVERTY
    Psychologue clinicienne
    Co-référente régionale de Association de Recherche et de Traitement des Auteurs d’agression sexuelle
    Secrétaire de la Société Caraibéenne de Psychiatrie et de Psychologie Légales

    Pôle de Psychiatrie légale
    Service médico-psychologique régional
    Centre pénitentiaire
    Fond Sarrail - BP 43
    97122 Baie-Mahault
    Tél. : 0590 38 44 30 - Fax : 0590 38 94 62