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Collectif « La prison vue de l’intérieur »

Publié le vendredi 18 mai 2007 | https://banpublic.org/collectif-la-prison-vue-de-l/

La prison vue de l’intérieur
Regards et paroles de ceux qui travaillent derrière les murs

Préface de Patrick Chamoiseau (Auteur),
Ouvrage Collectif (Auteur)

« La prison est invisible », ainsi débute la préface de cet ouvrage qui donne à voir la prison de l’intérieur. Ouvrage collectif, il est le fruit des témoignages de 150 intervenants du monde carcéral, personnels de l’administration pénitentiaire, médecins, infirmiers, aumôniers ou intervenants extérieurs. Les regards croisés posés sur l’univers pénitentiaire s’égrènent tout au long de ces pages au travers des différents aspects de la vie quotidienne, la santé, le travail, la culture, l’intimité, la sécurité, la lutte contre les suicides...

A la fois poignant, réaliste et humain, ce livre ouvre la porte à la découverte d’un univers que la société appréhende difficilement, suscitant bien souvent controverses et interrogations. C’est au ministère de la Justice que la présentation de l’ouvrage, animée par Jérôme Bouvier, journaliste, s’est déroulée en présence de la presse et des acteurs du monde pénitentiaire. En ouverture, Claude d’Harcourt, directeur de l’administration pénitentiaire, a souligné toute l’intensité qu’il a ressenti dans cet ouvrage qui « permet une compréhension partagée de ce qu’est le quotidien de la prison. L’écrit, bien plus que l’image est à même de rendre compte de la réalité de la détention ».

Retraçant la genèse de l’élaboration de l’ouvrage, débutée 5 ans plus tôt, Céline Berthélémy, l’une des initiatrices du projet au sein de la direction de l’administration pénitentiaire à l’époque, le dit clairement : « la parole a été totalement libre, aucune modification n’a été apportée aux témoignages ».

Puis, la lecture d’un message de Patrick Chamoiseau, conseiller d’insertion et de probation, auteur de la préface de l’ouvrage mais aussi prix Goncourt 1992 pour son livre Texaco, donne le ton du livre : « Tous ces regards croisés sont pour moi la meilleure approche pour expliquer ce qu’est cet univers particulier. J’ai été très heureux d’écrire la préface de ce livre très utile. »

Certains des rédacteurs qui ont contribué à l’ouvrage se sont successivement exprimés.

Wilfrid Cordier, garde forestier dans une première vie, s’est présenté un peu par hasard au concours de surveillant pénitentiaire. Surnommé « surveillant éducateur » au cours de ces 10 années dans un « quartier mineurs », il dit en substance sa satisfaction d’avoir concouru à la réalisation de projets avec les jeunes axés sur le sport ou les travaux manuels. Chargé par la suite d’assurer le rôle de référent du travail dans un autre établissement pénitentiaire, il exprime sa conviction : « un surveillant doit faire abstraction des causes de l’incarcération et tisser une relation humaine avec le détenu ».

Les anecdotes s’enchaînent, notamment le souvenir d’un détenu dont il s’était occupé précédemment croisé à l’occasion d’une nouvelle incarcération qui lui lance culpabilisé « je ne suis là que pour un mois... ».

Sans oublier la remise en cause permanente de l’efficacité de sa mission évoquée à l’occasion d’une tentative d’évasion dont il a été témoin « Ai-je bien agi, aurais-je pu agir autrement ? ».

Franck Lamy, commandant pénitentiaire à la maison d’arrêt de la Santé dépeint avant tout son métier comme un métier ancré dans le relationnel. Face à la violence souvent rencontrée, il témoigne de l’importance d’échanger avec d’autres acteurs du monde pénitentiaire, et de continuer à exercer sa mission avec professionnalisme et conviction : « il faut être vigilant et ne pas s’endurcir ».

Laetitia Marlin, surveillante en poste dans une maison d’arrêt d’hommes, affiche une solidité à toute épreuve. Oui, elle a choisi de travailler au sein d’un univers de détenus masculins, non elle ne trouve pas cela difficile, « il suffit de savoir mettre des barrières et se faire respecter ».

Nicole Laverge, directrice d’insertion et de probation à Lyon, évoque à son tour les missions des travailleurs sociaux « courir sur tous les fronts, éteindre tous les feux ». Et le sentiment parfois d’être débordés face à l’ampleur et la difficulté de la tâche. Elle insiste sur l’évolution de l’administration pénitentiaire ces dernières années, qui a su faire entrer la culture dans l’univers carcéral et ainsi contribuer à la réinsertion.

Témoignage aussi de Fatima Amiri, infirmière psychiatrique au service médico-psychologique régional de Fleury-Mérogis, dont le travail quotidien est de déceler les troubles mentaux et les personnes susceptibles de faire des tentatives de suicide. Autant de cas qu’il faut accompagner, comme celui d’un jeune toxicomane en proie à des bouffées délirantes dues au manque. Un travail difficile mais indispensable.

Bruno Clément, secrétaire général de la direction régionale des services pénitentiaires de Lille constate que l’image véhiculée par certains ouvrages ou déclarations sur l’état des prisons n’a pas évolué favorablement « le contexte est le même qu’il y a 5 ans ». Et pourtant, la France applique déjà une très grande majorité des règles pénitentiaires européennes. Loin d’être « une belle déclaration universelle » cette liste de recommandations sur tous les aspects de la vie en détention (santé, sécurité, hygiène, régimes spécifiques des condamnés) donne lieu à l’élaboration d’un référentiel qui permettra de prouve concrètement la « qualité de service » dans les prisons françaises.

Enfin, Sergio Salvadori, directeur régional des services pénitentiaires de Lille exprime ses doutes sur la capacité de l’opinion publique à changer l’image qu’elle se fait des prisons et sa satisfaction de l’hommage rendu à l’occasion de la présentation du livre au travail des acteurs de l’administration pénitentiaire.

Conclusion de Claude d’Harcourt au terme de ces témoignages « nous avons vécu un moment rare ».

Nul doute que cet ouvrage contribuera à voir la prison autrement :
« La prison vue de l’intérieur »
éditions Albin Michel- 19 €