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Étude de législation comparée n° 25 Les caractéristiques du procès pénal

LES CARACTERISTIQUES DU PROCES PENAL

NOTE DE SYNTHESE

Plusieurs études portant sur des points spécifiques de la procédure pénale ont été réalisées par la division des études de législation comparée. Afin d’avoir une vue d’ensemble, il a cependant paru utile de récapituler les principales caractéristiques de cette procédure chez certains de nos proches voisins européens, l’Allemagne, l’Angleterre et le Pays de Galles, l’Espagne et l’Italie, ainsi qu’aux Etats-Unis.

Cet examen fait apparaître que, malgré certaines différences, particulièrement évidentes au stade de l’instruction, les principales caractéristiques du procès pénal tendent à converger.

I - LES PARTICULARITES DE LA PROCEDURE D’INSTRUCTION

La procédure d’instruction suit dans chaque pays un schéma analogue dont les étapes sont les suivantes :
- constatation d’une infraction ;
- déclenchement des poursuites ;
- poursuites ou instruction ;
- décision de renvoi en jugement ou de classement sans suite.

Par ailleurs, chaque système prévoit l’intervention de la police, d’un ministère public, ou tout au moins d’une personne ou d’un organisme équivalent, et d’un juge.

Les procédures d’instruction ne sont donc pas fondamentalement différentes, mais présentent certaines particularités qui concernent essentiellement les compétences respectives de chacun des acteurs de l’instruction. De plus, la procédure diffère selon que les pays appliquent le principe de légalité ou d’opportunité des poursuites.

1) Les compétences des acteurs de la procédure d’instruction
a) Le rôle de la police est prépondérant en Angleterre et au Pays de Galles

Malgré la création en 1986 d’une ébauche de ministère public, le Crown Prosecution Service (CPS), service public autonome et indépendant de la police, c’est la police qui reste chargée de déclencher les poursuites. Le CPS a pour mission de confirmer ou de réviser la décision de la police, et de représenter l’accusation au procès. Nul ne peut donc contraindre la police à engager les poursuites. Cependant, tout citoyen a théoriquement la possibilité de saisir directement les tribunaux.

En outre, la police est seule habilitée à mener l’enquête et donc à rassembler les preuves.

Quant au juge, il n’intervient pendant l’instruction que pour autoriser la police à effectuer certains actes (mandats d’arrêt, de perquisition, de saisie...).

b) L’Espagne est le seul pays à avoir conservé un juge d’instruction

La compétence du ministère public est assez limitée : il enregistre, comme la police ou le juge, les plaintes et doit déclencher l’action publique dès qu’il est informé d’une infraction. Toutefois, il ne détient pas le monopole des poursuites.

La police dépend des juges, des tribunaux et du ministère public et doit suivre leurs instructions. C’est donc le juge d’instruction qui est chargé des poursuites et de rassembler les preuves. Il assume un rôle essentiel, le ministère public se limitant à un contrôle formel.

c) En Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, la procédure d’instruction est prise en charge par le ministère public

En Allemagne, la compétence du ministère public est étendue : il enregistre les plaintes, déclenche les poursuites, dont il a le monopole, et dirige l’enquête de police. La police est chargée de l’assister. Le juge n’intervient, sur requête du ministère public, que lorsque ce dernier ne peut prescrire certains actes parce qu’ils touchent à la liberté individuelle.

En Italie, le ministère public est chargé de l’enquête préliminaire, pour laquelle il bénéficie de larges prérogatives, et de l’engagement des poursuites. Bien que ce soit la police qui enregistre les plaintes, elle est tenue d’informer et d’assister le ministère public lors de l’enquête qu’elle mène. Pendant l’instruction, le juge de l’enquête préliminaire est surtout chargé du contrôle de la légalité des investigations et des décisions restreignant les droits fondamentaux.

Aux Etats-Unis, sauf dans les cas les plus graves requérant l’intervention d’un grand jury, c’est le procureur qui est chargé d’engager les poursuites et d’établir le dossier d’accusation, pour lequel il détermine seul les chefs d’accusation et les faits qu’il entend retenir. La police agit en coopération avec le procureur. Quant au juge, il n’intervient qu’au tout début de la procédure, lors du premier examen destiné à permettre de déterminer si les preuves réunies justifient la détention du suspect, et pendant l’instruction, pour délivrer les mandats d’arrestation, de perquisition, de saisie et d’écoutes téléphoniques.

2) L’opportunité ou la légalité des poursuites
a) L’Espagne et l’Italie restent attachées au principe de la légalité des poursuites

Ces deux pays n’acceptent pas d’exception à ce principe. Toutefois, en Italie, pour certaines infractions mineures il est possible d’abandonner la poursuite.

b) En Angleterre et au Pays de Galles ainsi qu’aux Etats-Unis, la décision d’engager les poursuites est appréciée en toute opportunité

Si le procureur américain jouit d’une liberté quasi absolue pour prendre sa décision, en Angleterre et au Pays de Galles, l’obligation de poursuivre peut s’imposer lorsqu’il s’agit de préserver l’intérêt public. Un code de conduite et un document définissant les critères de la poursuite ont d’ailleurs été établis afin d’aider la police et le CPS dans leurs décisions.

c) En Allemagne, si la légalité des poursuites demeure un principe fondamental, des exceptions sont désormais possibles

Le code de procédure pénale prévoit la possibilité du classement sans suite en pure opportunité pour les affaires les moins importantes, ainsi que le classement sous conditions pour tous les délits, lorsque la faute de l’accusé est mineure et que le classement n’est pas contraire à l’intérêt public.

II - LA TENDANCE A L’UNIFORMISATION DES CARACTERISTIQUES DU PROCES PENAL

1) La clôture de l’instruction lors d’une audience intermédiaire
Aux Etats-Unis, l’audience préliminaire est consacrée à la déclaration publique des chefs d’accusation, l’accusé devant indiquer le mode de défense qu’il entend employer. S’il plaide coupable, le juge doit alors déclarer la culpabilité et fixer la peine.

Dans les autres pays, cette audience permet d’établir s’il y a ou non lieu d’ouvrir le procès.

En Angleterre et au Pays de Galles, cette procédure n’est toutefois applicable qu’aux infractions graves, les autres étant jugées selon une procédure sommaire.

En Allemagne et en Espagne, c’est le tribunal du jugement qui est chargé de cette audience, alors qu’en Italie et en Angleterre, il s’agit du juge qui intervient pendant l’instruction.

2) Les caractéristiques de la procédure de jugement sont les mêmes
Le procès pénal est de type accusatoire : l’accusation et le jugement ne relèvent pas du même organe, les débats sont publics et la procédure est orale et contradictoire.

En revanche, les pays restent divisés sur le statut conféré à la victime. Ainsi, en Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles et aux Etats-Unis, la victime n’est pas considérée comme une partie au procès, mais comme un témoin. Toutefois, en Allemagne, elle peut faire valoir son droit à indemnisation devant le tribunal pénal, même si ce dernier peut rejeter sa demande sans que la victime ait de recours. En Angleterre et aux Pays de Galles, le procureur peut demander que des dommages-intérêts soient versés à la victime, mais le juge peut refuser. Aux Etats-Unis, la victime peut engager une action en responsabilité civile personnelle et séparée.

En Italie et en Espagne, la victime peut se constituer partie civile.

3) Tous les pays ont mis en place des procédures simplifiées
En Angleterre et au Pays de Galles, en Italie et aux Etats-Unis, il s’agit essentiellement de procédures de jugement sommaire, pour les infractions les moins graves, ou de transactions pénales, lorsque l’accusé accepte de plaider coupable. L’Italie envisage d’ailleurs d’instaurer une nouvelle forme de transaction pénale afin d’élargir cette pratique à une majorité d’affaires et de désengorger les tribunaux.

En Allemagne, l’ordonnance pénale permet qu’environ 30 % des affaires soient jugées au moyen d’une procédure écrite. Par ailleurs, les solutions négociées informelles sont de plus en plus utilisées.

Le code de procédure espagnol prévoit la possibilité d’un accord sur la peine. Toutefois, cette procédure est très rarement utilisée.

ALLEMAGNE

Le code de procédure pénale date de 1877. Il a été modifié plusieurs fois depuis cette date. La principale réforme a eu lieu en 1975 : elle a aboli le juge d’instruction et apporté des exceptions au principe de légalité des poursuites en permettant au ministère public de classer sans suite dans certaines circonstances.

I - LA PROCEDURE D’INSTRUCTION
1) Les acteurs
a) Le ministère public

La compétence du ministère public est étendue : il enregistre les plaintes des victimes, il a l’obligation de déclencher les poursuites [1] dès qu’il a connaissance d’une infraction, et il dirige l’enquête de police. L’obligation qu’a le ministère public de déclencher les poursuites constitue le corollaire du monopole (1) de l’Etat dans ce domaine.

Considéré comme un " organe autonome de l’administration de la justice " et non comme une partie, sa principale mission consiste à rechercher pendant la phase préparatoire les éléments de preuve à charge et à décharge.

b) La police criminelle

Comme le ministère public ne dispose pas d’agents, un corps de police spécialisé, la police criminelle, l’assiste dans ses investigations.

En pratique, les plaintes sont directement traitées par la police, qui adresse au ministère public un rapport résumant les actes d’enquête et les preuves collectées. Le ministère public n’est donc pas représenté pendant l’enquête, sauf circonstances exceptionnelles.

c) Le " juge de l’instruction "

Bien que le ministère public dirige la procédure d’instruction, toute une série de mesures lui sont interdites car la loi les réserve au juge. Pour les faire exécuter, le procureur s’adresse donc au " juge de l’instruction ", qui vérifie la régularité juridique des actes qui lui sont soumis sans pouvoir en apprécier l’opportunité.

Le " juge de l’instruction " est donc chargé du contrôle formel de l’instruction. Il intervient donc sur requête du ministère public lorsque ce dernier ne peut pas prescrire certaines mesures. Les actes de son ressort touchent essentiellement à la liberté individuelle (prononcé de la détention provisoire, placement dans un établissement psychiatrique, retrait du permis de conduire, audition des témoins et des experts...).

Exceptionnellement, en cas d’urgence, le " juge de l’instruction " peut être amené à agir de sa propre initiative.

2) La légalité des poursuites et ses exceptions
Lorsque l’affaire est suffisamment instruite, le ministère public prend une décision de poursuite ou une décision de classement. Le classement peut être décidé pour des raisons procédurales (irrecevabilité de la poursuite par exemple), pour manque de preuves, ou pour des raisons tenant à l’opportunité des poursuites.

En effet, si la légalité des poursuites, conséquence du principe de l’égalité des citoyens devant la loi, demeure un principe fondamental de la procédure pénale allemande, la réforme de 1975 lui a apporté plusieurs exceptions importantes.

Le code de procédure pénale prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles le ministère public n’est pas obligé de poursuivre.

Un classement sans suite en pure opportunité est possible pour les affaires les moins importantes. Le classement sans suite suppose cependant le consentement du tribunal, sauf pour les infractions les plus légères. Environ la moitié des affaires sont classées sans suite.

Par ailleurs, un classement sans suite sous condition est possible pour tous les délits dans la mesure où la faute de l’accusé n’est pas trop importante et où une telle décision n’est pas contraire à l’intérêt public. Dans ce cas, l’accord du tribunal et du prévenu sont nécessaires, et ce dernier doit se soumettre à certaines obligations (versement de dommages-intérêts à la victime, d’une somme d’argent à un organisme de bienfaisance ou à l’Etat...).

Les motifs de la décision de classement doivent être communiqués à l’auteur de la plainte. Si celui-ci est victime de l’infraction, il peut faire contrôler le bien-fondé du classement en intentant un pourvoi auprès du supérieur hiérarchique du procureur auteur de la décision de classement. En cas de rejet de ce pourvoi, la victime peut saisir le tribunal régional supérieur.

La victime peut ainsi obtenir l’ouverture des poursuites malgré une première décision de classement.

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Après que le ministère public a transmis l’acte d’accusation à la juridiction de jugement, celle-ci exerce un contrôle sur la décision de poursuite.

C’est l’objet de la " procédure intermédiaire " au cours de laquelle la juridiction de jugement se prononce sur l’ouverture de la procédure principale. La juridiction de jugement peut en effet refuser cette dernière, notamment si elle estime les soupçons qui pèsent sur l’inculpé insuffisants.

Le ministère public dispose d’une marge d’appréciation pour saisir telle ou telle juridiction répressive : il peut choisir l’une ou l’autre des deux formations du tribunal cantonal en fonction de la peine requise, ou même saisir le tribunal régional en invoquant une " importance particulière ".

II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT

Le procès pénal est de type accusatoire : l’accusation et le jugement ne relèvent pas du même organe.

· Les débats sont publics et la procédure est orale. Ceci interdit l’utilisation des procès-verbaux recueillis pendant les interrogatoires. Le jugement ne peut s’appuyer que sur ce qui a fait l’objet d’un débat, ou du moins sur des pièces qui ont été lues à l’audience.

Le caractère contradictoire impose la comparution de l’accusé et sa participation aux débats exactement au même titre que le ministère public. La présence du prévenu est donc essentielle, et la procédure pénale n’admet pas le jugement par défaut.

· Le code de procédure pénale interdit une interruption supérieure à dix jours et impose que l’audience de jugement se déroule de façon continue et dans un délai d’au plus onze jours. Cependant, lorsque l’audience a déjà duré au moins dix jours, une interruption de trente jours est possible. Environ 90 % des affaires sont jugées dans l’année qui suit l’infraction et les trois quarts le sont dans les six mois.

Dans la mesure où cette possibilité existe [2], le ministère public peut faire appel de la décision du tribunal.

III - L’ACTION CIVILE

En règle générale, la victime n’est pas considérée comme une partie au procès, mais comme un témoin.

L’indemnisation des dommages causés par une infraction relève des juridictions civiles en vertu de la séparation stricte entre action publique et action civile.

Cependant, depuis la loi du 18 décembre 1986, la victime peut faire valoir son droit à indemnisation devant les juridictions pénales si elle dépose une demande avant l’ouverture de l’audience.

Le tribunal peut rejeter la demande pour irrecevabilité ou pour non-conformité à la procédure pénale. Il peut y faire droit en totalité ou en partie, le montant de l’indemnité étant évalué par un juge civil.

En cas d’échec, le demandeur ne dispose d’aucune voie de recours si ce n’est un pourvoi en révision, que l’on peut assimiler à la cassation.

Ces inconvénients pour la victime ainsi que l’hostilité des magistrats et des avocats (qui n’ont droit qu’à la moitié des honoraires habituels dans ce cas) justifient la faible utilisation de cette procédure.

IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES

1) La procédure accélérée
Elle est applicable sur demande du ministère public lorsque les conditions suivantes sont réunies :
- l’infraction est passible d’une peine privative de liberté inférieure à un an et relève de la compétence du tribunal pénal de base ;
- la démonstration de la culpabilité de l’accusé a pu être établie facilement.

Le tribunal du jugement peut refuser la requête du ministère public, mais l’accusé n’a aucun recours contre une telle demande. Si le tribunal l’accepte, l’audience de jugement a lieu dans les 24 heures, sans passage par la procédure intermédiaire.

En pratique, la procédure accélérée est peu utilisée car on lui préfère l’ordonnance pénale.

2) L’ordonnance pénale
Lorsque l’infraction est passible d’une amende ou d’une peine de prison prononcée avec sursis d’au plus un an, le ministère public peut, s’il estime qu’un jugement contradictoire n’est pas nécessaire, proposer de le remplacer par une procédure écrite : l’ordonnance pénale.

La demande du ministère public comporte la sanction requise. Si le juge estime la requête fondée, il prononce la peine proposée sans que l’inculpé ait été entendu par le tribunal. Le condamné peut s’opposer à l’ordonnance pénale, ce qui entraîne l’ouverture d’un jugement contradictoire.

En pratique, cette procédure est utilisée dans environ 30 % des cas jugés par les tribunaux répressifs de base.

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Par ailleurs, bien que le principe de l’instruction impose aux autorités de rechercher la vérité et s’oppose à toute négociation, les solutions négociées sont de plus en plus utilisées. La Cour constitutionnelle fédérale, qui a eu l’occasion de se prononcer sur ce point en 1987, en a admis le principe dans certaines circonstances. Des arrangements informels sont conclus entre les avocats, le ministère public et les juges, en particulier dans les affaires les plus complexes : la reconnaissance par l’accusé de certains faits entraîne la promesse par le juge d’une réduction de peine.

ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES

Il n’existe pas de code de procédure pénale. Les règles de la procédure, qui sont établies par de nombreux textes épars dont le plus récent est le Criminal Procedure and Investigations Act de 1996, ont été profondément modifiées depuis quelques années.

Parmi les nouvelles dispositions figurent notamment :

- le fait que le droit au silence du suspect ou de l’accusé ait été restreint, la Cour et l’accusation pouvant désormais tirer des conclusions de son silence devant le jury ;

- l’échange des éléments du dossier, et donc des preuves, entre la police et la défense ;

- l’obligation faite à l’accusé d’indiquer le mode de défense qu’il entend utiliser avant son renvoi devant un tribunal. 
 
I - LA PROCEDURE D’INSTRUCTION

1) Les acteurs
a) La police

La police n’est pas placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. Jusqu’à l’entrée en vigueur du Police and Magistrates’ Courts Act de 1994, ce dernier ne pouvait qu’émettre des circulaires à son intention. Toutefois, la loi de 1994 tend à limiter l’autonomie des forces de police. En effet, le ministre de l’Intérieur peut désormais :
- demander à une autorité locale la démission d’un chef de police ;
- avoir recours aux services d’inspection afin qu’ils contrôlent une force de police ;
- redessiner les aires de compétence des forces de police ;
- leur fournir des services et les obliger à utiliser certains équipements...

La police exerce une double mission : la recherche des preuves et le déclenchement des poursuites. Elle ne détient pas le monopole de l’action publique.

Aucune autorité ne peut contraindre la police à intenter des poursuites qu’elle ne souhaite pas engager. Une fois les poursuites déclenchées, la police doit transmettre l’affaire au Crown Prosecution Service.

b) Le ministère public

Le Crown Prosecution Service (CPS), mis en place en 1985 par le Prosecution of Offences Act pour contrôler les dossiers d’accusation que la police constitue, agit en toute opportunité pour demander à la police de continuer ou d’arrêter l’enquête après qu’elle lui a transmis le dossier. Le CPS continue ou arrête les poursuites qui ont été initialement déclenchées par la police. Si la police n’entame pas les poursuites, le CPS ne doit en principe pas intervenir.

Toutefois, aussi bien la victime que n’importe quel particulier ont le droit de saisir directement les tribunaux. Dans ce cas, le CPS peut décider de conduire les poursuites, mais il n’y est pas obligé. Il peut également les arrêter s’il estime qu’elles ne sont pas fondées.

Le CPS agit sous l’autorité du directeur des poursuites qui a pour mission, outre la prise en charge de la conduite des poursuites entamées par la police, l’engagement et la conduite des poursuites des affaires importantes ou complexes. Toutefois, ce droit est rarement utilisé.

Le directeur des poursuites est nommé par l’Attorney General et placé sous son autorité. L’Attorney General, bien qu’ayant rang de ministre, est indépendant du gouvernement (il ne siège pas au conseil des ministres) et responsable devant le Parlement. Il engage et dirige les poursuites relatives aux infractions d’une exceptionnelle gravité ou complexité, et notamment aux infractions en rapport avec la sécurité de l’Etat. Par ailleurs, certaines infractions ne peuvent être poursuivies sans son consentement préalable (ex. terrorisme).

c) Le juge

Le juge qui intervient pendant la phase policière est un magistrate, c’est-à-dire un juge non professionnel. Il n’est pas chargé de surveiller l’enquête, mais intervient ponctuellement afin d’autoriser la police à effectuer certains actes. Le cas échéant, il délivre les mandats d’arrêt, de perquisition, de saisie ou autorise la prolongation des gardes à vue.

2) L’opportunité des poursuites
Le principe qui prévaut est celui de l’opportunité des poursuites : l’obligation de poursuivre ne s’impose que lorsque " il apparaît que l’infraction ou les circonstances de sa commission ont un caractère tel que la poursuite est requise dans l’intérêt public ".

Afin d’aider la police et le CPS dans leurs décisions, un code de conduite et un document définissant les critères de la poursuite ont été établis. De ces textes, il ressort que doivent être pris en compte :
- la gravité de l’infraction ;
- l’ancienneté de cette infraction, la poursuite ne devant plus être engagée passé un délai de trois ans après l’infraction ou dix ans pour un meurtre ;
- l’âge ou l’état de santé du délinquant ;
- un éventuel retrait de plainte.

Par ailleurs, le classement sans suite sous condition est largement utilisé.

Toutefois, en cas de classement, tout citoyen, et pas seulement la victime, est autorisé à engager directement les poursuites. En pratique, l’action lancée par de simples citoyens, qui devront donc assumer la totalité des frais de procédure et rassembler eux-mêmes les preuves, est très rare.

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Lorsque l’accusé est inculpé d’une infraction grave et doit, à ce titre, être jugé devant la Crown Court, une enquête préliminaire (committal proceedings) doit être menée par le magistrate. Cette enquête a pour but de déterminer si les charges qui pèsent contre l’inculpé sont fondées et, le cas échéant, s’il doit être renvoyé devant la Crown Court. Elle doit avoir lieu dans les soixante-dix jours de la première comparution et le procès en Crown Court doit en principe commencer dans les cent douze jours de la décision de renvoi.

Cette enquête préliminaire se présentait à l’origine sous la forme d’une procédure orale lors de laquelle les témoins pouvaient être interrogés contradictoirement par l’avocat de l’accusé. Cette procédure ayant été jugée lourde et coûteuse, en 1967 une seconde forme d’enquête préliminaire autorisant le ministère public à soumettre les preuves non contestées sous forme de dépositions écrites fut admise. Bien que cette dernière procédure ait été, dès lors, utilisée dans la grande majorité des cas, il semble qu’elle n’ait pas amélioré le coût et la complexité de l’enquête préliminaire. Aussi, devant la recrudescence des affaires devant être examinées en enquête préliminaire, fut-il décidé lors de l’examen du Criminal and Public Order Act de 1994 de remplacer les committal proceedings par une procédure écrite, dite de transfer for trial.

Cependant, face aux critiques formulées à l’encontre du transfer for trial, jugé à son tour complexe, bureaucratique et rigide, les committal proceedings furent rétablis et modifiés par le Criminal Procedure and Investigations Act de 1996.

Si l’enquête préliminaire, procédure orale, se déroule toujours en présence de l’accusé, désormais seules les preuves écrites peuvent être examinées et aucun témoignage ne peut être entendu à ce stade de la procédure.

II - LES PRINCIPALES CARACTERISQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT

Ces caractéristiques valent aussi bien pour les procès devant la Crown Court (pour les infractions graves) que devant les magistrates’ courts (pour les infractions moins graves).

Le procès pénal est de type accusatoire : le juge n’a aucun lien avec l’accusation et ne participe pas à l’élaboration de la preuve ; il dirige les débats, tranche les questions de droit et s’assure de la loyauté des procédés utilisés pour la recherche de la preuve ; il ne peut interroger les témoins.

Les débats sont publics et la procédure est orale et contradictoire : il n’existe rien de comparable au dossier français, les procès-verbaux des témoins ne sont pas communiqués à la Cour ; le témoignage des personnes comparaissant à l’audience constitue la seule preuve recevable. A de rares exceptions près, le procès ne peut avoir lieu qu’en présence de l’accusé.

Le CPS ne peut pas faire appel de la décision du tribunal.

III - L’ACTION CIVILE

La victime n’a pas le droit d’être informée de la progression des poursuites ou du procès. Si les poursuites ont été engagées par la police et le CPS, elle ne peut intervenir que pour apporter son témoignage. Elle n’a pas le pouvoir de demander elle-même des dommages-intérêts. Le procureur peut le faire, mais le juge peut refuser sur décision motivée.

IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES

Les infractions les moins graves donnent systématiquement lieu à une procédure simplifiée puisque les affaires portées devant les magistrates’ courts font par nature l’objet d’une procédure sommaire devant avoir lieu dans les soixante-dix jours de la première comparution.

Cependant, qu’il s’agisse des affaires examinées par les magistrates’ courts ou par la Crown Court, le fait de plaider coupable simplifie et accélère notablement la procédure. En effet, lorsque l’accusé plaide coupable, aucune discussion sur la preuve n’a lieu et la culpabilité est automatiquement reconnue. Dans cette hypothèse, devant la Crown Court, la présence du jury n’étant pas nécessaire, la cour siège à juge unique.

La décision de l’accusé de plaider coupable résulte le plus souvent d’une transaction pénale, plea bargaining ou sentence discounting [3].

ESPAGNE

Le code de procédure pénale, largement inspiré du code français d’instruction criminelle de 1808, date de 1882. Plusieurs fois modifié depuis, il n’a pas encore fait l’objet de la grande réforme attendue depuis plusieurs années.

I - LA PROCEDURE D’INSTRUCTION

1) Les acteurs
a) Le ministère public

L’article 124 de la Constitution décrit ainsi sa mission : " Le ministère public, sans préjudice des fonctions confiées à d’autres organes, a pour mission de promouvoir l’action de la justice pour défendre la légalité, les droits des citoyens et l’intérêt public protégé par la loi, d’office ou à la demande des intéressés, de veiller à l’indépendance des tribunaux et de rechercher devant ceux-ci la satisfaction de l’intérêt social. "

Pendant la phase d’instruction, la compétence du ministère public apparaît assez limitée : il enregistre, au même titre que les autorités de police et les juges, les plaintes. Il est informé des plaintes qui ne lui ont pas été soumises et a l’obligation de déclencher l’action publique dès qu’il a connaissance d’une infraction.

Il ne détient pas le monopole du déclenchement des poursuites car tout citoyen espagnol, qu’il soit ou non victime, peut exercer cette action en vertu de l’article 125 de la Constitution " Les citoyens pourront exercer l’action populaire (...) ", repris par l’article 101 du code de procédure pénale selon lequel " L’action pénale est publique. Tous les citoyens espagnols pourront l’exercer conformément aux dispositions de la loi. "

Compte tenu de ses faibles effectifs, de la concentration de ses membres dans les capitales provinciales et de son manque de coordination avec la police judiciaire, le rôle du ministère public pendant la phase d’instruction est essentiellement passif et limité au contrôle de certains actes de l’instruction. Bien qu’il ait la possibilité, lorsqu’il a enregistré la plainte lui-même, de procéder aux actes d’investigation qui ne touchent pas aux droits fondamentaux, en pratique, il ne le fait pas.

b) La police judiciaire

L’article 126 de la Constitution stipule : " La police judiciaire dépend des juges, des tribunaux et du ministère public en ce qui concerne la recherche du délit ainsi que la découverte et l’arrestation du délinquant, dans les termes établis par la loi. "

L’article 282 du code de procédure pénale la charge d’enquêter sur les délits, de réaliser les enquêtes nécessaires, de découvrir les délinquants, de récolter tous les éléments de preuve qui pourraient disparaître et de mettre ces derniers à la disposition des autorités judiciaires.

A l’article suivant, le code de procédure pénale précise que la police judiciaire constitue un auxiliaire des juges et tribunaux compétents en matière pénale ainsi que du ministère public, et qu’elle doit suivre leurs instructions.

c) Le juge d’instruction

Depuis 1882, la procédure pénale espagnole a conservé au juge d’instruction les attributions de son homologue français. La prise en charge de toute la procédure d’instruction par le ministère public, évoquée à plusieurs reprises, n’a pas été introduite.

Jusqu’en 1988, le juge d’instruction pouvait statuer au fond après avoir instruit, lorsque l’infraction n’était pas passible d’une peine supérieure à six mois d’emprisonnement. La loi organique n° 7 du 28 décembre 1988 a tiré les conséquences d’une décision du Tribunal constitutionnel (qui lui-même appliquait la jurisprudence De Cubber de la Cour européenne des droits de l’homme) en supprimant cette exception au principe de la séparation de l’instruction et du jugement.

2) La légalité des poursuites
L’article 100 du code de procédure pénale dispose que " de tout délit et de toute contravention naît une action pénale en vue du châtiment du coupable (...) ". L’article 105 renforce cette affirmation en obligeant le ministère public à exercer l’action publique.

Cette règle est interprétée très rigoureusement, la jurisprudence étant unanime pour décider que les tribunaux doivent appliquer la loi, même lorsque la dépénalisation du fait est imminente.

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Après que le juge d’instruction a achevé son instruction, il rend un arrêt de conclusion, ce qui a pour effet de clore l’instruction, d’ouvrir la phase intermédiaire, c’est-à-dire la phase du procès qui se situe entre l’instruction et l’audience, et de saisir le tribunal du jugement. C’est en effet ce dernier qui décide s’il y a ou non lieu d’ouvrir le procès.

II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT

· Le procès pénal est de type accusatoire : la poursuite et le jugement ne relèvent pas du même organe.
· Les débats sont publics et la procédure est orale. Ces deux principes sont d’ailleurs inscrits dans la Constitution, à l’article 120 :
" 1. Les actes judiciaires seront publics, à l’exception des cas prévus par les lois sur la procédure.
" 2. La procédure sera principalement orale, surtout en matière criminelle (...). "
· Le caractère contradictoire de la procédure impose la comparution de l’accusé et sa participation au débat. En son absence, l’audience doit être suspendue. Le jugement par contumace n’est admis que pour les infractions les moins graves.
· En vertu du principe d’" immédiateté ", le jugement du tribunal ne peut se fonder que sur les allégations faites à l’audience et sur les pièces produites devant lui. Ainsi, la déclaration d’un témoin ne peut pas être remplacée par la lecture d’une de ses dépositions faites pendant l’instruction.
· Le code de procédure pénale prescrit que l’audience, une fois ouverte, doit se poursuivre sans interruption jusqu’à sa conclusion, ce qui n’empêche ni les pauses entre deux séances, ni les suspensions justifiées (nécessité de résoudre des questions incidentes par exemple).

III - L’ACTION CIVILE

Même si les poursuites ont été déclenchées par le ministère public, les personnes lésées par l’infraction sont supposées exercer également l’action civile, directement ou par l’intermédiaire du ministère public. Elles peuvent cependant renoncer expressément à leur droit à réparation ou décider de reporter l’exercice de l’action civile jusqu’après la fin du procès pénal.

En revanche, elles ne peuvent pas utiliser le procès pénal pour obtenir uniquement une décision sur l’action civile, ni exercer celle-ci devant les tribunaux civils pendant le déroulement du procès pénal.

IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES

L’article 655 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour l’accusé de donner son accord à la peine demandée par le ministère public. Le tribunal, s’il en est d’accord, peut alors prononcer une sentence de conformité et condamner l’accusé à la peine proposée, sans qu’il y ait de débat.

L’accusé peut donner son accord pendant la phase intermédiaire ou au début de l’audience de jugement.

La sentence de conformité est exclue lorsque la peine requise est supérieure à six ans de prison.

En pratique, cette procédure est rarement utilisée. En outre, comme la sentence de conformité ne peut être prononcée qu’après la phase d’instruction, son intérêt en termes " économiques " apparaît limité.

ITALIE

Le code de procédure pénale est assez récent, puisqu’il est entré en vigueur en 1989. La nouvelle procédure pénale italienne, mise en place afin, d’une part, d’instaurer une procédure à tendance accusatoire et, d’autre part, de remédier aux lenteurs du système pénal, a été très critiquée. Aussi, le gouvernement a-t-il entrepris une réforme globale de la justice, qui s’est traduite par le dépôt de plusieurs projets de loi depuis juillet 1996. Ces projets, qui ne devraient cependant pas aboutir avant janvier 1998, visent notamment à permettre :
- de distinguer nettement les fonctions et la carrière des magistrats du ministère public et des juges de premier degré ;
- de donner à la défense des pouvoirs d’enquête, au même titre que le ministère public ;
- d’autoriser le juge de l’enquête préliminaire à " approfondir " les éléments de preuve qui lui sont transmis ;
- de créer une nouvelle forme de transaction pénale, " condanna a pena concordata ", pour les personnes condamnées à une peine de prison maximale de trois ans [4], une fois déduites d’éventuelles réductions de peine antérieures ;
- d’autoriser le juge à proposer, lors des transactions pénales, des peines de substitution à l’emprisonnement (travaux d’utilité publique, assignation à résidence) et des réductions supplémentaires de peines d’emprisonnement, contre paiement de dommages et intérêts à l’Etat ;
- de n’accepter les témoignages des collaborateurs de justice comme moyen de preuve que lorsque ces derniers acceptent de confirmer leurs dépositions lors du procès, en audience plénière.

La plupart de ces dispositions, qui font l’objet de nombreuses controverses depuis quelques mois en Italie, sont actuellement examinées par le Parlement.

I - LA PROCEDURE D’INSTRUCTION

1) Les acteurs
a) La police judiciaire

Elle est chargée d’assister le ministère public dans ses investigations. Elle doit donc signaler, sans délai et par écrit, au ministère public l’existence de toute infraction dont elle a eu connaissance. Elle peut cependant accomplir des actes spécifiques de sa propre initiative afin de rechercher l’infraction ou de réunir des éléments utiles à l’enquête.

La police judiciaire est organisée en sections, attachées à chaque bureau du ministère public. Elles sont composées d’officiers et agents des trois principaux corps de police :
- la police d’Etat, placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur ;
- les carabinieri, rattachés au ministère de la Défense ;
- la garde des finances, qui dépend du ministère des Finances.

Le lien de subordination entre ces corps et l’exécutif est fonctionnel, et l’autorité judiciaire dispose directement du personnel de police.

b) Le ministère public

Le ministère public est chargé de l’enquête préliminaire et de l’engagement des poursuites dont il a le monopole. Lors de l’enquête préliminaire, le ministère public bénéficie de prérogatives étendues : il peut requérir la police judiciaire pour l’accomplissement d’activités d’enquête et d’actes spécifiques (perquisitions, saisies...). Bien que les actes d’enquête soient couverts par le secret, il peut décider de lever ce secret, dans l’intérêt de l’enquête. Le ministère public doit mettre fin à l’enquête préliminaire dans un délai de six mois à compter de l’enregistrement de l’infraction. Toutefois, il est courant que des prorogations de délai lui soient accordées (dans la limite de 18 mois ou 2 ans pour les infractions graves) par le juge de l’enquête préliminaire.

Les magistrats du ministère public ont actuellement le même statut que les magistrats du siège et relèvent du Conseil supérieur de la magistrature, organe indépendant du pouvoir exécutif. Il existe des bureaux du ministère public auprès de chaque tribunal, chacun de ces bureaux possédant sa propre autonomie.

Le ministère public a l’obligation d’exercer l’action pénale, et quand une plainte, une requête ou une autorisation ne sont pas nécessaires à l’engagement des poursuites, l’action pénale est exercée d’office.

A la fin de l’enquête préliminaire, le ministère public doit présenter une requête de classement sans suite ou de renvoi en jugement au juge de l’enquête préliminaire.

c) Le juge de l’enquête préliminaire

Il est chargé du contrôle de la légalité des investigations et des décisions restreignant les droits fondamentaux (garde à vue, écoutes téléphoniques, prolongation de la durée de l’enquête préliminaire...).

C’est également le juge de l’enquête préliminaire qui mène l’audience des " incidents probatoires ", procédure qui permet au suspect ou au ministère public d’obtenir des éléments de preuve décisifs qui ne peuvent être recueillis par la voie normale, mais dont le contenu doit être fixé avec solennité (par exemple, recueillir le témoignage direct d’une personne infirme, menacée ou d’un complice repenti).

Il est chargé, lors de l’audience préliminaire qui clôt l’enquête préliminaire, d’apprécier les décisions de classement sans suite ou de renvoi en jugement prises par le ministère public.

En outre, lorsque l’affaire suit une procédure spéciale, jugement abrégé, application de la peine sur requête des parties (pattegiamento) et ordonnance pénale (cf. IV ci-dessous), le juge de l’enquête préliminaire procède lui-même, sans qu’il y ait besoin d’audience préliminaire, au jugement. En revanche, les autres procédures simplifiées examinées plus loin ont lieu directement devant le juge du jugement sans intervention du juge de l’enquête préliminaire.

2) La légalité des poursuites
Bien que le système italien se soit considérablement rapproché du droit anglo-américain, le principe de la légalité des poursuites consacré par l’article 112 de la Constitution a été maintenu et ne souffre pas d’exception.

Toutefois, il est possible qu’une fois la poursuite engagée, celle-ci soit abandonnée. Ainsi, l’oblation volontaire permet à l’auteur d’une contravention punissable d’une amende et/ou d’une peine privative de liberté de payer avant le jugement une somme égale au tiers du maximum de l’amende prévue par la loi. Cette procédure éteint l’action publique.

En tout état de cause, la victime comme le ministère public peuvent faire opposition à une décision de classement sans suite d’une affaire. Cette opposition entraîne la tenue d’une audience contradictoire sur les résultats de l’enquête.

II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT

Le procès pénal est de type accusatoire : l’accusation et le jugement ne relèvent pas du même organe ; le juge n’intervient au cours de l’audience de jugement que pour la conduite des débats.

Les débats sont publics, sauf si la publicité risque de nuire aux bonnes moeurs ou de divulguer des secrets d’Etat.

La procédure est orale, même s’il existe des dossiers d’instruction. Le système mis en place prévoit deux dossiers d’instruction. Les procès-verbaux des actes accomplis pendant la phase préliminaire ne doivent pas figurer dans le dossier " pour les débats " mais dans le dossier du ministère public. Or seules les données du dossier " pour les débats " peuvent être utilisées comme moyen de preuve.

La procédure est contradictoire et la présence de l’accusé est exigée. Toutefois, dans le cas où celui-ci ne comparaît pas, pour une raison non légitime, le juge prononce le jugement par contumace.

III - L’ACTION CIVILE

La victime ne peut déclencher les poursuites, mais peut se constituer partie civile. Elle peut, dès lors que l’infraction lui a causé un dommage, intervenir à tous les stades de la procédure pour demander réparation.

De même, les personnes morales représentant les intérêts lésés par l’infraction peuvent présenter des mémoires et fournir des éléments de preuve.

IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES

En dehors de l’oblation, du pattegiamento et du jugement abrégé, procédures de transaction pénale déjà traitées dans une étude précédente  [5] les autres procédures simplifiées sont :
- le jugement direct,
- le jugement immédiat,
- l’ordonnance pénale.

Le jugement direct consiste en la présentation directe du délinquant au juge de jugement, sans qu’une audience préliminaire soit nécessaire. Cette procédure est réservée aux cas de flagrant délit.

Le jugement immédiat permet également d’éliminer l’audience préliminaire. Il faut qu’au préalable la preuve de la culpabilité du prévenu ait été établie sans doute possible.

L’ordonnance pénale ne s’applique qu’aux infractions pour lesquelles le ministère public estime que seule une peine pécuniaire doit s’appliquer. Dans ce cas, la condamnation directe est prononcée par le juge de l’enquête préliminaire.

ETATS-UNIS

L’administration de la justice criminelle relève principalement des Etats et non du pouvoir fédéral. Il y a donc plusieurs systèmes de procédure pénale. Toutefois, ces différents systèmes sont relativement homogènes et il est possible d’en dégager des principes généraux.

I - LA PROCEDURE D’INSTRUCTION

1) Les acteurs
a) La police

S’il existe au moins une police au niveau de chaque Etat, la majeure partie du personnel de la police est recrutée au niveau du comté ou de la municipalité et est responsable devant l’exécutif local. Les polices d’Etat ont essentiellement un rôle de coordination des polices locales.

Les polices fédérales, au nombre d’une cinquantaine, dépendent des ministères de la Justice, du Trésor ou des Transports. Elles sont compétentes pour toutes les infractions impliquant plus d’un Etat.

La police, en général, est chargée de l’enquête sur les faits criminels portés à son attention ou qu’elle a découverts spontanément.

Elle agit en coopération avec le procureur, mais est généralement indépendante, n’étant pas soumise à son contrôle.

Elle peut toutefois être assistée au cours de ses enquêtes par des personnes engagées par le procureur.

b) Le ministère public

Il s’agit du procureur, attorney, qui est chargé d’engager les poursuites et d’établir le dossier d’accusation. Il a une liberté quasi absolue et quand il décide de poursuivre, il détermine seul les chefs d’accusation et les faits qu’il entend retenir.

La Cour suprême a d’ailleurs jugé que cette liberté était " absolument nécessaire à l’exercice normal de ses fonctions ".

Toutefois, pour les infractions graves, le procureur doit, si la loi ou la constitution d’un Etat le prévoit, saisir un grand jury afin qu’il apprécie les charges. Dans ce cas, c’est le grand jury qui établit l’acte d’accusation. En tout état de cause l’acte d’accusation doit être établi au plus tard 30 jours après l’arrestation du suspect.

Le grand jury apprécie l’opportunité de poursuivre, établit l’acte d’accusation et peut participer à l’enquête avant de rendre sa décision. A ce titre, il jouit d’une grande autonomie et de pouvoirs d’enquête étendus. La procédure devant le grand jury est secrète et n’est pas contradictoire. Le grand jury fonctionne donc selon un modèle purement inquisitoire.

Au niveau des Etats, le procureur est élu. Il est donc relativement indépendant du pouvoir exécutif.

Au niveau fédéral, le procureur général des Etats-Unis est membre du gouvernement. Les procureurs sont nommés pour quatre ans par le président des Etats-Unis sur consentement du Sénat et sont révocables. Les assistants procureurs, responsables fédéraux des districts sont nommés par le procureur général et révocables par lui. On ne peut donc pas parler d’indépendance du ministère public au niveau fédéral.

c) Le juge

Dès lors qu’un suspect est arrêté, il doit être présenté à un magistrate (juge de rang inférieur) qui procède alors au premier examen. Il s’agit d’une audience publique, destinée à permettre de déterminer si les preuves réunies contre le suspect justifient sa détention. Cette audience n’est pas une procédure d’instruction et le juge ne peut interroger le suspect ; il doit apprécier le caractère probable de la culpabilité. Lorsqu’il maintient l’accusation, il doit fixer le montant de la caution requise afin de placer le suspect en liberté provisoire.

C’est le même magistrate qui délivre, la plupart du temps a posteriori les mandats d’arrestation, de perquisition, de saisie et d’écoutes téléphoniques.

2) L’opportunité des poursuites et ses exceptions
La décision d’engager les poursuites est appréciée en toute opportunité par le procureur. Lorsque les poursuites sont lancées, le procureur peut en outre les abandonner ou les suspendre.

En cas d’abandon des poursuites, de plus en plus d’Etats exigent que le procureur motive sa décision. C’est également le cas au niveau fédéral.

La suspension des poursuites est prise en accord avec le délinquant et doit être homologuée par le juge. Elle est accordée pour un an, et à condition que l’intéressé satisfasse à certaines obligations. A l’issue de ce délai, le procureur peut décider d’abandonner les poursuites.

II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT

Que l’acte d’accusation ait été établi directement par le procureur ou par un grand jury, l’accusé doit ensuite être traduit devant le juge de première instance pour une audience préliminaire. Ce dernier doit procéder à la lecture officielle des chefs d’accusation en audience publique. L’accusé doit alors déclarer s’il plaide coupable ou non coupable. S’il plaide coupable, le juge déclare immédiatement la culpabilité et fixe la peine.

La peine résulte la plupart du temps d’une transaction mise au point avant le jugement (cf. IV - plea bargaining) entre le ministère public, l’accusé, son avocat et très souvent le juge lui-même.

Lorsque l’accusé plaide non coupable, il existe deux procédures différentes suivant que l’infraction est grave ou moins grave.

Pour ces dernières infractions le juge peut procéder au jugement sur le champ ou après un délai assez bref permettant à l’accusé de se procurer un avocat ou des témoins à décharge.

S’il s’agit d’une infraction grave, le procès devra avoir lieu (dans les 70 jours suivant l’émission de l’acte d’accusation) devant un tribunal.

Quelle que soit la nature de l’infraction, la procédure est contradictoire, accusatoire et orale et les débats sont publics.

Une quinzaine de jours après le procès, si l’accusé a été reconnu coupable, doit avoir lieu une deuxième audience publique au cours de laquelle le juge doit fixer la peine applicable.

III - L’ACTION CIVILE

La victime d’une infraction ne peut elle-même déclencher les poursuites, ni intervenir lorsque l’action a déjà été engagée par le ministère public. Elle n’est pas partie à la procédure pénale. Elle peut cependant engager une action en responsabilité civile personnelle et séparée.

IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES

Il s’agit principalement du plea bargaining, procédure de transaction pénale déjà traitée dans une étude précédente [6], et de la faculté donnée au magistrate de statuer directement sur les affaires relatives aux infractions les moins graves.

Par ailleurs dans certains Etats, lorsque la loi le permet, l’accusé a le droit de renoncer à l’audience préliminaire.

[1L’obligation de mettre en mouvement l’action publique admet quelques aménagements. De même, le monopole de l’Etat connaît quelques restrictions et exceptions

[2Les décisions du Schwurgericht, équivalent de notre cour d’assises, ne sont pas susceptibles d’appel

[3Cf. Etude de législation comparée n° 64 de septembre 1994

[4A l’exception des criminels condamnés pour homicides, activités mafieuses, enlèvement, violences sexuelles ou trafic de drogue

[5cf. Etude de législation comparée n° 64 de septembre 1994

[6Cf. Etude de législation comparée n° 64 de septembre 1994