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Le sens de la peine de prison ?

Publié le samedi 17 mars 2007 | https://banpublic.org/le-sens-de-la-peine-de-prison/

Toute approche de la question carcérale ne peut être hermétique à la question de la justice et à une approche de la personne dans sa globalité. Apprécier ce qu’est l’humanité de la personne et poser comme principe que le respect des droits fondamentaux est inaliénable et inconditionnel suppose de dénoncer la dureté, l’indignité, l’inhumanité des conditions d’incarcération. Mais, se contenter de dénoncer les conditions d’incarcération, reviendrait à postuler en amont que l’incarcération est en soi bénéfique, à condition, certes, d’assurer le respect des droits. Ce postulat renvoie au "sens de la peine", et au sens même d’ailleurs de l’expression.

L’expression "le sens de la peine" sous-entend, a priori, qu’il ne peut y avoir d’interprétation pluraliste, à la fois pour la peine elle-même et pour sa finalité. Or, la réalité démontre le contraire. Les peines prononcées peuvent être exécutées en milieu ouvert ou en milieu fermé ; elles peuvent, on non, être assorties d’obligations ou d’interdictions particulières après la libération. Quant au sens, il ne peut être ignoré qu’il est étroitement lié à l’angle de vue. Le sens de la peine prononcée, pour la personne condamnée n’est de toute évidence pas le même que pour la société.
De façon assez simplifiée, punir renvoie à l’idée de rappel à la loi, au principe de protection de la société, et au projet de faire changer la personne. En outre, la décision du conseil constitutionnel du 20 janvier 1994, saisi le 23 décembre 1993, sur la constitutionnalité de la loi instituant une peine incompressible, et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, précise le sens de la peine : "Considérant que l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion".
Attribuer plusieurs fonctions à la peine suppose de clarifier les liens entre ces différentes fonctions, ce qui n’est pas véritablement le cas. Le principe même d’un état de droit est certes de réagir aux dérives par rapport aux lois, votées par nos représentants élus. Est-ce que réagir aux infractions à la loi passe nécessairement pas l’acte de punir, avec une signification symbolique forte ? Est-ce que protéger la société implique nécessairement la privation de liberté ? Est-ce que faire de l’amendement une condition d’octroi de la libération conditionnelle, avec tout le sens moral que cela suppose, est une démarche pertinente ? En outre, la partie civile n’a pas vocation à s’exprimer sur la question de la peine ; elle intervient pour la réparation des éventuels dommages, réparation qui n’est en aucun cas confondue avec la peine. Il convient également de se positionner à la lumière d’éléments tangibles (par exemple relatifs aux liens entre l’aménagement des peines et la diminution du taux de récidive) et non pas à la lumière de la vision véhiculée par les médias, qui, trop souvent, par un effet de loupe tendent à accentuer certaines données et sont enclins à en ignorer d’autres, pourtant tout aussi importantes.

Quel sens peut avoir une peine qui, au lieu de restaurer du lien social, accroît un peu plus chaque jour la mise à l’écart de la personne incarcérée ?
Quel sens peut avoir une peine si la sanction est couverte par le temps de la détention provisoire ?
Quel sens peut avoir une peine qui est tacitement perpétuée par le casier judiciaire, instrument d’enfermement terriblement efficace ?

La rédaction
Ban Public
(Mars 2007)