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Canada : Une journée dans la vie d’un gardien de prison

Publié le jeudi 7 décembre 2006 | https://banpublic.org/canada-une-journee-dans-la-vie-d/

Par Diane Legault
Article mis en ligne le 28 septembre 2006

Une journée dans la vie d’un gardien de prison [canadien]

Alain « rentre en dedans », va « faire du temps » lui aussi, le temps d’un quart de travail. Il doit s’attendre à tout et être prêt à réagir, à tout moment de la journée, même si aucun incident ne se produira !

Pas si facile de rentrer au travail ! Il sonne à la porte grillagée et quelques secondes plus tard, il peut l’ouvrir. Déjà, on l’a identifié par caméra. Il franchit la première des deux clôtures de 12 pieds de hauteur surplombées de barbelées et munies d’alarmes et de détecteurs de mouvements. Après avoir passé la seconde, son collègue le reconnaît et lui ouvre la porte. Finalement, muni de sa carte magnétique spéciale qui l’identifie sans doute possible, et vu par le poste de contrôle, il peut entrer par une grille. Il doit signer le registre et indiquer l’heure de son arrivée. Nous faisons de même.

Élaine, aussi agent correctionnel, nous demande de passer un chiffon dans nos mains et de le lui remettre. Elle veut savoir si nous n’avons pas pris de drogue (!). Elle revient en nous disant que tout est OK. Aujourd’hui, Alain occupera le poste de fonctions multiples avec comme seuls outils de travail une paire de menottes, une radio, son sens de l’observation. Malgré sa solide expérience en milieu carcéral, il devra rester constamment alerte. « Je dois toujours être aux aguets, sur mes gardes, ce qui me tient sur un certain stress tout au long de la journée ».

7 h 40 : C’est la « parade de la méthadone ». Seul stupéfiant autorisé au Canada pour le traitement de la dépendance aux opiacés, elle prévient l’apparition du syndrome de sevrage habituellement lié à la privation d’héroïne et bloque l’envie irrésistible de consommer. Le premier détenu est fouillé et montre sa carte d’identité. Il entre dans le local où se tient un agent correctionnel et l’infirmière. L’heure de son arrivée est notée : 7 h 50. Alain ne le lâche pas des yeux ! L’infirmière lui donne la méthadone et de l’eau puis le fait parler pour s’assurer qu’il a tout avalé. Le détenu se rend dans la salle d’observation où, surveillé par un autre gardien de prison, il restera durant 20 minutes, le temps que le processus de digestion se mette en marche. Les détenus se succèdent ainsi. « Cette façon de faire est pour contrer la contrebande de ce stupéfiant. Des détenus vont jusqu’à avaler un condom relié par de la soie dentaire attachée à une de leur dent, ce qui leur permet de la récupérer et de la vendre », explique Alain qui garde l’œil ouvert !

8 h : C’est maintenant la « parade des détenus de la population » qui ont besoin de médicaments prescrits. Mais contrairement aux autres, celui-là doit avaler sa pilule, qui a été écrasée et mélangée à de l’eau, devant l’infirmière, boire encore de l’eau et ouvrir la bouche méticuleusement observée par celle-ci, question de veiller à ce que le mélange a bel et bien été avalé. « Il s’agit de narcotique prescrit. Pour ce qui est des détenus sous protection, celle-ci se rend dans leur unité car ils ne sont pas mêlés à la population dite régulière, soit menacés par autres détenus, ne fonctionnent pas ou ne sont pas acceptés par la population régulière ». <@Rb>8 h 20<@Rb> : C’est la « parade de travail » alors que les détenus se rendent au boulot dans les ateliers.

Alerte !

9 h 50 : Alain est appelé d’urgence à la buanderie ! Il rejoint au moins sept autres agents dépêchés sur les lieux. On sent l’adrénaline et la tension monter en flèche ! L’instructeur responsable de la buanderie a alerté le bureau des opérations grâce à son alarme portative. Une procédure rigoureuse est mise en place ; pas de chance à prendre ! Rejoint par le bureau des opérations, l’instructeur fait état de la situation. « On ne peut pas vraiment se fier à ses dires car il se pourrait bien qu’il soit pris en otage ». Tous les agents sont prêts...L’instructeur ouvre la porte de la buanderie... Pour cette fois-ci, pas de casse ! Les deux belligérants sont calmés et menottés. Accompagné d’un autre officier, Alain conduit l’un des deux détenus à l’aile médicale. Il a été légèrement blessé durant son altercation avec l’autre détenu.

11 h : Une demi-heure pour dîner. 13 h 10 : Un détenu part pour le palais de justice. Alain est appelé sur les lieux, le fouille par palpation puis utilise le détecteur de métal. Il note tout ce qu’il a sur lui avant le départ. « Il devra revenir avec rien de plus, ce qui lui sera confisqué ». Menotté et chaînes aux pieds, le détenu est amené dans le fourgon cellulaire.

Au « trou »

14 h 05 : Alain se rend chercher un détenu à sa cellule pour le mener « au trou ». « Cette cellule de détention est soit punitive ou pour assurer la sécurité d’un détenu ». À son arrivée, son collègue, Stéphane, lui indique que le détenu est menotté car « il ne veut pas collaborer »... Menotté, pour éviter une possible intervention physique nécessaire ou des blessures, autant à l’agent qu’au détenu. Finalement, grâce à une étroite surveillance, le trajet se passe bien. On dirait qu’Alain a des yeux tout autour de la tête et rien de l’environnement ne lui échappe. « Les agents qui sont ici notent tous les comportements des détenus : refus de prendre sa douche (½ heure) par exemple. Le reste du temps, ils le passent dans leur cellule de détention. C’est l’heure d’une marche surveillée (un détenu à la fois dehors). L’agent le fouillera par palpation avant et après. Si un détenu veut téléphoner à son avocat, c’est l’agent qui compose le numéro et toutes les conversations sont sur écoute ». L’après-midi se poursuivra avec l’accompagnement de détenus vers l’aire des visites. Puis, Alain repassera les portes et les clôtures pour rentrer chez lui, après une journée passablement occupée.

Les prénoms sont fictifs. Merci au personnel du Service correctionnel du Canada de nous avoir ouvert ses portes.

Source  : Le Trait d’union