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(2006) Blog 13 La violence... en prison

Publié le dimanche 8 octobre 2006 | https://banpublic.org/2006-blog-13-la-violence-en-prison/

La violence... en prison

1019 Jours de détention... en Maison d’Arrêt
Extrait de la correspondance adressée à ma fille, pour lui présenter mes conditions de détention et mon « nouveau » cadre de vie

La violence :

Comme tu le sais, dans une prison, c’est comme dans la vie « dehors », il y a de tout... et l’on ne choisit pas ses voisins... donc, il faut faire avec... et avec un peu de bon sens, la cohabitation est possible.
Ce qui ne veut pas dire que « tout » est facile et cool...

On m’interroge souvent, de dehors, sur la violence qui habite la prison. Je dirai qu’elle est latente et présente à chaque instant, mais aussi, qu’elle se manifeste rarement.
Il est vrai que des efforts sont faits pour l’éviter, mais pas tous les efforts (et mesures) qui pourraient l’être.
Pour expliquer le risque de conflits, il faut faire l’état de la population existante, ici, et en faire plusieurs recoupements.
En premier lieu, il y a les prévenus (ceux qui ne sont pas jugés) et qui sont donc en attente d’une décision qui ne leur appartient plus, puisque tout le monde le dit, ici et dehors, le jugement (audience) ne modifie que très rarement l’intime-conviction de la police (qui fait l’enquête) et des juges (procureur, juge d’instruction, juges) qui décident... à charge, trop rarement à décharge...
La deuxième catégorie de détenus est celle des condamnés : « ils exécutent » leur peine. En théorie, si la peine dépasse 12 mois, l’intéressé devrait quitter la Maison d’arrêt « rapidement » pour un Centre de détention (CD) où la vie et la réinsertion y sont meilleures...

Pour le départ en CD, en pratique, il n’y a pas de « normes » et l’impression est que c’est « à la tête du client ».
Cette première différenciation fait que le prévenu est « moins calme », plus « mal dans sa peau », en fait « plus inquiet », car même si l’on sait que l’on va être condamné, il reste toujours une « certaine » incertitude, de plus, venant d’arriver, il doit s’adapter à cette nouvelle « vie » et à ses contraintes, ce qui ne se fait pas toujours sans casse.
Le second critère qui fait que la violence peut naître, réside dans le fait que chacun a son « délit » : une bonne majorité de détenus sont là pour un problème de stupéfiants (consommation, dealer, passeur) et ils arrivent en rafale, un bon tiers fait l’objet d’accusations (vraies ou fausses) d’agressions sexuelles de toutes sortes (ils sont appelés les « pointeurs »).
A cela, il faut rajouter les voleurs, braqueurs, délits de la route et de l’alcool, agressions physiques et assassinat... Certains ne sont là, souvent, que pour quelques mois, mais ils reviennent « souvent ». Pour ma part, avec 2 ou 3 autres, peut-être, je suis l’exception qui ne rentre pas dans une catégorie à risques.
A ce critère, il faut rajouter celui de l’origine culturelle : 90 % d’origine étrangère, si ce n’est plus (beaucoup en 2ème génération), les 3/4 du Magreb, mais aussi des russes, colombiens, roumains, gitans, turcs, tchèques, etc...
A cela, se rajoute le critère d’âge, la moitié a moins de 35 ans, les plus vieux (plus de 50 ans) sont très souvent, a priori, qualifiés de « pointeurs », même si ce n’est pas le cas : à toi d’imposer la vérité et la différence....

Il y a aussi les clans et, en particulier, celui des « stupéfiants » qui fait bloc et méprise les autres. Le mépris se manifeste physiquement et, ainsi, s’il est « coutume » de se serrer la main pour se dire bonjour ou lorsque l’on arrive dans un groupe (activité ou bibliothèque ou autre), beaucoup refusent de serrer la main aux pointeurs.
Une des premières préoccupations, lors de l’arrivée d’un nouveau, est de savoir « pourquoi » il est là, et les journaux sont souvent là pour relater le fait divers, ou, c’est l’interrogation directe : dissimuler ou transformer la vérité est très mal « appréciée » lorsque la vérité se sait.
Par obligation, je dirais que, « les pointeurs » sont particulièrement « protégés » par l’administration, et ce, non sans raison, car ils sont très souvent « agressés » verbalement et souvent « physiquement » (surtout s’ils ont exercé leur perversion (maladie) sur des mineurs).
Ainsi, la promenade dite « auxi » (entre midi) est également « réservée » aux pointeurs qui ont eu des problèmes d’agressions.
La violence se manifeste le plus souvent pour des motifs très « futiles » et de façon « imprévisible ». Elle se manifeste par une empoignade, voire quelques coups « réels » et blessant qui nécessitent le passage à l’infirmerie. Et ce, aussi bien, en cellule, avec un co-détenu, que dans les couloirs, aux douches, en promenade ou en sport.

Il est vrai que sur demande, il est relativement facile de changer de cellule si on trouve un autre co-détenu qui accepte (il faut une double demande), mais cela ne résout pas tout...

Toute violence physique (entre détenus et/ou avec un surveillant) ou verbale (vis-à-vis d’un surveillant) fait l’objet d’un « rapport » qui est suivi d’un passage au « prétoire » (sorte de tribunal interne) qui se solde par un non-lieu, une peine de quelques jours (maxi 45) de mitard (cachot) avec sursis ou ferme et parfois une suite « judiciaire », s’il y a plainte.
En règle générale, les deux protagonistes sont sanctionnés, si le responsable (l’origine) du conflit n’est pas « clairement » reconnu.
Le passage au prétoire est souvent redouté car, très souvent, suivi de mitard et en pratique d’une prolongation de la durée de la peine (par la suppression des remises de peines), ce qui fait, qu’en pratique, et c’est cela qui me semble pernicieux, en cas de conflit « devant témoins », rares sont les interventions et remises au calme (par un tiers), car on craint toujours de se voir pris dans la bagarre et, au final, se retrouver en la place « principale »... le conflit ayant changé d’intervenants...
Tout cela n’est pas simple... mais en fait... même si j’ai eu connaissance de quelques mauvais coups (nez cassé, chute dans les escaliers, etc...), on ne peut pas dire que la violence soit omniprésente, au moins ici, ailleurs, je ne sais... mais le sentiment général fait que l’on est souvent sur la défensive et que les sujets « chauds » de discussions sont « évités » et, en fait, la plaisanterie n’a pas souvent cours... car cela peut être mal interprété et devenir source de conflit... aussi l’ambiance franche de « camaraderie » ne peut avoir lieu qu’entre un noyau au demeurant « restreint » et sans témoin, car une mauvaise interprétation est toujours à craindre... et la déformation (le colportage) de ce que l’on a dit... se produit très (trop) vite...

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