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(2006) Blog 03 La Bouffe... en prison

Publié le jeudi 28 septembre 2006 | https://banpublic.org/2006-blog-03-la-bouffe-en-prison/

La Bouffe... en prison

1019 Jours de détention... en Maison d’Arrêt
Extrait de la correspondance adressée à ma fille, pour lui présenter mes conditions de détention et mon « nouveau » cadre de vie

La « bouffe » :

Tu sais, ma chérie, sois sûre qu’il y a des situations bien pires que la prison, et si ce n’est pas un lieu de vacances, ce n’est pas non plus le bagne.
 
 
Dans une certaine mesure, nous restons libres de choisir la façon dont nous souhaitons « organiser » (vivre) notre détention.
A chacun de faire ses choix.

Aujourd’hui, je vais te parler de la "bouffe" (comme on dit ici).
Ce n’est pas pire qu’à la "caserne", mais ceci n’est pas une bonne référence.
C’est en fait, très inégal, certains plats sont bons, d’autres sont immangeables. Il n’y a aucun équilibre, toutes les viandes baignent dans une sauce (toujours la même ou presque), mais je ne la mange jamais (trop grasse, trop insipide).
En principe, il y a une entrée (salade diverse ou petite charcuterie), un plat (viande et légumes verts ou pomme de terre, riz, pâtes, souvent des frites (2 x par semaine - difficilement mangeables).

Pour compléter cela, très souvent, nous avons hamburger, knack, saucisse, viande bouillie), en dessert : fromage, yaourt ou fruit.
Pour ceux qui ont connu l’armée ou la vie en collectivité, ces repas sont dans la bonne moyenne.
Bref, tout cela est assez banal, quelconque, rarement bon, souvent mangeable pour quelqu’un comme moi qui ne suis pas trop difficile. Pour certains, c’est l’enfer, ils ne mangent rien. Pendant un mois, j’ai relevé les menus, il n’y en a pas plus de 15 différents.
D’après une source d’information, dite bien informée, le prix de la journée (les 3 repas) serait de 3 €uros. Cela me semble peu... mais parfois beaucoup pour certains jours...
Au niveau présentation, cela nous est apporté (en cellule) dans des plateaux à alvéoles (en inox, avec couvercle) et barquettes plastiques pelliculées (depuis la mi-2003, cette pratique s’est généralisée - normes européennes obligent, paraît-il). Le tout est chaud et transporté dans des armoires roulantes chauffées.
A ce niveau-là, on ne peut pas se plaindre, cela semble propre et hygiénique (gants jetables, vêtements adéquats blancs).
Pour la quasi-totalité des détenus, il y a la nécessité de "cantiner", parce que ce qui est servi, ne plaît pas et/ou n’est pas suffisant en quantité ou manque de diversité.
"Cantiner" veut dire acheter. En fait, on peut cantiner pratiquement de tout, il suffit d’avoir de l’argent et que ce ne soit pas dangereux (ainsi, nous avons des couteaux qui ne coupent pas).
Les livraisons sont hebdomadaires, mais la distribution des bons se fait, à jour fixe, la veille du ramassage.

Ainsi, chaque jour, nous sont distribuées une ou plusieurs listes de produits alimentaires et non alimentaires qui regroupent tout ce que tu peux avoir ou vouloir de consommable.
De la famille, on ne peut recevoir que du linge et/ou des livres. Tout le reste doit être acheté, sur place, à des prix proches de ceux que l’on trouve dans les grandes surfaces.
Il y a même des produits surprenants comme des journaux (quotidiens, hebdomadaires ou mensuels) de tout bord ou des produits frais comme pâtisserie (chaque semaine), beurre, salade, viande fraîche, laitages ou des plats cuisinés (en boîte). Certains ont un frigo (loué 9,15€/ mois).
L’arrivée des victuailles venant des familles est exceptionnelle : 5 kgs à Noël, en une ou 2 fois.
Ces cantines nous sont livrées, à jour prévu, en cellule avec un bon de livraison qui donne le détail des prix et le solde restant du pécule disponible + un récapitulatif mensuel.
Au niveau "cuisson", c’est un peu la galère, mais est vendu un réchaud à alcool solidifié (je n’en ai pas - c’est pas terrible et ça sent mauvais), mais je connais ce mode de cuisson que nous avions à l’armée. En fait, je "cuis" au bain-marie, c’est plus long, mais aussi efficace (sans odeur).
Il y a 9 listes + 1 liste "exceptionnelle" sur laquelle on peut faire des demandes "exceptionnelles" qui passent à la "censure" et qui parfois arrivent. Ce peut être des baskets (de marque) et des vêtements de sport, et même des produits protéinés et vitaminés (pour les sportifs), ou des produits audio et CD.
Tout cela est donc bien organisé, et fonctionne relativement bien.

Cela occupe 3 surveillants et 4 auxi (détenus) + ceux qui réceptionnent et préparent (pesage des fruits).
En principe, ces marchandises ne doivent pas circuler de cellule en cellule, mais il existe une certaine entraide : "on dépanne", surtout en ce qui concerne le tabac qui se donne, se prête, se rend, se roule.
Bref, c’est une demande permanente et celui qui ne fume pas (comme moi) est un zombie.
Il y a aussi les profiteurs - toujours les mêmes.
Pour finir ce chapitre "gamelle" et "cantine", on peut dire que l’on peut ne manquer de rien, mais pour certains, c’est dur..., surtout s’il n’y a pas d’aide (possible) de la famille.
 
A suivre sur le blog