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(2005) MFPF : Pénalisation de la transmission du VIH

Publié le mercredi 15 février 2006 | https://banpublic.org/2005-mfpf-penalisation-de-la/

MFPF Mouvement français pour le planning familial
Communiqué de presse du 04-11-2005

Pénalisation de la transmission du VIH

Contribution du Mouvement Français pour le Planning Familial à l’enquête du CNS

Une loi spécifique sur la transmission volontaire du VIH aurait des conséquences désastreuses, d’autant que « l’appareillage » judiciaire existe ( cf les condamnations déjà prononcées).

La réponse de la société doit se situer ailleurs, non pas au niveau de la contrainte et de la répression, mais plutôt au niveau de la prévention et de l’accompagnement.
La société a le devoir d’offrir les outils les plus efficaces dont elle dispose dans le champ de la prévention, le devoir de soin, le devoir d’égalité de traitement sans discrimination, une obligation de recherche au niveau médical...

Il s’agit d’un enjeu d’éducation populaire et nous proposons de :

- Développer le counselling pré et post test, impulser des espaces de parole sur la sexualité pour les personnes séropositives. Travailler sur la responsabilité sans culpabiliser, le respect de l’autre, la non discrimination, les rapports hommes / femmes... sont les seules voies pour lutter contre la transmission du Sida
- Entendre la souffrance des personnes concernées qui vivent douloureusement leur statut, les accompagner dans une action positive pour changer le contexte social et politique qui fait que, dans notre société la sexualité reste un tabou, l’homosexualité et les rapports de domination hommes/ femmes, sources de discrimination. Pouvoir accompagner les personnes qui le souhaitent dans la démarche difficile de « dire » leur séropositivité.
- Répondre à la judiciarisation croissante de la société, à l’individualisation des responsabilités par la recherche d’une réponse collective qui permette à ceux qui sont le plus en difficulté dans notre société de retrouver un statut, une place, et de retrouver du sens commun.

Nous sommes responsables de notre propre protection et nous ne pouvons demander aux personnes séropositives d’être, seules, en charge de la prévention !

Faut-il une loi spécifique ?

Le MFPF se positionne contre la création d’un délit spécifique de « transmission volontaire du VIH ».
Il ne s’agit pas de nier la souffrance et le drame des personnes contaminées par leur conjoint(e) se sachant séropositif, ni de justifier une conduite aux conséquences graves. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles, notamment à l’encontre des femmes constitue l’un des axes majeurs de nos orientations : s’il est démontré que certaines situations de contamination entrent dans ce cadre elles doivent être traitées comme telles. Mais le législateur est déjà outillé pour répondre à de tels actes, qui résulteraient d’une véritable volonté de nuire. Il n’est nul besoin de légiférer encore.

Il y a certes des personnes qui, parce qu’elles n’ont pas eu l’accompagnement nécessaire au moment de l’annonce de leur séropositivité, parce qu’elles n’ont pas rencontré l’écoute nécessaire tout au long de leur suivi, se trouvent en difficulté pour protéger leurs relations.
Mais qui, devant une situation de prise de risque n’a jamais développé de protections imaginaires, aujourd’hui appelés « stratégies de prévention à risques » ?
Il est important de continuer à agir pour que change l’image du sida et la discrimination dont sont effectivement victimes les personnes séropositives, ce qui rend plus difficile de dire son statut à un partenaire.

Dans ce cadre, le MFPF souhaite s’engager comme lieu de parole et d’échange autour de la vie affective et sexuelle des personnes vivant avec le VIH.

Quelles conséquences peut on craindre ?

- La non incitation au dépistage que ne manquera pas de provoquer une telle orientation politique et juridique (si mon statut sérologique est positif au VIH, je risque d’aller en prison - mieux vaut ne pas savoir)
- Le risque de relâchement des pratiques de protection, par une "déresponsabilisation" des personnes séronégatives (pourquoi me protéger, si je pense que l’autre ne prendra pas le risque d’aller en prison ?).
- Les dérives possibles : un usager de drogues se sachant séropositif qui échange une seringue, les mères séropositives ayant donné naissance à des enfants séropositifs etc. seront-ils aussi menacés d’une condamnation ?
- Le risque d’un « retour à l’ordre moral », lié à la question de la contamination en couple. En effet, pour les relations dites "furtives", ou en dehors du couple, on parle de coresponsabilité dans l’usage d’un outil de prévention. Dans la cadre d’un couple stable, on semble considérer que l’un a trahi l’autre... cette distinction pose de nombreuses questions... A partir de quand commence "un couple", et selon quels critères ? Ne risque-t-on pas d’assister à la réactivation d’un ordre moral conservateur, protégeant le "couple" et la fidélité ?
- Le retour à une hiérarchisation des victimes : la personne contaminée dans le cadre d’un couple stable serait-elle plus victime que l’ « inconsciente » qui ne s’est pas protégée lors d’une relation d’un soir ? Y a-t-il des séropositifs innocents et des séropositifs coupables ?
- Nous ne devons pas oublier que toutes les personnes séropositives sont « victimes » d’une même chose : le VIH.

21 octobre 2005