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Recommandation R(2006)2 sur les règles pénitentiaires - motifs

COMMENTAIRE DE LA RECOMMANDATION REC(2006)2 DU COMITE DES MINISTRES AUX ETATS MEMBRES
SUR LES REGLES PENITENTIAIRES EUROPEENNES

Introduction

Les normes pénitentiaires reflètent la volonté d’accorder aux détenus un traitement juste et équitable. Ces normes doivent être énoncées clairement car la pression de l’opinion publique peut conduire facilement à porter atteinte aux droits fondamentaux de cette catégorie vulnérable.

La première tentative de définition de normes pénitentiaires en Europe remonte à 1973, avec l’introduction de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus dans la Résolution (73) 5 du Conseil de l’Europe. Il s’agissait alors d’adapter à la situation européenne l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, initialement formulées dès 1955.

En 1987, les Règles pénitentiaires européennes ont été entièrement révisées afin, comme l’indiquait le Rapport explicatif, « de prendre en compte les besoins et les aspirations des administrations pénitentiaires, des détenus et du personnel pénitentiaire au moyen d’une approche systématique en matière de gestion et de traitement qui soit positive, réaliste et conforme aux normes contemporaines".

La révision en cours poursuit le même objectif général. Comme les textes précédents, ces règles révisées s’appuient à la fois sur les règles pénitentiaires antérieures et sur les valeurs fondamentales énoncées dans la Convention européenne des droits de l’homme. Depuis 1987, cependant, la législation et les pratiques pénitentiaires ont connu de très nombreux développements en Europe. L’évolution de la société, des politiques de lutte contre la délinquance et la criminalité, des pratiques en matière de condamnations et de la recherche, ainsi que l’accession de nouveaux Etats membres au Conseil de l’Europe, ont modifié de manière importante le contexte de gestion des établissements pénitentiaires et de traitement des détenus.

Le corpus croissant d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme se basant sur la convention Européenne des Droits de l’Homme pour protéger des droits fondamentaux des détenus, ainsi que les normes de traitement des détenus établies par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), ont joué un rôle déterminant dans cette évolution. Celle-ci a amené le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) à confier au Conseil de coopération pénologique (PC-CP) la tâche d’harmoniser les Règles avec les bonnes pratiques actuelles.

La Recommandation en vue de la nouvelle version des Règles pénitentiaires européennes reconnaît également la contribution de la Cour européenne des droits de l’homme et du CPT. En outre, elle souligne qu’il est important de ne pas perdre de vue le principe dit d’ultima ratio selon lequel l’emprisonnement ne devrait constituer qu’une mesure de dernier recours. Ce principe vise à maintenir la population carcérale au niveau le plus bas. L’importance de cet objectif est reconnue dans la Recommandation (99) 22 relative au surpeuplement des prisons et à l’inflation carcérale. Cette recommandation souligne la nécessité de ne recourir à la privation de liberté qu’en relation avec les délits les plus graves. Le principe d’ultima ratio devrait être appliqué de façon à restreindre la détention des détenus, condamnés ou non. Il convient par ailleurs d’examiner sérieusement, avant la condamnation, la possibilité de sanctions alternatives permettant d’éviter le recours à la détention. Les Etats devraient aussi examiner la possibilité de dépénaliser certains délits ou de les reclasser de façon à ce qu’ils ne soient plus passibles d’une peine d’emprisonnement.

Les Règles pénitentiaires européennes jouissent d’un statut renforcé depuis 1987. La Cour européenne des droits de l’homme et le CPT font désormais régulièrement référence à ces règles. La nouvelle version des Règles devrait être d’une utilité encore plus grande pour ces organes dans la mesure où elle prend en compte les développements récents des bonnes pratiques dans le domaine pénitentiaire. Les tribunaux nationaux et les organes d’inspection sont aussi vivement incités à s’appuyer sur ces Règles ; considérant notamment au vu des transferts croissants de détenus entre les Etats membres, que tout Etat qui décide d’un transfert ait l’assurance que le détenu concerné sera bien traité dans le pays de destination. 

Les Règles révisées abordent certaines questions qui n’étaient pas prises en compte dans les Règles de 1987. Elles s’efforcent à l’exhaustivité sans pour autant soumettre les Etats membres à des exigences irréalistes. Les règles fournissent des orientations aux Etats membres qui cherchent à moderniser leur législation pénitentiaire et aideront les administrations pénitentiaires à déterminer de quelle façon exercer leur autorité, y compris lorsque les règles n’ont pas encore été pleinement intégrées dans le droit interne. Elles font référence à des mesures devant plutôt être intégrées au « droit interne » qu’à la « législation interne » dans la mesure où elles reconnaissent que cette dernière peut prendre des formes diverses dans les différents Etats membres du Conseil de l’Europe. Le terme « droit interne » a été créé pour englober non seulement la législation primaire adoptée par un parlement national mais également toute autre réglementation ou ordonnance ayant force de loi, ou encore la loi dictée par les cours et tribunaux, et ce, tant que ces formes d’établissement de la loi sont reconnues par les systèmes juridiques nationaux.

Partie I Principes fondamentaux

Dans les nouvelles Règles pénitentiaires européennes, les neuf premières règles énoncent les principes fondamentaux devant guider l’interprétation et la mise en œuvre de l’ensemble des règles. Ces principes font partie intégrante des Règles et ne constituent pas un élément du Préambule ou de certaines règles spécifiques. Les administrations pénitentiaires doivent s’efforcer d’appliquer l’ensemble des Règles en suivant la lettre et l’esprit de ces principes.

Règle 1

La question des droits de l’homme se pose inévitablement en cas de recours à la privation de liberté. La Règle 1 souligne ce fait en exigeant le respect des détenus. Ce respect implique à son tour la reconnaissance de leur dignité humaine fondamentale.

Règle 2

Cette Règle complète la Règle 1 en soulignant que la perte du droit à la liberté que subissent les détenus ne doit pas être comprise comme impliquant automatiquement le retrait de leurs droits politiques, civils, sociaux, économiques et culturels. Il est inévitable que les droits des détenus subissent des restrictions du fait de la privation de liberté mais ces restrictions doivent être aussi peu nombreuses que possible. L’ensemble des Règles énonce quelques-unes des mesures pouvant être prises pour réduire les effets négatifs de la privation de liberté. Toute restriction supplémentaire doit être prévue par la loi et être introduite uniquement si elle est essentielle au maintien de l’ordre, de la sûreté et de la sécurité dans les prisons. Les restrictions imposées ne devraient pas déroger aux nouvelles Règles pénitentiaires européennes.

Règle 3

Cette Règle souligne les limites aux restrictions pouvant être imposées aux détenus. Elle rappelle le principe général de proportionnalité devant régir toute restriction de cette nature.

Règle 4

Les gouvernements se voient parfois reprocher de mieux traiter leurs détenus que les autres membres de la société. Bien que de telles allégations soient rarement confirmées dans les faits, la Règle 4 vise à indiquer clairement que le manque de ressources ne peut justifier qu’un Etat membre laisse se développer des conditions de détention portant atteinte aux droits fondamentaux des détenus. Des politiques et des pratiques banalisant de telles atteintes ne devraient pas non plus être acceptées.

Règle 5

La Règle 5 souligne les aspects positifs de la normalisation. La vie en prison ne peut jamais, bien entendu, être identique à la vie dans une société libre. Toutefois, les autorités pénitentiaires doivent intervenir activement pour rapprocher le plus possible les conditions de vie en prison de la vie normale et s’assurer que cette normalisation ne puisse pas avoir pour conséquence des conditions de détention inhumaines.

Règle 6

La Règle 6 reconnaît que les détenus, condamnés ou non, retourneront un jour vivre dans la société libre et que la vie en prison doit être organisée de façon à tenir compte de ce fait. Les détenus doivent être maintenus en bonne santé physique et mentale et avoir la possibilité de travailler et d’étudier. Dans le cas des peines de longue durée, cet aspect de la vie en prison doit être soigneusement planifié afin de réduire au minimum les effets néfastes de l’incarcération et de permettre aux détenus d’utiliser au mieux leur temps de détention.

Règle 7

La Règle 7 insiste sur l’importance d’impliquer des services sociaux externes dans les prisons. Les Règles pénitentiaires européennes devraient encourager une politique d’inclusion plutôt qu’une politique d’exclusion. Pour ce faire, il est indispensable de promouvoir une étroite collaboration entre l’établissement pénitentiaire et les services sociaux externes et d’impliquer la société civile, par exemple par le biais du bénévolat ou de visites en prison.

Règle 8

La Règle 8 souligne la place centrale qu’occupe le personnel pénitentiaire dans l’ensemble du processus de mise en œuvre des Règles et de développement d’un traitement humain des détenus.

Règle 9

La Règle 9 érige en principe de base la nécessité de l’inspection et du contrôle. L’importance de cette inspection et de ce contrôle est détaillée dans la partie VI des Règles.

Champ d’application

Règle 10

La Règle 10 précise quelles sont les personnes qui doivent être considérées comme des détenus aux fins des Règles pénitentiaires européennes. Cette Règle souligne que les personnes placées en détention provisoire par une autorité judiciaire ou privées de liberté à la suite d’une condamnation doivent être détenues dans une prison et non dans un quelconque autre lieu. La terminologie varie selon les pays. Les institutions de détention, comme les pénitenciers et les colonies de travail peuvent également accueillir des détenus et être ainsi considérées comme des prisons aux termes de ces règles.

Cette Règle reconnaît que, outre les personnes placées en détention provisoire ou privées de liberté à la suite d’une condamnation, d’autres catégories de personnes telles que les étrangers en situation irrégulière peuvent être détenues dans les prisons conformément aux dispositions légales nationales. Ces personnes, dès lors qu’elles sont détenues dans des prisons, doivent aussi être considérées comme des détenus aux fins des Règles pénitentiaires européennes. Une prison, par définition, n’est pas un endroit approprié à la détention d’une personne qui n’est ni suspectée d’avoir commis une infraction pénale, ni condamnée. Les étrangers en situation irrégulière devraient en conséquence être détenus en prison dans des cas exceptionnels uniquement, par exemple en raison de leur tendance connue à la violence ou bien encore lorsqu’une hospitalisation est nécessaire et qu’aucun établissement hospitalier sécurisé n’est disponible. 

Les Règles s’appliquent non seulement à toute personne détenue à l’intérieur d’une prison, telle que définie dans les Règles, mais aussi aux personnes qui, bien que ne demeurant pas dans l’enceinte d’une prison, appartiennent néanmoins d’un point de vue administratif à la population carcérale. Par conséquent, les personnes bénéficiant d’une permission de sortie ou participant à des activités en dehors des établissements pénitentiaires et qui sont formellement placées sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire doivent être traitées conformément aux Règles.

Cette Règle couvre les situations dans lesquelles (par exemple en raison du surpeuplement des prisons) des personnes qui, conformément à cette Règle, devraient être placées dans une prison sont détenues (de façon temporaire) dans d’autres établissements tels que commissariats de police ou autres locaux qu’elles ne peuvent quitter volontairement. Il va sans dire que la détention dans des établissements autres que les prisons doit être une mesure de dernier recours, d’une durée aussi brève que possible, et que les autorités ayant la responsabilité de ces locaux doivent faire tout leur possible pour appliquer les normes définies dans ces Règles et offrir une réparation suffisante en cas de traitement inadéquat.

Règle 11

La Règle 11 est conforme à l’article 37.c de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, qui exige que les mineurs de dix-huit ans, soient détenus dans des centres de détention spéciaux pour les jeunes, et interdit leur détention avec des adultes. La Convention permet de s’écarter de cette exigence dans un cas précis, à savoir lorsque l’intérêt du mineur le nécessite.

On ne peut exclure tout à fait que, dans certaines situations exceptionnelles, des mineurs soient effectivement détenus dans une prison pour adultes. Par exemple, si les mineurs sont très peu nombreux dans un système carcéral, les garder en détention séparément peut se traduire par leur isolement total. Si des mineurs sont détenus dans une prison pour adultes, ils devraient être traités avec une attention particulière en raison de leur situation et de leurs besoins. Les mineurs emprisonnés, comme tous les autres détenus, sont soumis aux Règles pénitentiaires européennes. Cependant, des réglementations supplémentaires doivent intervenir afin de leur garantir un traitement approprié. La Règle 36 contient des dispositions particulières au sujet des mineurs présents en prison en raison de l’incarcération d’un parent.

Règle 12

La Règle 12 reflète très précisément la Règle 11 mais s’applique aux personnes atteintes de déficiences mentales. En effet, il est préférable que ces dernières ne soient pas détenues au sein de prisons mais dans des établissements pour déficients mentaux possédant leurs propres normes. Toutefois, les règles reconnaissent que, dans la réalité, des déficients mentaux sont parfois incarcérés dans des prisons. Dans de telles circonstances, des réglementations particulières tenant compte de leur situation et de leurs besoins spécifiques devraient être mises en place. Ces réglementations devraient leur offrir une protection supplémentaire par rapport aux Règles pénitentiaires européennes auxquelles elles sont automatiquement soumises en raison de leur détention en milieu carcéral.

Règle 13

La Règle 13 interdit toute discrimination fondée sur des motifs injustifiés. A cet égard, la Règle respecte scrupuleusement les termes du 12ème Protocole à la Convention européenne des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales. Ceci ne veut cependant pas dire que le principe de l’égalité formelle doive prévaloir dans tous les cas, notamment lorsque l’application de ce principe risquerait d’entraîner une inégalité de fait. La protection des catégories de personnes vulnérables ne constitue pas une forme de discrimination, pas plus que les formes de traitement visant à répondre aux besoins particuliers de certains détenus. 

Partie II Conditions de détention

Admission

Règle 14

La mise en place de procédures adéquates d’admission et de rétention des détenus est essentielle à la protection de la liberté. Cette Règle, qui transpose dans le contexte pénitentiaire le droit à la liberté et à la sécurité énoncé à l’article 5 de la CEDH, vise à garantir que seules soient admises et retenues en prison les personnes dont la détention est légalement justifiée. Les personnes dont la détention est contraire à la Règle 14 doivent pouvoir faire appel à un tribunal et lui demander d’ordonner leur libération.

Règle 15

L’accent mis dans cette Règle sur l’enregistrement des informations relatives aux détenus répond aux mêmes motifs que ceux de la Règle 14. La conservation méticuleuse d’un dossier par détenu doit se faire pendant toute la période de détention. L’accès à un tel dossier devrait être prévu par le droit interne afin de garantir l’équilibre entre le respect de la vie privée des détenus et l’intérêt légitime de l’Etat. La collecte soigneuse d’informations sur l’état de santé du détenu lors de son admission représente aussi une mesure de protection essentielle. Ces informations doivent dans l’idéal être recueillies à la suite d’un examen médical mais le personnel pénitentiaire doit être en général incité à notifier tout signe de mauvaise santé, y compris les blessures qui pourraient n’être plus visibles au moment de l’examen du détenu par un médecin qualifié.

Règle 16

La Règle 16 énumère un certain nombre de mesures à prendre le plus tôt possible après l’admission. Comme tout ne peut être fait en même temps lors de l’admission, seules les questions à traiter le plus tôt possible sont mentionnées ici et le personnel pénitentiaire se reportera aux autres dispositions prévues à l’occasion de l’admission. Les examens médicaux devraient notamment être réalisés rapidement, idéalement le jour de l’admission, et au plus tard dans les 24 heures qui la suivent. Ces examens devraient également être régulièrement réalisés lors de la réadmission de la personne. La définition du niveau de sécurité et de risque applicable au détenu ne peut pas non plus être différée. Une attention particulière doit également être portée, le plus tôt possible, aux besoins personnels et sociaux des détenus. Pour cela, il est également nécessaire de prendre rapidement contact avec les services sociaux externes. Il est également nécessaire de mettre en place rapidement les programmes de traitement et de formation des détenus condamnés. 

Répartition et locaux de détention

Règle 17

La Règle 17 souligne l’importance d’une répartition adéquate des détenus. D’une manière générale, les décisions en ce domaine doivent être prises de façon à éviter toute contrainte inutile pour les détenus et leurs familles, notamment pour les enfants de détenus, qui ont besoin de voir leurs parents. Il importe particulièrement, lorsqu’il est fait usage de niveaux de sécurité dans le placement des détenus, d’utiliser les niveaux les moins restrictifs car la détention dans les quartiers de haute sécurité se traduit souvent en pratique par des épreuves supplémentaires pour les détenus. L’ensemble des détenus doivent également être placés aussi près que possible de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale afin de faciliter la communication avec le monde extérieur, comme requis par la Règle 24. Il importe aussi de n’utiliser que des critères adéquats lors des décisions d’affectation des détenus. La condamnation à une peine de détention à perpétuité, par exemple, ne doit pas nécessairement impliquer le placement dans une prison particulière ou l’imposition d’un régime de détention particulièrement restrictif (voir Règle 7 de la Recommandation (2003) 23 concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée. Voir aussi le rapport du CPT sur la visite effectuée en Ukraine en septembre 2000 [CPT/Inf(2002)23]).

Il convient de reconnaître que les détenus sont directement intéressés au résultat des décisions relatives à leur affectation. Ils doivent donc être consultés dans la mesure du possible et les requêtes raisonnables de leur part prises en compte, bien que la décision finale revienne aux autorités. Cette consultation doit avoir lieu avant le placement ou le transfèrement des détenus, bien que cela ne soit peut-être pas toujours possible pour une première affectation, lorsque les détenus sont systématiquement affectés à l’établissement pénitentiaire local. Si, par exception, des considérations de sûreté et de sécurité obligent à effectuer l’affectation ou le transfert avant la consultation des détenus, celle-ci doit avoir lieu ultérieurement. Dans ce cas, il doit être possible de revenir sur la décision lorsqu’un détenu a de bonnes raisons d’être placé dans une autre prison. Conformément à la Règle 70, un détenu peut demander aux autorités compétentes d’être placé ou transféré dans une prison précise. Il peut aussi suivre la même procédure pour tenter de faire annuler une décision d’affectation ou de transfert. 

Le transfert de détenus peut être à l’origine de graves dysfonctionnements quant à leur traitement. Même s’il est admis que les transferts sont inévitables et qu’ils peuvent, en certaines occasions, être de l’intérêt majeur d’un détenu, des transferts successifs et non-nécessaires devraient être évités. Les avantages et inconvénients d’un transfert devraient être soigneusement appréciés avant d’être entrepris.

Règle 18

Cette Règle porte sur les conditions de logement des détenus. L’évolution de la législation européenne en matière de droits de l’homme exige un renforcement des règles à ce propos. Les conditions de logement en général, et le surpeuplement en particulier, peuvent constituer une forme de peine ou de traitement inhumain ou dégradant allant par conséquent à l’encontre de l’article 3 de la CEDH. Ce fait est aujourd’hui pleinement reconnu dans un certain nombre d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (voir, par exemple, l’arrêt rendu dans l’affaire Kalashnikov c. Russie - requête n° 47095/99 - 15/07/2002). Les autorités doivent en outre tenir compte des besoins spéciaux des détenus : maintenir en détention une personne gravement handicapée sans lui fournir certains équipements supplémentaires peut constituer une forme de traitement inhumain ou dégradant (voir l’affaire Price c. Royaume-Uni - requête n° 33394/96 - 10/07/2001).

Les conditions d’hébergement des détenus couvrent à la fois la question de l’espace au sol dans les cellules et celles de l’éclairage et de l’aération. L’importance de l’accès à la lumière naturelle et à l’air frais est mentionnée en particulier dans la Règle 18.2 et soulignée dans le 11e Rapport général du CPT (CPT/Inf (2001)16, paragraphe 30). Les fenêtres ne doivent être ni obstruées, ni recouvertes de verre opaque. Il est admis qu’en Europe septentrionale, il ne soit pas toujours possible de lire ou de travailler à la lumière du jour en hiver.

La Règle 18 contient quelques éléments nouveaux. Le premier, à la Règle 18.3, vise à obliger les gouvernements à inscrire dans le droit interne des normes spécifiques en ce domaine.

Ces normes doivent tenir compte à la fois des exigences générales de respect de la dignité humaine et des considérations pratiques en matière de santé et d’hygiène. Le CPT, dans son analyse des conditions d’hébergement et de l’espace au sol disponible dans les établissements pénitentiaires de divers pays, a commencé à indiquer quelques standards minimaux. Il les estime à 4 m² par détenu dans un dortoir et 6 m² dans une cellule. Elles doivent cependant être modulées en fonction des résultats d’analyses plus approfondies du système pénitentiaire ; il convient notamment de prendre en compte le temps que les détenus passent effectivement dans leur cellule. Ces valeurs minimales ne doivent pas être considérées comme la norme. Bien que le CPT n’ait jamais établi directement de telle norme, il y a des indications qu’il considère de taille souhaitable une cellule individuelle de 9 à 10 m². Il s’agit d’un domaine dans lequel le CPT peut continuer à apporter des éléments utiles en s’appuyant sur le travail déjà effectué à cet égard. Il est nécessaire de procéder à un examen détaillé des dimensions des cellules pouvant être considérées comme acceptables pour l’hébergement d’un certain nombre de détenus. Le nombre d’heures que les détenus passent enfermés dans leur cellule doit être pris en compte dans la définition des dimensions appropriées. Même dans le cas des détenus passant une grande partie de leur temps en dehors de leur cellule, il convient de définir clairement un espace minimum conforme au respect de la dignité humaine.

La Règle 18.4, qui prévoit l’adoption de stratégies nationales, inscrites dans la législation, pour faire face au surpeuplement des établissements pénitentiaires, constitue aussi une innovation importante. Le niveau de la population carcérale est déterminé tout autant par le fonctionnement du système de justice pénal que par l’évolution du taux de délinquance. Ce fait doit être pris en compte à la fois dans les stratégies générales en matière de justice pénale et dans les directives spécifiques concernant les mesures à prendre lorsque les prisons sont menacées par un niveau de surpopulation risquant d’empêcher l’application des normes minimales exigées par la Règle 18.3. La Règle 18.4 ne précise pas par quels moyens réduire la surpopulation carcérale. Dans certains pays, la pratique consiste, par exemple, à restreindre ou même à interrompre les nouvelles admissions lorsque le taux d’occupation maximum est atteint et à mettre en place une liste d’attente pour l’admission des détenus dont le maintien en liberté ne pose pas de risques de sécurité graves. Une stratégie pour faire face à la surpopulation des prisons nécessite au moins la définition claire d’un taux maximum d’occupation de toutes les prisons d’un site particulier. La Recommandation (99) 22 du Comité des Ministres concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale doit être prise en compte à la fois lors du développement des stratégies globales et de la définition des règles nationales spécifiques visant à prévenir la surpopulation.

La Règle 18.5 maintient le principe de la cellule individuelle, laquelle devient souvent une « maison » pour les détenus de longue durée ou condamnés à perpétuité, bien que ce principe continue à être très largement enfreint en pratique. (La Règle 96 souligne que le même principe s’applique aux détenus non condamnés.) La non-application de ce principe est parfois un moyen de faire face au surpeuplement des prisons et est inacceptable en tant que solution à long terme. L’architecture des prisons peut également compliquer l’accueil des détenus dans des cellules individuelles. Toutefois, lors de la construction de nouvelles prisons, le principe de détention dans des cellules individuelles devrait être pris en considération.

La Règle reconnaît qu’il peut être fait exception à ce principe de détention en cellule individuelle dans l’intérêt du détenu. Il importe de noter que cette exception porte uniquement sur les cas dans lesquels un détenu peut clairement bénéficier de la cohabitation avec d’autres détenus. Cette condition est soulignée par la Règle 18.6 qui stipule que seuls des détenus reconnus aptes à cohabiter peuvent être logés ensemble. A titre d’exemple, les non-fumeurs ne devraient pas être contraints de cohabiter avec des fumeurs. En cas de cohabitation, il convient d’éviter le développement de toute forme de brimades, de menaces ou de violences entre détenus en mettant en place une surveillance adéquate par le personnel pénitentiaire. Le CPT a indiqué (11e Rapport général, paragraphe 29, CPT/Inf (2001)16) que les dortoirs de grande taille sont fondamentalement à éviter. Ceux-ci ne présentent généralement aucun avantage par rapport aux cellules individuelles. L’hébergement des détenus en cellules individuelles pendant la nuit n’implique pas de restriction particulière des contacts entre détenus pendant la journée et l’avantage de la cellule individuelle durant les heures de sommeil est donc à mettre en rapport avec le bénéfice procuré par les contacts humains aux autres moments (voir la Règle 50.1.).

Dans la nouvelle version des Règles, la nécessité d’assurer aux détenus des conditions d’hébergement adéquates est soulignée par le fait que cette question est traitée conjointement avec celle de la répartition des détenus. Les règles à ce propos ont été renforcées en indiquant clairement et simplement les diverses catégories de détenus qui doivent être séparées les unes des autres. La Règle 18.8.c de séparation des détenus jeunes des détenus plus âgés doit être lue conjointement avec la Règle 11 qui exige qu’aucun mineur de moins de 18 ans ne soit détenu dans une prison pour adultes. La séparation des jeunes détenus des détenus adultes est conforme à la norme impérative du droit international, énoncée à l’article 37.3.c de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, sur la séparation des enfants et des adultes (est considéré comme enfant dans ce contexte tout individu de moins de 18 ans). La Règle 18.8.c vise aussi à permettre la séparation des jeunes détenus, parfois appelés jeunes adultes, qui ont plus de 18 ans mais ne sont pas encore prêts à l’intégration avec les détenus adultes, conformément à la définition plus souple des mineurs contenue dans l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour les mineurs.

On admet aujourd’hui que la séparation entre les diverses catégories de détenus mentionnées dans la Règle 18.8 ne doit pas toujours être comprise de façon stricte. Ce type de séparation, cependant, a été introduit afin de protéger les détenus potentiellement plus faibles, qui demeurent vulnérables à certains mauvais traitements. La Règle 18.9 permet de déroger à l’exigence de séparation stricte mais seulement lorsque les détenus y consentent. Cette dérogation, en outre, doit s’inscrire dans le cadre d’une politique délibérée des autorités pénitentiaires conçue dans l’intérêt des détenus ; elle ne peut être envisagée comme un moyen de résoudre un problème pratique comme celui du surpeuplement.

La Règle 18.10 qui prévoit que soient utilisées des mesures de sécurité les moins restrictives possible et compatibles avec le risque que les intéressés s’évadent, se blessent ou blessent d’autres personnes, permet également que soit prise en compte la protection de la société lors de la décision relative à la répartition des locaux de détention.

Hygiène

Règle 19

La Règle 19 met l’accent sur la propreté des locaux et sur l’hygiène personnelle des détenus. L’importance de l’hygiène dans les institutions pénitentiaires a été soulignée par la Cour européenne des droits de l’homme dont la jurisprudence indique que le manque d’hygiène et les conditions insalubres, souvent associés au surpeuplement des prisons, peuvent être considérés comme une forme de traitement dégradant (voir les arrêts rendus dans les affaires Kalashnikov c. Russie (requête n° 47095/99 - 15/07/2002) , Peers c. Grèce (requête n° 28524/95 - 19/04/2001) ; et Dougoz c. Grèce (requête n° 40907/98 - 06/03/2001)). Le CPT, d’autre part, a indiqué que : « L’accès, au moment voulu, à des toilettes convenables et le maintien de bonnes conditions d’hygiène sont des éléments essentiels d’un environnement humain » (2e Rapport général, paragraphe 49, CPT/Inf (92)3).

La propreté des établissements pénitentiaires et l’hygiène personnelle sont directement liées car les autorités pénitentiaires doivent fournir aux détenus les moyens de veiller à la propreté de leur personne et de leur logement, comme l’exige la Règle 19. Il est important que les autorités prennent la responsabilité générale de l’hygiène, y compris à l’intérieur des cellules où dorment les détenus, et qu’elles assurent la propreté de ces cellules lors de l’admission des détenus. Réciproquement, tous les détenus, s’ils sont en mesure de le faire, doivent veiller à la propreté et à la netteté de leur personne et de leur environnement immédiat. Bien que les Règles ne mentionnent pas explicitement la barbe des détenus, comme c’était le cas auparavant, la propreté et la netteté personnelle impliquent le soin du système pileux et, en particulier, la taille et le rasage de la barbe pour lesquels les autorités doivent fournir des moyens adéquats. Cependant, le rasage de la tête, tant comme pratique systématique que comme sanction disciplinaire, est inacceptable en ce qu’elle constitue une mesure qui est par sa nature humiliante pour les détenus (voir affaire Yankov c. Bulgarie (requête n° 39084/97 - 11/12/2003)).

La prise en compte des besoins hygiéniques des femmes, mentionnés à la Règle 19.7, exige notamment de veiller à ce que celles-ci aient accès à des protections hygiéniques et aux moyens d’en disposer. Des mesures doivent aussi être prises pour permettre aux femmes enceintes ou allaitantes de prendre un bain ou une douche plus de deux fois par semaine.

En matière d’hygiène, il est particulièrement important d’assurer l’accès des détenus à divers équipements sanitaires tels que bains et douches. Les autorités pénitentiaires doivent donc veiller à fournir de tels équipements et à en garantir l’accès aux détenus.

Vêtements et literie

Règle 20

La question des vêtements et de la literie est étroitement liée à celle de l’hygiène : des vêtements inadéquats et une literie mal entretenue peuvent contribuer à créer des conditions allant à l’encontre de l’article 3 de la CEDH. Les dispositions spécifiques énoncées aux Règles 20 et 21 indiquent aux autorités pénitentiaires les mesures concrètes à prendre pour éviter que ne se développent de telles conditions. Les normes de propreté exigent, par exemple, que les sous vêtements soient changés et lavés aussi souvent que le veut l’hygiène. 

Il convient de noter que la Règle 18 doit être lue dans le contexte de la Règle 97, qui donne explicitement aux détenus non condamnés la possibilité de porter leurs propres vêtements. Les Règles ne se prononcent pas sur le port obligatoire d’un uniforme par les condamnés. Elles n’interdisent pas cette pratique et ne l’encouragent pas non plus. Toutefois, si les condamnés doivent porter un uniforme, celui-ci doit satisfaire aux critères de la Règle 20.2.

Cette Règle met l’accent sur le respect de la dignité des détenus du point de vue des vêtements qu’ils reçoivent en prison. Lorsqu’il leur est fourni un uniforme, celui-ci ne doit pas présenter un caractère dégradant ou humiliant ; les uniformes tendant à donner une image caricaturale de « bagnard » sont donc interdits. Le respect de la dignité des détenus exige également que les détenus qui ont la permission de sortir de la prison ne soient pas contraints de porter des vêtements les identifiant comme tels. Il est particulièrement important de leur fournir des vêtements adéquats lorsqu’ils doivent comparaître devant un tribunal.

La disposition de la Règle 20.3 selon laquelle les vêtements doivent être maintenus en bon état implique de prendre les mesures nécessaires pour que les détenus puissent laver et sécher leurs vêtements.

Règle 21

La Règle 21 ne nécessite guère d’explications. Les lits et la literie sont très importants pour les détenus sur un plan pratique. Dans cette Règle, il faut entendre par literie tout l’équipement standard d’un lit (sommier, matelas et couverture) par détenu.

Régime alimentaire

Règle 22

Une fonction essentielle des autorités pénitentiaires est de veiller à ce que les détenus reçoivent une alimentation satisfaisante. La modification de l’intitulé de cette section des Règles (« Régime alimentaire » au lieu de « Alimentation ») vise à souligner ce fait. Des arrangements selon lesquels le détenu assure individuellement son alimentation ne sont pas interdits par la règle mais si tel devait être le cas, il conviendrait de veiller à ce que le détenu ait trois repas par jour. Dans certains Etats, les autorités pénitentiaires permettent aux détenus de préparer eux-mêmes leurs repas, car cela leur donne un aperçu des aspects positifs de la vie en communauté. Dans ce cas, elles mettent à leur disposition les installations adéquates ainsi qu’une quantité de nourriture suffisant à satisfaire leurs besoins nutritionnels.

La Règle 22.2 oblige maintenant de façon spécifique les autorités nationales à inscrire les critères de qualité du régime alimentaire dans le droit interne. Ces critères doivent tenir compte des besoins alimentaires de différentes catégories de détenus. Une fois définies de telles normes spécifiques, les systèmes d’inspection interne, ainsi que les organes nationaux et internationaux de contrôle, disposeront d’une base leur permettant d’établir si les besoins alimentaires des détenus sont satisfaits conformément à la loi.

Conseils juridiques

Règle 23

Cette Règle porte sur le droit de tout détenu à bénéficier de conseils juridiques. Elle s’appuie sur le principe 18 de l’Ensemble de principes des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, et non sur les normes pénitentiaires internationales plus anciennes qui étaient axées sur les détenus en attente de procès et ne reconnaissaient pas explicitement le droit de tous les détenus à des conseils juridiques. Ces conseils peuvent porter tant sur les affaires au pénal que sur les affaires au civil et aussi sur d’autres questions comme, par exemple, la rédaction d’un testament. Plus précisément, la définition de « conseils juridiques » et la personne habilitée à les donner peuvent légèrement varier d’un Etat à un autre, et sont davantage réglementés par le droit interne.

La Règle 23 vise à donner un contenu pratique au droit de chaque détenu à des conseils juridiques. Elle demande aux autorités pénitentiaires d’attirer l’attention des détenus sur l’aide judiciaire et de les aider d’autres façons, par exemple en leur fournissant le matériel nécessaire pour prendre des notes et en affranchissant les courriers adressés à leur avocat si les détenus ne peuvent le faire eux mêmes (voir affaire Cotlet c. Roumanie (requête n° 38565/97 - 03/06/2003)). Les besoins particuliers des détenus non condamnés en ce qui concerne les conseils juridiques et les moyens d’en bénéficier sont mis en évidence dans la Règle 98.

Les autorités pénitentiaires doivent aussi faciliter la fourniture de conseils juridiques en assurant leur confidentialité. Le droit des détenus à des conseils juridiques confidentiels et à la confidentialité de la correspondance avec leur avocat est bien établi et a été reconnu dans toute une série de décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme et de la Commission européenne des Droits de l’Homme (voir en particulier les affaires Golder c. Royaume-Uni (requête n° 4451/70 - 21/02/1975) et Silver et autres c. Royaume-Uni (requêtes n° 5947/72, etc. - 25/03/1983)). Différents moyens peuvent être utilisés en pratique pour assurer le respect de ce droit. Les normes pénitentiaires prévoient depuis longtemps, par exemple, que les entrevues entre détenu et avocat peuvent être à portée de vue mais non à portée d’ouïe du personnel pénitentiaire (voir Règle 93 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus). Ceci est sans doute encore le meilleur moyen d’assurer l’accès des détenus à des conseils juridiques confidentiels, mais d’autres solutions peuvent être envisagées pour parvenir à ce résultat. Il convient aussi d’établir des méthodes spécifiques garantissant la confidentialité de la correspondance juridique.

Il n’est justifié que les autorités pénitentiaires apportent des restrictions à cette confidentialité que si des raisons impérieuses l’exigent, et ces restrictions doivent faire l’objet d’un réexamen (voir Peers c. Grèce, requête n° 28524/95, 19/04/2001, par. 84, et A.B. c. Pays-Bas, requête n° 37328/97, 29/01/2002, par. 83). Lorsque, exceptionnellement, une autorité judiciaire apporte des restrictions à la confidentialité des communications avec les conseillers juridiques dans un cas donné, les raisons justifiant ces restrictions doivent être précisées, et communiquées au détenu par écrit.

La règle 23.6 vise à aider les détenus en leur donnant accès aux documents juridiques qui les concernent. Quand, pour des raisons de sécurité et d’ordre, il n’est pas acceptable qu’ils conservent ces documents dans leurs cellules, des mesures devraient être prises pour veiller à ce qu’ils puissent y avoir accès.

Contacts avec le monde extérieur

Règle 24

La perte de liberté ne doit pas nécessairement entraîner l’absence de contacts avec le monde extérieur. Au contraire, tous les détenus ont droit à certains contacts et les autorités pénitentiaires doivent s’efforcer de créer les conditions leur permettant de maintenir ces contacts du mieux possible. Traditionnellement, ces contacts prennent la forme de lettres, d’appels téléphoniques et de visites, mais les autorités pénitentiaires doivent être conscientes des nouvelles possibilités de communiquer par voie électronique qu’offre la technologie moderne. A mesure que ces possibilités se développent apparaissent aussi des moyens de les contrôler, si bien que les nouveaux modes de communication électroniques peuvent être utilisés selon des modalités qui ne menacent ni la sûreté, ni la sécurité. Les contacts avec le monde extérieur sont indispensables pour lutter contre les effets potentiellement néfastes de l’emprisonnement (voir aussi les paragraphes 22 et 23 de la Recommandation (2003) 23 concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée). La Règle 99 indique clairement que les prévenus doivent aussi pouvoir rester en contact avec le monde extérieur, et que toute restriction éventuellement apportée à ces contacts doit être strictement limitée.

Le terme « famille » devrait être entendu au sens large afin d’englober la relation que le détenu a établie avec une personne ; relation comparable à celle des membres d’une famille, alors même qu’elle peut ne pas avoir été formalisée.

L’article 8 de la CEDH reconnaît le droit de tout individu au respect de sa vie privée et familiale et de sa correspondance et la Règle 24 peut être lue comme définissant les responsabilités des autorités pénitentiaires pour assurer le respect de ces droits dans les conditions fondamentalement restrictives de la prison. La Règle couvre également les visites qui constituent une forme de communication particulièrement importante.

Conformément aux limites définies à l’article 8.2 de la CEDH sur l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et de la correspondance, les restrictions aux communications doivent être réduites au minimum. La Règle 24.2, cependant, reconnaît que les communications de toutes sortes peuvent être restreintes et surveillées pour des impératifs liés au bon ordre, à la sûreté et à la sécurité de la prison (pour une discussion générale de ces notions, voir Partie IV). Il peut aussi être nécessaire de limiter les communications en vue de répondre aux besoins des investigations pénales en cours, d’empêcher que d’autres infractions ne soient commises et de protéger les victimes des infractions. Toutefois, une prudence particulière s’impose à propos de ce type de restrictions car celles-ci exigent de prendre des décisions sur des questions qui ne relèvent pas normalement des compétences des autorités pénitentiaires. La décision d’une juridiction devrait donc être requise avant toute imposition de restrictions fondées sur de tels motifs. La surveillance doit elle aussi être proportionnée à la menace que représente une forme de communication donnée, et elle ne doit pas servir à restreindre indirectement les communications. Les difficultés particulières et retard que pourrait rencontrer un détenu parlant dans une langue qui n’est pas la sienne devraient être minimisées.
 
Les règles déterminant le recours à des restrictions sont aussi importantes : elles doivent être définies clairement, conformément à la loi, comme l’exige l’article 8.2, et ne pas être laissées à la discrétion de l’administration pénitentiaire (voir l’arrêt rendu par la Grande Chambre le 6 avril 2000 dans l’affaire Labita c. Italie (requête n° 26772/95 - 06/04/2000)). Les restrictions doivent être le moins intrusives possible, compte tenu du risque justifiant leur imposition. La correspondance, par exemple, peut être contrôlée afin de vérifier qu’elle ne contient pas d’articles illégaux mais ne doit être lue que s’il existe une raison spécifique de soupçonner que son contenu pourrait être illégal. Les visites ne doivent pas non plus être interdites lorsqu’il existe un risque en matière de sécurité mais faire l’objet d’une surveillance proportionnellement accrue. En outre, pour justifier une mesure de restriction des communications, le risque doit être démontrable ; la censure de la correspondance pendant une durée indéterminée, par exemple, n’est pas acceptable. Dans la pratique, les restrictions varieront en fonction du type de communications visées. Les lettres et, avec la technologie moderne, les conversations téléphoniques sont faciles à contrôler. Les communications électroniques comme les courriers électroniques posent encore un risque élevé en matière de sécurité et leur accès doit être réservé à une catégorie réduite de détenus. Les risques de sécurité pouvant évoluer, les Règles ne contiennent pas de directives spécifiques à ce propos.

La Règle 24.2 prévoit une limite supplémentaire à ce type de restrictions afin de garantir que même les détenus faisant l’objet de restrictions soient autorisés à maintenir certains contacts avec le monde extérieur. Il serait bon que le droit interne précise le nombre minimum de visites, de lettres et de communications téléphoniques à autoriser dans tous les cas.

La mention d’« une ordonnance spécifique délivrée par une autorité judiciaire » dans la Règle 24.2 vise à répondre aux situations dans lesquelles il est nécessaire d’imposer des restrictions supplémentaires à des personnes en détention provisoire au regard des nécessités liées au bon déroulement des investigations. Toutefois, même ces détenus ne doivent pas être soumis à un isolement total.

Certaines formes de communications ne peuvent pas être interdites du tout. La Cour européenne des droits de l’homme s’est opposée explicitement aux tentatives de limiter la correspondance des détenus avec les institutions européennes des droits de l’homme (voir, par exemple, l’affaire Campbell c. Royaume-Uni (requête n° 13590/88 - 25/03/1992)) et la Règle 24.3 précise que le droit interne doit autoriser ce type de communication, ainsi que la communication avec le médiateur national et les tribunaux nationaux.

La Règle 24.4 souligne l’importance particulière des visites non seulement pour les détenus mais aussi pour leurs familles. Lorsque cela est possible, des visites familiales de longue durée (jusqu’à 72 heures, par exemple, comme cela est le cas dans de nombreux pays d’Europe de l’Est) doivent être autorisées. Ces visites prolongées permettent aux détenus d’avoir des relations intimes avec leur partenaire. Les « visites conjugales » plus courtes autorisées à cette fin peuvent avoir un effet humiliant pour les deux partenaires.

La Règle 24.5 oblige de manière positive les autorités pénitentiaires à aider les détenus à maintenir des liens avec le monde extérieur. Les autorités pénitentiaires doivent en particulier envisager d’autoriser tout détenu à quitter la prison pour des raisons humanitaires, comme le prévoit la Règle 24.7. La Cour européenne des Droits de l’Homme a déclaré que, lorsqu’il n’existe aucun risque de fuite, un détenu doit être autorisé à quitter la prison pour assister aux obsèques d’un proche parent (voir affaire Ploski c. Pologne (requête n° 26761/95 - 12 novembre 2002)). Les raisons familiales (la naissance d’un enfant par exemple) sont des raisons humanitaires qui justifient la sortie de prison d’un détenu.

Les Règles 24.6, 24.8 et 24.9 visent à garantir que les détenus reçoivent les informations importantes concernant les membres de leur famille proche et que les informations importantes les concernant parviennent aux personnes intéressées à l’extérieur de la prison. Il conviendrait d’aider les détenus à communiquer de telles informations. La Règle s’efforce de maintenir un équilibre entre la reconnaissance du droit des détenus à informer de certains événements les personnes importantes pour eux à l’extérieur de la prison, l’obligation faite aux autorités d’informer ces personnes dans certains cas et la prise en compte du droit des détenus à ne pas communiquer certaines informations les concernant si tel est leur souhait. Dans le cas de détenus se présentant volontairement à la prison, il n’est pas nécessaire que les autorités informent leur famille de leur admission.
 
La Règle 24.10 porte sur un aspect des contacts avec le monde extérieur, celui de la possibilité de s’informer, qui constitue un élément du droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la CEDH.

La Règle 24.11 constitue une innovation dans les Règles pénitentiaires européennes ; elle vise à assurer que les autorités pénitentiaires respectent la reconnaissance croissante par la Cour européenne des droits de l’homme du droit des détenus à participer aux élections (voir affaire Hirst (2) c. Royaume-Uni (2), requête 74025/01, arrêt du 30 mars 2004). Dans ce cas également, les autorités pénitentiaires peuvent et doivent faciliter l’exercice du droit de vote et éviter de créer des obstacles à la participation des détenus aux élections (voir affaire Iwanzcuk c. Pologne - requête n° 25196/94 - 15/11/2001). Cette Règle s’appuie sur une résolution ancienne, la Résolution (62) 2 relative aux droits électoraux, civils et sociaux des détenus, dont le chapitre B stipule ce qui suit : lorsque la législation prévoit la possibilité pour un électeur de voter sans avoir à se rendre en personne dans un bureau de vote, les détenus doivent être autorisés à user de cette prérogative sauf s’ils sont explicitement privés du droit de vote par la législation ou sur décision d’un tribunal (paragraphe 5) ; les détenus autorisés à voter doivent avoir la possibilité de s’informer de la situation en vue de l’exercice de leur droit (paragraphe 6).

La Règle 24.12 s’efforce de définir une position équilibrée à propos d’un aspect très fortement controversé de la communication des détenus. Bien que la liberté d’expression soit la norme, les autorités publiques sont autorisées à restreindre cette liberté conformément à l’article 10.2 de la CEDH. L’emploi de l’expression « intérêt public » permet d’interdire ce type de communication pour des raisons autres que celles qui se rapportent aux questions internes de sûreté et de sécurité. Les restrictions en ce domaine peuvent avoir notamment pour but de protéger l’intégrité des victimes, d’autres détenus ou des membres du personnel pénitentiaire. Cependant, l’« intérêt public » doit être interprété en un sens assez restreint afin de ne pas empêcher complètement la communication des détenus avec les médias, qui est autorisée par cette Règle.

Régime pénitentiaire

Règle 25

La Règle 25 souligne que les autorités pénitentiaires ne doivent pas concentrer leur attention uniquement sur certaines règles spécifiques comme celles qui portent sur le travail, l’éducation et l’exercice physique mais doivent examiner l’ensemble du régime de détention de chaque détenu et veiller à ce que celui-ci reste conforme aux normes fondamentales de respect de la dignité humaine. Ces activités ne devraient couvrir que la période d’une journée normale de travail. Il est inacceptable, par exemple, que les détenus passent 23 heures sur 24 dans leur cellule. Le CPT a indiqué que les diverses activités auxquelles participent les détenus doivent les occuper en dehors de leur cellule au moins huit heures par jour (voir 2e Rapport général du CPT, paragraphe 47, CPT/Inf (92)).

 Une attention particulière devrait être apportée à assurer que les détenus ne travaillant pas, tels que ceux ayant atteint l’âge de la retraite, soient maintenus actifs par d’autres moyens.

Cette Règle fait aussi spécifiquement référence aux besoins sociaux des détenus, et encourage ainsi les autorités pénitentiaires à veiller à ce que les multiples besoins sociaux des détenus soient satisfaits, soit par l’administration pénitentiaire, soit par des organismes d’action sociale relevant d’autres secteurs gouvernementaux. La règle fait particulièrement référence à la nécessité d’offrir un soutien aux détenus, hommes et femmes, qui auraient été victimes d’abus physiques, psychologiques ou sexuels.

Il convient aussi de noter que la Règle 101 autorise les prévenus à demander à suivre le régime des détenus condamnés.

Travail

Règle 26

Il convient de noter que le travail des prévenus fait l’objet de la Règle 100, et que le travail des condamnés est traité dans la Règle 105. L’introduction de la Règle 26 dans la section générale constitue une nouveauté très importante par rapport aux normes antérieures car le travail était précédemment envisagé comme accessible uniquement aux condamnés (et obligatoire pour ces derniers). Il est maintenant largement reconnu que les prévenus ont aussi le droit de travailler. Les dispositions contenues dans cette Règle s’appliquent à tout type de travail effectué par des détenus, qu’il s’agisse de prévenus choisissant de travailler ou de condamnés éventuellement contraints à travailler. 

La Règle 26.1 souligne une nouvelle fois que le travail effectué par un détenu ne doit en aucun cas constituer une punition. Cette disposition vise à lutter contre les risques évidents d’abus en ce domaine. L’aspect positif du travail doit au contraire être mis en avant. Le travail offert aux détenus doit être conforme aux normes et techniques de travail contemporaines et reposer sur des modes de gestion et des processus de production modernes. Il est important également, comme l’indique la Règle 26.4 en termes généraux, que les femmes aient accès à divers types d’emplois et que leur choix ne se limite pas aux emplois traditionnellement considérés comme « féminins ». Le travail doit remplir une fonction générale de développement pour tous les détenus ; l’exigence que le travail soit, dans la mesure du possible, de nature à augmenter la capacité des détenus à gagner leur vie va également dans ce sens.

Le principe de normalisation découlant de la Règle 5 sous-tend le détail des dispositions relatives au travail contenues dans la Règle 26. Par exemple, les mesures appliquées en matière d’hygiène et de sécurité, les heures de travail et même l’affiliation aux systèmes nationaux de sécurité sociale doivent être alignées sur celles dont bénéficient les salariés à l’extérieur de la prison. Cette approche est conforme à celle adoptée par le Comité des Ministres dans sa Recommandation (75) 25 sur le travail des détenus. Une approche identique doit déterminer le niveau de rémunération des détenus. Les détenus employés par des entreprises privées doivent obligatoirement recevoir « un salaire normal complet » mais, dans l’idéal, tous les détenus devraient recevoir une rémunération conforme aux salaires pratiqués dans l’ensemble de la société.

La Règle 26 contient également des dispositions visant à empêcher l’exploitation du travail des détenus. La Règle 26.8, en particulier, a pour but d’assurer que les motivations financières ne conduisent pas à ignorer le rôle positif du travail pour l’amélioration de la formation des détenus et la normalisation de leur vie en prison.

La Règle 26.17 souligne que, si le travail peut occuper une grande partie de l’emploi du temps des détenus, il ne doit cependant pas les empêcher de pratiquer d’autres activités. Il est explicitement fait référence à l’instruction, mais les contacts avec des partenaires extérieurs, tels que des organismes d’action sociale, peuvent former une composante essentielle du régime d’un détenu.

Exercice physique et activités récréatives

Règle 27

L’emplacement de la Règle 27 vise à souligner la nécessité de l’exercice physique et des activités récréatives (qui ne doivent cependant pas être obligatoires) pour tous les détenus, y compris pour ceux sujet à des sanctions disciplinaires. Des possibilités d’exercice physique et des activités récréatives doivent être offertes à tous les détenus et non uniquement dans le cadre des programmes de traitement et de formation des détenus condamnés, mais ces activités ne doivent pas être obligatoires. Ceci est conforme à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, qui couvre dans sa partie générale, à la Règle 24, l’exercice physique et le sport. L’importance de l’exercice physique pour tous les détenus est soulignée par le CPT dans son 2e Rapport général (CPT/Inf (92)3, paragraphe 47). La séance d’exercice physique d’une heure par jour est un minimum qui doit être appliqué à tous les détenus qui ne font pas suffisamment d’exercice dans le cadre de leur travail. Il faut prévoir des aménagements suffisants destinés à l’exercice physique réalisé à l’extérieur afin de permettre aux détenus de s’exercer pleinement physiquement.

Les possibilités d’exercice physique doivent être complétées par la fourniture d’activités récréatives visant à rendre la vie en prison aussi normale que possible. L’organisation d’activités sportives et récréatives est le moyen idéal de faire participer les détenus à un aspect important de la vie en prison et de les aider à développer leurs aptitudes sociales et interpersonnelles. Elle peut aussi fournir aux détenus l’occasion d’exercer leur droit d’association. Ce droit, protégé par l’article 11 de la CEDH, n’est pas entièrement aboli dans le contexte pénitentiaire, bien que soumis à de fortes restrictions liées aux exigences de bon ordre (voir aussi le commentaire de la Règle 52.3 dans la Partie IV).

Le Règle 27.5 concerne les détenus ayant besoin d’un exercice physique d’une nature particulière : par exemple un détenu blessé pourrait nécessiter des exercices complémentaires afin de se re-muscler.

Education

Règle 28

Cette Règle contient des dispositions générales en vue de l’éducation de tous les détenus. Des dispositions complémentaires relatives à l’éducation des détenus condamnés figurent dans la Règle 106. Les autorités pénitentiaires doivent accorder une attention spéciale à l’éducation des jeunes détenus et à ceux ayant des besoins éducatifs spéciaux, tels que les détenus d’origine étrangère, les personnes handicapées et autres. Ceci est conforme à la Recommandation (89) 12 du Comité des Ministres sur l’éducation en prison, qui mentionne de manière spécifique les besoins éducatifs de tous les détenus. La Règle souligne la nécessité pour les autorités pénitentiaires de répondre aux besoins des détenus qui ont des problèmes particuliers en matière d’éducation et d’intégrer l’instruction des détenus dans le système d’éducation publique. D’autre part, lorsque des détenus obtiennent une qualification formelle pendant leur séjour en prison, il importe que l’attestation correspondante ne fasse pas mention du lieu d’obtention.

La bibliothèque devrait être considérée comme un équipement ouvert à tous les détenus et comme une activité récréative importante. Elle joue aussi un rôle essentiel en vue de l’éducation des détenus. Elle devrait être convenablement approvisionnée et offrir des livres dans les différentes langues lues par les détenus. La bibliothèque devrait aussi permettre aux détenus de consulter des textes juridiques et, en particulier, les Règles pénitentiaires européennes et d’autres instruments semblables, ainsi que les diverses réglementations s’appliquant à la vie en prison. D’autres matériaux pourront être conservés dans la bibliothèque sous forme électronique.

Liberté de pensée, de conscience et de religion

Règle 29

Les règles pénitentiaires ont considéré jusqu’ici la place de la religion en prison comme non problématique et se sont limitées à formuler des recommandations positives sur les meilleurs moyens d’organiser la vie religieuse en prison. Cependant, l’augmentation dans certains pays du nombre de détenus animés de fortes convictions religieuses nécessite l’adoption d’une approche mieux fondée en principe, ainsi que d’exigences positives.

La Règle 29.1 vise à assurer la reconnaissance de la liberté de religion et de la liberté de pensée et de conscience, conformément à l’article 9 de la CEDH.

La Règle 29.2 ajoute l’obligation positive pour les autorités pénitentiaires de faciliter la pratique religieuse et le respect des croyances des détenus. Diverses mesures pourront être prises à cet égard. La Règle 22 prévoit déjà que les exigences liées à des convictions religieuses soient prises en compte dans le régime alimentaire des détenus. Dans la mesure du possible, des lieux de culte et de réunion doivent être fournis dans chaque prison aux détenus de diverses religions et confessions. Lorsqu’une prison contient un nombre suffisant de détenus appartenant à une même religion, un représentant de cette religion doit être agréé. Lorsque le nombre de détenus le justifie et si les conditions le permettent, la personne désignée devra remplir cette fonction à plein temps. Le représentant qualifié doit être autorisé à tenir des services réguliers, à organiser des activités et à avoir des entretiens en privé avec les détenus appartenant à sa religion. Aucun détenu ne doit se voir refuser l’accès au représentant agréé d’une religion.

La Règle 29.3 vise à protéger les détenus de toute pression indue en matière religieuse. Ces questions sont abordées dans la section générale afin de souligner que la pratique religieuse ne doit pas être conçue principalement comme un aspect du programme de détention mais comme une question d’intérêt général concernant tous les détenus.

Information

Règle 30

Cette Règle met l’accent sur l’importance d’informer les détenus de leurs droits et de leurs obligations dans une langue qu’ils comprennent. Des démarches doivent également être entreprises afin de s’assurer qu’ils restent correctement informés. Les détenus ne s’intéressent pas seulement à leurs conditions matérielles et formelles de détention mais aussi aux progrès de la procédure les concernant et, s’ils ont été condamnés, au temps qu’il leur reste à passer en prison et à leurs possibilités de bénéficier d’une libération anticipée. C’est la raison pour laquelle il est important que l’administration pénitentiaire maintienne sur ces questions un dossier accessible aux détenus. Afin de leur permettre de mieux comprendre le traitement accordé aux détenus, les familles doivent aussi avoir accès à la réglementation déterminant les conditions de détention de leur proche.

Objets appartenant aux détenus

Règle 31

La protection des objets appartenant aux détenus (argent, objets de valeur et autres effets) peut être en pratique source de problèmes en raison des risques de vol. La Règle 31 définit en détail les procédures à suivre dès l’admission afin de prévenir ces risques. Ces procédures permettent aussi de protéger le personnel pénitentiaire contre toute allégation de détournement de biens appartenant à des détenus. Cette Règle prévoit également, sous certaines conditions restrictives, que les détenus puissent acheter ou se procurer des biens qui leur seraient nécessaires en prison. S’agissant de nourriture ou boissons, voir également l’obligation des autorités de procurer une alimentation satisfaisante conformément aux dispositions de la Règle 22. 

Transfèrements des détenus

Règle 32

Les détenus sont particulièrement vulnérables lors de leur transport en dehors de la prison. La Règle 32 a par conséquent pour but de leur fournir certaines protections. La Règle 32.3 est spécifiquement conçue pour empêcher les pratiques visant à faire supporter aux détenus les frais de transport. Elle indique également que les autorités publiques demeurent responsables des détenus pendant leur transport. Des exceptions peuvent être prévues lorsque les détenus choisissent de participer à des actions civiles.

Libération des détenus

Règle 33

Cette Règle reconnaît que la question de la libération des détenus ne concerne pas uniquement les détenus condamnés. Il est important que les détenus ne pouvant légalement être maintenus plus longtemps en détention soient libérés sans retard (voir affaire Quinn c. France (requête n° 18580/91 - 22/03/1995)). Les diverses mesures à prendre au titre de la Règle 33 visent à assurer que tous les détenus, y compris les prévenus, bénéficient d’une aide en vue de leur retour dans la société.

 

Femmes

Règle 34

Cette Règle est une nouvelle disposition visant à tenir compte du fait que les détenues femmes, en tant que minorité au sein du système pénitentiaire, peuvent facilement être l’objet de discriminations. Elle vise à aller au-delà de la proscription de la discrimination négative et à sensibiliser les autorités à la nécessité de prendre des mesures positives à cet égard. Ces mesures positives doivent reconnaître, par exemple, que les détenues femmes, en tant que minorité au sein des prisons, peuvent facilement être l’objet de discriminations du fait de leur isolement. Ces stratégies doivent donc être élaborées de manière à remédier à cet isolement. De même, la Règle 26.4 selon laquelle aucune discrimination ne doit se faire sur la base du sexe du détenu, et ce quelque soit le type de travail, doit être complétée par des initiatives positives afin de garantir que les femmes ne soient plus, dans la pratique, victimes de cette discrimination qui consiste à les loger dans de petits quartiers qui proposent moins de travail, voire du travail moins intéressant.

La nécessité pour les détenues femmes d’accéder à certains services spéciaux est énoncée en termes généraux afin de tenir compte du développement inventif d’une série de mesures positives. Cependant, comme le reconnaît la Règle 34.2, un domaine n’est pas abordé. Les femmes détenues sont particulièrement susceptibles d’avoir été victimes d’abus physiques, psychologiques ou sexuels avant leur emprisonnement. Leurs besoins spécifiques à cet égard sont mis en valeur et viennent s’ajouter à l’attention générale devant être accordée à l’ensemble de ces détenues femmes en vertu de la Règle 25.4. La Règle 30.b de la Recommandation (2003) 23 concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée, met en avant de façon similaire les besoins des femmes à cet égard.

Il importe de reconnaître que les besoins particuliers des femmes couvrent des aspects très divers et ne doivent pas être considérés comme essentiellement d’ordre médical. C’est la raison pour laquelle les dispositions relatives à l’accouchement et aux facilités à apporter aux parents avec enfants en prison ont été retirées du contexte médical et placées dans la présente Règle et dans la suivante.

Lorsqu’une femme est transférée dans un établissement non pénitentiaire, elle doit être traitée avec dignité. Par exemple, il est inacceptable qu’une femme accouche enchaînée à un lit ou un autre meuble.

 Mineurs

Règle 35

Cette Règle vise en premier lieu à maintenir les mineurs hors des prisons, qui sont des établissements de détention des adultes. Conformément à l’article 1 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, les mineurs sont définis comme toute personne âgée de moins de 18 ans.

Les Règles pénitentiaires européennes, dans leur conception générale, portent essentiellement sur les conditions de détention des adultes. Néanmoins, les Règles couvrent les mineurs placés en détention provisoire ou condamnés à une peine de détention dans une institution, quelle qu’elle soit. Les Règles protègent par conséquent les mineurs en prison, ce qui est d’autant plus important qu’ils continuent d’être détenus dans des prisons « ordinaires », bien que cette pratique soit largement considérée comme inacceptable. En outre, ces Règles, bien qu’axées sur les adultes, peuvent offrir des indications générales utiles sur les normes minimales qui doivent s’appliquer aussi aux mineurs détenus dans d’autres institutions.

Les mineurs constituant une catégorie extrêmement vulnérable, les autorités pénitentiaires doivent assurer la conformité de leur régime de détention avec les principes pertinents énoncés dans la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et dans la Recommandation (87) 20 sur les réactions sociales à la délinquance juvénile, et veiller particulièrement :

- à les protéger de toute forme de menace, violence ou abus sexuel ;
- à leur offrir une éducation et une formation appropriées ;
- à les aider à maintenir des contacts avec leur famille ;
- à leur offrir un soutien et un accompagnement en matière de développement émotionnel ; et
- à leur proposer des activités sportives et de loisirs appropriées. 

Ces dispositions, qui figurent au paragraphe 32 de la Recommandation Rec(2003) 23 concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée, devraient être appliquées à tous les mineurs.

Les mesures particulières de protection des mineurs doivent s’appuyer sur les instruments spécialisés tels que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour les mineurs et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (dites « Règles de La Havane », adoptées le 14 décembre 1990, en vertu de la Résolution 45/113 de l’Assemblée générale). Il est fait indirectement référence à ces normes dans la Règle 35.3.

La Règle 35.4 prévoit le principe général selon lequel les mineurs ne devraient pas être détenus au même endroit que les adultes. Elle prévoit une exception dans l’intérêt du mineur. En pratique toutefois, il sera normalement dans l’intérêt des mineurs d’être détenus séparément. Dans les rares exemples où cela n’est pas le cas, par exemple lorsqu’il y a peu de mineurs dans le système carcéral, des précautions devraient être prises pour veiller à ce qu’ils ne soient pas exposés à un risque d’abus de la part de détenus adultes (ces précautions sont plus amplement détaillées dans l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour les mineurs (Règle 26.3) ; les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règle 29) et dans le 12e Rapport général du CPT (CPT/Inf (99)12, paragraphe 25).

Enfants en bas âge

Règle 36

La question de savoir si les enfants en bas âge doivent être autorisés à rester en prison avec l’un de leurs parents, et dans l’affirmative pour combien de temps, est fortement controversée. Dans l’idéal, les parents des enfants en bas âge ne devraient pas être incarcérés, ce qui n’est pas toujours possible. La solution adoptée ici est de souligner que la décision doit être déterminée par l’intérêt de l’enfant en bas âge. Cependant, l’autorité parentale de la mère, si celle-ci ne lui a pas été retirée, doit être reconnue, de même que celle du père. Il doit être souligné que lorsque les enfants en bas âge sont incarcérés, ils ne doivent pas être considérés comme des détenus. Ils conservent tous les droits des enfants en bas âge en milieu libre. La Règle ne définit aucune limite supérieure en ce qui concerne l’âge à partir duquel un enfant en bas âge doit être séparé de son parent détenu. Il existe des différences culturelles très importantes à ce propos. En outre, les besoins de chaque enfant en bas âge sont extrêmement variables et l’intérêt de l’enfant peut dicter que celui-ci continue à vivre avec son parent en prison au-delà du délai normal.

Ressortissants étrangers

Règle 37

L’introduction d’une Règle distincte au sujet des ressortissants étrangers reflète l’importance croissante des questions relatives aux étrangers dans les prisons européennes. Cette Règle s’applique à tous les détenus étrangers, condamnés ou non. Elle suit de près la Règle 38 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus et est conforme à la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Le principe essentiel sur lequel repose cette Règle est que les ressortissants nationaux peuvent avoir besoin d’une aide particulière lorsqu’un Etat autre que le leur prend la décision de les maintenir en détention. Cette aide doit leur être fournie par les représentants de leur pays. Le personnel pénitentiaire devrait aussi garder à l’esprit que les détenus étrangers sont susceptibles de bénéficier d’un transfert en vertu de la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, ou en application d’accords bilatéraux, et il devrait informer ces détenus de cette possibilité. (Voir le paragraphe 25 de la Recommandation Rec(2003) 23 concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée.)

La Règle 37.3 rappelle que les détenus étrangers peuvent avoir des besoins particuliers. Dans certains pays, les détenus peuvent également recevoir la visite de représentants d’organisations chargées du bien-être des détenus étrangers. Des précisions sur la manière de répondre aux besoins des tels détenus figurent dans la Recommandation (84) 12 concernant les détenus étrangers.

Minorités ethniques et linguistiques

Règle 38

En raison de la diversification croissante de la population carcérale en Europe, il est nécessaire d’introduire une nouvelle règle pour assurer la prise en compte spécifique des besoins des minorités ethniques et linguistiques. La Règle 38 énonce cette idée en termes généraux. Le personnel pénitentiaire doit être sensibilisé aux pratiques culturelles des différents groupes afin d’éviter les risques de malentendus.

Partie III Santé

Soins de santé

Règle 39

Cette Règle est nouvelle et se fonde sur l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui établit « le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ». Parallèlement à ce droit fondamental qui s’applique à toutes les personnes, les détenus disposent de protections supplémentaires en raison de leur statut. Lorsqu’un pays prive des personnes de leur liberté, il prend la responsabilité de s’occuper de leur santé au regard des conditions de détention et du traitement individuel qui peut s’avérer nécessaire du fait de ces conditions. Les administrations pénitentiaires ont la responsabilité non seulement d’assurer l’effectivité de l’accès des détenus aux soins médicaux mais également de créer les conditions qui favorisent le bien-être des détenus et du personnel pénitentiaire. Les détenus ne devraient pas quitter la prison en plus mauvaise santé que lors de leur admission. Ceci s’applique à tous les aspects de la vie carcérale et notamment aux soins de santé.

Ce principe est renforcé par la Recommandation (98)7 du Comité des Ministres aux États membres relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins en prison ainsi que par le CPT, notamment dans son 3ème Rapport général (CPT/Inf (93)12). A cela s’ajoute un ensemble juridique de plus en plus important résultant de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, qui confirme qu’il appartient aux États de protéger la santé des détenus dont ils ont la garde.

Organisation des soins de santé en prison

Règle 40

Le mode d’application le plus efficace de la Règle 40 serait que les autoritaires sanitaires nationales soient également responsables des soins de santé dispensés dans les prisons, à l’instar de ce qui se pratique dans de nombreux pays européens. Lorsque ce n’est pas le cas, il conviendrait alors de mettre en place la relation la plus étroite possible entre les prestataires des soins de santé à l’intérieur des prisons et les services de santé à l’extérieur des prisons. Il ne s’agit pas uniquement d’assurer le suivi des traitements mais également de mettre les détenus et le personnel en situation de bénéficier des développements les plus larges dans les traitements, les normes professionnelles et les formations.

La Recommandation (98) 7 du Comité des Ministres prévoit que « la politique de santé en milieu carcéral devrait être intégrée à la politique nationale de santé et être compatible avec elle ». Outre le fait que ce soit dans l’intérêt des détenus, il y va également de la santé de la population dans son ensemble, notamment au regard de la politique relative aux maladies infectieuses susceptibles de se propager des prisons vers la communauté la plus large.

Le droit des détenus de bénéficier d’un accès sans restriction aux services de santé disponibles dans l’ensemble du pays est confirmé par le Principe 9 des Principes fondamentaux des Nations Unies pour le traitement des détenus. Le 3ème Rapport général du CPT attache de même une grande importance au droit des détenus à des soins de santé équivalents. Il est également fondamental que les détenus aient accès aux soins de santé sans frais (Principe 24 de l’ensemble des Principes des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement). De nombreux pays connaissent des difficultés importantes à dispenser des soins de santé de grande qualité à l’ensemble de la population. Toutefois, quelles que soient les circonstances, les détenus ont le droit de bénéficier des meilleurs dispositifs de soins de santé, et cela sans frais. Le CPT a précisé que même lors de périodes de grandes difficultés économiques, rien ne peut dégager un État de sa responsabilité de fournir les produits de première nécessité aux personnes privées de liberté, soulignant que ces produits de première nécessité incluent des fournitures médicales suffisantes et adaptées. (Cf. par exemple le Rapport sur la République de Moldova [CPT/Inf (2002) 11]).

Rien dans ces règles n’empêche un Etat de permettre aux détenus de consulter leur propre médecin à leurs frais propres.

Personnel médical et soignant

Règle 41

Cette Règle concerne la demande fondamentale d’assurer aux détenus un accès effectif aux soins de santé chaque fois que cela est nécessaire, ce qui implique qu’un médecin devrait être nommé dans chaque établissement pénitentiaire. Ce praticien devrait avoir les qualifications requises. Dans les grands établissements, un nombre suffisant de médecins devrait être engagé sur des postes à plein temps. Dans tous les cas il devrait être possible de s’assurer à tout moment des services d’un médecin pour intervenir dans les cas d’urgence. Cette exigence est confirmée dans la Recommandation (98) 7 du Comité des Ministres.

Outre les médecins, il devrait y avoir un personnel soignant convenablement qualifié. Dans certains pays d’Europe de l’Est, des praticiens paramédicaux (parfois appelés « feldsher ») faisant rapport au médecin peuvent également procurer des soins de santé. Un autre des groupes les plus importants est celui des infirmières dûment formées. En 1998, le Conseil international des infirmières a publié une déclaration qui énonce, entre autres choses, que les associations nationales d’infirmières devraient offrir des avis, des conseils et un soutien confidentiels aux infirmières des établissements pénitentiaires. [Le rôle des infirmières dans les soins aux prisonniers et aux détenus, Conseil international des infirmières, 1998]

Dans leurs relations avec les détenus, les médecins devraient appliquer les mêmes principes et normes professionnels que ceux qu’ils appliqueraient dans l’exercice de leurs fonctions à l’extérieur de la prison. Ce principe a été confirmé par le Conseil international des services médicaux pénitentiaires lorsqu’il a approuvé le Serment d’Athènes :

“ Nous, professionnels de santé qui travaillons dans les établissements pénitentiaires, réunis à Athènes le 10 septembre 1979, prenons ici l’engagement, en accord avec l’esprit du serment d’Hippocrate, que nous entreprendrons de procurer les meilleurs soins de santé à ceux qui sont incarcérés quelle qu’en soit la raison, sans préjugé et dans le cadre de nos éthiques professionnelles respectives”.

Ceci est également réclamé par le premier des Principes d’éthique médicale des Nations Unies applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Devoirs du médecin

Règle 42

A l’instar de la Recommandation (98) 7 relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu carcéral, le principe qui sous-tend le devoir des médecins exerçant en milieu pénitentiaire est la prestation de soins médicaux et de conseils appropriés à toutes les personnes détenues dont ils sont cliniquement responsables. En outre, les évaluations cliniques relatives à la santé des personnes incarcérées devraient être fondées uniquement sur des critères médicaux. La Règle 42 précise que la tâche des praticiens commence dès qu’une personne est admise en prison. Il existe plusieurs raisons importantes expliquant pourquoi les détenus devraient se voir proposer un examen médical à leur arrivée dans l’établissement. Cet examen doit :

• permettre au personnel médical d’identifier tout état pathologique préexistant et assurer que le traitement adapté est bien dispensé,
• permettre d’apporter un soutien adapté aux personnes susceptibles de souffrir des effets du sevrage à l’égard de drogue,
• contribuer à identifier des traces de violences éventuelles subies antérieurement à leur admission, et
• permettre au personnel formé à cet effet d’évaluer l’état mental d’un détenu et offrir un soutien approprié aux personnes susceptibles de s’automutiler.

Un examen médical ne pourra être considéré comme manifestement inutile que s’il n’est ni requis par l’état de santé du détenu, ni par des besoins de santé publique.

Les détails relatifs à toute blessure constatée doivent être communiqués aux autorités compétentes.

Après ce premier examen, le médecin devrait visiter tous les détenus aussi souvent que leur santé le requiert. Ce point est particulièrement important pour les détenus qui peuvent souffrir de maladies mentales ou de troubles mentaux, qui doivent faire face aux symptômes de manque consécutifs à une consommation de drogue ou d’alcool, ou qui ressentent une tension émotionnelle particulière du fait de leur incarcération. La Recommandation (98) 7 du Comité des Ministres met l’accent sur les soins apportés aux détenus alcooliques ou toxicomanes et appelle l’attention sur les recommandations du Groupe de coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite de stupéfiants du Conseil de l’Europe (Groupe Pompidou). Dans un arrêt d’avril 2003 [McGlinchey et autres c. Royaume-Uni, requête n° 50390/99, 29/04/2003], la Cour européenne des Droits de l’Homme a conclu à une violation de l’Article 3 de la CEDH au regard du traitement médical d’une personne héroïnomane décédée au cours de sa détention.

Plusieurs pays européens sont réellement préoccupés par la transmission des maladies infectieuses telles que la tuberculose. Cela constitue une menace pour la santé des détenus et du personnel pénitentiaire ainsi que pour la collectivité dans son ensemble. Cet état de fait a été reconnu par les chefs de gouvernement des pays baltes qui ont fait une déclaration conjointe en juin 2002, faisant observer que « les prisons surpeuplées accueillant des détenus contaminés et présentant des conditions d’hygiène et des équipements sanitaires médiocres constituent un risque majeur sur le plan des maladies transmissibles dans cette région ». Les médecins exerçant en milieu pénitentiaire doivent être particulièrement vigilants lors des examens de personnes récemment admises en prison afin d’identifier tout individu atteint d’une maladie transmissible. Dans le cas d’établissements surpeuplés ou d’hygiène médiocre il conviendrait d’organiser des dépistages réguliers. Le cas échéant, il faudrait instaurer un programme de traitement des détenus souffrant de ces maladies. Dans l’un de ses rapports de pays le CPT a fait observer l’insuffisance de la fourniture de médicaments antituberculeux, ce qui est d’importance vitale puisque la fourniture sporadique de ces médicaments peut conduire à l’apparition d’une tuberculose résistant aux antibiotiques, et invoqué le principe selon lequel les autorités pénitentiaires sont explicitement tenues de dispenser les médicaments régulièrement. (Rapport au gouvernement letton CPT/Inf (2001) 27). Il convient de procéder à des aménagements si des raisons d’ordre clinique le requièrent afin d’isoler ces détenus, dans leur propre intérêt et pour la sécurité des autres personnes. La Recommandation No. R (98) 7 du Comité des Ministres estime que la vaccination contre l’hépatite B devrait être proposée aux détenus ainsi qu’au personnel.

Ces dernières années ont vu augmenter le nombre des détenus porteurs du VIH. Dans certains pays, la réponse a été l’isolement automatique desdits détenus. Il n’existe aucune justification d’ordre clinique d’agir de la sorte et cette pratique devrait être évitée. A ce propos on peut se référer aux normes présentées dans la Recommandation (93) 6 du Comité des Ministres aux États membres, relative aux aspects pénitentiaires et criminologiques du contrôle des maladies transmissibles et notamment du sida, et les problèmes connexes de santé en prison. La Recommandation (98) 7 du Comité des Ministres renforce ce point et souligne qu’un test VIH ne devrait être effectué qu’avec le consentement du détenu concerné et de façon anonyme.

Les directives de l’Organisation mondiale de la Santé (directives de l’OMS sur l’infection au VIH et le sida dans les prisons, Genève, 1993) stipulent sans ambiguïté que les tests du VIH ne devraient pas être obligatoires et que les détenus contaminés ne devraient pas être isolés des autres, sauf en cas de maladie nécessitant de bénéficier de soins médicaux spécialisés.

La Règle 42.2 prévoit que si un détenu est libéré avant la fin de son traitement, il est important que le médecin établisse un lien avec les services médicaux extérieurs afin de permettre au détenu de poursuivre son traitement après la libération. Ce point est particulièrement important lorsque le détenu libéré souffre d’une maladie infectieuse telle que la tuberculose ou lorsqu’une maladie ou une malformation mentale ou physique est susceptible de faire obstacle à la réussite de sa réinsertion au sein de la société.

Règle 43

Cette Règle signifie que chaque détenu a droit à un accès régulier et confidentiel à des consultations médicales du niveau requis, qui soient au moins l’équivalent de ce qui existe dans la société civile. Les conditions dans lesquelles se déroule l’entretien avec un détenu sur ses problèmes de santé doivent être équivalentes à celles qui prévalent dans l’exercice de la médecine civile. Dans la mesure du possible l’entretien devrait se dérouler dans un cabinet de consultation convenablement équipé. Il est inacceptable qu’une consultation ait lieu par groupes de détenus ou en présence d’autres détenus ou de personnel non-médical. Les détenus ne doivent pas être menottés ou séparés physiquement du médecin pendant les consultations médicales.

En aucun cas les détenus ne devraient avoir à énoncer les raisons motivant leur demande de consultation médicale aux personnels pénitentiaires s’ils sont tenus de déposer une demande de visite d’un médecin extérieur. Les dispositions relatives aux demandes de consultation médicale devraient être expliquées aux détenus dès leur admission dans la prison.

Les archives médicales de chaque détenu devraient rester sous le contrôle du médecin et ne pas être communiquées sans l’autorisation écrite préalable du détenu. Dans certains pays, les services de soins de santé en prison appartiennent à la sphère d’attribution des soins de santé civils. Outre les avantages mentionnés plus haut dans « le droit aux soins de santé », ces dispositions contribuent à établir clairement que les archives médicales ne font pas partie des archives générales des établissements pénitentiaires.

Le traitement prescrit à la suite d’une consultation et d’un diagnostic devrait être celui qui est au mieux des intérêts de chaque détenu. Les diagnostics et traitements médicaux devraient être fondés sur les besoins de chaque détenu et non pas sur les nécessités de l’administration pénitentiaire. La Recommandation (98) 7 du Comité des Ministres souligne que les détenus devraient donner leur consentement éclairé préalablement à tout examen ou traitement médical, ce que préconise également le 3ème Rapport général du CPT.

La Recommandation No. R (98) 7 du Comité des Ministres fait observer la nécessité d’accorder une attention spéciale aux besoins des détenus présentant un handicap physique, et de leur fournir des équipements pour les aider, comme cela se pratique à l’extérieur de la prison. Dans un arrêt de juillet 2001 [Price c. Royaume-Uni (33394/96)] la Cour européenne des Droits de l’Homme a conclu à une violation de l’Article 3 de la CEDH au regard du traitement d’une détenue gravement handicapée, malgré l’absence de preuve d’une quelconque intention de la part des autorités pénitentiaires d’humilier ou d’avilir la requérante.

Conséquence de l’allongement des peines dans certaines juridictions, l’administration pénitentiaire doit désormais faire face aux besoins du nombre croissant de personnes âgées. Dans certains Etats, la nouvelle tendance à prononcer des peines d’emprisonnement à perpétuité ou de longue durée sans possibilité de remise a conduit à une élévation significative du nombre de détenus qui vieilliront en prison. L’administration pénitentiaire devra apporter une attention particulière aux différents problèmes, tant sociaux que médicaux, de ce groupe de détenus. Cela peut impliquer la fourniture d’une série d’équipements spécialisés afin de régler les problèmes dus à une perte de mobilité ou à l’apparition d’une détérioration mentale.

Une attention spéciale sera accordée aux détenus atteints d’une maladie en phase terminale et il s’agira parfois de prendre une décision quant à l’opportunité d’une libération anticipée desdits détenus. Tout diagnostic ou conseil émanant du personnel médical pénitentiaire devrait être fondé sur des critères professionnels et au mieux des intérêts du détenu. La Recommandation (98) 7 du Comité des Ministres indique que la décision relative au fait de transférer lesdits patients vers des unités de soins extérieures devrait être prise sur des critères médicaux. Dans un arrêt de novembre 2002 [Mouisel c. France (requête n° 67263/01 - 14/11/2002)], la Cour européenne des Droits de l’Homme a conclu à une violation de l’Article 3 de la CEDH au regard du traitement médical d’un détenu en phase terminale. Elle a fait observer l’obligation positive de l’État d’offrir le traitement médical adapté, et réprouvé le fait que le détenu ait été menotté sur son lit d’hôpital. Dans une autre affaire jugée en octobre 2003 [Hénaf c. France (55524/00)] la Cour a conclu à une violation de l’Article 3 de la CEDH au regard du traitement d’un détenu malade qui avait été enchaîné au lit d’hôpital.

La Recommandation (98) 7 du Comité des Ministres aborde le traitement des détenus en grève de la faim. Elle souligne que l’examen clinique d’un gréviste de la faim ne devrait être effectué qu’avec le consentement explicite du patient sauf s’il souffre de troubles mentaux graves qui requièrent son transfert dans un service psychiatrique. Lesdits patients devraient recevoir une explication détaillée des éventuels effets nuisibles de leur action sur leur santé à long terme. Toute mesure prise par le praticien (médecin) doit être conforme au droit interne et aux normes professionnelles.

Un médecin ou un(e) infirmier(ère) qualifié(e) ne devrait pas être tenu(e) de déclarer un détenu apte à subir une sanction mais il (ou elle) peut conseiller l’administration pénitentiaire au regard du risque que certaines mesures peuvent constituer pour la santé des détenus. Il (ou elle) a un devoir particulier à l’égard des prisonniers qui sont détenus dans des conditions d’isolement cellulaire, quelqu’en soit la raison : à des fins disciplinaires ; en raison de leur « dangerosité » ou de leur « comportement difficile » ; dans l’intérêt d’une enquête pénale ; à leur propre demande. Conformément à une pratique établie (voir par exemple la Règle 32.3 des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus), de tels détenus devraient quotidiennement recevoir des visites médicales. En outre, les médecins devraient répondre rapidement aux demandes de traitement formulées par les prisonniers détenus dans de telles conditions ou par le personnel carcéral, tel que le prévoit le paragraphe 66 de la Recommandation n° R (98)7 relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire.

Règles 44 et 45

Ces deux Règles concernent le devoir du médecin de contrôler et de d’émettre des avis sur les conditions de détention. Les conditions dans lesquelles sont incarcérés les détenus auront un impact majeur sur leur santé et leur équilibre. Pour faire face à ces responsabilités, l’administration pénitentiaire devrait dès lors veiller à l’application de normes appropriées dans tous les domaines qui peuvent affecter la santé et l’hygiène des détenus. Les conditions matérielles des cellules, la nourriture et les installations hygiéniques et sanitaires devraient être conçues de manière à contribuer au rétablissement des personnes souffrantes et à empêcher la propagation de l’infection à la population en bonne santé. Le médecin joue un rôle de premier plan en vérifiant que l’administration pénitentiaire fait face à ses obligations à cet égard. Dans le cas contraire, le médecin devrait attirer l’attention des autorités pénitentiaires sur ce manquement. La Recommandation (98) 7 du Comité des Ministres fait observer que le Ministère de la santé a un rôle à jouer en matière de contrôle de l’hygiène dans les prisons.

Administration des Soins de Santé

Règle 46

Cette Règle demande à l’administration pénitentiaire, outre les équipements destinés aux soins de médecine générale, dentaire et psychiatrique, de s’assurer de l’existence des dispositions nécessaires pour permettre des consultations spécialisées et des soins hospitaliers. Cela requiert une relation étroite entre l’établissement pénitentiaire et les services médicaux de la société civile puisqu’il est improbable que les services de soins de santé pénitentiaires soient en mesure d’assurer toutes les spécialisations médicales. S’agissant des soins spécialisés, il conviendrait d’apporter une attention particulière aux besoins des groupes vulnérables, notamment des femmes et des détenus âgés.

L’accès à des installations spécialisées peut fréquemment impliquer le transfert du détenu dans un autre lieu. L’administration pénitentiaire devra s’assurer que les dispositions prévues pour escorter les détenus sont appropriées et n’entraînent pas à leur égard un retard de traitement ou une angoisse accrue. Les conditions de transport des détenus devraient tenir compte de leur état pathologique.

Santé mentale

Règle 47

Cette Règle traite des problèmes de santé mentale. Les conditions d’incarcération peuvent avoir des conséquences graves sur l’équilibre mental des détenus. L’administration pénitentiaire devrait s’efforcer de minimiser leur portée et établir des procédures visant à contrôler ces effets sur chaque détenu. Il conviendrait de prendre des mesures permettant d’identifier les détenus susceptibles de s’automutiler ou de se suicider. Le personnel devrait être convenablement formé à reconnaître les signes avant-coureurs d’une automutilation potentielle. Lorsque des détenus sont diagnostiqués malades mentaux ils ne devraient pas être maintenus en prison mais transférés dans un établissement psychiatrique doté d’installations adaptées. Dans un arrêt d’avril 2001 [Keenan c. Royaume-Uni (requête n° 27229/95 - 03/04/2001)], la Cour européenne des Droits de l’Homme a conclu à une violation de l’Article 3 de la CEDH dans le cas d’un détenu qui s’était suicidé, considérant l’absence d’avis médicaux, l’absence de surveillance psychiatrique et d’isolement, incompatibles avec le traitement d’une personne souffrant de troubles mentaux. Dans son 3e rapport général, le CPT indique que la prévention des suicides constitue un domaine relevant de la compétence d’un service de santé pénitentiaire. Celui-ci devrait assurer une sensibilisation à ce problème au sein de l’établissement, ainsi que la mise en place de dispositifs appropriés.

La Recommandation (2004) 10 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux précise, dans son article 35, que les personnes atteintes de troubles mentaux ne devraient pas faire l’objet d’une discrimination dans les établissements pénitentiaires. En particulier, le principe de l’équivalence des soins avec ceux qui sont assurés en dehors des établissements pénitentiaires devrait être respecté en ce qui concerne les soins nécessités par leur santé. Elles devraient être transférées de l’établissement pénitentiaire à l’hôpital si leur santé l’exige. Les personnes atteintes de troubles mentaux, détenues dans les établissements pénitentiaires, devraient pouvoir bénéficier d’options thérapeutiques appropriées. Le traitement involontaire pour des troubles mentaux ne devrait pas avoir lieu dans les établissements pénitentiaires, sauf dans des services hospitaliers ou médicaux adaptés au traitement des troubles mentaux. Un système indépendant devrait contrôler le traitement et les soins dont bénéficient les personnes atteintes de troubles mentaux dans les établissements pénitentiaires.

Autres questions

Règle 48

Le 3ème Rapport général du CPT souligne la nécessité d’« une approche très prudente » au regard de toute question de recherche médicale avec des détenus, compte tenu de la difficulté d’être certain que la délivrance des consentements n’est pas conditionnée par le fait d’être détenu. Toutes les normes éthiques internationales et nationales applicables relatives à l’expérimentation humaine devraient être respectées.

Part IV Bon ordre

Approche générale

Règle 49

Se référant à la Règle 49, il faut rappeler qu’il est important que le bon ordre soit, à tout moment, maintenu dans les prisons en assurant un équilibre adéquat entre les considérations de sécurité, de sûreté, de discipline et l’obligation découlant de l’article 10 du Pacte international sur les droits civils et politiques de "traiter toute personne privée de sa liberté avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine". Dans son rapport sur les émeutes de Strangeways (Prison de Manchester), le juge Woolf souligne que, pour éviter les troubles dans les prisons, il est essentiel de traiter les détenus avec justice, impartialité et équité.

La majorité des détenus accepte la réalité de leur situation et ne seront pas tentés de s’évader ou de perturber gravement la vie en détention, dès lors qu’ils sont soumis à des mesures de sécurité appropriées et traités avec équité. Toute communauté bien ordonnée, notamment les prisons, a besoin, pour fonctionner, d’un ensemble de principes et de règles que ses membres estiment équitables et justes. Dans les prisons, ces règles visent à assurer la sécurité de chacun, celle du personnel pénitentiaire et des détenus et chaque groupe est tenu de respecter ces principes et ces règles. Il arrive parfois que des individus s’écartent de ces règles. C’est pourquoi il faut un système clairement défini de procédures, de discipline et de sanctions qui soient appliquées d’une manière juste et impartiale.

 Certains détenus peuvent être tentés de s’évader. Les autorités pénitentiaires devraient donc pouvoir évaluer le danger que présente chaque détenu et faire en sorte que chacun soit soumis aux conditions de sécurité adéquates, ni excessives, ni insuffisantes.

Ce n’est que dans des circonstances extrêmes, que l’usage de la force peut constituer une méthode légitime pour rétablir l’ordre. Elle doit l’être en dernier ressort. Afin d’éviter les abus, un ensemble de procédures spécifiques et claires permettant au personnel de recourir à la force doit être défini.

Règle 50

La Règle 50 énonce d’autres principes directeurs supplémentaires pour éviter que le droit de communiquer des détenus ne fassent l’objet de restrictions inutiles. Le bon ordre dans tous ses aspects a des chances d’être obtenu lorsqu’il existe des voies de communication claires entre toutes les parties. Dans cet esprit et à condition que cela ne pose pas de problèmes de sécurité connexes, les détenus devraient être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention. Il est dans l’intérêt de tous les détenus que les prisons fonctionnent sans heurts et il n’est pas exclu qu’ils aient des suggestions utiles à faire. Pour cela et d’autres raisons, il serait souhaitable qu’ils puissent faire part de leurs points de vue à l’administration pénitentiaire. Il revient aux administrations pénitentiaires nationales de décider de la forme que prendront les communications entre détenus. Certaines administrations peuvent permettre à leurs détenus d’élire des représentants et de constituer des commissions capables d’exprimer les sentiments et les intérêts de leurs co-détenus. D’autres peuvent choisir diverses formes de communication. Lorsque les détenus se voient accorder un droit d’association, sous quelque forme que ce soit, le personnel et l’administration pénitentiaire devraient empêcher les organes représentatifs d’exercer une quelconque influence sur les autres détenus ou encore d’abuser de leur situation pour influencer, de manière négative, la vie du centre de détention. Les réglementations pénitentiaires peuvent stipuler que les représentants des détenus ne sont pas habilités à agir au nom d’un détenu en particulier.

Sécurité

Règle 51

Les mesures de sécurité font l’objet de la Règle 51. Il y a trois raisons principales pour exiger que les mesures de sécurité appliquées aux détenus correspondent au minimum requis pour assurer la sécurité de leur détention :

• Si les détenus sont en nombre restreint, le personnel identifiera plus facilement ceux d’entre-eux qui exigent un niveau de sécurité élevé.
• Les détenus seront traités avec d’autant plus d’humanité que le niveau de sécurité est peu élevé.
• La sécurité est d’autant plus coûteuse que son niveau est élevé. Il y a donc un intérêt financier à ne pas placer les détenus dans une catégorie de sécurité plus élevée que nécessaire.

Les dispositifs de sécurité physiques et techniques sont des composantes essentielles de la vie en prison mais en en eux-mêmes insuffisants pour assurer le bon ordre. La sécurité dépend aussi d’un personnel vigilant qui communique avec les détenus, sait ce qui se passe dans la prison et veille à ce que les détenus soient actifs. Cette approche, qualifiée de "sécurité dynamique", est plus qualitative que celle reposant entièrement sur de mesures de sécurité statique et tire sa force de sa capacité d’anticipation, qui permet d’identifier de manière précoce une menace pour la sécurité. Lorsque le personnel et les détenus ont des contacts réguliers, un membre du personnel vigilant et bien formé sera plus réceptif à des situations anormales pouvant constituer une menace pour la sécurité et donc mieux en mesure de prévenir efficacement les tentatives d’évasion. Ce sujet est évoqué dans la Recommandation (2003) 23 du Comité des Ministres aux Etats membres concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée, point 18.a.

L’évaluation du risque peut aider à identifier les détenus qui constituent une menace pour leur propre personne, le personnel, les autres détenus et au-delà la société. La Règle 51.3 énumère les principaux objectifs de l’évaluation du risque que pose chaque détenu pour la sécurité. Des critères pour cette évaluation ont été mis au point dans de nombreux pays. Ils englobent la nature du délit pour lequel le détenu a été condamné, le risque que le détenu ferait peser sur la collectivité en cas d’évasion, les antécédents d’évasion et d’appel à des complicités extérieures, l’éventualité de menaces sur les autres détenus et, s’agissant de détenus placés en détention provisoire, la menace qu’ils constituent pour les témoins. L’évaluation des risques effectuée en prison devrait tenir compte des évaluations faites par d’autres services compétents tels que la police.

De nombreux systèmes carcéraux partent du principe que tous les prévenus doivent être soumis à des conditions de haute sécurité, ce qui n’est pas toujours nécessaire. Il devrait être possible de procéder, comme c’est le cas pour les détenus condamnés, à une évaluation du risque que poserait cette catégorie de détenus s’ils venaient à s’évader.

Dans certains pays, le juge qui prononce le jugement précise le niveau de sécurité du régime qu’il convient d’appliquer au détenu. Dans d’autres pays, les détenus condamnés à perpétuité ou en vertu d’une loi spéciale sont automatiquement soumis au régime de haute sécurité, sans considération de l’évaluation, au cas par cas, du risque qu’ils posent.

La Règle 51.5 impose de réévaluer à intervalles réguliers, pendant l’exécution de la peine, le niveau de sécurité nécessaire. Il arrive souvent que le risque qu’un détenu pose pour la sécurité diminue à mesure que la durée de la peine déjà accomplie augmente. La perspective d’évoluer, en cours de détention, vers une catégorie de sécurité inférieure peut également inciter le détenu à bien se conduire.

Sûreté

Règle 52

Les prisons devraient être des lieux où chacun est et se sent en sécurité. La Règle 52 s’applique, en conséquence aux détenus, au personnel et aux visiteurs. S’il ne sera jamais possible d’éliminer complètement le risque de violence et d’autres faits tels que les incendies, il devrait être possible de les minimiser par un ensemble de procédures adéquates. A l’instar de la sécurité, la sûreté implique un équilibre entre différentes considérations. Les techniques de la sécurité dynamique mentionnées à la Règle 51 peuvent également contribuer à améliorer la sûreté dans les prisons. Un contrôle excessif peut être aussi préjudiciable qu’un contrôle insuffisant. L’environnement est d’autant plus sûr que des procédures claires sont appliquées de manière cohérente. Ainsi, les prisons devraient, dans tous les cas, être équipées d’un système adéquat de lutte contre les incendies et le mode d’emploi, les modalités de déclaration des incendies, les directives d’évacuation des bâtiments, les points de rassemblement externes et les procédures visant à s’assurer de la présence de tous les détenus et du personnel être affichés.

L’importance de procéder à une évaluation adéquate des risques que pose chaque détenu pour la sécurité et la sûreté est mise en exergue par la Cour européenne des droits de l’homme. (Voir Edwards c. Royaume-Uni (requête numéro 46477/99) dans lequel la Cour conclut, en raison des circonstances de l’espèce, à la violation du droit à la vie d’un détenu, piétiné et frappé à mort dans sa cellule par son codétenu).

Dans certains systèmes carcéraux, il est de plus en plus fréquent d’isoler des catégories de détenus ou des individus. A la place, les autorités pénitentiaires devraient s’efforcer de créer un environnement dans lequel tous les détenus sont à l’abri des actes de violence et disposer d’un ensemble de procédures permettant à tous les détenus d’avoir des activités en commun sans craindre les agressions ou d’autres actes de violence, notamment en faisant en sorte qu’ils puissent contacter le personnel à tout instant, y compris la nuit. Les individus ou groupes de détenus qu’il est nécessaire d’isoler en raison de leur particulière vulnérabilité (par exemple, les délinquants sexuels, les détenus souffrant de troubles mentaux ou ceux appartenant à une minorité ethnique ou à un groupe religieux) devraient avoir la possibilité de participer pleinement à un maximum d’activités journalières.

Mesures spéciales de haute sécurité et de sûreté

Règle 53

Depuis la publication des Règles pénitentiaires européennes en 1987, le nombre d’Etats appliquant des mesures spéciales de haute sécurité ou de sûreté à des détenus isolés ou des groupes de détenus s’est considérablement accrû. C’est la raison pour laquelle il a semblé opportun d’établir une nouvelle règle couvrant ces pratiques.

La Règle 53.1 souligne que les mesures spéciales de haute sécurité ou sûreté ne peuvent être appliquées que dans des circonstances exceptionnelles. La raison en est que, si un grand nombre de détenus sont affectés aux quartiers de haute sécurité, il existe un risque que, pour beaucoup d’entre-eux, ces conditions soient excessives et disproportionnées par rapport à la menace réelle qu’ils constituent. En principe, seuls les détenus dont le comportement a montré qu’ils posaient une menace telle pour la sécurité ou la sûreté, que l’administration pénitentiaire n’a pas d’autre choix, devraient être soumis à des mesures spéciales de haute sécurité ou de sûreté. La soumission à de telles conditions devrait être aussi courte que possible et donner lieu à un examen continu du comportement individuel du détenu.

Certains dispositifs de sécurité spéciaux entraînent l’isolement presque total des détenus. Ces questions sont évoquées au point 20 de la Recommandation (2003) 23 du Comité des Ministres aux Etats membres concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée.

 Les détenus de longue durée ne constituent pas en tant que tels des détenus dangereux et le régime applicable à ces derniers ne devrait pas leur être étendu. Le traitement des détenus dangereux fait l’objet de la Recommandation (82) 17 relative à la détention et au traitement des détenus dangereux.

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu plusieurs arrêts portant sur l’application, à des détenus, de mesures de sécurité spéciales. Dans quatre affaires, elle conclut à la violation de l’article 3 (interdiction de la torture) de la Convention européenne des droits de l’homme (Affaire Indelicato c. Italie : requête numéro 31143/96 - 18/10/2001) ; Affaire Labita c. Italie : requête numéro 26772/95 - 06/04/2000 ; Affaire Van der Ven c. Pays-Bas : requête numéro 50901/99 - 04/02/2003 ; et Affaire Lorse et autres c. Pays-Bas : requête numéro 52750/99 - 04/02/2003). Dans une autre affaire, elle a jugé contraire à l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et à l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme les entraves apportées à la correspondance et l’impossibilité pour le plaignant d’introduire un recours effectif contre les décisions portant extension des mesures spéciales de sécurité qui lui étaient appliquées (Affaire Messina c. Italie : requête numéro 25498/94 - 28/09/2000). De son côté, le Comité contre la torture des Nations unies s’inquiète de la sévérité des conditions de détention de certains prisonniers figurant dans la catégorie de sécurité la plus élevée dans un Etat membre (CAT/C/CR/29/3 Conclusions et recommandations du Comité contre la torture : Espagne. 23/12/2002). Le CPT a également formulé des observations critiques sur les mesures de sécurité spéciales appliquées à des détenus dans certains Etats, qu’il a visités.

Fouilles et contrôles

Règle 54

Cette Règle énonce que chaque prison doit disposer d’un ensemble de procédures bien comprises décrivant en détail les situations dans lesquelles des fouilles s’imposent, les méthodes à employer et leur fréquence. Ces procédures doivent être conçues de sorte à prévenir les tentatives d’évasion ainsi que de protéger la dignité des détenus et de leurs visiteurs.

Il conviendrait de prévoir des procédures permettant de mener régulièrement des fouilles dans les locaux tels que les cellules et les dortoirs, de s’assurer qu’il n’a pas été touché aux dispositifs de sécurité, notamment aux portes et aux serrures, aux fenêtres et aux judas. Selon la catégorie de sécurité dont relève le détenu, les biens personnels du détenu devraient également, de temps à autre, faire l’objet de fouilles. Le personnel qui est chargé de mener ces fouilles doit être spécialement formé en vue de détecter et de prévenir les tentatives d’évasion ou de dissimulation d’objets entrés frauduleusement, tout en respectant la dignité des détenus fouillés et leurs biens personnels. Les détenus devraient normalement assister à la fouille de leur espace de vie ou de leurs biens personnels.

Les détenus individuels, en particulier ceux soumis à des restrictions de sécurité moyennes ou maximales, doivent également faire l’objet de fouilles régulières en vue de s’assurer qu’ils ne portent pas d’objets pouvant servir lors de tentatives d’évasion, à blesser d’autres personnes, se blesser eux-mêmes, ou d’objets non autorisés tels que les drogues illicites. L’intensité de ces fouilles varie en fonction des situations. Il est, par exemple, normal que les détenus, de retour en grands nombres de leur lieu de travail, soient soumis à une fouille avant de réintégrer leur cellule, cette fouille consistant à tâter le corps de haut en bas . Compte tenu de son caractère intrusif, il convient d’être particulièrement attentif au respect de la dignité de la personne lors de sa réalisation. Les fouilles des personnes ne devraient pas être employées lorsqu’elles ne présentent aucune utilité et ne devraient jamais être utilisées comme une forme de sanction.

En d’autres occasions, en particulier s’il y a lieu de penser qu’un détenu cache quelque chose sur lui ou s’il est considéré comme un détenu à haut risque, il faudra procéder à des " fouilles personnelles" consistant à exiger des détenus qu’ils se dévêtissent complètement et montrent qu’ils n’ont rien dissimulé sur eux. La Règle énumère les considérations dont doivent tenir compte les procédures traitant des fouilles personnelles des détenus. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que constitue une violation de l’article 3 de la convention le fait d’amener un détenu à se dénuder en présence de femmes (Affaire Valasinas c. Lituanie : requête numéro 44558/98 - 24/07/2001) ou de procéder à certaines fouilles corporelles compte tenu de la fréquence et de la méthode utilisées (Affaire Van der Ven c. Pays-Bas : requête numéro 50901/99 - 04/02/2003). Les détenus ne devraient jamais avoir à se dévêtir complètement pour les besoins d’une fouille.

Le personnel pénitentiaire ne devrait jamais procéder à des fouilles corporelles intimes, par exemple en insérant un doigt ou tout instrument dans les cavités corporelles d’un détenu, quelqu’en soit le motif. S’il y a lieu de penser qu’un détenu a dissimulé de la drogue ou tout autre objet interdit dans son corps, des mesures devraient être prises pour le garder sous étroite surveillance jusqu’à ce qu’il expulse l’objet avalé. Si des fouilles corporelles sont effectuées par un médecin, une attention particulière devrait être accordée à la Déclaration de l’Association médicale mondiale sur les fouilles corporelles de prisonniers (octobre 1993). La Règle 54.6 n’exclut pas la possibilité d’utiliser la technologie moderne afin de scanner le corps du détenu.

Il devrait y avoir des procédures clairement définies pour s’assurer que les visiteurs des prisonniers ne violent pas les exigences raisonnables de sécurité, par exemple, en introduisant des objets non autorisés dans la prison. Ces procédures peuvent comprendre le droit de mener des fouilles sur les visiteurs en personne en tenant compte du fait que ces derniers ne sont pas eux-mêmes des détenus et qu’il faut maintenir un équilibre entre l’obligation de protéger la sécurité de la prison et le droit du visiteur au respect de son intimité. Les procédures pour mener des fouilles sur des femmes et des enfants doivent tenir compte de leurs besoins propres, par exemple en veillant à ce qu’il y ait suffisamment de femmes parmi le personnel menant les fouilles. Des fouilles personnelles ne devraient pas être effectuées en public.

Il peut être nécessaire de fouiller les visiteurs professionnels tels que les avocats, les travailleurs sociaux et les médecins en veillant à ne pas porter atteinte au droit à la confidentialité des visites professionnelles, notamment par la définition d’un protocole de fouilles avec les organismes professionnels compétents.

 

Infractions pénales

Règle 55

La Règle 55 précise qu’il est important que l’état de droit ne s’arrête pas au seuil de la prison. Dans l’intérêt des victimes, une procédure d’enquête similaire à celle mise en œuvre dans la société civile devrait être diligentée lorsqu’un acte criminel se produit ou est suspecté de s’être produit dans une prison. Dans certains Etats, des juges ou des procureurs spéciaux sont nommés pour exercer cette fonction dans les prisons. Dans d’autres, le procureur public ou la police en sont informés et ont la possibilité d’enquêter comme si le délit avait été commis à l’extérieur. Il peut arriver que les services de la police judiciaire considèrent que tel incident, grave dans le contexte de la prison, n’appelle pas d’enquête. Dans certains Etats, l’un des moyens de régler ces questions consiste, pour les autorités pénitentiaires et les services de la police judiciaire, à s’accorder sur les incidents à déférer au procureur ou à la police.

Discipline et sanctions

Règle 56

Cette Règle souligne que les procédures disciplinaires doivent être des mécanismes utilisés en dernier ressort. Les prisons sont, par nature, des institutions fermées où un grand nombre d’individus, généralement du même sexe, sont détenus contre leur volonté dans des conditions restrictives. Il est inévitable que, de temps à autre, quelques détenus enfreignent, de multiples façons, les principes et les règles pénitentiaires. Il faut donc un ensemble de procédures claires pour traiter pareils incidents.

Règle 57

La Règle 57 indique que les infractions disciplinaires doivent être précisément définies et les procédures réglementées, dans le respect des principes de justice et d’équité, ce qui implique l’existence d’un règlement au statut juridiquement clairement défini, énumérant avec précision les actes ou les omissions constitutifs d’une infraction disciplinaire et susceptibles de donner lieu à une action de ce chef. Tous les détenus devraient ainsi connaître à l’avance les principes et les règles de la prison. Le statut juridique de ces règlements devrait être clair. Dans de nombreux pays, ils sont soumis à l’approbation du Parlement. La Règle 57.2 énumère les éléments qui devraient figurer dans ces règlements.

Règle 58

Cette Règle énonce que toute allégation de violation des règles de discipline par un détenu doit être signalée rapidement à l’autorité compétente. Dans certains Etats, il est de coutume, pour les infractions disciplinaires mineures, de donner un avertissement informel avant de recourir à une action disciplinaire, ce qui constitue pour le détenu un premier avertissement. Il faut toutefois veiller à ce que l’usage qui est fait de ces avertissements soit juste et cohérent et ne donne pas naissance à un système de sanctions informelles.

Les faits reprochés doivent être examinés, dans les meilleurs délais, par l’autorité compétente. Dans certains Etats, des magistrats indépendants ou des juges spécialisés sont nommés pour en connaître, ce qui assure les garanties résultant de l’indépendance judiciaire et permet d’accroître la probabilité du respect des procédures. Dans d’autres Etats, il existe un conseil spécial pour les procédures disciplinaires. Dans d’autres enfin, ces affaires sont examinées par le directeur de la prison. Dans les cas où les procédures disciplinaires relèvent de la direction de la prison, il est important de veiller à ce que ces responsables aient reçu une formation adéquate et n’aient pas eu, préalablement, connaissance de l’affaire qu’ils sont appelés à examiner.

Règle 59

Conformément à cette Règle, tout détenu poursuivi dans le cadre d’une procédure disciplinaire a le droit de connaître à l’avance le détail des accusations portées contre lui et de disposer d’un délai suffisant pour préparer sa défense. En cas de placement du détenu en isolement cellulaire dans l’attente de l’audience, la procédure ne devrait subir aucun retard injustifié, notamment en raison de l’enquête interne ou externe. Dans tous les cas, le détenu poursuivi pour une infraction disciplinaire devrait pouvoir assister à l’audition de l’affaire.

Le CPT a, dans bon nombre de ses rapports, repris à son compte plusieurs éléments de la Règle 59 (par exemple, CPT/Inf (2003) 1 Rapport au gouvernement de Chypre relatif à la visite effectuée à Chypre par le Comité européen de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 22 au 30 mai 2000. Strasbourg, 15 janvier 2003 ; CPT/Inf (2001)27 Rapport au gouvernement de Lettonie relatif à la visite effectuée en Lettonie par le Comité européen de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 24 janvier au 3 février 1999. Strasbourg, 22 novembre 2001 ; CPT/Inf (2002) 16 Rapport au gouvernement de Malte relatif à la visite effectuée à Malte par le Comité européen de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 13 au18 mai 2001. Strasbourg, 27 août 2002).

Le droit d’un détenu accusé d’une infraction grave à être représenté par un avocat est confirmé par la Cour européenne des droits de l’homme (Affaire Ezeh et Connors c. Royaume-Uni : requêtes numéros 39665/98 et 40086/98).

Règle 60

Cette Règle implique que la liste précise et publiée des infractions disciplinaires soit accompagnée de la liste complète des sanctions encourues par les détenus qui en sont les auteurs. Ces sanctions devraient toujours être justes et proportionnées à l’infraction commise. La liste des sanctions devrait être consignée dans un acte juridique approuvé par l’autorité compétente. Le personnel ne doit pas disposer d’un système de sanctions informelles distinct ignorant les procédures officielles. 

Dans l’affaire Ezeh et Connors précitée, la Cour européenne des droits de l’homme conclut à la violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme à raison du droit qu’ont les directeurs de prison, en Angleterre et au Pays de Galles, d’ajouter jusqu’à 42 jours à la durée passée en prison par un détenu.

Les peines peuvent comprendre un avertissement formel consigné par écrit, l’exclusion du travail, la confiscation des salaires (versés en contrepartie du travail effectué en prison), la limitation de la participation à des activités récréatives, la limitation de l’usage de certains biens personnels, la limitation des déplacements à l’intérieur de la prison. Les restrictions relatives aux contacts avec la famille, et non une interdiction totale, peuvent également servir de peine. Une peine de ce type devrait être utilisée seulement quand le délit a un rapport avec les contacts avec la famille ou quand le personnel est agressé dans le contexte d’une visite.

Toutes les procédures disciplinaires devraient être conduites à titre individuel. A titre d’exemple, si plusieurs détenus refusent de se plier à un ordre ou s’ils participent à une agression, le cas de chacun d’entre-eux doit être examiné et les sanctions infligées doivent être individualisées.

Toutes les formes de peines corporelles, de sanctions consistant à placer le détenu dans une cellule obscure et toutes les autres sanctions inhumaines ou dégradantes font l’objet d’une interdiction spécifique. La Cour européenne des droits de l’homme considère que raser le crâne d’un détenu à titre de mesure disciplinaire est contraire à l’article 3 (interdiction de la torture) de la Convention européenne des droits de l’homme (Affaire Yankov c. Bulgarie : requête numéro 39084/97). De nos jours, la diminution de la ration alimentaire est, conformément au point de vue des professionnels qui s’est développé au cours des dernières années, largement considérée comme une forme de châtiment corporel constitutive d’un traitement inhumain.

L’isolement cellulaire mentionné à la Règle 60.5 renvoie à toutes les formes de mise à l’écart d’un détenu de la population carcérale en le plaçant seul dans une cellule ou une pièce. Il ne devrait pas être considéré comme une sanction appropriée, hormis dans des circonstances très exceptionnelles. Cette Règle est confirmée par le Principe 7 des Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs au traitement des détenus. L’isolement cellulaire peut revêtir diverses formes, la forme la plus extrême consistant à livrer entièrement à lui-même un individu en l’exposant à une privation sensorielle dans une cellule communément appelée "cellule obscure", faute de pouvoir accéder à la lumière, aux bruits et à l’air frais. Cette forme d’isolement ne devrait jamais être infligée à titre de sanction. Une autre forme d’isolement cellulaire consiste à placer un détenu dans une cellule individuelle d’où il peut accéder à la lumière et à l’air et entendre les bruits des pas des autres détenus circulant dans les pièces attenantes. Ce type de sanction devrait être appliquée dans des circonstances exceptionnelles et pour de courtes durées seulement. Pendant cette période, le personnel pénitentiaire devrait régulièrement et relativement souvent prendre contact avec les détenus (voir à cet égard les commentaires liés à la Règle 42). Le CPT porte une attention particulière à la mise à l’isolement et à tous autres régimes de détention analogues. Il observe que “la mise à l’isolement peut, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain et dégradant. En tous cas, toutes les formes de mise à l’isolement devraient être les plus brèves possibles.” (CPT, 2è Rapport général d’activités du CPT, para 56).

Il convient de souligner que la disposition selon laquelle tout détenu a droit, chaque jour, à une heure d’exercice en plein air (Règle 27.1) s’applique également aux détenus faisant l’objet d’une mesure disciplinaire d’isolement cellulaire. Il faut aussi fournir à ces détenus de quoi lire. Les mêmes remarques s’appliquent aux détenus soumis à des mesures spéciales de haute sécurité (Règle 53).

La Règle 60.6 vise le recours à des moyens de contrainte aux fins d’assurer la sécurité ou prévenir les dommages aux personnes. Ils ne doivent jamais être utilisés à titre de sanction. Les moyens de contrainte comprennent les menottes, les chaînes, les fers, les camisoles de force et toutes les formes de surveillance électronique d’une personne.

Règle 61

Cette Règle établit que le détenu qui est reconnu coupable a le droit de former recours devant une autorité supérieure indépendante. Les règles disciplinaires devraient préciser de quelle autorité il s’agit et comment préparer et introduire un recours. Elles devraient en outre garantir une conclusion rapide de la procédure d’appel.

Règle 62

Dans certains Etats, il est d’usage de désigner des détenus à la tête de groupes, souvent dans les unités de vie ou de travail, en leur demandant parfois de faire rapport aux autorités du comportement des autres détenus et d’émettre des recommandations qui influent sur la manière dont ils sont traités. En d’autres situations, dans les unités de sanction ou de ségrégation, des détenus sont investis d’un pouvoir sur d’autres détenus.

Double incrimination

Règle 63

Aucun détenu ne peut être puni deux fois pour la même infraction. Cette règle devrait être interprétée à la lumière des engagements internationaux des Etats membres, notamment des obligations prises dans le cadre de la mise en œuvre des traités internationaux qui contiennent les dispositions sur la règle du « non bis in idem ».

Recours à la force

Règle 64

La Règle 64 renforce le principe selon lequel le personnel pénitentiaire ne peut recourir à la force que dans des limites clairement définies et pour faire face à une menace à la sécurité ou au bon ordre.

 Par principe, il vaut toujours mieux prévenir un incident violent que de devoir le gérer. Connaissant les détenus, un personnel avisé saura identifier les éléments perturbateurs et prévenir les actes de violence. 

De bonnes relations professionnelles entre le personnel et les détenus sont un élément essentiel de la sécurité dynamique pour désamorcer des incidents éventuels ou rétablir l’ordre par le dialogue et la négociation. Le rétablissement de l’ordre au moyen de méthodes physiques ne devrait être envisagé qu’en cas d’échec ou si ces méthodes sont jugées inappropriées. Si le personnel doit faire usage de la force à l’encontre des détenus pour rétablir l’ordre, il faut que cet usage soit contrôlé et limité au strict minimum nécessaire.

Règle 65

Cette Règle énumère les principaux points dont les procédures existantes devraient disposer, en matière de recours à la force (types de recours à la force légitimes, circonstances dans lesquelles le recours à la force est autorisé, membres du personnel habilités à en faire usage, personnes habilitées à en autoriser l’usage et mécanismes de rapports à respecter après chaque recours à la force).

Règle 66

Cette Règle indique que le personnel ne doit pas tenter de maîtriser les détenus peu commodes par le biais de démonstrations de force physique. Il existe une grande variété de techniques de contrôle et de contrainte auxquelles le personnel peut être formé et qui lui permettront de maîtriser les détenus agressifs sans se blesser ou blesser les détenus concernés. La direction devrait les connaître et veiller à ce que l’ensemble du personnel possède les techniques de base et qu’un nombre suffisant d’entre-eux soit formé aux techniques de pointe.

Règle 67

Cette Règle porte sur l’intervention à l’intérieur des prisons d’autres services de maintien de l’ordre. Il se peut que, dans des circonstances exceptionnelles, la violence des détenus atteigne un niveau tel que le personnel pénitentiaire n’est pas en mesure de le contenir et doit en appeler à d’autres services de maintien de l’ordre tels que la police. Cette option doit être traitée avec précaution. En luttant contre la violence, le personnel pénitentiaire n’oubliera jamais qu’il lui faudra s’occuper de ces détenus après que l’incident a été résolu et la vie repris son cours normal. Cela signifie qu’il essaiera généralement d’éviter le recours à la force et, en tout état de cause, qu’il rechignera à faire un usage disproportionné ou discriminatoire de la force. Cette considération n’entrera pas nécessairement en ligne de compte pour les autres services de maintien de l’ordre qui normalement ne travaillent pas dans l’établissement pénitentiaire et y pénètrent uniquement pour mettre fin à un incident violent. Pour prévenir un usage démesuré de la force en pareilles circonstances, il est conseillé aux autorités pénitentiaires de conclure un protocole permanent avec la direction des autres services susceptibles d’être appelés en renfort pour mettre un terme à un incident violent. Le contenu de ce protocole devrait être porté à la connaissance de l’ensemble du personnel susceptible de participer à de telles opérations avant qu’il ne pénètre à l’intérieur de la prison.

Moyens de contrainte

Règle 68

Cette Règle est quasiment identique à la Règle 39 des Règles précédentes. Depuis la publication des Règles pénitentiaires européennes en 1987, le recours, dans des situations variées, aux moyens de contrainte s’est accru dans bon nombre d’Etats. Dans l’intervalle, les principes applicables à l’emploi de moyens de contrainte n’ont toutefois pas évolué. Le paragraphe pertinent du rapport explicatif des Règles de 1987 mérite d’être reproduit : “le recours à un tel matériel pour maîtriser les détenus est moralement contraire à un comportement civilisé. Il faut donc en réglementer strictement l’usage et, si possible, l’éviter. Il est cependant des cas où il est nécessaire de recourir à la contrainte physique à l’aide d’appareils ou d’instruments spécialement conçus pour empêcher les détenus en question ou le personnel de subir des préjudices corporels et pour se prémunir contre les évasions ou les dégâts inadmissibles. Les présentes règles visent à fixer les limites à l’intérieur desquelles ces moyens de contrainte peuvent être raisonnablement employés.”

Le recours systématique à des moyens de contrainte (pour conduire un détenu dans un établissement pénitentiaire, par exemple) n’est pas acceptable.

L’ancienne Règle 39.b, qui autorisait d’employer des moyens de contrainte pour des raisons médicales, sur indication et sous la surveillance du médecin, a été supprimée. Les situations couvertes par la nouvelle Règle 68.2.b (ex-Règle 39.c) permettent toujours d’employer, exceptionnellement, des moyens de contrainte en s’appuyant sur la nécessité de protéger le détenu ou d’autres personnes.

La Règle 68.4 énonce que l’emploi de moyens de contrainte doit être déterminé par la loi ou les règlements et ne pas être laissé à l’appréciation de l’administration pénitentiaire.

Armes

Règle 69

Cette Règle régit le recours aux armes à l’intérieur et aux alentours des prisons. Le personnel qui est au contact direct avec les détenus peut porter des armes telles que des bâtons et des matraques pour sa propre défense. La bonne pratique veut que ces armes ne soient pas portées de manière ostentatoire ou intimidante, tout en étant facilement accessibles. Les matraques longues ne devraient pas être portées habituellement mais stockées en des endroits stratégiques de sorte à pouvoir les atteindre rapidement en cas d’urgence. Outre des situations de force majeure immédiate, ce n’est pas une bonne pratique de permettre au personnel qui travaille directement avec les détenus de porter des armes à feu ou des armes similaires qui risquent, soit être utilisées à mauvais escient, soit de tomber entre les mains des détenus. Le CPT a également abordé cette question dans ses rapports sur le Portugal (CPT/ Inf (96) 31 paragraphe 149) et la Slovénie (CPT / Inf 2002 (36), paragraphes 13 et 14).

Dans certains systèmes pénitentiaires, le personnel chargé de garder l’extérieur de la prison porte des armes à feu. Ce personnel devrait avoir des directives claires sur les circonstances dans lesquelles il peut faire usage de ces armes, à savoir uniquement dans le cas où la vie de l’agent en question ou de toute autre personne est directement menacée. Un détenu en fuite peut être stoppé par l’utilisation d’une arme à feu si ce dernier constitue une menace directe pour la vie d’une autre personne ou qu’il ne peut pas être arrêté par d’autres moyens. Les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois sont tout à fait explicites sur ce point : “quoi qu’il en soit, ils ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines” (Principe 9).

Les administrations pénitentiaires devraient établir des principes directeurs et des procédures claires pour l’usage d’armes à feu en même temps qu’un programme de formation du personnel autorisé à utiliser ces armes. Ces procédures devraient comporter des mécanismes formels pour enquêter sur tout incident impliquant l’usage d’armes à feu.

Requêtes et plaintes

Règle 70

Cette Règle opère une distinction entre la présentation d’une requête et l’introduction d’une plainte. Les détenus doivent avoir des possibilités suffisantes de présenter des requêtes et d’introduire des plaintes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système pénitentiaire. Les autorités pénitentiaires ne doivent pas faire obstacle au dépôt de requêtes ou de plaintes (ni punir les détenus qui utilisent cette procédure) mais faciliter l’exercice effectif des droits énoncés dans la présente Règle. Cela n’empêche pas d’instaurer des mécanismes juridiques permettant de traiter sommairement des questions mineures.

Les requêtes des détenus concernent l’octroi de faveurs ou de services qui ne leur sont pas dus de droit mais qu’il est loisible à l’administration pénitentiaire ou aux autorités compétentes de leur accorder. Dans certains systèmes carcéraux, des visites supplémentaires sont, par exemple, autorisées mais les détenus n’ont aucun droit à cet égard. Pareillement, un détenu peut déposer une requête en vue d’obtenir une permission de sortie pour assister à l’enterrement d’un proche, ou en vue d’obtenir son transfèrement dans un établissement pénitentiaire précis, ou dans un quartier précis au sein d’un établissement. Le plus souvent, le directeur est habilité à prendre une décision, mais dans certains systèmes, les requêtes spécifiques peuvent être traitées uniquement par les autorités judiciaires, ou au niveau ministériel.

Les plaintes sont des contestations formelles des décisions, des actions ou du défaut d’action de l’administration pénitentiaire ou d’autres autorités compétentes. Dans certains systèmes, on emploie les termes de « contestation » ou « recours ». Toutefois, dans la présente Règle, le terme de « recours » désigne uniquement l’action en justice dirigée contre le rejet d’une requête ou d’une plainte.

Par ailleurs, des procédures de plainte spécifiques peuvent être prévues. Idéalement, le droit interne devrait aussi permettre aux détenus d’adresser des plaintes concernant une décision, une action ou une omission du personnel médical, aux instances disciplinaires nationales compétentes en matière médicale.

La présente Règle n’impose pas de présenter les requêtes et les plaintes par écrit. Compte tenu de l’illettrisme de nombreux détenus, le détenu devrait pouvoir demander à rencontrer le fonctionnaire ou l’organe compétent en vue de lui transmettre la requête ou la plainte verbalement (CPT/Inf (96) 18 - Visite en Slovénie en 1995), à charge pour ces autorités de la mettre par écrit.

Les autorités compétentes devraient examiner les requêtes et les plaintes rapidement, et y répondre de façon motivée, en indiquant clairement si des mesures seront prises et, dans l’affirmative, lesquelles. Il en va de même pour les requêtes et les plaintes émanant de la famille d’un détenu et des organisations mentionnées à la Règle 70.6.

Les plaintes pouvant amener les parties intéressées à adopter des attitudes hostiles susceptibles de nuire aux relations entre les détenus et le personnel, il paraît sensé de tenter d’abord de résoudre le différend par la médiation. Cela suppose d’introduire un mécanisme de médiation dans la législation pénitentiaire. La fonction de médiateurs pourrait être confiée, par exemple, à un membre d’une commission locale de surveillance ou à une autorité judiciaire. Le détenu conserve le droit d’introduire une plainte formelle si le conflit ne peut pas être résolu par la médiation. Le droit national peut prévoir que les plaintes portant sur des questions mineures sont irrecevables.

Les requêtes sont soumises à l’administration pénitentiaire ou à une autre autorité habilitée à se prononcer. Les détenus doivent pouvoir adresser des plaintes à toute autorité chargée de l’inspection ou de la supervision de la prison, quelles que soient les autres plaintes déposées antérieurement ou simultanément. Lorsque cette autorité n’est pas habilitée à traiter la plainte elle-même, elle devrait la transmettre à l’instance compétente.

Les plaignants doivent être autorisés à communiquer de manière confidentielle avec les autorités indépendantes chargées d’examiner les plaintes et les recours et les décisions rendues par ces autorités doivent être rendues accessibles aux détenus.

Les requêtes et les plaintes devraient être enregistrées dans l’intérêt de l’administration pénitentiaire elle-même et pour l’inspection des organes effectuant des visites dans les prisons. (CPT/Inf (2002) 1 - Visite en Bulgarie en 1999 et CPT/Inf (2001) 20 - Visite dans l’ex-République yougoslave de Macédoine en 1998). L’analyse du contenu des requêtes et des plaintes peut contribuer à améliorer la gestion de l’établissement.

Le droit de présenter des requêtes et de déposer des plaintes est accordé aux détenus principalement mais le droit interne peut autoriser un tiers à agir en son nom , notamment lorsque son état mental ou physique l’empêche de le faire ou qu’il n’est pas représenté par un avocat. La famille du détenu est habilitée à introduire une plainte alléguant de violations des droits du détenu, les organisations défendant les intérêts de la population carcérale pouvant y être autorisées par le directeur de la prison. La Règle 70.6 prévoit toutefois que le détenu peut s’y opposer.

Si, après avoir été débouté dans le cadre d’un recours interne, un plaignant obtient gain de cause devant une autorité indépendante extérieure, il doit être assuré que la décision de cette autorité sera pleinement et rapidement exécutée par l’administration pénitentiaire.

Pour garantir un exercice effectif du droit de recours, les formulaires de plaintes, le matériel et les fournitures de papeterie et, au besoin, les timbres devraient être fournis aux détenus. Les formulaires de plaintes devraient être tenus à la libre disposition des détenus en quelques endroits spécifiques (par exemple, la bibliothèque) leur évitant ainsi d’avoir à les demander spécifiquement. Il faut mettre au point un système de transmission évitant au détenu de devoir remettre l’enveloppe d’accès confidentiel au personnel pénitentiaire. (CPT/Inf (91) 15 - Visite au Royaume-Uni : Angleterre et Pays de Galles 1990).

Il est essentiel que le détenu puisse communiquer de manière confidentielle avec les organes nationaux et internationaux habilités à recevoir des plaintes. La Règle n’impose pas un modèle unique de procédure d’examen des plaintes mais énonce les conditions essentielles auxquelles ces procédures doivent satisfaire pour être considérées comme des recours effectifs, au sens de l’article 13 de la CEDH (voir l’affaire Van der Ven c. Pays-Bas, requête n° 50901/99 - 04/02/2003). Ce qui importe, c’est que la procédure de plainte aboutisse à une décision définitive, à caractère obligatoire, rendue par une autorité indépendante. Les Etats membres ont toute latitude pour désigner l’autorité indépendante chargée d’examiner les plaintes. Il peut s’agir du médiateur ou d’un juge (juge de l’application des peines ou juge de l’exécution des peines ou juge superviseur), du procureur de surveillance, d’un tribunal ou d’un avocat commis d’office (CPT/Inf (2002) 14 - Visite en Géorgie en 2001).

Les autorités chargées d’examiner les plaintes devraient régulièrement échanger leurs points de vue et expériences, dans le but d’harmoniser dans la mesure du possible leur pratique. (CPT/Inf (96) 9 - Visite en Espagne en 1991).

Partie V Direction et personnel

La prison en tant que service public

Règle 71

Cette Règle stipule que les prisons doivent être placées sous la responsabilité des autorités publiques, et être séparées des services de l’armée, de la police et des enquêtes criminelles. Les prisons devraient être placées sous le contrôle du pouvoir civil. L’emprisonnement fait partie des procédures de la justice répressive et dans les sociétés démocratiques, les décisions d’emprisonner sont prises par des juges indépendants. Les prisons ne devraient pas être directement administrées par l’armée ni par tout autre pouvoir militaire. Dans certains pays la direction de l’administration pénitentiaire est assurée par un membre des forces armées en service actif détaché ou affecté temporairement à ce poste. Lorsque tel est le cas, cette responsabilité doit être assumée à titre civil.

Il importe également d’effectuer une séparation organisationnelle claire entre l’administration policière et l’administration pénitentiaire. Dans la plupart des Etats européens l’administration de la police dépend du Ministère de l’Intérieur tandis que celle des prisons dépend du Ministère de la Justice. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a indiqué qu’ « une nette distinction doit être établie entre le rôle de la police et celui du système judiciaire, du parquet et du système pénitentiaire. » (Recommandation (2001) 10, Code européen d’éthique de la police.)

Règle 72

Cette Règle souligne l’aspect éthique de l’administration pénitentiaire. En l’absence d’une éthique forte, une situation où un groupe se voit octroyer un pouvoir substantiel sur un autre peut aisément conduire à une situation abusive. Le respect de l’éthique ne doit pas seulement caractériser le comportement des membres du personnel pénitentiaire à l’égard des détenus.

Les responsables des prisons et des systèmes pénitentiaires doivent faire preuve d’un grand discernement et d’une forte détermination pour assumer dans le respect des plus hautes normes éthiques la gestion des prisons.

Travailler dans les prisons exige donc une combinaison de talent personnel et de compétences professionnelles. Le personnel pénitentiaire doit faire appel à ses qualités humaines lorsqu’il traite avec les détenus, afin d’agir avec impartialité, humanité et justice.

Règle 73

Cette Règle met l’emphase sur l’obligation positive des autorités pénitentiaires d’assurer le respect des règles prescrites au personnel.

Règle 74

Cette Règle régit les rapports entre les détenus et le personnel en contact direct avec eux. Ce personnel doit faire l’objet d’une attention particulière en raison de la dimension humaine du contact avec les détenus.

Règle 75

Cette Règle a pour objet la conduite des membres du personnel pendant l’exercice de leurs fonctions. Ceux-ci doivent traiter les détenus de manière décente, humaine et juste, assurer leur sécurité, prévenir les évasions, maintenir l’ordre et fournir aux détenus la possibilité de faire bon usage de leur temps d’incarcération afin de favoriser leur réinsertion. Ces tâches exigent compétence et intégrité et ceux qui les assument doivent s’efforcer de gagner le respect des détenus. De hautes normes éthiques et professionnelles devraient être escomptées de tous les membres du personnel pénitentiaire et particulièrement de ceux et de celles amenés à entrer en rapport direct avec les détenus.

Sélection du personnel pénitentiaire

Règle 76

Cette Règle se rapporte à la sélection, à la formation et aux conditions de recrutement du personnel pénitentiaire. La question de son recrutement revêt une importance particulière. Les autorités pénitentiaires devraient adopter une politique claire d’encouragement à la candidature pour les personnes remplissant les conditions voulues et informées des règles d’éthique requises.

De nombreuses autorités pénitentiaires connaissent de grandes difficultés pour recruter du personnel de qualité, en raison notamment des salaires peu élevés, de la faible valorisation de ce travail par la société, et de la concurrence d’autres services de maintien de l’ordre tels que la police. Les autorités pénitentiaires devraient donc mener une politique active de recrutement .

Règle 77

Cette Règle se rapporte aux critères de sélection du personnel pénitentiaire. L’administration pénitentiaire devrait mettre en place une procédure claire permettant d’évaluer les qualités humaines et l’intégrité des candidat, leur réaction probable face aux situations difficiles et de s’assurer que seuls les candidats souhaitables seront effectivement sélectionnés.

Règle 78

Cette Règle découle de la Règle 71. Si on attend du personnel pénitentiaire qu’il s’attache durablement à son travail, il convient de lui garantir la sécurité de l’emploi. Dans les pays où les prisons sont gérées par des entreprises privées, les membres du personnel pénitentiaire employés par celles-ci devraient être approuvés par les autorités pénitentiaires avant de travailler directement avec les détenus. Ils devraient également être employés à titre permanent.

Règle 79

Cette Règle souligne la nécessité de garantir au personnel pénitentiaire une rémunération et des conditions de travail attrayantes. La valorisation d’une profession dépend dans une grande mesure de sa rémunération. Les gouvernements devraient reconnaître le droit du personnel pénitentiaire à une rémunération appropriée et en rapport avec le caractère de service public de leur travail en prison, ainsi que la nature complexe et parfois dangereuse de ce travail, en tenant compte du fait qu’un niveau de rémunération insuffisant peut inciter à la corruption.

Dans de nombreux pays, les prisons sont construites dans des endroits très isolés, privant ainsi le personnel pénitentiaire et leur famille d’un accès aisé aux écoles, aux centres médicaux, aux commerces et autres lieux d’activités sociales. De plus, le personnel pénitentiaire est parfois tenu à des mutations régulières dans des établissements pouvant être très éloignés, provoquant le déracinement des familles. Dans certains Etats, le personnel pénitentiaire souhaite continuer à relever du Ministère de l’Intérieur pour bénéficier d’un statut plus protecteur (accès gratuit aux soins médicaux, à l’éducation, au logement, aux transports et aux congés payés). Dans de telles circonstances, les avantages accordés à l’embauche sont aussi importants que le niveau de rémunération offert, et devraient faire l’objet d’un examen attentif.

Règle 80

Cette Règle concerne l’emploi de personnel à temps partiel. Dans les établissements pénitentiaires de petites taille, il peut se révéler nécessaire de recruter du personnel à temps partiel, notamment pour les emplois spécialisés. Ces personnes devraient bénéficier des mêmes conditions d’emploi que leurs collègues à temps plein, au pro rata du temps de travail.

Formation du personnel pénitentiaire

Règle 81

Cette Règle énonce les conditions de la formation initiale des candidats récemment sélectionnés. Cette formation doit être adéquate et les sensibiliser à la dimension éthique du travail.

Le personnel doit recevoir la formation technique nécessaire et être conscient des exigences en matière de sécurité. Il lui faut également apprendre quelles informations il importe de consigner par écrit et comment les consigner.

La formation adéquate du personnel est une exigence commençant dès le recrutement et se poursuivant jusqu’à la retraite. Quels que soient leur âge et leur rang, les membres du personnel devraient avoir accès à une formation continue régulière.

 La formation devrait également inclure l’étude des nombreuses normes internationales et régionales des droits de l’homme sur la privation de liberté (normes dégagées par la Cour européenne des Droits de l’Homme et le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT))

Système de gestion de la prison

Règle 82

Cette Règle rappelle que toute discrimination en matière d’embauche du personnel pénitentiaire est proscrite. Les femmes devraient avoir les mêmes opportunités de travail que les hommes, bénéficier des mêmes salaires, de la même formation et des mêmes possibilités d’avancement et d’affectation à des postes requérant des aptitudes spécifiques. Les principes doivent être appliqués au personnel appartenant à des minorités raciales, culturelles, religieuses ou sexuelles. Dans certaines prisons, une proportion non négligeable de détenus sont issus de telles minorités et les autorités pénitentiaires devraient donc s’efforcer de recruter, dans des proportions suffisantes, du personnel de même appartenance.

Règle 83

Cette Règle requiert que les Etats membres s’assurent que les prisons sont gérées selon des normes conformes aux instruments des droits de l’homme internationaux. Une façon de parvenir à ce but est d’instaurer un système de contrôle interne et d’inspection, permettant de vérifier que le droit interne est effectivement appliqué, distinct et complémentaire de la commission de surveillance indépendante mentionnée dans la Partie VI des Règles.

La disposition 83.b se rapporte à la nécessité d’établir un bon niveau de communication entre établissements pénitentiaires et à l’intérieur de chacun d’eux. Etant donné la complexité de plus en plus grande du fonctionnement quotidien des prisons et du règlement pénitentiaire, le personnel d’encadrement doit faciliter et encourager un mode de travail permettant l’échange d’informations et d’expériences entre les membres du personnel, afin d’en faire bénéficier les détenus sous leur garde.

Règle 84

Cette Règle concerne les directeurs de prisons. Etant donné le contenu des Règles précédentes sur la nécessité pour le directeur de définir un but, de posséder le sens du commandement et de défendre une certaine idée de l’homme, chaque prison devrait se doter d’un directeur soigneusement sélectionné pour son aptitude à mener à bien une tâche parmi les plus difficiles du service public.

Règle 85

L’équilibre des genres au niveau du personnel pénitentiaire est censé avoir un effet positif et contribuer à la normalisation de la vie en prison. Cet équilibre devrait également servir à minimiser le risque de harcèlement sexuel ou de maltraitance des détenus.

Règle 86

Cette Règle concerne la nécessité d’organiser des consultations sur les conditions de travail entre les responsables et le personnel. Que le système pénitentiaire soit une organisation hiérarchisée ne justifie en aucune façon que le personnel soit traité abusivement ou sans respect pour ses fonctions. Dans la plupart des pays il est autorisé à adhérer à un syndicat. En l’absence de syndicat, le personnel devrait au moins mettre en place un mécanisme de négociation reconnu par les autorités pénitentiaires. Les chefs syndicaux et autres représentants du personnel de devraient pas être pénalisés pour leurs activités de porte-parole de leurs collègues.

Règle 87

Les prisons sont des institutions où l’humain est prioritaire et où les relations interpersonnelles sont primordiales. La Règle 87 souligne que leur fonctionnement repose sur une bonne communication. 

Dans la plupart des prisons, les étrangers constituent une partie non négligeable de la population carcérale et beaucoup d’entre eux ne parlent pas la langue du pays. Le directeur et la plupart des membres du personnel devraient parler la langue de la majorité des détenus. Cependant, les besoins des autres détenus doivent également être pris en considération et une certaine proportion du personnel devrait posséder la langue des minorités présentes en nombre important dans la prison. Lorsque nécessaire, il devrait être possible de recourir aux services d’un interprète ainsi que le stipule la disposition 37.4.

Règle 88

Dans un petit nombre d’Etats membres certaines prisons sont aujourd’hui gérées par des entreprises privées. La Règle 88 souligne que toutes les règles pénitentiaires européennes sans exception s’appliquent également à ces prisons.

Personnel spécialisé

Règle 89

Cette Règle stipule la nécessité que, pour le bien-être des détenus, la prison se dote d’un nombre suffisant de spécialistes dans certains domaines. La santé est une question importante dans les prisons et les détenus ont droit à des soins médicaux satisfaisants. La Partie III des règles traite de ce point de façon plus détaillée. Une façon de garantir aux détenus des soins médicaux satisfaisants est de s’assurer qu’un médecin ayant les qualifications requises soit toujours disponible en cas d’urgence médicale.

Si les prisons doivent remplir leurs fonctions et favoriser la réinsertion des détenus, il leur faut se doter de personnels spécialisés dans une proportion suffisante. Ces spécialistes devraient travailler aux côtés du personnel chargé de la garde des détenus et de façon complémentaire. Etant donné que presque tous les détenus réintégreront un jour la collectivité, il importe d’encourager des volontaires issus de cette collectivité à participer aux activités proposées aux détenus.

Sensibilisation du public

Règle 90

Cette Règle souligne l’importance de sensibiliser le public et les médias aux principes éthiques éclairant la gestion des prisons. L’administration pénitentiaire devrait entretenir de bonnes relations avec le public et les médias locaux et les informer sur la réalité quotidienne de l’univers pénitentiaire. Les administrations pénitentiaires devraient encourager les directeurs des prisons à rencontrer régulièrement des organismes et associations de la société civile, notamment des organisations non gouvernementales, et les inviter à visiter les établissements s’ils le jugent approprié. Les médias et représentants des collectivités locales devraient également être encouragés à se rendre dans les prisons, étant entendu que des mesures seront prises pour protéger la vie privée des détenus.

Recherche et évaluation

Règle 91

Le présent ensemble de règles constitue la troisième version de l’ensemble connu sous le nom de « Règles pénitentiaires européennes » depuis 1973. Ces règles seront probablement amenées à subir des mises à jour en fonction de l’évolution de la société civile, de l’augmentation de la jurisprudence issue de la Cour européenne des Droits de l’Homme et des rapports du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Règle 91 reconnaît cela en encourageant le développement d’un programme de recherche et d’évaluation portant sur le but de la prison, son rôle dans une société démocratique et la mesure dans laquelle le système pénitentiaire remplit sa mission.

Partie VI Inspection et surveillance

Règles 92 et 93

Ces règles tendent à établir une distinction claire entre l’inspection des prisons par des organismes gouvernementaux responsables de l’utilisation effective et pertinente du budget alloué, et la surveillance des conditions de détention et du traitement des détenus par un organe indépendant.

 Les rapports des ONG nationales et internationales, les abus mis au jour par le CPT et un certain nombre de décisions de la CEDH montrent que, même dans les pays où les systèmes pénitentiaires sont les mieux développés et relativement transparents, la surveillance indépendante des conditions de détention et du traitement des détenus est essentielle à la prévention des traitements inhumains et injustes et à l’amélioration de la qualité de vie et de la gestion dans les prisons. La création de commissions nationales et indépendantes de surveillance, qui viennent s’ajouter au dispositif d’inspection gouvernemental, ne devrait pas être considérée comme l’expression d’une défiance vis-à-vis de la qualité du contrôle gouvernemental, mais comme un moyen supplémentaire et efficace d’éviter que les détenus ne soient victimes de mauvais traitements.

Ces Règles sont conformes aux exigences du protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (référence UN-CAT : GA res A/RES/57/199, adoptée le 18 décembre 2002), concernant la création et le fonctionnement de mécanismes nationaux de prévention, appelés dans ces règles « instances indépendantes de surveillance ».

Les Règles pénitentiaires européennes permettent à ces commissions de surveillance de prendre des formes très diverses. Certains pays opteront pour un médiateur pénitentiaire, d’autres pour une commission nationale de supervision. Les règles n’interdisent pas la création d’autres types d’instances, à condition qu’elles soient indépendantes et à même de remplir leurs fonctions.

Inspection gouvernementale

Règle 92

Cette Règle fait usage de l’expression « organisme gouvernemental », qui est neutre. Ces organismes peuvent être rattachés à un ministère, par exemple au ministère de la Justice ou de l’Intérieur, ou à plusieurs ministères. L’essentiel est que tout organisme de ce type ou toute inspection soient créés par les plus hautes autorités et relèvent d’elles.

Les modes opératoires des organismes d’inspection gouvernementaux vont de la simple vérification de la tenue des livres aux visites minutieuses et ponctuelles sur les lieux, incluant tous les aspects de la gestion des établissements et du traitement des détenus. Il importe que les conclusions de ces inspections soient communiquées sans retard aux autorités compétentes et mises à la disposition des autres parties intéressées.

Ces règles ne définissent pas l’organisation des mécanismes de surveillance et la planification des inspections, qui relèvent des autorités gouvernementales.

Contrôle indépendant

Règle 93

Au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe, la surveillance indépendante des conditions d’emprisonnement peut prendre différentes formes. Dans certains pays, c’est un médiateur qui détient les pouvoirs nécessaires à l’accomplissement de cette tâche ; dans d’autres, cette mission est confiée aux autorités judiciaires qui détiennent en outre le pouvoir de recevoir et de gérer les griefs des détenus. Cette règle n’a pas pour objectif la description d’une seule forme de surveillance, mais met l’accent sur la nécessité que cette surveillance indépendante soit de grande qualité. Cela présuppose que ces instances nationales de surveillance puissent s’appuyer sur un personnel qualifié et faire appel à des experts indépendants.

Il importe que les conclusions de ces instances, ainsi que les éventuelles observations formulées par la direction de la prison concernée, soient portées à la connaissance du public. Les rapports des instances de surveillance peuvent contenir des propositions et des observations relatives à la législation en vigueur ou à des projets de loi.

Les organes indépendants de surveillance devraient être encouragés à faire parvenir des exemplaires de leurs rapports ainsi que les réponses des gouvernements concernés aux organes internationaux habilités à observer la situation pénitentiaire ou à inspecter les établissements, comme le Comité européen pour la Prévention de la Torture. Ces informations sont susceptibles d’aider les organes internationaux à planifier leurs visites et de leur permettre de prendre régulièrement le pouls des systèmes pénitentiaires nationaux. Etant donné leurs ressources financières limitées et le nombre croissant d’Etats à visiter, les organes internationaux doivent s’appuyer de plus en plus sur les contacts avec les instances nationales et indépendantes de surveillance.

Dans de nombreux systèmes pénitentiaires, les établissements sont inspectés d’une manière ou d’une autre par des commissions de visiteurs, constituées de volontaires (professionnels) recrutés dans la collectivité. Le plus souvent, les membres de ces commissions effectuent à tour de rôle des visites dans les prisons, ils conseillent les détenus quant à leurs préoccupations et à leurs griefs et agissent, dans la majorité des cas, comme médiateurs auprès des responsables pénitentiaires afin de dégager des solutions.

Bien qu’il semble évident que l’existence des commissions locales garantisse une surveillance plus intensive et complexe, la prise en charge de la surveillance indépendante par une instance nationale pourrait s’avérer suffisante dans de petits Etats ne comptant que quelques établissements pénitentiaires et une faible population carcérale.

Partie VII Prévenus

Statut des prévenus

Règle 94

Cette Règle est avant tout une définition. Elle implique qu’un détenu finalement condamné à une peine d’emprisonnement pour un délit mais en attente d’une décision pour un autre, devrait être considéré comme un détenu condamné.

Approche applicable aux prévenus

Règle 95

Cette Règle décrit en termes positifs l’approche fondamentale applicable aux prévenus. Elle souligne leur droit à un traitement correct du fait que leurs droits ne sauraient être restreints puisqu’ils n’ont pas été reconnus coupables d’une infraction pénale. La CEDH a souligné que cette présomption s’appliquait également au statut juridique régissant les droits des détenus et à leur traitement par les gardiens de prison (Iwanczuk c. Pologne (affaire 25196/94) paragraphe 5). Ils doivent bénéficier de la protection de l’Etat.

Tous les prévenus ont droit à la présomption d’innocence. La disposition 95.2 énonce donc des garanties supplémentaires à leur profit. 

La disposition 95.3 souligne que les prévenus ont le droit de jouir de toutes les protections énoncées dans la Partie II et de participer aux activités telles que travail, exercice physique et activités récréatives qu’elle mentionne. La Partie VII a globalement pour but d’aider les prévenus à mieux connaître et à exiger les garanties supplémentaires auxquelles leur statut leur donne droit. 

Locaux de détention

Règle 96

Cette Règle réaffirme le bien-fondé de la détention en cellules individuelles (cf. disposition 18.5) en ce qui concerne les prévenus. Etant donné que leur période de détention est souvent assez courte, ils devraient disposer de cellules individuelles. Dans la mesure où les prévenus passent fréquemment davantage de temps dans leurs cellules que les autres détenus, ces cellules doivent être de taille suffisante.

Il convient de s’assurer que même les personnes détenues pour une courte période puissent participer aux activités physiques, activités récréatives et activités communes, ainsi qu’il est requis dans la Partie II, afin d’éviter que leur séjour en cellule individuelle ne s’apparente à une mise à l’isolement.

Vêtements

Règle 97

Cette Règle doit être lue dans le contexte de la Règle 20. Elle souligne que les prévenus ont le droit de porter leurs propres vêtements. S’ils ne possèdent pas de vêtements adéquats, les autorités pénitentiaires doivent leur fournir des vêtements ou des uniformes qui permettent de les distinguer des détenus condamnés.

Conseils juridiques

Règle 98

Cette Règle rappelle que les autorités pénitentiaires doivent s’efforcer de prêter assistance aux détenus accusés d’une infraction pénale. Elle doit être lue à la lumière de la Règle 23.

Contacts avec le monde extérieur

Règle 99

Cette Règle souligne que les restrictions concernant le contact avec le monde extérieur devraient être les moins contraignantes possibles dans le cas des prévenus. Cette Règle doit être lue dans le contexte de la Règle 24.

Travail

Règle 100

Le droit au travail est un droit souvent négligé en ce qui concerne les prévenus, même si le travail ne devrait en aucun cas être obligatoire. La seule exception étant que, conformément aux règles d’hygiènes énoncées à la disposition 19.5, les détenus peuvent être tenus de veiller à la propreté et à la netteté de leur personne, de leurs vêtements et de leur logement. La Règle 100 souligne l’importance de fournir aux prévenus aussi la possibilité de travailler et insiste sur la nécessité de s’assurer de leur traitement correct et de l’octroi d’une rémunération équitable.

Accès au régime des détenus condamnés

Règle 101

Cette Règle reconnaît l’éventualité que les détenus non condamnés souhaitent, avant la décision du tribunal à leur égard, accéder aux mêmes régimes de traitement et de formation que les détenus condamnés, par exemple en cas de délits liés à la toxicomanie ou à l’alcoolisme, ou de nature sexuelle. Il convient d’informer les détenus non condamnés sur les traitements et les formations auxquels ils peuvent prétendre pendant leur période de détention, afin qu’ils puissent demander à en bénéficier. 

Partie VIII Objectif du régime des détenus condamnés

Règle 102

 Cette Règle énonce les objectifs du régime applicable aux détenus en termes positifs et simples. Elle met l’accent sur l’élaboration de mesures et de programmes pour les détenus condamnés basés sur le développement du sens des responsabilités plutôt que sur la stricte prévention de la récidive. 

Cette nouvelle Règle est conforme aux exigences des instruments internationaux tels que l’article 10 (3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), stipulant que « le régime pénitentiaire comporte un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social. » Cependant, contrairement au PIDCP, la formulation utilisée par la Règle 102 évite de façon délibérée l’emploi du terme « amendement », pouvant prêter au traitement un caractère moralisateur. Elle met au contraire l’accent sur l’importance de donner aux détenus condamnés, souvent issus de milieux défavorisés, le goût et les moyens de mener une vie responsable et exempte de crime.

A cet égard la Règle 102 offre la même approche que la règle 58 des Règles minimales des Nations Unies pour le traitement des prisonniers. Il s’agit d’une règle favorisant l’application des règles qui suivent. Cette nouvelle Règle remplace les règles 64 et 65 actuelles, dont les principes généraux applicables à tous les détenus sont contenus dans les Parties I et II des nouvelles règles.

 Application du régime des détenus condamnés

Règle 103

Cette Règle déroge aux objectifs habituels des régimes pénitentiaires en ce qui concerne les détenus condamnés. Elle insiste sur la nécessité de prévoir leur traitement et leur formation suffisamment tôt pour qu’ils puissent participer à la planification de leur séjour en prison et tirent ainsi le plus de profit des programmes et facilités offerts. La planification de la peine s’y inscrit comme un élément essentiel ; toutefois, il est admis que de tels plans doivent être établis pour les détenus purgeant une peine de courte durée. Il importe que cette planification se fonde sur des informations pertinentes, issues de sources fiables, aussi diverses que possible. Elle devrait tenir compte des évaluations faites par les services de probation ou d’autres organismes, si ces évaluations sont disponibles.

La Règle 103 donne aussi un aperçu des diverses stratégies possibles pour un régime de ce type. Les programmes (de travail, d’enseignement et d’autres activités) y sont mentionnés de la même manière que dans les autres règles de cette Partie, mais ne constituent pas les seules stratégies envisageables. La disposition 103.5 insiste sur l‘importance de prévoir, le cas échéant, l’intervention de médecins, de psychologues et de travailleurs sociaux en complément à ces programmes.

La Règle 103.7 précise qu’une planification systématique d’un congé pénitentiaire régulier doit faire partie intégrante du traitement global des détenus. L’utilisation potentielle de ce congé devrait être prise en compte dans la planification du temps de peine pour les détenus condamnés, dès qu’ils ont ce statut. Cette disposition s’inspire de la Recommandation 82 (16) du Comité des Ministres sur le congé pénitentiaire, plus détaillée, en particulier de la reconnaissance du congé pénitentiaire comme facteur important de réintégration sociale.

La Règle 103.8 prend acte de ce que les programmes de justice restauratrice sont de plus en plus reconnus comme des moyens de réparation directe ou indirecte des infractions commises, pour ceux des détenus qui souhaitent y participer. Il importe que cette participation reste volontaire et ne constitue pas une forme de punition indirecte venant s’ajouter à la peine. Cette disposition fait référence aux normes qu’énoncent la Recommandation 87 (21) sur l’assistance aux victimes et la prévention de la victimisation et la Recommandation (99) 19 sur la médiation en matière pénale.

La Règle 103.9 souligne l’importance de la Recommandation (2003) 23 du Comité des Ministres concernant la gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue durée. 

Aspects organisationnels de l’emprisonnement des détenus condamnés

Règle 104

Cette Règle exige que l’emprisonnement des détenus condamnés soit organisé de manière à faciliter la gestion de leur régime : ils devraient être logés et regroupés en conséquence. La Règle indique comment mettre en œuvre les programmes prévus. Il convient de définir les étapes pratiques de la révision éventuelle du régime initialement décidé pour chaque détenu.

Les impacts possibles du transfèrement des détenus sur les projets individuels devraient être gardés à l’esprit. Lors de l’arrivée des détenus à la prison où ils viennent d’être transférés, leur projet individuel devrait être modifié afin de prendre en compte tout changement nécessaire.

Travail des détenus condamnés

Règle 105

Cette Règle traite du travail des détenus condamnés seulement. Elle devrait être lue dans le contexte de la Règle 26, qui régit le travail des détenus en général. La Règle 105 reflète l’importance du rôle du travail dans le régime pénitentiaire des détenus condamnés, mais souligne également que le travail ne devrait en aucun cas constituer une forme de punition supplémentaire. Toutes les garanties énoncées dans la Règle 26 valent pour les détenus condamnés également.

Bien que les autorités pénitentiaires aient encore le droit de rendre le travail obligatoire, ce droit est soumis à des restrictions, à savoir que les conditions de travail doivent être conformes à toutes les normes applicables et à tous les contrôles pratiqués à l’extérieur.

La Règle 105.4 requiert que tous les détenus condamnés se portant volontaires pour travailler aient droit à une rémunération. La reconnaissance de ce principe contribuera à assurer que la possibilité de travailler ne constitue pas le prétexte à des traitements de faveur dans la distribution du travail. Elle encouragera également les détenus condamnés à se porter volontaires tant pour le travail que pour la participation aux programmes, éducatifs par exemple.

La Règle 105.5 relative à la déduction d’une partie de la rémunération des détenus à des fins de réparation offre d’autres possibilités d’appliquer aux régimes des détenus condamnés les méthodes de justice restauratrice mentionnées à la Règle 103.7. 

Education des détenus condamnés

Règle 106

Cette Règle traite de l’éducation des détenus condamnés seulement. Elle devrait être lue dans le contexte de la Règle 26 énonçant les dispositions générales relatives à l’éducation des détenus. La Règle 106 souligne le rôle central de l’éducation et de la vocation dans les régimes des détenus condamnés et insiste sur le devoir des autorités pénitentiaires d’établir des programmes éducatifs adéquats et d’encourager les détenus à y participer.

Libération des détenus condamnés

Règle 107

La Règle 107.1 complète au sujet des détenus condamnés les dispositions de la Règle 33 relative à la libération des détenus en général. La Règle 107 devrait être mise en parallèle avec la Recommandation (2003) 22 du Comité des Ministres concernant la libération conditionnelle. Comme cette Recommandation l’exige, il convient d’aider les détenus condamnés à se réinsérer dans la société dans le respect des lois. Les programmes de préparation à la libération devraient se focaliser sur cet objectif et établir des liens avec la communauté comme l’indiquent la Règle 107 et, de façon plus détaillée, la Recommandation (2003) 22.

Les « organismes » mentionnés dans la Règle 107.4 englobent notamment les services de probation, car, si un détenu est libéré sous condition, il importe tout particulièrement que les autorités pénitentiaires coopèrent avec l’organisme chargé de superviser la libération conditionnelle.

Partie IX Mise à jour des Règles

Règle 108

Les connaissances sur les meilleures pratiques pénitentiaires évoluent en permanence, et il est essentiel que les Règles pénitentiaires européennes tiennent compte de cette évolution. Il convient donc de créer un mécanisme permettant de faire en sorte que les Règles soient mises à jour régulièrement. Ces mises à jour doivent reposer sur des recherches scientifiques et un examen minutieux de la relation entre les Règles et les autres instruments, normes et recommandations applicables en matière pénitentiaire. La nécessité d’une mise à jour régulière des Règles pénitentiaires européennes a été mise en avant dans la Résolution 4 de la 26ème Conférence des ministres européens de la Justice (MJU-26 (2005) Résolution 4 définitive, paragraphe 11).

Recommandation R(2006)2 sur les règles pénitentiaires

 
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• REC(2006) R ?gles p ?nitentiaires europeennes - motifs, (Word - 291.5 kio)