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0 Note de synthèse

Publié le vendredi 9 décembre 2005 | https://banpublic.org/0-note-de-synthese/

NOTE DE SYNTHÈSE

Les dispositions françaises relatives à la libération conditionnelle ont été récemment réformées par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, ainsi que par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Ces deux textes ont assorti les décisions ayant trait à l’exécution des peines de garanties juridictionnelles.

La proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui vient d’être adoptée définitivement, apporte de nouvelles modifications. Celles-ci visent notamment à une meilleure prise en compte des droits des victimes et à allonger la partie minimale de la peine qui doit être exécutée avant qu’une décision de libération conditionnelle puisse être prise.

Actuellement, en application de l’article 729 du code de procédure pénale, la libération conditionnelle peut être accordée aux condamnés qui ont accompli au moins la moitié de leur peine. Les récidivistes, quant à eux, ne peuvent être libérés que s’ils ont effectué au moins les deux tiers de leur peine. En revanche, les personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité ne peuvent prétendre à une libération conditionnelle qu’au terme de quinze années de détention, tandis que les condamnés à une peine privative de liberté assortie d’une période de sûreté doivent attendre l’expiration de celle-ci - dix-huit ans le plus souvent - pour demander leur libération conditionnelle.

L’article 729 du code de procédure pénale prévoit également que les condamnés ne peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle que « s’ils manifestent un effort sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu’ils justifient soit de l’exercice d’une activité professionnelle, soit de l’assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ou encore d’un stage ou d’un emploi temporaire en vue de l’insertion sociale, soit de leur participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un traitement, soit de leurs efforts en vue d’indemniser leurs victimes ».

Par ailleurs, l’octroi de la libération conditionnelle est subordonné à l’accord de l’intéressé.

Selon les cas, l’octroi de la libération conditionnelle est décidé par le juge de l’application des peines ou par le tribunal de l’application des peines. Le juge de l’application des peines est compétent si la durée de la peine prononcée n’excède pas à dix ans ou si la peine restant à purger est inférieure ou égale à trois ans. Dans les autres cas, la libération conditionnelle est accordée par le tribunal de l’application des peines.

Le jugement est rendu, après avis du représentant de l’administration pénitentiaire, à l’issue d’un débat contradictoire en chambre du conseil au cours duquel le juge ou le tribunal de l’application des peines entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné, ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Le juge de l’application des peines peut octroyer la libération conditionnelle sans procéder à un débat contradictoire, dès lors qu’il a l’accord du procureur de la République et celui du condamné, ou de son avocat.

La décision relative à la libération conditionnelle est susceptible d’appel par le condamné ou par le ministère public, dans le délai de dix jours à compter de sa notification. La décision rendue en appel peut elle-même faire l’objet d’un pourvoi en cassation non suspensif dans les cinq jours de sa notification.

Conformément au code pénal, la libération conditionnelle est assortie de mesures de contrôle, dont le respect est obligatoire pendant le délai d’épreuve : les unes, de droit commun, s’appliquent à tous les bénéficiaires de la libération conditionnelle, tandis que les autres dépendent de la situation spécifique du condamné.

Les mesures de contrôle de droit commun visent à faciliter la surveillance de l’intéressé et à vérifier son reclassement par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Elles portent notamment sur l’emploi, la résidence et les déplacements.

En outre, le condamné peut être obligé de résider en un lieu déterminé, d’exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation, de se soumettre à des examens médicaux, des traitements ou des soins, y compris dans la cadre d’une hospitalisation, de contribuer aux charges familiales ou de payer les pensions alimentaires, de réparer les dommages causés, etc. Le juge peut également lui interdire de conduire certains véhicules, de fréquenter certains lieux, d’entrer en relation avec certaines personnes - notamment la victime -, d’engager des paris, ainsi que de détenir ou de porter une arme.

Par ailleurs, les condamnés pour crimes ou délits d’atteintes volontaires à la vie, d’agressions sexuelles ou d’atteintes sexuelles « doivent s’abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l’auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l’infraction commise et s’abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ».

La durée du délai d’épreuve est déterminée dans la décision de libération conditionnelle : en principe, elle est la même que celle de la peine restant à purger, mais elle peut dépasser celle-ci, d’au plus une année. Pour les condamnés à la réclusion à perpétuité, le délai d’épreuve est compris entre cinq et dix ans. Par ailleurs, le tribunal de l’application des peines peut prononcer un délai d’épreuve sans limitation de temps pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté perpétuelle.

La décision de libération conditionnelle peut être révoquée par le juge ou par le tribunal de l’application des peines en cas d’infraction aux conditions qu’elle fixe, d’inobservation des mesures qu’elle contient, d’inconduite notoire ou de nouvelle condamnation.

Les débats suscités par certaines décisions récentes de libération conditionnelle fournissent l’occasion d’examiner les principales règles qui régissent les dispositifs équivalents dans divers pays européens, l’Allemagne, l’Angleterre et le pays de Galles, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas. Seules, les dispositions relatives aux majeurs ont été prises en compte.

Bien que la libération d’un condamné avant l’expiration de sa peine d’emprisonnement n’entraîne pas nécessairement le respect de certaines obligations pendant le délai d’épreuve et puisse donc exister sous une forme non conditionnelle, l’expression « libération conditionnelle » a été utilisée pour tous les pays étudiés. Pour chacun des pays retenus, les points suivants ont été étudiés :

- les conditions d’octroi de la libération conditionnelle, en terme de durée d’exécution de la peine prononcée et de personnalité du condamné ;

- l’auteur de la décision de libération conditionnelle et les recours offerts aux détenus ;

- les modalités d’exécution de la libération conditionnelle, c’est-à-dire les obligations du bénéficiaire et la durée du délai d’épreuve ;

- la révocation de la libération conditionnelle.

Dans la présente note, on a choisi de mettre l’accent sur les évolutions législatives, récentes ou à venir. Celles-ci font apparaître :

- l’individualisation croissante des décisions de libération conditionnelle ;

- la généralisation du délai d’épreuve.

1) L’individualisation croissante des décisions de libération conditionnelle

La libération conditionnelle est toujours subordonnée à l’exécution d’une partie minimale de la peine, exprimée en pourcentage de la peine prononcée pour les détenus qui purgent des peines temporaires et en durée pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

En règle générale, la décision de libération conditionnelle résulte également de l’appréciation de la situation de l’intéressé. Elle est en effet prise en fonction de chaque cas particulier, et les conditions dont elle est assortie dépendent également de chaque détenu : la conduite en prison, le passé judiciaire, les circonstances de l’infraction qui ont motivé la détention, la sincérité du repentir, la probabilité de récidive, etc. constituent autant d’éléments dont il est tenu compte.

Deux pays font exception à cette règle et accordent la libération conditionnelle de façon automatique : les Pays-Bas, ainsi que l’Angleterre et le pays de Galles. Tous les condamnés bénéficient de la libération conditionnelle automatique aux Pays-Bas, tandis que seuls les détenus a priori considérés comme les moins dangereux en bénéficient en Angleterre et au pays de Galles.

Aux Pays-Bas, aucune condition n’est requise de la part du détenu, dont la libération à mi-peine est automatique, sauf dans certains cas particuliers.

En Angleterre et au pays de Galles, le Conseil de la libération conditionnelle ne se livre à une appréciation des risques qu’une libération ferait courir à la société que pour certains détenus : d’une part, ceux qui ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité et, d’autre part, ceux qui ont commis une infraction sexuelle ou une autre infraction violente et que le tribunal considère comme récidivistes potentiels. Dans tous les autres cas, les détenus bénéficient d’une libération conditionnelle après avoir purgé la peine minimale requise, mais sans que leur cas particulier soit examiné.

Il convient de souligner que cette situation est récente : elle résulte de la loi de 2003 relative à la justice pénale, qui a modifié le régime anglais de la libération conditionnelle et a restreint le champ d’application des libérations automatiques. En effet, auparavant, tous les détenus purgeant des peines de prison de moins de quatre ans étaient automatiquement libérés à mi-peine. La récente réforme anglaise a donc limité le champ d’application du modèle de la libération automatique.

2) La généralisation du délai d’épreuve

La libération conditionnelle est en principe assortie d’un délai d’épreuve, pendant lequel l’intéressé doit se plier à certaines obligations, faute de quoi il court le risque d’être réincarcéré.

Les deux pays qui accordent la libération conditionnelle de façon automatique font également exception à cette règle du délai d’épreuve : l’Angleterre et le pays de Galles, où les condamnés à une peine de prison de moins d’un an ne sont pas astreints à un délai d’épreuve, et les Pays-Bas, où la libération anticipée constitue depuis le début de l’année 1987 un droit qui n’est assorti d’aucun délai d’épreuve.

Dans les deux cas, la situation devrait changer prochainement.

En effet, la loi anglaise de 2003 relative à la justice pénale a introduit un délai d’épreuve pour les condamnés à une peine de prison de moins d’un an. Cette mesure n’est toutefois pas encore entrée en vigueur, mais elle devrait s’appliquer à partir de l’automne 2006.

De même, aux Pays-Bas, le gouvernement a élaboré un projet de loi liant le caractère définitif de la libération au respect de certaines conditions pendant un certain délai.

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On note par ailleurs une tendance à la meilleure prise en compte de la situation des victimes : l’Espagne, où la loi organique du 30 juin 2003 portant mesures pour l’exécution complète et effective des peines a modifié les articles du code pénal relatifs à la libération conditionnelle, et surtout la Belgique, où le régime de la libération conditionnelle qui a été adopté en 1998 accorde une place explicite à la victime, illustrent cette affirmation.

Depuis la réforme de 2003, le code pénal espagnol subordonne en effet la libération conditionnelle au fait que le condamné s’est acquitté de ses obligations d’ordre civil consécutives à l’infraction (restitution des biens volés, réparation du dommage, etc.).

Par ailleurs, en Belgique, les commissions ad hoc qui prennent actuellement les décisions de libération conditionnelle entendent la victime si celle-ci le demande. Cette audition n’est toutefois pas possible dans tous les cas, car elle est essentiellement prévue lorsque le détenu a été condamné pour certaines infractions (prises d’otages, homicides, coups et blessures aggravés, infractions sexuelles, etc.). La réforme des dispositions régissant la libération conditionnelle en cours d’élaboration prévoit donc de renforcer les droits des victimes : les deux projets de loi dont le Parlement a été saisi en avril 2005 énoncent que les futurs tribunaux de l’application des peines devront entendre toutes les victimes qui le souhaitent, quelle que soit la nature de l’infraction.