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Témoignage de français incarcérés au Maroc : lettre du 11 mai 2005

 Le 11/05/05
Prison civile de Tanger

Monsieur, Madame...

Nous nous engageons à écrire cette lettre afin que la vérité soit enfin perçue par la France. Nous sommes environ 190 européens dont 100 Français à vivre un véritable enfer dans l’univers carcéral marocain. Nous sommes tous conscients que nous avons commis un délit grave mais nous ne méritons pas la peine d’être traités comme des animaux. Il y a beaucoup de choses à savoir sur ce qu’il se passe ici, les conditions de vie, d’hygiène, de sécurité, et encore pas mal d’autres choses que nous allons essayer de vous détailler clairement dans cette lettre.

• Les conditions de vie :
Nous sommes pour la plupart dans des chambres de 30m2, il y a 20 lits et en moyenne 30 personnes, nous n’avons pas de place. Beaucoup dorment à même le sol. Tous les frais de rénovation des chambres (peinture, réchaud, tuyauterie) ne sont pas pris en charge par la prison, c’est à nous de payer. Il y a aussi pas mal d’homosexualité juste à coté de vous pendant que l’on dort la nuit, les surveillants le savent mais ils ne font rien, ça ne les dérange pas.

• Hygiène :
Il n’y a qu’une salle de douche avec sept becs verseurs pour 500 personnes, mais cette pièce est en état de casi-ruine. Quand on sort de cette salle, nous sommes moins propres qu’en y entrant. Nos cabinets de 2m2 (1 par chambre) sont équipés d’un robinet et d’un toilette turc. Cette petite pièce nous sert à plusieurs choses, à nos besoins naturels, à laver le linge et la vaisselle, et aussi à prendre nos douches à l’aide d’un seau. Elle sert aussi de local à poubelles. Les maladies sont multiples (gale, hépatites, sida, toxicomanie...) et les médecins absents. Pour avoir l’honneur d’être écouté et suivi par un médecin, il est nécessaire de se munir d’un billet de 200dhs. A l’aide de ce billet nous avons au moins l’espoir d’être écouté. André, prisonnier français de 55 ans, a été hospitalisé au mois de novembre 2004 suite à une douleur importante au poignet droit. Le spécialiste de l’hôpital de Tanger, après avoir vues les radios de son poignet lui annonce qu’il est nécessaire qu’il se fasse opérer d’urgence afin de retirer une broche. Cela fait 6 mois et toujours rien, la douleur est toujours présente. Les matelas sont interdits donc ceux-ci sont remplacés par des couvertures infestées de parasites (cafards, poux) et autres insectes dont nous ne connaissons pas les noms. La prison ne nous nourrit pas, « enfin », si elle nous nourrit d’une espèce de soupe de légumes que nous n’oserions pas distribuer à nos animaux en France. Mais malheureusement certains détenus européens ne reçoivent pas l’aide de leur famille ou amis et sont obligés de manger cette nourriture infecte pour ne pas mourir de faim.

• Les conditions de sécurité :
Notre manque de sécurité commence à la douane où les policiers n’hésitent pas à se servir de leurs mains (coups) ou d’autres objets tels que câbles électrique ou batteries de voiture pour nous faire comprendre que nous ne sommes pas chez nous et que nous n’avons rien à dire. Dans nos chambres, nous sommes mélangés à toutes sortes de prisonniers, ça va du voleur de poules au terroriste (Etat Liban) en passant par le mec qui a égorgé sa sœur, violé sa cousine, mis le feu à sa maison pendant que ses parents dormaient. Les rasoirs, couteaux, pointeaux et autres armes blanches sont nombreux ici. Personne n’est à l’abri de recevoir un coup de couteau pour avoir refusé de donner une cigarette ou autre banalité de ce genre. Nombreuses sont les personnes ici qui ont déjà vu quelqu’un se prendre un coup de rasoir. Ici les agresseurs à l’arme blanche ne sont pas punis par les surveillants ces derniers reçoivent un petit pot de vin et c’est oublié. La drogue aussi est très présente (Hachich, héroïne, cocaïne, pastille, colle...), c’est un peu normal car se sont les chefs et les surveillants qui approvisionnent directement certains détenus en échange d’un pourcentage sur l’argent récupéré avec cette drogue, car ce sont quand même plusieurs kilos de hachich et des centaines de grammes d’héroïne et de cocaïne qui circulent presque librement dans la prison. Beaucoup de marocains ici se droguent toute la journée et c’est de là que le danger démarre le plus souvent. Sous l’effet de la drogue, ils se dévisagent tout seul, se lacèrent les bras ou autres parties du corps. Nous sommes en moyenne 500 détenus par quartier pour un chef quartier et 2 à 3 surveillants. Il y a environ un an dans l’un des quartiers les plus délabrés de la prison, un jeune d’une vingtaine d’années (un belge d’origine marocaine) s’est réveillé de bon matin avec du sperme dans les cheveux, les fesses et le dos. Cela peut arriver à tout le monde car personne n’est à l’abri de se faire dissimuler une pastille de rivodril dans son verre d’eau, café ou autres liquides et nourritures. Ce genre de pastille provoque des trous de mémoire et ramollit le cerveau. En France ces pastilles ne sont prescrites que dans les hôpitaux psychiatriques.

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