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11 Conclusion

Publié le samedi 5 novembre 2005 | https://banpublic.org/11-conclusion,7304/

Il semble qu’il soit désormais possible de déterminer quelle part de responsabilité est imputable à la prison dans les suicides en milieu carcéral. Il apparaît que le suicide met en cause, non seulement l’institution carcérale, mais aussi le système pénal dans son ensemble. En effet, on peut voir qu’il existe différents degrés de responsabilité imputable à la prison dans le problème complexe que constitue le suicide en milieu carcéral. L’analyse des causes du phénomène de sur-suicidité carcérale nous a amené à montrer qu’une responsabilité structurelle était imputable au système pénal dans l’émergence de ce problème. En effet, le suicide en prison remet en question les fondements même du système pénal, en révélant l’incompatibilité de la mission punitive et de la mission thérapeutique que l’on assigne à la prison. Ensuite, la judiciarisation croissante du problème des suicides en prison a permis de mettre en évidence que l’institution carcérale, par ces disfonctionnements, ses négligences ou ses modes de fonctionnements, pouvait avoir une responsabilité directe dans certains cas de suicides de détenus. Mais, si cette responsabilisation de l’administration pénitentiaire face au suicide parait nécessaire, elle peut néanmoins s’avérer paradoxale, dans la mesure où, en abordant le problème du suicide d’une manière partielle, elle risque de donner lieu à une prise en charge superficielle de ce problème.
En effet, pour qu’une solution efficace au problème des suicides en prison soit apportée, il semble nécessaire d’agir d’abord sur le fond du problème, avant d’agir sur sa forme. Sinon, les mesures de prévention du suicide qui seront mises en place risquent d’être rendues systématiquement inapplicables par une politique pénale qui va à l’encontre de leurs principes. La prise en charge du problème des suicides en prison impose donc une action à deux niveaux. A un niveau global, il semble nécessaire de redéfinir le sens de la peine, pour qu’ensuite, des mesures visant à limiter le caractère suicidogène de l’institution carcérale soient mises en place.
Mais le problème est que ce constat n’est pas nouveau. En effet, dès l’origine de la mise en place du système pénitentiaire français, à la Révolution, il faisait déjà l’objet de critiques et de propositions de réformes. En effet, la première enquête parlementaire de 1870 dressait déjà un sombre constat : dénuement des détenus, médiocrité des lieux de détention et des conditions de vie, morbidité et mortalité bien supérieures à celle de la population libre. Le taux de récidive élevé observé à l’époque montrait que les bases du système pénal, c’est-à-dire le fait d’enfermer dans un espace clos, ceux qui représentent une menace pour la société, tout en ayant le but de les réinsérés, se révélait déjà problématique. Alors combien de suicides de détenus faudra t’il avant que l’on prenne enfin conscience de la nécessité d’agir et d’apporter une réponse cohérente à leur souffrance ?