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Circulaire DGS/DH n° 96/239 : prise en charge des toxicomanes

Circulaire DGS/DH n° 96/239 du 3 avril 1996
Orientations dans le domaine de la prise en charge des toxicomanes

Bulletin officiel du Ministère des Affaires Sociales, de la Ville et de l’Intégration - n° 16 du 25 mai 1996.

En 1995, l’organisation de la prise en charge sanitaire des toxicomanes a été marquée par l’extension du dispositif de prescription et de dispensation de la méthadone à tous les centres spécialisés de soins aux toxicomanes, et par la mise en place d’un relais de ce traitement en médecine de ville. Ainsi aujourd’hui, la méthadone est prescrite à plus de 2 630 patients dans 75 centres spécialisés répartis dans 41 départements. Parallèlement, l’accroissement et la diversification de l’accueil, du soin et de l’hébergement des toxicomanes se sont poursuivis : sont aujourd’hui disponibles 1 117 places d’hébergement hors familles d’accueil, 25 boutiques, 22 réseaux toxicomanie-ville-hôpital.

Le plan de lutte contre la drogue et la toxicomanie annoncé par le gouvernement le 14 septembre 1995 prolonge ces orientations, et s’articule autour de trois axes prioritaires :

- la poursuite de la diversification des modes de prise en charge par le dispositif spécialisé ;

- l’amélioration de la prise en charge des patients toxicomanes à l’hôpital : une enveloppe financière spécifique a été réservée à cet effet ;

- le développement de collaborations entre les différents acteurs sanitaires ;

- l’adaptation de la prise en charge des détenus toxicomanes en milieu pénitentiaire. La présente circulaire a pour objectif de préciser ces orientations et de définir les procédures destinées à les mettre en oeuvre.

I. - LES ORIENTATIONS

1. Poursuite de la diversification des modes de prise en charge par le dispositif spécialisé

Le dispositif spécialisé de prise en charge des toxicomanes dispose d’approches diversifiées permettant de prendre en charge des usagers ayant différents modes de consommation de drogues.

Toutefois, la poursuite de la montée en charge des traitements de substitution ne doit surtout pas conduire à l’abandon des autres formes de prise en charge, comme le sevrage ambulatoire par exemple.

En 1996, cet effort sera poursuivi et visera :

- l’adaptation des structures sanitaires à la pratique des traitements de substitution ;

- l’achèvement des objectifs du plan 1996 en matière d’hébergement ;

- la diversification des modalités d’accès aux soins des toxicomanes..1.1. L’adaptation des structures spécialisées de soins aux toxicomanes à la pratique des traitements de substitution

Afin d’adapter les structures du dispositif de soins aux toxicomanes à la pratique des traitements de substitution,

le renforcement des centres de soins spécialisés aux toxicomanes en temps médical et/ou paramédical sera poursuivi, et les règles relatives à la prise en charge financière des frais d’analyses urinaires et aux formations seront modifiées.

Le renforcement des centres de soins spécialisés aux toxicomanes :

La méthadone bénéficie, depuis le 31 mars 1995 d’une autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) avec une indication de traitement de la pharmaco-dépendance aux opiacés. En application de cette A.M.M., seuls les médecins exerçant en centre spécialisé de soins aux toxicomanes sont habilités à réaliser la prescription initiale

de ce médicament qui peut désormais être prescrit et délivré dans tous les centres de soins spécialisés aux toxicomanes.

En conséquence, lorsqu’un centre spécialisé ou sa permanence d’accueil décident de développer une activité de prise en charge par la méthadone, l’équipe thérapeutique doit comprendre un temps de médecin et d’infirmier.

C’est ainsi qu’en 1995, 30 centres ont bénéficié d’un renforcement en personnel médical.

Cet effort sera poursuivi en 1996, avec le renforcement de centres en fonction des besoins des départements ; les demandes relatives à ces renforcements ne pourront excéder 400 000 F. A titre exceptionnel, des créations de centres pourront être envisagées.

Les projets afférents à ces orientations seront adressés à la direction générale de la santé (bureau SP3).

La prise en charge des frais d’analyses urinaires :

La prise en charge des frais d’analyses urinaires fait cette année l’objet d’une modification de son financement.

Jusqu’à présent, les hôpitaux facturaient à l’Etat les frais relatifs à l’achat de méthadone, et les circuits d’analyses urinaires pour les patients suivis en centre. A partir du 1er janvier 1996, les frais d’analyses urinaires seront pris en charge sur l’enveloppe hospitalière spécifique réservée à la prise en charge des toxicomanes selon les modalités définies en annexe I. Le remboursement du prix de la méthadone continuera d’être effectué par l’Etat sur le chapitre 47-15, article 10.

La formation :

La bonne articulation des traitements menés en centre et en médecine de ville impose la poursuite des formations pluridisciplinaires relatives aux traitements de substitution. Cette année, seront délégués aux D.R.A.S.S. des crédits pour financer les institutions de formation, et la C.N.A.M.T.S. indemnisera les médecins.

L’annexe I détaille ces orientations et décrit précisément les procédures à suivre pour les mettre en oeuvre.

1.2. L’achèvement des objectifs du plan 1993-1996 en matière d’hébergement

En 1996, la création de 123 places d’hébergement permettra l’achèvement des objectifs du plan triennal 1993-1996, portant à 1 240 le nombre de places d’hébergement en fin d’année.

Les structures de prise en charge avec hébergement devront répondre à la variété des besoins et offrir des modes de prise en charge diversifiés : recherche d’autonomie sociale, réponse en urgence, prise en charge fondée sur l’action du groupe ou au contraire centrée sur la psychothérapie individuelle.

Dans la mesure du possible, les structures créées devront favoriser l’accès aux soins des mères toxicomanes avec enfants.

Les crédits accordés aux centres de soins avec hébergement ne pourront excéder 220 000 F par an et par place pour les centres de soins avec hébergement collectif, 150 000 F par an et par place pour les sections d’appartements thérapeutiques-relais, et 120 000 F par an et par place pour les hébergements collectifs ou individuels de transition ou d’urgence.

Les projets devront être adressés à la direction générale de la santé (bureau SP3).

1.3. La diversification des modalités d’accès aux soins des toxicomanes

Toutes les structures sanitaires ont pour vocation de favoriser l’accès aux soins des usagers de drogues.

Cependant, depuis 1993, ont été ouvertes pour les toxicomanes les plus marginalisés, 25 "boutiques", lieux refuges, ouverts et chaleureux (permettant de discuter, de se reposer, de se doucher, de laver son linge, de prendre un café...), offrant des soins infirmiers de première urgence, dispensant du matériel d’injection stérile et proposant une orientation vers le dispositif sanitaire et social.

Pendant l’année 1996, une évaluation du fonctionnement des premières boutiques sera menée pour redéfinir si besoin les orientations à donner au travail réalisé.

En conséquence, dans l’attente des résultats de cette évaluation, les créations ne seront initiées que dans les grosses agglomérations où l’anonymat peut être préservé, dans le respect des conditions prévues par le décret et l’arrêté du 7 mars 1995, en complémentarité avec le dispositif local existant, et dans le cadre de concertations préalables avec les collectivités locales, la police et la justice.

Les dossiers afférents à ces orientations devront être transmis à la direction générale de la santé, division sida (bureau DS2).

2. L’amélioration de la prise en charge des patients toxicomanes à l’hôpital

L’accueil et la prise en charge des usagers de drogues à l’hôpital doivent être développés. Du fait de sa mission de service public, l’hôpital doit offrir aux patients toxicomanes les soins médico-psycho-sociaux qu’ils requièrent. La prise en charge des co-morbidités et/ou de la dépendance doit être répartie dans les différents services de soins somatiques ou psychiatriques de l’hôpital. Les soins aux toxicomanes sont une activité transversale de l’établissement de santé.

Le développement de la prise en charge hospitalière doit en conséquence s’articuler autour des priorités suivantes :

- la poursuite de la mobilisation des services hospitaliers sur leurs missions de sevrage ;

- l’implication plus conséquente des consultations de médecine ;

- la mise en place d’équipes de liaison et de soins aux toxicomanes ;

- le renforcement de certains services hospitaliers impliqués dans la prise en charge des usagers de drogue et devant faire face à des situations de crise ;

- la formation du personnel hospitalier.

2.1. La poursuite de la mobilisation des services hospitaliers sur leurs missions de sevrage

De nombreux services de médecine ou de psychiatrie accueillent des toxicomanes avec des indications de sevrage hospitalier. Cet effort doit être poursuivi. Les dispositions de la circulaire DGS/DH n° 15 du 7 mars 1994 restent d’actualité. Le remboursement des frais de sevrage est financé sur la ligne 47-15, article 10 du budget de l’Etat.

2.2. L’implication plus conséquente des consultations de médecine

Les consultations de médecine doivent, à l’avenir, être plus accessibles aux toxicomanes et aux plus démunis.

L’accueil et la prise en charge médico-sociale de ces personnes doivent être améliorés. A ce titre, un renforcement en personnel pourra être accordé aux services hospitaliers les plus particulièrement impliqués..2.3. La mise en place d’équipes de liaison et de soins aux toxicomanes

Ces équipes de liaison et de soins aux toxicomanes ont pour mission de permettre une meilleure prise en charge des usagers de drogues au cours d’un sevrage ou d’une hospitalisation pour des raisons somatiques, de répondre aux demandes, aux interrogations, et aux difficultés des services hospitaliers et de participer à la formation du personnel hospitalier.

2.4. Le renforcement de certains services impliqués dans la prise en charge des usagers de drogue et devant faire face à des situations de crise.

Certains services hospitaliers particulièrement concernés par la prise en charge des usagers de drogue pourront voir leurs moyens renforcés afin de mieux faire face à des situations de crise. Il est, en effet, nécessaire que ces hôpitaux puissent disposer, au sein des services d’accueil et d’urgences, de psychiatrie ou de médecine, d’équipes formées à la prise en charge des usagers de drogues pour prendre simultanément les troubles somatiques et psychiatriques aigus.

En fonction des besoins et des moyens existants, clairement répertoriés dans le département, les hôpitaux pourront se voir attribuer des moyens supplémentaires nécessaires sous forme de créations d’emplois médicaux et non médicaux.

2.5. La formation du personnel hospitalier

La formation spécifique de tout le personnel soignant hospitalier doit être développée. Ces formations, assurées par l’équipe chargée de la lutte contre la toxicomanie et les centres spécialisés de soins partenaires, devront répondre aux besoins spécifiques de chaque service de médecine, de chirurgie ou d’obstétrique. Ce programme interne à l’hôpital sera intégré au plan de formation de l’établissement.

L’annexe II précise la mission de l’hôpital en matière de prise en charge des personnes toxicomanes aussi par les conditions de financement de moyens supplémentaires attribués au titre des actions 1-2-2 à 1-2-4.

A l’exception des frais de sevrage, les demandes relatives à ces orientations doivent être adressées à la D.H.

(bureau EO 2) ; les projets retenus seront financés sur l’enveloppe hospitalière spécifique, réservée au niveau national pour la lutte contre la toxicomanie.

3. Le développement de collaborations entre les différents acteurs sanitaires

L’évolution des comportements, des produits et des modalités de traitement doivent conduire les différents acteurs sanitaires et sociaux oeuvrant dans le domaine de la prise en charge des toxicomanes à rechercher des modes de collaboration. A ce titre sera poursuivie la création de réseaux toxicomanie-ville-hôpital, et l’instauration de collaboration entre les hôpitaux et les centres de soins sera favorisée dans le cadre des possibilités réglementaires. Une attention particulière sera portée à l’adaptation de la prise en charge des détenus toxicomanes en milieu pénitentiaire.

3.1. Les réseaux toxicomanie-ville-hôpital

En 1996 seront créés vingt nouveaux réseaux toxicomanie-ville-hôpital.

En application de la circulaire n° 15 du 7 mars 1994, les réseaux sont constitués autour de trois pôles : un ou plusieurs centres spécialisés de soins aux toxicomanes, un ou plusieurs services hospitaliers, une association de médecins généralistes. Ils ont pour vocation d’améliorer la prise en charge des toxicomanes, en favorisant l’échange professionnel et la communication entre les divers intervenants appelés à accueillir, à soigner ou à orienter ces patients à un moment donné de leur parcours. Il importe, en conséquence, qu’ils ne focalisent pas leurs prises en charge exclusivement sur les pratiques de substitution, et que les adhérents des réseaux ne se replient pas sur leur institution. A cet effet, les réseaux doivent s’assurer de la diversité des prises en charge qu’ils offrent à leurs patients, et doivent chercher à informer et à former d’autres professionnels.

Le regroupement des médecins de ville doit être formalisé par la constitution d’une association à laquelle sont alloués des crédits en provenance de l’Etat, d’un montant maximal de 300 000 F par réseau. Le demi-poste de médecin hospitalier sera financé par la direction des hôpitaux et imputé sur les crédits de l’enveloppe spécifique "toxicomanies".

3.2. Collaboration entre les centres spécialisés de soins et les établissements publics de santé

En raison de leur savoir-faire spécifique centré sur une prise en charge globale, les centres de soins spécialisés ont vocation à constituer un pôle de référence pour les acteurs sanitaires et sociaux oeuvrant dans le domaine de la prise en charge des toxicomanes. A ce titre pourront être développées des collaborations entre les centres spécialisés de soins et les hôpitaux selon des modalités prévues par convention.

Ainsi, l’action des services hospitaliers particulièrement impliqués dans la prise en charge des usagers de drogues pourra être potentialisée par l’instauration d’une collaboration avec les professionnels des centres de soins spécialisés.

Par exemple, des professionnels des centres de soins spécialisés pourront utilement apporter leur savoir-faire au personnel hospitalier en renforçant les équipes de liaison. En retour, des professionnels de l’hôpital pourront intervenir dans les centres spécialisés selon des modalités prévues par convention.

Dans le cadre des formes réglementaires de collaboration décrites dans l’annexe III, des crédits pourront être dégagés à cet effet.

3.3. La prise en charge sanitaire des toxicomanes en milieu pénitentiaire

La logique de travail en réseau prévaut également en milieu pénitentiaire. Les équipes des secteurs de psychiatrie et celles des unités de consultations et de soins ambulatoires (U.C.S.A.) doivent, pour répondre aux besoins de santé des toxicomanes détenus, coordonner leurs actions, en liaison avec les centres spécialisés de soins aux toxicomanes extérieurs, dont l’implication en milieu pénitentiaire doit être développée.

Afin de favoriser cette coordination dans les établissements pénitentiaires dépourvus de centres spécialisés de soins aux toxicomanes implantés en milieu pénitentiaire (ex-antennes toxicomanies), des moyens pourront être accordés aux équipes des secteurs de psychiatrie dans les conditions décrites en annexe IV.

II - PROCEDURES

Il vous appartient de mobiliser au plus vite vos partenaires institutionnels afin de concrétiser les orientations définies ci-dessus. Pour le 20 avril 1996, vous ferez parvenir l’ensemble des projets, en faisant apparaître vos priorités :

- à la direction générale de la santé, bureau SP 3 (tél. : 46-62-45-31), pour les projets ayant trait au dispositif spécialisé ;

- à la direction des hôpitaux, bureau EO 2 (tél. : 40-56-45-36), sous couvert de la D.R.A.S.S., pour les dossiers relatifs au dispositif hospitalier ;

- à la direction générale de la santé, division Sida (tél. : 46-62-43-02), pour les "boutiques" ;

- à la direction générale de la santé, bureau SP 3, et à la direction des hôpitaux, bureau EO 2, sous couvert de la D.R.A.S.S., pour les dossiers relatifs aux réseaux toxicomanie ville-hôpital, et à la collaboration entre les centres spécialisés de soins et les établissements publics de santé ;

- à la direction des hôpitaux, bureau EO 2 EO 4, sous couvert de la D.R.A.S.S., pour les dossiers relatifs à la prise en charge sanitaire des toxicomanes en milieux pénitentiaires. Les projets reçus ne pourront être instruits au-delà de cette date.

La notification des décisions prises sur les projets présentées sera effectuée à la fin du premier semestre.