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4 La place des organismes communautaires

Publié le mercredi 15 décembre 2004 | https://banpublic.org/4-la-place-des-organismes/

3. La place des organismes communautaires

Des partenariats avec le secteur privé sans but lucratif existent depuis longtemps tant au niveau provincial que fédéral. Les organismes communautaires fournissent des services aux détenus au sein d’établissements ou dans la communauté et ils se sont développés afin de répondre aux demandes de la clientèle et des Services correctionnels. Ils offrent ainsi des programmes de jour, d’hébergement, de médiation et de déjudiciarisation, des services de probation, de surveillance et de libération conditionnelle, et des initiatives de prévention de la criminalité [1]. Cela permet de favoriser un meilleur éventail de services et de programmes.
Ce qui distingue cette collaboration est la mission de ces organisations de favoriser la réinsertion sociale, en offrant une intervention adaptée en fonction des besoins des individus [2]. Au Canada, l’implication du secteur privé se limite principalement à des organismes à but non lucratif, qui sont rémunérés par le mode des per diem ou selon le nombre de clients référés. Il s’agit de contrats de services, dont on note que la rémunération n’est pas influencée par le taux de réussite de la clientèle.

Les avantages de la participation du réseau communautaire

Ceux-ci sont de trois ordres [3] :

La participation de la communauté
Les organismes communautaires qui offrent des services à une clientèle judiciarisée sont gérés par des citoyens. Cette implication permet donc un engagement de la communauté, en vue de favoriser la réinsertion sociale et de sensibiliser le public. De plus, la participation des bénévoles provenant de divers milieux et bien intégrés dans la vie communautaire permet de compléter l’intervention des professionnels.

L’expérience et l’expertise
Les organismes communautaires présentent une pratique professionnelle de qualité qui répond aux besoins de la clientèle, ayant développé une expertise dans la prestation de programmes et de services spécialisés au fil des ans.

L’engagement communautaire
Les liens avec d’autres organismes au sein de la communauté peuvent apporter un soutien supplémentaire à la clientèle à l’extérieur du service correctionnel, notamment après la sortie.

Raisons de privatiser vers le secteur communautaire
La position de l’ASRSQ a été de favoriser une plus grande implication dans le système pénal et correctionnel du réseau communautaire, le pouvoir décisionnel et la responsabilité demeurant du ressort de l’État.
La question peut être posée de savoir si la privatisation vers les organismes communautaires à but non lucratif pourrait être une solution envisagée. Il semble que le réseau possède les ressources et l’expertise pour répondre aux enjeux posés par la prise en charge de la population correctionnelle du Québec. Cependant, on peut s’interroger sur la manière de relier des ressources de réhabilitation et de réinsertion sociale avec une fonction de contrôle telle que celle d’établissements de détention fermés. De plus, la gestion de tels établissements nécessiterait peut-être des modifications dans la structure des organismes et pourrait poser des problèmes, par exemple concernant le recrutement du personnel.
Le renforcement du partenariat avec les Services correctionnels pour prendre en charge la clientèle ne nécessitant pas d’être incarcérée pourrait également être une option à proposer. En effet, on note que les programmes appliqués dans la collectivité donnent généralement de meilleurs résultats que ceux appliqués en milieu carcéral, bien que certains programmes appliqués dans les établissements obtiennent de bons résultats. Cela serait un moyen de favoriser l’objectif de réhabilitation et de
réinsertion sociale des personnes contrevenantes.

La privatisation des services en communauté
Le débat concernant la privatisation des mesures correctionnelles dans la communauté doit être pris en compte. Ainsi, une étude examine l’utilisation des agences privées de traitement pour offrir des programmes aux personnes en probation, qui se développe aux États-Unis [4]. Elle a été en effet progressivement considérée comme un moyen d’alléger la charge des agents de probation, en confiant des sanctions intermédiaires à des agences privées qui pourraient offrir des programmes de base, laissant ainsi la fonction thérapeutique aux experts.
Une série de contrats a ainsi été passée entre les Services correctionnels en communauté et les agences privées de traitement. Ces services incluent des traitements pour les problématiques de délinquance sexuelle, de toxicomanie, de violence conjugale et des programmes concernant les habiletés de vie, le contrôle de soi et le contrôle de la colère.
Le développement de ces services de réhabilitation sociale, alors qu’elle ne semble plus être une priorité, peut paraître paradoxal. Il est en fait consistant avec une orientation plus punitive, puisqu’il ajoute un niveau de contrôle. En effet, en plus de conditions imposées par l’État, les agences sont libres d’imposer des conditions supplémentaires pour modifier les attitudes et les comportements des contrevenants.
Ils peuvent ainsi être tenus d’assister à une ou deux sessions de traitement par semaine, d’effectuer des travaux pour ces sessions et de payer des frais pour le retard, le défaut de réaliser ces travaux ou de se présenter aux sessions. Il peut aussi être requis qu’ils participent à d’autres groupes de soutien et qu’ils effectuent des analyses tels les tests d’urine. Ils peuvent enfin être référés pour un placement dans un second programme de traitement.
Les problèmes éthiques posés par la convergence des objectifs de réhabilitation et de profit affectent ainsi les contrevenants et le système de contrôle. Le nombre de comportements illégaux pouvant supposément être normalisés par des programmes d’intervention a augmenté. Les agences ont tendu à diversifier leurs services jusqu’à des programmes très spécialisés (comme le « traitement » de la mauvaise conduite non reliée à l’alcool, de la mauvaise gestion de l’argent, des mauvaises habitudes parentales ou du mauvais caractère), afin de rester compétitives et d’attirer de nouveaux contrats. De plus, des campagnes de publicité sont menées afin d’accroître la demande et divers niveaux d’intervention ont été développés afin de faciliter l’intégration et le maintien dans les programmes. Le nombre de personnes référées et retenues pour traitement dans les agences privées apparaît ainsi disproportionné par rapport au nombre de contrevenants admis à une supervision en communauté généralement identifiés comme ayant de tels besoins par le système correctionnel.
Les coûts de ces services apparaissent assez peu élevés, mais on note que les dépenses sont très réduites par la petite taille des agences et des effectifs, les activités se déroulant souvent dans lieux publics (tels les postes de police) ou dans des ressources préexistantes, comme les cabinets de consultation. Par ailleurs, la qualité et l’efficacité avancée de ces services restent à établir et il faut tenir compte de l’effet négatif que pourraient avoir de mauvais résultats sur la position sociale à l’égard de la
réhabilitation.
Bien qu’il s’agisse d’initiatives particulières et encore peu répandues, elles méritent d’être considérées, car le développement de la privatisation dans le domaine correctionnel pourrait ouvrir la voie à de telles options.
Le modèle actuel au Canada et au Québec impose des normes de gouvernance aux organismes assurant des services dans la communauté. Les ressources du réseau communautaire sont ainsi soumises à un mode de gestion transparent et à un processus d’accréditation, devant suivre des règles de fonctionnement et répondre à des critères concernant la réinsertion sociale des personnes contrevenantes. Elles sont également responsables vis-à-vis des citoyens. Ces normes sont importantes, car elles assurent la qualité des services offerts et de la démarche de réhabilitation entreprise. Il faut prendre en compte les modifications que pourrait apporter une délégation des services en communautés vers le secteur privé à but lucratif.

[1Service correctionnel du Canada, 2000

[2Service correctionnel du Canada, 2000

[3John Howard Society of Alberta, 1998

[4Lucken, 1997