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Lettre 083 Prison de Turi, 29 juin 1931

Prison de Turi, 29 juin 1931

Très chère maman,

J’ai reçu une lettre de Gracieuse qui m’apprend avec quel brillant succès Mea a subi ses examens à Cagliari. J’en suis très heureux et je fais à Mea tous mes compliments. J’espère que Mea m’écrira elle-même pour me dire de manière très détaillée en quoi consistent ces examens et pour me donner ses impressions sur Cagliari. Je suis depuis tant de temps hors de la circulation que je ne connais en rien le caractère et le but de ces examens d’admission qui se passent avant le baccalauréat. J’imagine qu’il s’agit d’examens d’État pour l’entrée dans les écoles du second degré institués principalement dans le but de faire payer de fortes taxes et de rendre ainsi plus difficile aux enfants pauvres l’accès aux études. Je voudrais faire à Mea un petit cadeau et je le ferai ; je possède une boîte de pastels et de petits cahiers de papier à dessin que Tatiana m’a fait parvenir il y a environ un an en pensant que les prisons cultivent les aptitudes artistiques des forçats ; la prochaine fois que j’expédierai des livres je mettrai dans le colis ces objets et comme ça Mea se souviendra de moi. (Tu ne m’as jamais écrit si le colis de livres, que j’ai confié, à Charles au mois de mars et que Charles devait expédier par chemin de fer, est arrivé à destination.) Thérésine n’a pas encore écrit la lettre qu’elle m’avait annoncée.

J’ai reçu des nouvelles assez récentes de Julie et des petits. Délio lui aussi a essayé d’écrire une lettre (on ne l’a jamais porté à apprendre à écrire, mais on l’a laissé apprendre tout seul poussé qu’il serait par sa seule envie ; il paraît que les médecins eux-mêmes l’ont voulu ainsi parce que l’enfant est nerveux et qu’il ne faut pas l’intéresser trop tôt au, travail intellectuel.) Ils vont assez bien ; ces jours-ci ils doivent avoir quitté Moscou pour passer quelque temps à la campagne.

Fais-moi donner souvent de tes nouvelles. J’espère vraiment, comme l’écrit Gracieuse, qu’à présent tu vas mieux.

Je t’embrasse affectueusement avec tous.

ANTOINE