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Novembre 2001 - Recours auprès de la direction régionale de l’administration pénitentiaire contre une sanction disciplinaire

Monsieur le Directeur
Direction Régionale de
l’Administration Pénitentiaire
de Paris
3, avenue de la division Leclerc
94261 FRESNES Cedex

 

Boulogne, le 12 novembre 2001

 

Objet : recours hiérarchique contre une sanction disciplinaire du 8/11/2001 -commission de discipline MA Fresnes

 

Monsieur le Directeur,

Conseil de Monsieur Michel GHELLAM, actuellement détenu à la maison d’Arrêt de Fresnes sous le numéro d’écrou 898413 , j’ai l’honneur de formuler un recours hiérarchique conformément à l’article D 250-5 du Code de Procédure Pénale à l’encontre de la décision de la commission de discipline du 8 novembre 2001 qui a prononcé une sanction de 8 jours de cellule disciplinaire dont 6 avec sursis à l’encontre de Monsieur Michel GHELLAM et ce, pour les raisons suivantes :

Les dispositions du code de procédure pénale relatives au régime disciplinaire des détenus sont d’interprétation stricte.

1° sur les irrégularités externes concernant la procédure disciplinaire dont a fait l’objet Monsieur GHELLAM :

L’article D 250-2 du Code de Procédure Pénale prévoit que le détenu dispose d’un délai qui ne peut être inférieur à 3 heures pour préparer sa défense.

En l’espèce, les faits, pour lesquels Monsieur Michel GHELLAM s’est vu convoqué devant le commission de discipline de la maison d’arrêt de Fresnes, se sont déroulés à son arrivée, le 6 novembre 2001 à 11 heures 45, alors qu’il venait d’être transféré depuis la maison d’arrêt de la Santé pour des raisons au demeurant inexpliquées.

Dès l’origine, Monsieur Michel GHELLAM a demandé à ce que son conseil l’assiste et ainsi a délégué sa défense dans le cadre de cette procédure disciplinaire.

Le conseil de Monsieur Michel GHELLAM a été avisé de l’heure et la date de la commission de discipline le 6 novembre 2001 à 16 heures 56 par fax, l’enjoignant de se présenter à la maison d’arrêt le 8 novembre 2001 à 10 heures 30.

Le 8 novembre 2001, compte tenu de l’attitude du personnel pénitentiaire ne permettant pas au conseil de rencontrer le détenu, Monsieur Michel GHELLAM n’a pas pu s’entretenir avec son conseil et préparer sa défense.

Ce ne sera que 10 minutes avant l’heure fixée de la commission de discipline (soit à 10 heures 20) que Monsieur Michel GHELLAM a pu s’entretenir avec son avocat.

Ce délai est manifestement contraire aux prescriptions impératives de l’article D 250-2 du Code de Procédure Pénale, qui énonce que le délai dont dispose le détenu pour préparer sa défense devant la commission de discipline ne peut être inférieur à 3 heures.

Dans ces conditions, la commission de discipline a méconnu gravement les termes du code de procédure pénale et ceux de l’article 6 -1, 6-2 b) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il convient également de souligner que les faits pour lesquels Monsieur Michel GHELLAM devait comparaître devant la commission de discipline n’apparaissent pas sur la convocation faite au conseil.

Dans ces conditions, le conseil n’a pas pu être avisé dans un délai raisonnable des faits dont était saisie la commission de discipline.

L’administration pénitentiaire a donc également méconnu l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 

2° sur la faute invoquée par l’administration : motif spécieux au soutien de la sanction disciplinaire :

La qualification des faits reprochés à Monsieur Michel GHELLAM et retenue par la commission de discipline de la maison d’arrêt de Fresnes porte sur un "refus de se soumettre à une mesure de sécurité définie par les règlements et instructions de services" et visée à l’article D 249-2-6 du code de procédure pénale.

En réalité, Monsieur Michel GHELLAM a refusé de se soumettre à un relevé d’empreintes papillaires à son arrivée dans la mesure où ce relevé est tout à la fois inutile et dépourvu de toute légitimité juridique.

Face au refus légitime de se prêter à la prise d’empreinte, une cinquantaine d’agents pénitentiaires se sont présentés "en tenue de combat" face à Monsieur Michel GHELLAM et ont usé d’illégitimes et graves violences au demeurant inadmissibles à l’encontre du détenu.

Il convient de rappeler qu’une telle mesure n’est pas prévue par le code de procédure pénale ou les règlements et instructions de services.

Enfin, si un tel relevé est destiné à être intégré à un fichier nominatif, cette procédure devrait, pour être régulière, avoir fait l’objet d’une déclaration à la CNIL, ce qui ne paraît pas être le cas en l’espèce.

En tout état de cause, il n’a pas été porté à la connaissance de Monsieur Michel GHELLAM les éventuelles dispositions qui rendraient impératif un tel relevé d’empreintes papillaires.

La commission disciplinaire ne pouvait donc prononcer de sanction à l’encontre de Monsieur Michel GHELLAM.

La commission a également méconnu gravement le principe selon lequel "Pas de peine sans loi", lequel est consacré à l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Au surplus, la prise d’empreintes papillaires ne saurait être considérée comme une " mesure de sécurité ", puisqu’elle n’a pas pour objet de prévenir des comportements répréhensibles d’un détenu, comme par exemple la fouille de cellule.

 

C’est pourquoi la commission de discipline de la maison d’arrêt de Fresnes ne pouvait pas retenir un " refus de soumettre à une mesure de sécurité définie par les règlements et instructions de services " ni prononcer de sanction à l’encontre de Monsieur Michel GHELLAM dans la mesure où la prise d’empreintes papillaires n’est pas expressément prévue par les textes de loi.

Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir réformer et annuler la décision du 8 novembre 2001 de la commission de discipline de la maison d’arrêt de Fresnes.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’assurance de mes sentiments distingués.

 

Françoise LUNEAU