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N°09 - Ligne 6 : un espace de liberté

A l’hôpital pénitentiaire de Fresnes, la ligne 6 permet aux détenus de parler de leurs préoccupations en matière de santé mais aussi de leur vécu avec un interlocuteur extérieur. Entretien avec Hervé Robert, coordinateur national de Sida Info Service.

Quel est le principe de la ligne 6 ?
Lancée en 1997, à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes par Sida Info Service, la ligne 6 est partie de la volonté d’apporter au milieu carcéral un instrument d’information, de soutien et de prévention analogue à celui existant à l’extérieur. Afin de ne pas stigmatiser les détenus séropositifs et d’offrir à tous les malades le bénéfice de cet outil téléphonique, elle ne se cantonne pas au sida mais s’ouvre à l’ensemble des problématiques de santé. Les détenus ne pouvant pas circuler librement, une cabine spécifique a été installée dans chacun des huit services de l’hôpital, permettant aux malades d’appeler, gratuitement, une fois par semaine, voire deux, dans la plus stricte confidentialité.

Quelles sont les principales préoccupations des appelants ?
Les détenus ont des problèmes médicaux lourds ; beaucoup sont condamnés à des peines longues ; et un grand nombre d’entre eux viennent de province et se retrouvent donc coupés de leur famille, quand ils en ont une. Tout ceci accroît la nécessité de parler, d’être rassuré, accompagné. La ligne 6 sert donc d’espace de dialogue, d’expression. Les préoccupations médicales sont largement évoquées, mais plus en termes de vécu par rapport à une maladie que de pathologie pure. Concernant le VIH, les détenus soulignent surtout leur difficulté à gérer leur maladie à cause des problèmes de promiscuité et de confidentialité. Sont aussi souvent signalées des difficultés relationnelles avec le médecin - qu’en prison, on ne choisit pas - et qui peuvent faire échouer une prise en charge thérapeutique. L’absence de dialogue provient parfois du fait que, dans certains établissements, les médecins n’effectuent que quelques vacations.

Comment interviennent les écoutants ?
Il ne s’agit pas de transmettre un discours, mais de considérer d’abord l’autre là où il vit, d’écouter ses préoccupations quotidiennes (affectives, financières, judiciaires...) et de le laisser s’exprimer. Ensuite, les personnes abordent d’elles-mêmes les questions de santé. Les écoutants passent beaucoup de temps à leur réexpliquer, en des termes simples et adaptés, leur cheminement médical : à quoi servent leurs traitements, l’intérêt de supporter les effets secondaires, comment se comporte le VIH dans le corps, l’importance de bilans réguliers... Il existe beaucoup d’incompréhensions. En fait, ce qui est souvent dénoncé, c’est le manque cruel d’information, l’incapacité du corp médical à considérer les besoins de la personne, ) prendre le temps d’expliquer.

La ligne 6 sera-t-elle étendue à d’autres prisons ?
Nous travaillons avec les ministères de la Justice et de la Santé, qui financent la ligne 6, à promouvoir son extension aux maisons d’arrêt, la Croix-Rouge ayant déjà installé des dispositifs d’écoute dans des établissements pour peines. La crainte du téléphone, de ce lien non contrôlable avec le dehors, est désormais dépassée. Les personnels pénitentiaires y trouvent même leur compte : ce dispositif, en permettant aux détenus de s’exprimer et de maintenir un lien avec l’extérieur, se révèle être un excellent régulateur en détention. Pour nous, la ligne 6 constitue aussi un remarquable outil pour réformer la perception du détenu, lui restaurer une part d’intimité et de liberté.
Propos recueillis par F. R.