Ban Public
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jeudi, 27 novembre 2003 - 2 -

Publié le mardi 18 mai 2004 | https://banpublic.org/jeudi-27-novembre-2003-2/

Le camion s’en va direction Bois d’Arcy, je suis mort de peur, je ne peux plus me retenir de pleurer. Je ne sais pas ce qu’il m’attend là bas, de plus l’image d’Olivia en larme me hante mon esprit, je me sens très mal. Un des deux policiers m’observe et tente de m’adresser la parole :

- « Je te préviens, au moindre geste je te latte ok ?

Je ne réponds pas.

- Dis-moi, tu as des amis qui sont actuellement incarcéré à Bois d’Arcy ? demande le second policier - Non. - Alors colles bien tes fesses contre les murs mon ami !!! »

Quel humour ! ...
C’est vrai que c’est facile de savoir rire lorsqu’on sait que ce soir on sera chez soit, mais cet homme pourrait-il imaginer ce que je ressens actuellement le fait de savoir que ce soir je serais parmis des brigands, des violeurs et tueurs, si loin d’Olivia et de ma famille ? Je regarde les voitures que nous doublons, par exemple, cet homme dans sa Clio noire doit sûrement rentrer chez lui, sais t-il quelle chance il a d’être libre ? ... Je hais presque cet homme. Nous arrivons à la maison d’Arrêt de Bois d’Arcy, nous sommes arrêté devant l’entrée, maintenant, je pense surtout à moi-même, à mon futur dans cette prison. Une immense porte ressemblant un peu aux ponts-levis des châteaux forts est juste en face de ma vision, puis elle s’ouvre, le camion entre, à partir de ce moment, je ne suis qu’une sous-merde, parmis les sous-merdes qui ne se respectent pas entre sous-merdes. Le camion avance, je regarde autour de moi, je vois des bâtiments affreux, ornés de petites fenêtres, de ces fenêtres, des détenus crient, lance des projectiles sur le camion, insulte les policiers... Maintenant, je crois que je n’ai plus peur, je suis descendu tout au fond, je ne peux pas tomber plus bas. Nous arrivons dans un hangar, la personne qui m’a servi de Taxi m’enlève mes menottes, il me regarde avec pitié cette fois, lui doit savoir ce qu’il se passe à l’intérieur de cette prison, et le fait de me regarder de cette façon me déplais plus qu’autre chose. Deux Matons arrivent, discutent avec les policiers cinq minutes puis me demandent de les suivre.

Leur uniforme est bleu foncé, un badge ‘Administration Pénitentiaire’ est cousue sur leurs pulls, ils n’ont pas l’air spécialement effrayant. Nous arrivons dans une grande salle appelée les ‘greffes’, là, un surveillant me demande d’enlever ma chaîne, ma chevalière, et ils récupèrent dans une petite boite toutes mes affaires personnelles dont mon portable ( je me demande d’ailleurs quels sont les messages qu’il doit contenir ! ). Ca me fait vraiment mal au cœur d’enlever cette bague, Olivia me l’avait offerte, il y a un mois, mais finalement, elle sera bien en sécurité dans cette boite. Mes larmes sont parties depuis un bon moment, je pense surtout à mon avenir là dedans, six mois... c’est long quand même.. Quand je pense que les vacances d’été dure deux mois, et que c’est déjà bien long... j’espère vraiment que tout se passera bien, pour le moment je n’ai pas peur, et comme tu as du le voir, toi le lecteur, je ne réalise jamais la situation dans la quelle je suis.

- « C’est lui l’arrivant ? dit un surveillant entrant dans les greffes.
- Ouais, emmène-le au photomaton puis fous le dans la douche. ( on dirait moi, quand je parle à mon chien )
- Ca roule. »
Je termine de signer des papiers que je ne lis pas, puis, après une séance photo, je me déshabille pour prendre une douche. Je n’ai pas encore prononcé un seul mot depuis mon arrivée dans cette prison, je n’ai répondu que par la tête, mais là, pendant ma douche, j’ai vraiment envie de demander au surveillant d’arrêter de me déshabiller du regard... Je suis très pudique ! Presque personne ne m’a déjà vu nu, et là, ce gars que je ne connais ni d’Adam ni d’Eve me surveille en train de prendre une douche obligatoire. Ma douche est terminée, je me rhabille avec mes affaires sales puis prends ce qu’ils appellent le ‘paquetage’, il est constitué d’un drap, un bol en verre, une assiette en verre, une fourchette en métal, un paquet de rasoirs jetables, une brosse à dents, un petit savon, du dentifrice et... un livret d’accueil avec écris en couverture ‘ Bienvenue à la Maison d’Arrêt des Yvelines‘ ! En lisant ça, je me dis que là, vraiment, je dois être en train de rêver. Puis, nous partons en direction d’une cellule provisoire, appelé ‘cellule de l’arrivant’, nous longeons des longs couloirs souterrains, peints en bleu foncé, tous les trentes mètres, une porte ornée de barreaux, à chaque portes, le surveillant demande dans un Talkie Walkie d’enclencher la serrure du numéro de la porte. Puis nous arrivons dans une immense tour, trois étages avec des escaliers dans tous les sens. A chaque étage, un couloir part en direction de la droite, et l’autre vers la gauche. Au milieu de cette tour, en hauteur, se trouvent les surveillants chargés d’ouvrir les portes des couloirs, ils sont dans une pièce entourée de barreaux et remplis de télé de surveillance. Nous montons donc jusqu’au deuxième étage, qui est celui des mineurs, et prenons le couloir de gauche. Là, un détenu est en train de servir la ‘barquette’, repas appelé aussi ‘gamelle’, de cellule en cellule. Il me dévisage puis continu son travail. Nous marchons dans ce couloir et j’entends les détenus gueuler, les télés trop fortes, des coups dans les portes, et une musique : ‘ 2 bal 2 neg - 100° à l’ombre’. Le surveillant s’arrête devant la cellule B100. Il ouvre la porte, me fais un sourire me semblant amical et me dis gentiment de bien dormir. Déjà une bonne chose : Les surveillants n’ont pas l’air d’être comme j’ai pu les voir dans certains films.

J’entre dans ma cellule, la porte se ferme derrière moi. Ouf, je n’ai pas de co-locataires.

La cellule est assez grande, comparée à la garde à vue. Il y a deux fenêtres, deux lits superposés, une table, une chaise, un lavabo et des toilettes. C’est tout. Je m’assieds sur mon lit et repense à toute la situation, j’ai envie de pleurer mais je n’y arrive pas. J’essaye de penser à ma famille, ce qu’ils doivent faire actuellement, j’espère vraiment qu’il ne s’inquiète pas, si j’avais pu faire en sorte qu’ils ne l’apprennent pas, je l’aurais vraiment fait ! Alors que j’étais dans mes pensées, j’entends des hurlements par la fenêtre, plusieurs personnes crient la même chose, je n’arrive pas à comprendre ce qu’ils disent. J’ouvre la fenêtre et essaye de mieux comprendre, c’est bien ce que j’avais entendu, ils crient tous ‘ Hey ! L’arrivant ! Réponds ! ‘.

Je n’ai franchement pas envie de répondre, mais ils insistent, mon voisin tape à mon mur, je n’aurai jamais du allumer la lumière. J’ouvre la fenêtre, c’est une minuscule fenêtre, ma tête ne passe pas entièrement, je me décide à lancer un ‘ oui ? ‘ Timide. Là, les questions fusent dans tous les sens, ‘ t’as fait quoi ? ‘, ‘ Tu viens d’où ? ‘, ‘ Tu t’appelles comment ? ‘.

- « Je m’appelle Olivier.

Un silence, des rires...

- Sérieux ? Tu t’appelles Olivier ?? Cris des détenus.
- Oui...
- Ok Olivier, tu sais quoi, dans les tribunaux, c’ est des juges français qui jugent des noirs et des arabes, en prison, c’ est des noirs et des arabes qui jugent des français, et demain en promenade on va te juger !!! »

Je ferme ma fenêtre, me couche sur mon lit et décide de ne plus répondre. J’en profite pour me remettre les idées en place dans mon esprit : Je suis loin de ma famille, loin d’Olivia, dans une cellule presque vide, et demain je suis sencé me faire ‘ juger ‘ par des personnes n’ayant plus rien à perdre... Finalement, je ne réussirai jamais à dormir si je pense à tous cela. Je décide donc de repenser au week-end dernier que j’avais passé avec Olivia. Ce Week-end là, nous avions fêté l’anniversaire de ma sœur, Olivia était venue dormir chez moi et, à la fin de la soirée nous étions montées dans ma chambre avec une bouteille de Champagne pour fêter de notre côté les 20 mois que nous avions passé ensemble. Alors que nous nous remémorions tous nos souvenirs de bons moments passés ensemble, je lui avais proposé que l’on se fiance, elle avait accepté et était tombée en larmes. Je pense que je ne pourrais jamais aimer une autre personne qu’elle, malgré notre jeunesse, notre amour est fort et je pense que c’est grâce à elle que j’arrive à ne pas trop paniquer dans cette cellule.
Je parviens finalement à m’endormir.