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(2004) Information prison pour les Elus de l’Assemblée Nationale

 de Laurent JACQUA - 9959 / 2D
Maison Centrale - B.P. 41 - 03401 YZEURE 

à Monsieur Le Député, Madame La Députée,
Assemblée Nationale - 126 rue de l’Université - 75355 PARIS 07 SP 

Yzeure le, 20 janvier 2004

Objet : Courrier d’information prison pour les Elus de l’Assemblée Nationale.

Monsieur Le Député, Madame La Députée,

Je reviens vers vous pour la seconde fois afin de ne pas sombrer dans l’indifférence, même si je comprends que le sort d’un détenu n’a pas beaucoup d’importance.
Fin juillet 2003, j’envoyais 574 lettres aux Députés de l’Assemblée Nationale, je n’ai eu en retour que trente réponses.
J’en déduis que le sujet n’intéresse pas, mais je ne désespère pas, c’est pourquoi je renouvelle cet envoi qui je l’espère aura plus de succès.

Lors de ce premier envoi de courrier, j’étais en quartier d’isolement à la Maison d’Arrêt de Bois d’Arcy. Depuis les choses ont un peu évoluées puisque je suis dans un établissement pour longues peines.
Cependant, la situation reste difficile quant au non-espoir que constitue une trop lourde peine lorsqu’on est touché par une pathologie aussi grave que le SIDA.

La loi du 4 mars 2002 permettant une suspension de peine est une bonne chose mais elle n’est accordée, trop souvent, qu’en phase terminale. J’ai d’ailleurs engagé la procédure même si mes bilans sanguins sont, fort heureusement, excellent grâce à la tri thérapie.

Une réponse négative ne m’empêchera pas de recommencer car c ‘est une question de principe, en effet les prisons ne sont pas des hôpitaux et tous les détenus malades ont droit à une certaine indulgence.

Je n’essaye pas d’échapper à mes responsabilités qui ont conduit à ma condamnation, mais je fais appel à la part d’humanité de ceux qui veulent croire qu’il y a toujours au-delà de tous délits, de tous crimes, un espoir de pardon, de compréhension, pour reconstruire et vivre.

Monsieur BADINTER a un jour plaidé la cause de Monsieur PAPON en ces termes :
« Oui, il y a eu crime contre l’humanité, mais à partir d’un moment, l’humanité doit prévaloir sur le crime »

Madame, comment dois-je prendre ces mots alors que je suis tout aussi malade, sinon plus ?
Je demande le même droit au pardon et à l’indulgence, je demande la même part d’humanité que celle accordée à Monsieur PAPON.

Je suis actuellement libérable en 2021. Sur ma peine j’ai déjà effectué dix ans.
Que me reste-t-il comme avenir sachant que je suis malade depuis vingt ans ?
Je souhaiterai un aménagement de ma peine afin que celle-ci soit faisable et qu’elle ait un sens, or ce n’est pas le cas puisqu’on me refuse toute confusion de peines.
La loi ne doit pas être aveugle, elle doit, pour être juste prendre en considération chaque cas particulier.

On ne peut pas parler de droit de l’homme sans en appliquer les principes élémentaires. Mon livre (« la guillotine carcérale » Ed. Nautilus ) évoque la terrible traversée d’un malade au sein du monde carcéral, je vous invite à le lire afin de mieux comprendre la phrase de MALRAUX qui disait :
« Juger ce n’est pas comprendre, car si l’on comprenait on ne jugerait pas. »

Madame, Monsieur, j’aimerai avoir votre soutien de Député, car vous êtes les représentants du Pays des droits de l’homme et à ce titre, vous ne pouvez accepter que des détenus continus de subir des conditions d’un autre âge.

Je reste dans l’attente de votre réponse et,

Vous prie d’agréer, Monsieur Le Député, Madame La Députée, l’expression de mes salutations les plus distinguées.

Laurent JACQUA