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27/10/03 Conclusions : le droit à l’intimité et à la dignité

Publié le vendredi 9 janvier 2004 | https://banpublic.org/27-10-03-conclusions-le-droit-a-l/

Relevé de conclusions
Thème : le droit à l’intimité et à la dignité

Introduction de M. Péchillon

Dans un article paru dans le journal La Croix du 27 octobre 2003, M.Bédier, secrétaire d’Etat aux programmes immobiliers de la justice constatait : « Nous réintroduisons depuis plusieurs mois des règles de fonctionnement plus normales. Les fouilles sont plus régulières. »
- il existe deux conceptions des fouilles :
 > la conception administrative : il s’agit des fouilles préventives (parmi elles, les fouilles pénitentiaires)
 > la conception pénale

- il existe 3 degrés d’atteinte : 
 > l’atteinte à l’intimité,
 > l’atteinte à la dignité,
 > l’atteinte à l’intégrité.

- la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un jugement le 15 mai 1980 sur le principe des fouilles corporelles en détention : le principe des fouilles ne peut pas être interdit totalement, mais il est nécessaire de l’encadrer. Il n’y a pas d’atteinte à la dignité tant qu’il n’y a pas de contact physique entre les surveillants et les détenus.
Lors d’une décision rendue le 24 juillet 2001, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’il y avait une violation de la CEDH car la fouille avait été réalisée en présence d’un surveillant du sexe opposé et un contact physique a eu lieu entre le détenu et le surveillant (absence de gant).
Enfin, le 15 novembre 2001, la fouille a été présentée comme une violation de l’article 3 de la CEDH, car cette fouille intégrale a été réalisée dans des conditions difficilement supportables pour le détenu : insultes, moqueries des surveillants présents en grand nombre…Cette fouille était en outre pratiquée pour permettre au détenu d’obtenir le droit de vote aux élections législative (pratiquer la fouille pour pouvoir profiter d’un droit fondamental est une atteinte à l’intégrité). Les fouilles doivent être encadrées et strictement nécessaires.

- l’article D 275 du Code de Procédure Pénale :
« Les détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef de l’établissement l’estime nécessaire
 Ils le sont notamment à leur entrée dans l’établissement et chaque fois qu’ils en sont extraits et y sont reconduits pour quelque cause que ce soit. Ils doivent également faire l’objet d’une fouille avant et après tout parloir ou visite quelconque.
 Les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en garantissant l’efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. »
La fouille est posée comme principe, mais elle n’est pas limitée. Elle peut être effectuée à chaque fois que le chef d’établissement l’estime nécessaire. Les fouilles ne doivent pas être pratiquées de façon systématique, mais uniquement en cas d’extrême nécessité.

· Les fouilles corporelles
- Lors d’une fouille intégrale, les détenus doivent enlever leurs vêtements, se mettre à genoux, lever les mains et tousser. La fouille semble être pratiquée dans l’unique but de porter atteinte à la dignité du détenu et de l’humilier. Lorsque les détenus reviennent du parloir avec un peu plus d’humanité, le 1er réflexe de l’administration pénitentiaire est d’enlever le capital humain acquis pendant les 30 minutes de parloir. La finalité est l’humiliation, pas la sécurité.

- il existe 3 techniques de fouilles :
 > les détecteurs de métaux (pratiquée aussi pour les visiteurs) ;
 > les fouilles par palpations ; et
 > les fouilles intégrales

- il est impossible de garantir une sécurité optimale, même avec les fouilles (à l’exemple de Pierre Chanal, qui s’est suicidé avec une lame de rasoir cachée dans son dentier). La plupart des objets qui arrivent dans les prisons ont été jetés par-dessus le mur.

- la création des ERIS est une porte ouverte à toutes les violences et humiliations. Le détenu subit des violences physiques quand il refuse de subir une fouille corporelle.

- il faudrait renforcer l’accès au droit et son application. Toutes les circulaires qui organisent le droit intérieur des établissements pénitentiaires devraient être connues des détenus et de leur famille.

- si la fouille est estimée nécessaire, elle doit être encadrée et contrôlée, et non pas systématique. Elle doit être pratiquée uniquement en cas de présomption de crime ou de délit. Elle doit rester l’exception pour des cas déterminés.

- il y a certains cas où un détenu est placé en quartier disciplinaire pour des raisons injustifiées. Il a recours à la direction régionale, mais ce recours n’est pas suspensif. Le juge d’application des peines qui doit décider d’une liberté conditionnelle ou d’une remise de peine tient compte de la sanction en cours. Il y a donc une 2e sanction du JAP, s’il refuse la demande du détenu, qui aura tenu compte de la sanction précédente. Une erreur peut donc avoir des conséquences sur le reste de la peine.

- le juge doit avoir les moyens de statuer rapidement pour les atteintes aux libertés fondamentales. Il est nécessaire de mettre en place un mode de recours particulier, ou une voie procédurale spéciale, pour que les recours soient examinés en 48h.

- les membres du groupe de travail ont suggéré la création d’une autorité de contrôle spécifique. Le rapport Canivet qui préconise la création d’une autorité de contrôle indépendante doit servir de base pour ce projet. Il a été suggéré de mettre en place une autorité de contrôle à caractère mixte, avec des juges judiciaires et des juges administratifs. La présence des délégués du Médiateur de la République dans les prisons pourrait également jouer un rôle important en matière d’information et de médiation avec l’administration pénitentiaire.

- l’obsession sécuritaire de l’administration pénitentiaire ne peut être un argument pour pratiquer une telle atteinte à la dignité humaine. La justification d’une éventuelle évasion, ou de l’entrée d’une arme n’est pas plausible, puisqu’en participant aux ateliers, les détenus pourraient s’évader et ont accès au matériel.

- il est essentiel de poser le principe de la dignité des détenus. Actuellement, n’importe quel personnel de surveillance peut pratiquer la fouille à corps.
Il faut poser le principe de 3 types de fouilles :
 > les fouilles par portiques et détecteurs, qui seront effectuées par le personnel de l’administration pénitentiaire ;
 > les fouilles par palpation, qui seront pratiquées lorsqu’un risque d’évasion sera pressenti (un certain nombre de cas seront prévus). Seuls les gradés pourront les pratiquer.
 > les fouilles intégrales seront bannies de l’administration pénitentiaire ; elles ne pourront être pratiquées que sur décision de justice, et en présence de l’autorité judiciaire. La présence de l’individu contrôlant la personne exerçant la fouille (personne extérieure à l’administration pénitentiaire) permettra de garantir les droits du détenu.

· Les fouilles des cellules
Elles constituent une atteinte à l’intimité de la vie privée. Ces fouilles sont quasi systématiques pour certains détenus, mais elles ne se font pas en leur présence (pendant la promenade ou les ateliers), ce qui les empêche de se justifier lorsque l’on trouve des objets dans leurs affaires qui ne leur appartiennent pas.
Il faut prévoir la présence du détenu et d’une tierce personne (le délégué du Médiateur ou d’une autorité, qui sera extérieure à l’administration pénitentiaire) pendant les fouilles des ERIS. Actuellement, le surveillant fait un rapport quand il y a une fouille. Il faut faire en sorte que les 2 parties signent le PV. Pourquoi ne pas faire un état des lieux avant et après la fouille ?
Les délégués du Médiateur pourraient être présents en détention quelques jours par semaine, afin de pouvoir s’entretenir avec les détenus qui en feraient la demande. Des recours en responsabilité seront prévus en cas de dommages matériels ou de préjudices moraux.

· L’hygiène et les conditions de vie
- les articles D 350 et suivants du Code de procédure pénale concernent ce domaine, mais ils ne sont pas appliqués. Des détenus se retrouvent sans savon ou shampoing. Il est nécessaire de dispenser une éducation à l’hygiène aux détenus. L’administration pénitentiaire fait en sorte que les détenus indigents se retrouvent avec les détenus ayant un soutien familial pour éviter d’appliquer l’article D357.

- les cellules manquent de luminosité et ont des grilles aux fenêtres, ce qui conduit à des problèmes de santé pour les détenus. Ce système de grilles ne doit pas perdurer.

- il faut donner aux détenus la possibilité de vêtements de rechange, car ce n’est pas pratiqué systématiquement. Certains détenus restent avec les mêmes vêtements pendant des mois.

- l’Etat doit se donner les moyens budgétaires de respecter les textes. La Croix Rouge, Génépi et les nombreuses autres associations qui interviennent en milieu carcéral sont supplémentaires, mais elles ne doivent pas remplacer l’Etat.

- les prix des cantines et des produits courants doivent être discutés avec les centrales d’achat (au niveau national), et le contrat doit être négocié tous les ans.

- lorsque les détenus indigents n’ont pas les moyens de nettoyer leurs cellules, celles-ci ne sont pas propres, et certains éducateurs, médecins, ou visiteurs sociaux ne s’en préoccupent pas. Cela les empêche d’être au courant des possibilités de réinsertion et de travail qui existent. Certains détenus ne sont même plus en état de s’occuper d’eux-mêmes.