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Réflexions sur les procédures pénales

Publié le jeudi 27 novembre 2003 | https://banpublic.org/reflexions-sur-les-procedures/

« En fait, Tournebroche, mon fils, les lois sont bonnes ou mauvaises, moins par elles-mêmes que par la façon dont on les applique, et telle disposition très inique ne fait pas de mal si le juge ne la met point en vigueur. Les mœurs ont plus de force que les lois. La politesse des habitudes, la douceur des esprits sont les seuls remèdes qu’on puisse raisonnablement apporter à la barbarie légale. Car de corriger des lois par des lois, c’est prendre une voie lente et incertaine. Les siècles seuls défont l’œuvre des siècles. (Anatole France : Les réflexions de Jérôme Coignard)

Rares sont les citoyens français qui imaginent être un jour confrontés à la justice pénale de leur pays. Pourtant le code répertorie 6 423 délits et 647 crimes et, même si nul n’est censé ignorer la loi, nombreuses sont les personnes qui violent, consciemment ou inconsciemment, un texte, ne serait-ce qu’en utilisant un logiciel informatique copié par un ami ou en conduisant un peu trop vite. De plus, le fait d’être innocent n’exclut pas de pouvoir être soupçonné et donc mis en garde à vue, voire provisoirement incarcéré. La loi prévoit même que les témoins sur lesquels ne pèse aucun soupçon peuvent être mis en garde à vue, 24 heures renouvelables une fois. Enfin, avant même que la justice ne pose un œil sur vous, la presse peut livrer votre nom en pâture à l’opinion publique parce qu’il aura été cité par une tierce personne à l’occasion d’une enquête dont vous ignorez jusqu’à l’existence.

Ainsi votre vie bascule brutalement, vous voilà confrontés à une série de problèmes que vous ne pouviez imaginer et que les acteurs de cette triste pièce de théâtre, journalistes, policiers, magistrats ignorent aussi longtemps qu’ils ne se retrouvent pas eux-mêmes placés dans la même situation.

Les membres du Groupe Mialet, fort de leurs expériences, ont voulu passer en revue, dans l’ordre où ils leurs seront confrontés, les pratiques qui entraînent la souffrance, la ruine économique ou affective des citoyens, coupables ou innocents, qui ont affaire au système pénal français. Ils souhaitent lancer un débat, mais n’étant ni juristes, ni magistrats, ni professeur de droit, ils n’entendent pas refaire le code pénal ni le code de procédure pénal et encore moins demander une réforme constitutionnelle. En revanche, ayant pratiqué la justice des deux côtés de la barrière, plus souvent, hélas, du mauvais que du bon, il leur a semblé que leur expérience, leur bon sens et une certaine sagesse pouvait nourrir une réflexion dont chacun sent bien aujourd’hui à quel point elle est nécessaire.
Nos propositions pourront paraître iconoclastes pour certains, absurdes pour d’autres, provocatrices sans doute, mais il faut que les « usagers » du système judiciaire puissent s’exprimer.
 La République doit disposer d’une justice qui ne soit plus l’apanage d’une caste défendant d’abord ses privilèges.
 
Le Groupe Mialet propose des réformes :
- suppression du secret de l’instruction,
- suppression de la garde à vue dans sa forme actuelle,
- institution d’une procédure contradictoire,
- institution d’une procédure contradictoire,
- création d’une procédure contradictoire,
- suppression des juges d’instruction,
- obligation, pour l’administration pénitentiaire, d’appliquer un numerus clausus pour chaque centre de détention,
- création d’une Direction des Ressources Humaines et d’une direction du Contrôle de Gestion au Ministère de la Justice,
- instauration d’une responsabilité personnelle des juges.
Aucune n’est plus importante que celle qui rendra les juges responsables de leurs fautes.

I LES POUVOIRS DE POLICE

Le projet de loi Perben prévoit une extension des pouvoirs des services de police qui nous parait liberticide. Voici ce qui est programmé au titre de la panoplie des mesures exceptionnelles au droit commun prévues dans les cas les plus graves de délinquance et de criminalité organisée :
- L’institutionnalisation des écoutes téléphoniques comme moyen habituel d’enquête.
- L’autorisation des perquisitions de nuit si les nécessités de l’enquête l’exigent qu’il y ait flagrance ou pas.
- L’allongement du délai de garde à vue à quatre jours, s’il existe, après les deux premiers, des indices graves ou concordants, au lieu de deux maximum prévus à présent, sauf en matière de terrorisme ou d’infraction à la législation sur les stupéfiants où les quatre étaient déjà possibles. La garde à vue qui est décidée par la police , devient une phase à part entière de la procédure alors qu’elle ne revêtait jusque là que l’aspect d’une mesure exceptionnelle pour les nécessités de l’enquête. La garde à vue est, rappelons-le, une période de non-droit durant laquelle la défense n’a pas la parole puisque l’avocat n’a pas accès au dossier. Cette mesure, si elle est adoptée, va à l’encontre du principe admis par tous les pays européens que personne ne peut être privé de liberté sauf par décision d’un juge. Cette mesure rend encore un peu plus la procédure française inquisitoire et pousse au culte de l’aveu que le Groupe Mialet critique sans relâche.
- L’extension des mesures de surveillance de même que d’infiltration par des officiers ou des agents de police judiciaire, mesures jusque là réservées aux enquêtes sur les trafics de stupéfiants. Elles pourront être autorisées lorsque les nécessités de l’enquête et de l’instruction le justifient.

Ce sont là des mesures nouvelles qui sont éminemment critiquables. Il ne faut pas, pour autant, oublier un point fondamental qui n’est pas nouveau : la véracité des PV dressés par les services de police est souvent faibles. Or, même lorsqu’ils ne sont pas signés par les intéressés, ils sont considérés comme parole d’évangile par les magistrats. Les exemples abondent pourtant de PV approximatifs voire faux qu’il est très difficile de contester sans déposer une plainte pour faux en écriture publique qui n’aboutira jamais… Je souhaite conserver ce § qui nous a été demandé par Redien-Collot et Peletingeas

En donnant davantage de pouvoirs aux services de Police, on réduit de fait mais sans l’annoncer, ceux du juge d’instruction. La Police d’Etat devient un corps sans contrôle de la pratique au quotidien. La nuit du 4 Août 1789 avait aboli les privilèges de la Noblesse et du Clergé, aujourd’hui la barre est inversée et ce sont les privilèges de l’Etat qui sont sanctifiés, au mépris de l’égalité des citoyens devant la Loi et de la Justice. Ce n’est pas l’Etat des Citoyens qui est en oeuvre, c’est l’Etat contre les citoyens. Il suffirait à tout un chacun d’être simplement suspecté pour que soient mises en branle à son encontre toute une série de mesures faisant exception à l’application d’un droit communément applicable : cela s’appelle des procédures d’exception, celles-là mêmes que l’on pourrait justifier en temps de guerre. Sommes-nous alors en temps de guerre ? Guerre civile ? Guerre des polices ?
N’importe quel citoyen pourra faire l’objet d’une surveillance s’il existe contre lui « une ou plusieurs raisons plausibles de le soupçonner » (sic…). Comme par ailleurs, en créant un statut du repenti, le projet institutionnalise la dénonciation, qui n’en n’avait pourtant pas besoin, le nombre de personnes susceptibles d’être soupçonnées risque d’exploser.

Si la protection juridique du citoyen n’existe plus, si l’on peut se trouver exposé sans le savoir à des mesures de surveillance dès lors qu’il y a doute, ou à des écoutes téléphoniques sous couvert de suspicion d’infraction parmi les plus graves, si la différence entre un régime de droit commun et un régime d’exception est consacrée, s’il y a a priori des individus innocents d’un côté et des individus dangereux de l’autre, des individus « inférieurs » et des individus « supérieurs », n’est-ce pas la voie ouverte à un Etat policier ?

Il est on ne peut plus contestable en effet que la « qualification » d’une infraction puisse précéder les mesures d’investigation destinées justement à la définir.

Que fait-on du principe de la présomption d’innocence, proclamé par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, tellement mal ancré dans les mœurs judiciaires qu’il a fallu le réaffirmer au bout de plus de deux cents ans, dans la loi du 15 Juin 2000 ? Notre ministre a-t-il été inspiré par le principe de la présomption d’innocence pour « accorder » des traitements d’exception à des présumés « coupables » ?

II LE SECRET DE L’INSTRUCTION

L’article 11 du code de procédure pénale prévoit que « sans préjudice des droits de la défense… la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. »
Ce texte, contrairement à ce que pense l’homme de la rue, n’est pas fait pour défendre les suspects de la vindicte populaire mais pour permettre aux policiers et aux magistrats de travailler tranquillement dans l’ombre. Tout comme l’ensemble de notre procédure inquisitoire, il s’inscrit parfaitement dans la continuité des habitudes judiciaires de l’ancien régime tout au long duquel le procureur du Roi était le seul au courant de l’état de la procédure, le prévenu n’ayant même pas à savoir ce qui lui était reproché.
Ce texte est fait pour aider les personnes qui concourent à l’instruction d’une affaire à se faire leur intime conviction et à boucler un dossier logique dont tous les éléments seront cohérents avec la thèse défendue.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner de la mise sur la place publique de certains éléments du dossier si cette publicité facilite le travail des enquêteurs.
A qui le secret de l’instruction est-il opposable ? A la personne mise en examen, à sa famille, à la presse et à l’opinion publique. Pour chacun se posent des problèmes différents.
1) Le secret de l’instruction n’est pas, dans les textes, opposable à la PERSONNE MISE EN EXAMEN : celle-ci a parfaitement le droit de faire état à qui elle l’entend des éléments qui sont dans le dossier.
Dans la pratique, le mis en examen était, jusqu’à la loi Guigou du 15 juin 2000, tenue à l’écart de son dossier. Elle ne pouvait en consulter que les pièces originales au greffe du Palais de Justice ou des photocopies dans le bureau de son avocat ou dans le parloir de la prison. Elle avait le droit de les recopier à la main, pas de les photocopier ! Cela lui interdisait de travailler sérieusement : de nombreux dossiers comptent des milliers de pages qu’il faut pouvoir étudier pour bâtir sa défense.
Le Groupe Mialet voyait là la preuve d’une connivence entre les magistrats et les avocats pour laisser la personne mise en examen dans un état de dépendance vis à vis de ses conseils.
Depuis l’entrée en vigueur le premier janvier 2001 de la loi Guigou sur la renforcement de la présomption d’innocence, l’avocat peut communiquer à son client photocopies des pièces le concernant, mais, d’une part le juge doit être informé des pièces communiquées, d’autre part il peut interdire cette communication ; il dispose d’un délai de cinq jours pour le faire, et certains juges ne s’en privent pas. Sans même utiliser cette possibilité, le juge peut faire traîner la communication des pièces des semaines voire des mois.
Pour pouvoir se défendre à armes égales c’est de copies des disquettes informatiques des dossiers que le prévenu et son conseil devraient pouvoir disposer.
Le Groupe Mialet souhaite que soit donnée sans restriction et gratuitement aux personnes mises en examen communication de toutes les pièces de leur dossier. Il souhaite que ces dossiers soient complets et que les juges d’instruction n’aient pas le droit de garder par-devers eux, même provisoirement, surtout provisoirement, des éléments provenant par exemple des services de police dont ils se réservent de faire état ou non dans un stade ultérieur de l’instruction. L’instruction ne doit pas être secrète vis-à-vis de la personne mise en examen.

2) La FAMILLE voit l’un des siens mis en garde à vue et être incarcéré. Bien souvent, pour ne pas l’inquiéter, celui-ci a jugé bon de ne pas l’informer du mauvais cours de ses affaires. Elle apprendra donc par les journaux les raisons qui la privent d’un de ses membres. Elle lira, avec consternation, tout le mal que la société, la justice et la presse pensent de celui qui lui fait défaut. C’est ainsi que des pères, des mères, des épouses, des enfants se réveillent ahuris de lire dans la presse qu’ils vivaient avec un être « abominable » sans s’en être doutés.

Pendant quarante-huit heures de garde à vue, pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines lors d’une détention provisoire, les liens sont coupés. Cela traumatise des êtres humains encore plus innocents que les « présumés innocents » qui sont sous les verrous. Cela n’est pas acceptable.

Il faut souligner que seul le juge d’instruction peut accorder un permis de visite et que, s’il décide de le refuser, il n’a pas à justifier sa décision ! Ce n’est pas inutile de citer le cas de Dils, de souligner que la famille est moins bien informée que la presse.

Le Groupe Mialet n’ignore pas la limite à ne pas franchir : il ne faut pas que des complices éventuels puissent être informés que le moment est venu pour eux de prendre la poudre d’escampette ou de détruire des pièces à conviction, mais dès qu’apparaît dans la presse la nouvelle d’une incarcération, les complices n’en demande pas plus pour réagir. Il faut trouver le moyen de faire en sorte que la famille soit informée avant la presse. C’est possible, c’est à l’avocat de la personne mise en examen de le faire, il doit y être autorisé. Citer les arguments des autres leur coupe l’herbe sous les pieds.

3) La PRESSE n’est pas tenu au secret de l’instruction. Elle est informée en temps réel de ce que contiennent les dossiers : Monsieur le Floch-Prigent lit dans le Monde les questions qui lui seront posées dans son prochain interrogatoire, lit dans l’Express le grief qui lui sera fait la semaine suivante d’avoir fait verser de l’argent à son ex-femme ; lorsque Monsieur Courroye vient perquisitionner la Lyonnaise des Eaux, les caméras de FR3 sont présentes ; France Inter rend compte heure par heure des aveux que fait la compagne d’Ivan Colonna tout au long de sa garde à vue au commissariat d’Ajaccio ; Le Monde du 13 décembre 2000 publie de larges extraits des procès verbaux d’audition de Madame Casetta et de Messieurs Thomas et Peybernès mis en cause dans l’affaire dite des Lycées d’Ile de France , le parcours judiciaire de Monsieur Sirven lors de son retour en France, a été révélé par la presse minute par minute : au moins cela a-t-il permis de suivre l’étonnante rivalité des magistrats instructeurs pour être le premier à l’interroger, étonnante course à la médiatisation ; l’affaire Allègre a été entièrement instruite par la presse, Monsieur Dominique Baudis a été blanchi avant même d’être mis en examen, Le Monde du 19 septembre 2003 a titré sur quatre colonnes en première page : Dominique Baudis innocenté dans l’affaire Patrice Allègre ; , un lecteur écrira : Il m’avait échappé qu’il avait été préalablement suspecté, , accusé et condamné par la justice… 
Autant d’éclatantes violations de la loi !
On peut faire disparaître LLFP si tu insistes, parlons-en tous ensemble…

La FIDH, Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme, dans son rapport intitulé « France : la porte ouverte à l’arbitraire », note : « Il est bien évident que M. Bruguière se complaît sous les feux des médias et, de temps à autre, il a été photographié sur la scène d’une ²rafle². On peut se demander qui a prévenu les photographes sur l’heure et l’endroit de ces opérations. »

Plusieurs juges d’instruction ont reconnu violer le secret de l’instruction au profit des médias. Laurence Vichniesky écrit que pour certains juges du pôle financier « il y a une dépendance presque toxico-maniaque à ces dossiers très médiatiques. » Le parquet, lui aussi, oublie souvent ce texte de loi. Pierre Zanoto est bien seul à déclarer : « Si je ne le respecte pas, je ne vois pas bien au nom de quoi je formulerai des griefs à l’encontre de gens qui transgressent la loi. » 
 
La personne mise en examen peut bien protester dans le cabinet du juge : en fait, elle n’a pas de recours. Poursuivre les journalistes en recel de violation du secret de l’instruction, nécessite de démontrer que les éléments cités comme faisant partie du dossier sont effectivement dans le dossier ce qui est impossible sans rompre le secret de l’instruction ! La seule voie possible est l’attaque en diffamation ou pour atteinte à la vie privée. Les preuves sont difficiles à apporter, les sanctions dérisoires.

Le Groupe Mialet pense que le moment est venu d’abandonner le principe du secret de l’instruction.

L’essentiel est de protéger « la vie privée » des citoyens qu’ils soient mis en examen ou simplement soupçonnés, leurs familles et voire même leurs entreprises. Il faut adopter des mesures pour que, lorsqu’ils sont mis en cause dans la presse écrite ou audiovisuelle, ils puissent poursuivre les publications qui leur ont fait tort et obtenir des dommages et intérêts importants. Peu importe la véracité des faits relatés : ces personnes sont considérées comme innocentes tant qu’elles n’ont pas été condamnées par un tribunal.
 
En outre, le Groupe Mialet souhaite que soit interdit à la presse de communiquer le nom des magistrats instructeurs pour éviter la quête éperdue de médiatisation à laquelle se livrent quelques-uns d’entre eux, ceux-là même qui sont ulcérés de faire l’objet de critiques publiques ils devraient pourtant admettre que lorsqu’on se veut un homme public, médiatisé, il est normal que l’on soit critiquable publiquement.

III LA GARDE A VUE

La notion de garde à vue date de 1897. Cette année-là les avocats ont obtenu la possibilité d’assister leurs clients dans le cabinet du juge d’instruction où ils n’avaient pas encore le droit d’entrer. Pour apaiser les récriminations de la police il fut institué une période pendant laquelle les enquêteurs disposaient du suspect en tête-à-tête.
La garde à vue fut codifiée en 1958, à l’occasion de la signature du traité de Rome, pour mettre un terme à des pratiques certainement très condamnables et ne pas donner de la France à ses nouveaux partenaires une image moyenâgeuse. Mais l’esprit n’a pas changé.

La nouvelle loi du 15 juin 2000 a apporté quelques-unes des avancées que nous réclamions. Désormais, la possibilité de ne pas répondre aux questions doit être clairement signifiée dès le début de la garde à vue. L’avocat doit apparaître dans les trois premières heures (pour sa part le Groupe Mialet aurait préféré un enregistrement des gardes à vue tel que cela se pratique en Grande Bretagne tel que c’est prévu pour les mineurs. C’eût été plus sûr, plus facile à mettre en œuvre et moins coûteux). Enfin, le procureur doit visiter les locaux de garde à vue au moins une fois par trimestre et les élus peuvent désormais le faire chaque fois qu’ils le désirent.

Le projet de loi Perben, par contre, prévoit l’allongement à quatre jours de la garde à vue si, après les deux premiers jours, il existe des indices graves et concordants de la culpabilité du gardé à vue.

Le Groupe Mialet estime que la pratique française actuelle de la garde à vue est en contradiction avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 qui proclame que, d’une part, « nul ne peut être soumis à… des traitements inhumains ou dégradants » et que, d’autre part, « nul ne peut être privé de sa liberté sauf… en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction… ». Or, en France, la garde à vue est organisée pour humilier - ce qui est contraire au premier principe - et est couramment utilisée pour faire pression sur des témoins qui ne seront jamais mis en examen, - ce qui est contraire au second -. Nos critiques sont tellement fondées que Nicolas Sarkozy s’est senti obligé d’adresser le mardi 11 mars 2003 des instructions au directeur général de la gendarmerie afin que soit garantie « la dignité des personnes placées en garde à vue ». Dans ce document il constate que la situation actuelle n’est pas à l’honneur de notre pays. Cette instruction répond aux constatations alarmantes du Conseil de l’Europe qui notait que 5% des personnes examinées par les médecins des Urgences médico-légales souffraient de lésions traumatiques résultat de brutalité lors des interrogatoires ou d’un menottage trop serré, qui notait aussi la saleté des locaux, l’attente pour être emmené aux toilettes, le manque de nourriture etc… 

Les participants, qui ont quelque expérience en la matière, s’accordent à considérer que les conditions matérielles et psychologiques de la garde à vue sont pires que celles de la prison et qu’elles sont voulues ainsi dans le seul but de faire « craquer » les personnes gardées à vue. Ces conditions sont tellement éprouvantes que Madame Catherine Guéroult mise en garde à vue à sa descente d’avion le vendredi 5 septembre 2003 se suicidera avant d’être présentée au juge Courroye le lundi matin après trois jours d’une garde à vue qui ne pouvait pas légalement dépasser 48 heures. Craignait-on qu’elle ne quitte la France ? Elle y était revenue de son plein gré !
En 2000 le CPT (Comité de Prévention de la torture, organisme dépendant du Conseil de l’Europe) avait dénoncé les pratiques françaises. Le 11 mars 2003, dans une circulaire, le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy avait demandé que les gardes à vue soient menées de façon humaine. Hélas on ne change pas facilement une culture aussi fortement ancrée par des décennies de pratiques.

Il convient que la garde à vue soit repensée.
- Tout d’abord, il faut reconnaître au suspect le droit de se défendre dès la première minute de sa mise en cause. Cela veut dire qu’il doit être informé de ce dont on le soupçonne et qu’il doit avoir accès aux textes de procédures. Cela ne saurait toutefois pas aller jusqu’à la communication exhaustive du dossier. En effet l’enquête souffrirait que le « gardé à vue » puisse prendre connaissance des dépositions des personnes qui le mettent en cause. Par contre, le droit de mentir, qui est actuellement reconnu aux policiers en charge des interrogatoires, doit disparaître, l’omission restera une arme tout à fait suffisante pour confondre un coupable.
- Les conditions matérielles doivent être « raisonnables » et « normées » afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur le sens du mot raisonnable. La cellule doit être propre, chauffée, la nourriture suffisante, les interrogatoires pratiqués à des heures décentes. Il n’est pas justifié de priver les détenus de lunettes, de montre, de nourriture, de boisson, de les menotter, encore moins les mains dans le dos ou à un radiateur, de les interroger tout nus, de les empêcher de satisfaire des besoins naturels, de les réveiller la nuit, de les emmener chez eux dans des voitures de police toutes sirènes hurlantes pour alerter le voisinage et traumatiser la famille, etc… C’est bien parce que cela se fait qu’est refusée la présence d’un avocat ou l’enregistrement qui seraient à même de dénoncer des pratiques que le code de procédure pénale réprouve.
- Sauf quand la liberté du prévenu fait courir un risque à l’ordre public - mais un vrai risque, c’est à dire lorsqu’il s’agit de crimes de sang, de violences sexuelles, d’attaques à mains armées etc… - il n’y a aucune justification à le retenir la nuit durant. Certains pays d’Europe ne le font pas, le Portugal par exemple, sans conséquence apparente sur l’efficacité du déroulement des enquêtes. Non, on tend la perche à des reamrques telles que : le Groupe Mialet laissera les assains de nos enfants en liberté…

Les modifications que nous souhaitons ne nécessitent pas le recours à la loi. Des circulaires d’application, des mesures concrètes, imposées par l’Etat aux différentes administrations, suffiront et seront plus efficaces. Les textes en vigueur n’étaient pas mauvais, la loi du 15 juin 2000 a amélioré encore les choses, la circulaire du ministre de l’intérieur le fera peut-être aussi, mais il faut que les acteurs principaux comprennent bien la portée des textes qu’ils doivent appliquer et en déduisent les modifications nécessaires à la conception des enquêtes.

Depuis toujours, la justice française privilégie l’aveu comme preuve de culpabilité. Son organisation découle de cette culture. La police française est la plus nombreuse d’Europe, si l’on rapporte ses effectifs au nombre d’habitants, mais d’une part elle est mal équipée en moyens scientifiques d’investigation et de l’autre les enquêteurs ne les utilisent pas assez, pas bien ou trop tard. Nombreux sont les procès d’assises qui ont mis en évidence la médiocrité, le manque de rigueur, la superficialité des enquêtes qui conduisent un malheureux à comparaître . L’opinion publique s’émeut chaque fois un peu plus mais s’est satisfaite de la création d’une instance d’appel aux jugements rendus en cour d’assises par des représentants du Peuple Français réputé infaillible. C’est mieux que rien, mais la bonne solution du problème consisterait à apporter aux enquêteurs les moyens nécessaires, mais plus encore à leur inculquer la culture de la preuve matérielle et, a contrario, le mépris des aveux qui se sont révélés si souvent faux. Hélas, pour un juge d’instruction qui libère un Bernard Roman, relaxé ensuite aux assises, combien d’autres persévèrent et s’acharnent à démontrer la culpabilité d’un prévenu bien commode d’avoir le profil du coupable ! La voie proposée n’est pas facile à mettre en œuvre. Elle suppose que juges et policiers supportent une profonde remise en cause de leurs habitudes et acceptent l’idée que « mieux vaut dix coupables impunis qu’un innocent en prison ».

En résumé, l’avocat doit pouvoir être présent tout au long de la garde à vue ou celle-ci doit être enregistrée, le culte de l’aveu doit disparaître, l’enseignement des policiers et des magistrats doit promouvoir cet état d’esprit. Il faut que les pratiques contraires à l’esprit du code de procédure pénale soient sanctionnées par la nullité des interrogatoires. A défaut de la présence permanente de l’avocat, dispositif lourd et onéreux, la France pourrait se doter de cellules de garde à vue correctes, comme celles du commissariat central de Toulouse, équipées pour l’enregistrement vidéo des gardes à vue. Ce serait une garantie pour les policiers comme pour les suspects.

Tout cela ne changera pas en un jour. Il est toutefois une mesure simple qui aurait des effets immédiats : retirer à la police le droit de décider souverainement du placement en garde à vue. Puisqu’il est possible à un avocat de rencontrer son client dans les trois premières heures, on ne voit pas pourquoi il serait impossible de le présenter, dans le même délai, à un magistrat. La loi a créé un juge des Libertés et de la Détention pour retirer au juge d’instruction le droit de décider tout seul de l’incarcération d’un suspect. La garde à vue est une incarcération, il faut retirer aux policiers le droit de la décider tout seuls. Le juge des Libertés et de la Détention adoptera ou refusera la décision que lui proposeront les services de police. Bien entendu, cette décision ne doit pas pouvoir être prise par téléphone ou par fax. Cette mesure permettrait de faire que la période de garde à vue de ne soit plus une période de non-droit, comme c’est le cas actuellement, durant laquelle les policiers échappent à tout contrôle, n’ont de compte à rendre à personne : ils en ont trop abusé, il faut que cela s’arrête.

IV LA COMPARUTION IMMEDIATE

Il ne faut pas oublier que dans quatre vingt dix pour cent des affaires il n’y a pas d’instruction et que le justiciable se retrouve devant ses juges soit du fait d’une convocation par l’Officier de Police Judiciaire soit en comparution immédiate par saisine du parquet.
Dans le premier cas, il a la possibilité de préparer sa défense. Dans le second, les choses vont très vite et, le plus souvent, il comparait avec un avocat commis d’office qui ne connaît ni le dossier ni le client. L’enquête de personnalité est inexistante, la défense n’a pas les moyens de produire de preuves, ne serait-ce que celles de la représentabilité du prévenu, elle peut bien entendu demander un report, mais alors le malheureux reste, le plus souvent, en détention. La chronique hebdomadaire du journal Libération consacrée à cette justice à la chaîne éclaire sur les conditions pitoyables dans lesquelles elle est rendue : prévenu après prévenu, les mois de prison s’ajoutent les uns aux autres. Ce serait pourtant l’occasion pour le parquet de demander des peines de substitution. Il ne le fait pas ou si peu…
C’est beaucoup pour dénoncer cette justice-là que les magistrats sont descendus dans la rue le 19 janvier et le 9 mars 2002. Que disaient-ils ? Ecoutons-les : - « On envoie des gens en prison … alors qu’on n’a même pas le temps d’écouter leur défense … On ne voit que la surface des histoires, on peut briser des vies sans s’en rendre compte. ».
S’il est un domaine où la société doit se doter des moyens nécessaires pour éviter autant que faire ce peut l’exclusion, presque toujours définitive, d’hommes, presque toujours jeunes, c’est bien celui-là.
Il faut certes des moyens mais il faut aussi réfléchir à des peines autre que l’emprisonnement et si le passage en prison apparaît être la seule solution il faut qu’il devienne une occasion de repartir dans la vie avec un petit peu plus de chance de s’en sortir. Nous y reviendrons dans les réflexions consacrées à la prison.

V INSTRUCTION A CHARGE

La décision d’ouvrir une instruction appartient au Procureur de la République. Celui-ci n’est jamais obligé de le faire. Confronté à une situation pouvant entraîner des poursuites, il peut souverainement décider un classement sans suite, demander aux services de police une enquête préliminaire, décider de saisir immédiatement le tribunal correctionnel ou saisir un juge d’instruction.
Dès lors qu’il est saisi, le juge instruit. En théorie il instruit à charge et à décharge. Les partisans de la procédure inquisitoriale française voit là une immense supériorité de nos pratiques sur les pratiques anglo-saxonne : accusation et défense dispose des même moyens, du même juge d’instruction qui est censé aider autant l’avocat que le procureur. Hélas ! Toute cette belle théorie n’est qu’une farce. En réalité, sauf rares exceptions, force est de constater que le magistrat instructeur n’instruit qu’à charge. Les membres du groupe en ont fait l’expérience, les avocats le disent, les chroniqueurs judiciaires le savent et l’écrivent quelquefois. Il semble que ce soit ce qui est enseigné sans aucune ambiguïté à l’ENM. Enfin, si la loi du 15 juin 2000 éprouve le besoin de rappeler que le juge d’instruction instruit à charge et à décharge c’est bien parce que le législateur a constaté que ce principe n’était pas respecté.

Mais peut-on espérer qu’un texte de plus puisse faire changer l’état actuel des choses ? Peut-on croire qu’une redite obligera un juge d’instruction à changer ses habitudes et à consacrer du temps et de l’énergie à rechercher les éléments qui contribuent à la défense de la personne mise en examen ? La solution à cet abus est donc de confier l’instruction à décharge à une autre personne : l’avocat de l’inculpé.

Pour cela, il faut accroître son rôle.
- La mise en examen signifie aujourd’hui, sinon dans les textes mais en réalité, une présomption de culpabilité. La terminologie pourrait d’ailleurs être modifiée : « le présumé innocent » n’est pas tout à fait un « innocent » ! Faut-il parler d’un « innocent, présumé coupable » ? Cela correspondrait mieux à la réalité, « innocent » il le reste jusqu’à sa condamnation, si elle a lieu, « présumé coupable » il l’est indéniablement pour l’opinion publique, la presse et le juge comme se laisse aller à le dire publiquement Madame Eva Joly !
- L’avocat doit pouvoir librement interroger les témoins dans le cabinet du juge sans pour autant que soit organisée une confrontation, sans que la présence de son client soit nécessaire. Il doit pouvoir obtenir les expertises qu’il juge souhaitable pour la manifestation de la vérité, il doit être consulté dans le choix des experts qui à l’heure actuelle ne relève que du juge : ce sont toujours les mêmes qui sont retenus, beaucoup en vivent, très bien, sont économiquement dépendants des juges et ont pour premier souci celui de ne pas leur déplaire…
- Il appartient à l’Etat de prendre en charge une partie des honoraires de l’avocat devenu un peu plus encore auxiliaire de justice au moins à travers un forfait proportionné à la gravité des infractions examinées. Cela aura certes un coût mais, par contre, on peut attendre de ces dispositions une accélération du déroulement des instructions.

Ces mesures constitueraient une évolution vers l’abandon de l’actuelle procédure inquisitoire.
Il ne faut pas considérer la procédure accusatoire comme une panacée pour la simple raison qu’elle est utilisée dans les pays anglo-saxons. La justice américaine n’est pas à l’abri des critiques, elle ne saurait être notre modèle. Mais la Première République Française prévoyait déjà une procédure accusatoire qui fut mise en œuvre jusqu’à l’établissement du code de procédure pénale de 1808 .
Le principal reproche que l’on adresse à cette procédure est qu’elle ne met pas tous les accusés sur un pied d’égalité. L’instruction à décharge faite par l’avocat risque de dépendre des revenus de son client même si comme le suggère le Groupe Mialet l’Etat prend en charge une partie des coûts. Mais c’est déjà le cas : les accusés n’ont pas tous la possibilité de s’assurer les conseils d’un avocat de renom ou de payer des contre-expertises, voire de rassembler des preuves en leur faveur (cf. la comparution immédiate). Cette inégalité existe aujourd’hui, la procédure accusatoire ne l’aggravera pas. Rappelons enfin que les juges d’instruction ne sont saisis que de moins de 10% des affaires.

Le Groupe Mialet propose d’adopter une procédure contradictoire dans laquelle l’accusation ne dépend que du Procureur de la République qui a la haute main sur la police pour mener une instruction exclusivement à charge, l’instruction du dossier à décharge étant du ressort de l’avocat : procureur et avocat plaident de façon contradictoire devant un juge qui décide de poursuivre ou non, des suppléments d’enquête, des expertises, du contrôle judiciaire voire de la mise en détention provisoire. Ce juge ne serait autre que le juge des libertés et de la détention institué par la loi Guigou.

Monsieur Truche, Président de la Cour de Cassation, ne dit pas autre chose : « il n’est pas sain d’instruire et de juger en même temps. » Il souhaite la disparition du juge d’instruction remplacé par un « vrai juge » désigné par le Conseil Supérieur de la Magistrature qui prendra ses décisions après avoir entendu procureur et avocat de façon contradictoire. Le Procureur Général de la Cour de Cassation Jean-François Burgelin ne dit pas autre chose : « Le temps est venu de la procédure accusatoire. » De nombreux juges d’instruction ne pensent pas autre chose.

Les juges d’instruction actuels deviendraient donc pour partie des parquetiers, ainsi pourraient-ils continuer à instruire à charge, ou des juges de la liberté et de la détention.

VI LA DETENTION PROVISOIRE

Tous les citoyens peuvent se trouver confrontés à la justice qu’ils soient coupables ou innocents : bon an mal an, plus de deux mille personnes sortent de prison après avoir été reconnues innocentes de ce qui leur était reproché, sans oublier tous ceux qui cherchent dans le suicide la seule porte de sortie qui leur paraît accessible. De 1990 à 1997, 8555 détenus ont bénéficié d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement, dans le même temps d’autres, sont libérés sur décision du juge d’instruction ou de la Chambre d’Instruction. Ces personnes resteront ensuite des années sans entendre parler de leur affaire. Au terme du procès Chalabi, 51 personnes, sur 137, ont été relaxées (ou condamnées pour autre chose que l’incrimination qui leur était faite) ; de ce fait, 63 accusés ont effectué un total de trente trois années de détention provisoire « pour rien » !

Faut-il également citer la phrase si souvent entendue dans la bouche d’un juge d’instruction signant un mandat de dépôt : « Cela sera toujours ça de fait ! » Cette phrase signifie que le magistrat instructeur a déjà décidé la peine minimum que devra effectuer son « présumé innocent » !… Comme s’il se méfiait des juges du siège.

Les critères justifiant le placement en détention définis à l’article du code de procédure pénale ont été modifiés par la loi du 15 juin 2000 mais insuffisamment à notre gré. La loi du 9 septembre 2002 aggrave la situation en obligeant le juge d’instruction qui entend remettre un détenu en liberté de rendre une ordonnance motivée qui peut faire l’objet d’un référé-détention du parquet dans les quatre heures. L »’affaire passe alors entre les mains du premier président de la Cour d’Appel.

- L’invocation par le juge des « nécessités de l’information » (article 144 § 1er) n’est généralement qu’un prétexte. La rédaction de cet article date d’une époque où les moyens d’investigation et le type de preuves recherchées pouvaient nécessiter l’incarcération d’un suspect.
Aujourd’hui à l’inverse, les indices matériels sont contenus dans des fichiers inviolables (enregistrements téléphoniques, relevés de comptes bancaires, comptabilité d’entreprises, signatures biologiques etc...) d’une part et de l’autre les moyens de surveillance et d’enquête sont perfectionnés. De ce fait, un contrôle judiciaire est généralement suffisant pour poursuivre l’information dans des conditions garantissant la bonne marche de l’enquête et la mise en détention ne peut plus s’appuyer sur le § 1er de l’article 144 du CPP qui doit être supprimé ou dont l’application doit être limitée à de rares cas particuliers dûment justifiés.
- Le placement en détention pour « protéger l’inculpé » ne devrait pouvoir être ordonné qu’avec l’accord express de celui-ci.
- La notion de trouble à l’ordre public ne peut plus être prise en considération depuis la mise en œuvre de la loi Guigou pour prolonger une détention, mais elle l’est toujours pour la décider.
- Il faut que la mise en détention ne puisse plus être ordonnée que s’il est démontré par le juge des libertés et de la détention, dans une ordonnance motivée, que le mis en examen présente une « dangerosité sociale particulière » qui ne saurait être justifiée par le seul rappel des faits reprochés et de la peine encourue.
- Enfin, et surtout, doit être institué un numerus clausus interdisant d’incarcérer quiconque dans une maison d’Arrêt dont la capacité d’accueil est saturée.
- Le Groupe Mialet reconnaît que la création d’un juge des libertés et de la détention a porté des fruits… pendant une courte période. Bien entendu, ce juge confirme dans 90% des cas la position du juge d’instruction. Mais les juges d’instruction se voyant obligés de motiver leurs demandes de mises sous mandat de dépôt ont modifié sensiblement leur comportement : le nombre de personnes mises en détention provisoire au cours du premier semestre 2001 a baissé de 26% par rapport au même semestre de l’année précédente.
Hélas ! Après cette période où il semblait qu’il y ait un consensus pour faire diminuer le nombre de détenus, la campagne pour la présidentielle de 2002 a encouragé une nouvelle fois la répression. Les chiffres ont explosé : à l’été 2003 il y a plus de 60.00 personnes en prison pour 49.000 places et la République a lancé un programme de construction de 10.000 places supplémentaires ce qui ne laisse rien augurer de bon.
- Avant même la mise en œuvre de la loi sur la présomption d’innocence les chambres d’accusation commençaient à contrôler un peu plus sérieusement les décisions du magistrat instructeur, comme l’avaient montré les décisions de remises en liberté de Messieurs Roussin et Mitterrand incarcérés fin 2001 par leur juge d’instruction respectif sans raisons jugées valables. La création du juge des libertés a accéléré le phénomène. Pour que cela se généralise, leur responsabilité doit pouvoir être mise en cause. Si demain tout détenu qui bénéficie d’un non-lieu ou d’une relaxe est indemnisé de droit au titre de son préjudice moral et matériel selon un barème minimum préétabli, ces juges pourront être notés, au moins partiellement, en fonction du volume des indemnités que l’Etat aura versées du fait des déficiences de leur contrôle. Ajoutons qu’à l’inverse il faudra tenir rigueur à ceux qui remettraient en liberté des personnes dangereuses.

La détention a, pour les prévenus, les mêmes défauts que pour les condamnés… plus quelques uns ! Les maisons d’arrêt sont surpeuplées ce que ne sont pas les CD et les centrales, leurs règlements sont plus sévères de ce fait la dignité des personnes est niée et leur déresponsabilisation maximale. Mais surtout la détention préventive crée - pour de mauvaises raisons, la recherche des aveux - des peines lourdes pour les familles et quelquefois pour les entreprises

L’adoption d’une procédure contradictoire éviterait nombre des excès actuels sans multiplier le nombre des juges. Faute d’adopter une telle procédure, la réforme des critères de mise en détention provisoire, le réel contrôle des dossiers par les juges des libertés et l’adoption d’un numerus clausus pour limiter le nombre de détenus en Maison d’Arrêt au nombre de places disponibles constituent les seules réformes utiles. Il est à craindre que la loi du 15 juin 2000, malgré ses avancées, ne fasse pas disparaître l’actuel culte voué à la détention provisoire par les juges d’instructions médiatiques qui s’en font une opportunité d’apparaître dans la presse sauf à interdire à la presse de citer leur nom.

VII LE CONTROLE JUDICIAIRE

Actuellement, il est prononcé sans limitation de durée. Or, c’est une mesure coercitive. Sa durée maximale devrait être fixée à quelques mois comme c’est le cas pour la détention provisoire. Comme elle, il ne pourrait être renouvelé qu’au terme d’une procédure contradictoire susceptible d’un appel

Le contrôle judiciaire peut interdire l’exercice d’une profession, condamnant ainsi le mis en examen à la mort économique : en effet, le salarié voit son contrat de travail suspendu mais les Assedic ne le prennent pas en charge. Une telle décision est prise pour éviter la récidive. Mais, lorsqu’il s’agit d’un chef d’entreprise, surtout d’une petite entreprise, les conséquences touchent non seulement sa personne et sa famille mais aussi son entreprise et ses employés. Il devrait être possible de le laisser dans ses fonctions sous le contrôle d’un mandataire ad hoc. Rappelons que la Convention Européenne des Droits de l’Homme (article 6) prévoit le droit au travail.

La loi du 15 juin 2000 a apporté une heureuse modification : le juge d’instruction ne peut plus interdire l’exercice de sa profession à un avocat sans demander l’avis de son bâtonnier. C’est une bonne mesure qui devrait être étendue à toutes les professions, en commençant par les médecins, avec des modalités à déterminer, faute de quoi le groupe Mialet serait amené à continuer de penser que la connivence entre magistrats et avocats n’est pas un vain mot.

Par ailleurs, il faut s’alarmer de l’inflation du montant des cautions. On demande cent mille francs à une secrétaire qui en gagne quatre-vingt par an ! Dix millions à M Biderman que l’on ramène à cinq, comme si c’était la même chose ! Y a-t-il un lien avec l’inflation des dépenses de la justice ? Le loyer de l’immeuble consacré à la section financière (ex immeuble du Monde) coûte vingt-cinq millions par an. Les tarifs des experts, toujours les mêmes, sont exorbitants et échappent aux règles de dévolution des marchés publics.

VIII LES PEINES ANNEXES

Contrôle fiscal, suppression de l’autorité parentale, privation des droits civiques, inéligibilité... On a quelquefois l’impression qu’il s’agit de s’assurer que le condamné n’ait aucune chance de se réinsérer.
- Il est légitime de demander le contrôle fiscal des condamnés pour des délits financiers. Il n’est pas normal de le faire remonter à dix ans. Cette mesure avait été prise à l’encontre des trafiquants de drogue, elle se généralise. Or personne ne garde la justification de ses dépenses au-delà de quatre ans. Comment dès lors dialoguer avec les services fiscaux ?
- La suppression de l’autorité parentale peut être bienvenue pour protéger les enfants. Toutefois, l’interdiction de voir ses enfants doit être extrêmement rare tellement ce lien participe à la bonne insertion dans la société et du parent et des enfants.
La privation des droits civiques à une époque où certaines élections connaissent des taux d’abstention de 60%…
- L’inéligibilité apparaît bien comme une volonté de certains magistrats de se placer au-dessus du suffrage universel. Qu’on impose à tout candidat de faire connaître ses condamnations afin que le peuple sache pour qui il vote, soit ! Mais qu’on prétende interdire aux électeurs de voter pour une personne donnée c’est avoir de leur sagesse une bien piètre idée. D’ailleurs, que voit-on ? A peine leur inéligibilité a-t-elle disparue que Messieurs Emmanuelli ou Balkany sont réélus triomphalement : c’est la volonté du peuple, que les magistrats ne se mêlent pas du choix des électeurs.

IX L’ESPACE JUDICIAIRE EUROPEEN

Il est souvent réclamé par les magistrats instructeurs pour les besoins de leurs enquêtes. Le Groupe Mialet considère qu’ils sont fondés à le faire. Un premier pas a certes été fait avec l’adoption du Mandat d’Arrêt Européen (JO du 26/03/03). Mais il convient que parallèlement soient harmonisés les codes de procédures pénales des différents pays de l’Union Européenne et que cette harmonisation constitue un alignement sur les pratiques des pays qui respectent le mieux les droits de l’homme.

Il n’y a eu dans les projets de réforme de Madame Guigou aucune référence aux pratiques des pays qui nous entourent. Il est paradoxal que la Loi du 15 juin 2000 n’ait pas évoqué un début d’harmonisation entre les différentes conceptions de la présomption d’innocence et surtout entre les différentes façons de respecter les droits du « présumé innocent ». Le droit français doit s’aligner sur ceux qui offrent les plus grandes garanties aux mis en examen contrairement aux pratiques françaises actuelles qui ne sont pas le modèle du genre ainsi que la Fédération Internationale des Droits de l’Homme vient de le proclamer. La conclusion du procès Chalabi ne lui inflige pas de démenti, c’est le moins que l’on puisse dire !
Les seules évolutions, heureuses, constatées ont été décidées sous la contrainte de la Cour Européenne des Droits de l’Homme : ainsi n’est-il plus obligatoire de se constituer prisonnier pour que soit examiné son pourvoi en cassation, non plus que pour faire appel d’une condamnation de première instance à une peine de prison ferme ; ainsi peut-on être amené à juger à nouveau une personne si le jugement qui l’a condamnée a fait l’objet d’un arrêt de la Cour Européenne. Saluons la décision prise lors de la réunion des Chefs d’Etat à Nice d’adopter une Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Ses articles 47 à 54 rappellent ’ pourquoi était-il besoin de le faire ? ’ des principes que le système judiciaire français oubliait trop souvent. Tout doucement, trop doucement, la Cour de Cassation les fait passer dans notre droit.
Le Groupe Mialet souhaite une harmonisation des codes afin que vérité en deçà des Pyrénées ne soit plus erreur au-delà.

X LA PROCEDURE CONTRADICTOIRE

A différentes reprises dans ce texte, nous avons indiqué notre désir de voir l’actuelle procédure française dite « inquisitoire » supprimée. Il ne s’agit pas pour nous de céder à une quelconque mode qui voudrait qu’en matière pénale la vérité soit détenue par les anglo-saxons à l’instar de ce que certains pensent en matière économique. Bien au contraire : le pourcentage de personnes incarcérées aux Etats Unis et l’obstination de ce pays à conserver la peine de mort nous font horreur !
Mais la première République française avait déjà adopté une procédure accusatoire qui a été mise en œuvre de l’an IV à 1808, année où elle fut abrogée par Napoléon 1er, celui-là même qui avait rétabli l’esclavage tout juste aboli.
Il n’est pas inintéressant de relire le premier code pénal républicain. Il avait abrogé la peine de mort et plafonnait la durée de la détention à 20 ans…
Rappelons que seuls 7% des dossiers font l’objet d’une instruction et que notre procédure évolue tout doucement vers plus de « contradictoire » cependant qu’en Angleterre elle évolue vers plus d’« inquisitoire ». Le moment nous semble venu de franchir une étape qui clarifiera les choses.
Nous souhaitons la disparition des juges d’instruction qui usurpent le nom de « juge » : ils devraient d’ailleurs être désignés par le terme « magistrat instructeur » ou plus simplement « instructeur ». Nombre d’entre eux que nous avons rencontrés le souhaitent également et ajoutent que c’est inéluctable. Monsieur Truche, ancien premier président de la Cour de cassation, déjà cité, le redit dans son livre « Juger et être jugé ». 
Dès lors, l’instruction - l’enquête - sera confiée au procureur qui utilisera pour la mener à bien les services de police.
Plaideront donc devant le juge des libertés et de la détention le procureur à charge et l’avocat à décharge. Le juge décidera alors au terme d’un débat contradictoire de la mise en examen, du contrôle judiciaire voire de la mise sous mandat de dépôt.
Nous ne retenons pas l’objection souvent faite à ce système de défavoriser les pauvres qui ne pourraient s’offrir de bons défenseurs. Soutenir cette idée, en ignorant qu’aujourd’hui elle s’applique à 90% des affaires, est faire de l’intellectualisme, de l’angélisme. Le problème des personnes démunies se pose dans l’un et l’autre système et mérite d’être résolu par la mise en œuvre des mêmes dispositions qui ne coûteront pas plus cher dans une procédure « contradictoire » que dans l’actuelle procédure inquisitoire. 
Cette réforme impliquerait une totale séparation du corps des procureurs de celui des magistrats, tout comme celui des magistrats est distinct de celui des avocats. Ils devraient être formés dans des écoles différentes mais surtout leur carrière ne devrait plus pouvoir se dérouler en allant du siège au parquet et réciproquement. Tout au plus serait admissible un passage unique dans un sens ou dans l’autre sans possibilité de retour.

XII LA RESPONSABILITE DES JUGES

Octobre 2003, le parquet de Paris requiert six mois de prison avec sursis contre une institutrice prévenue d’homicide involontaire après la mort d’un élève de 10 ans dans l’escalier de son école Il lui est reproché d’avoir laissé sa classe descendre dans la cour sans surveillance. Le petit garçon a voulu glisser sur la rampe et a basculé dans le vide. Un autre instituteur comparaissait devant le tribunal correctionnel de Bobigny parce qu’une de ses élèves qui s’était assise sur le rebord d’une fenêtre était tombée dans le vide alors qu’il avait le dos tourné. 
Ces exemples de poursuite au pénal en recherche de responsabilités d’enseignants, d’élus locaux, d’architectes, d’ingénieurs, de médecins, de chefs d’entreprise mais aussi de conducteurs de locomotives, de contremaîtres ou de moniteurs de ski, abondent. Les élus ont fini par s’émouvoir d’une pratique qui les expose, eux et les fonctionnaires ou plus généralement tous les décideurs publics. Ils ont voté juin 2000 une nouvelle loi sur les délits non intentionnels qui restreint les possibilités de poursuite .

Qu’en est-il des magistrats ?

Le rapport du Conseil supérieur de la magistrature pour l’année 2001 a traité de 10 cas de fautes professionnelles de magistrats du siège et de 6 cas de magistrats du parquet. En 2000, il n’y eu que 6 dossiers de traités.
Pour les magistrats du siège, sur les 10 dossiers examinés en 2001, 6 l’ont été à la suite d’une procédure judiciaire ouverte à l’encontre des magistrats concernés et donc 4 seulement pour des motifs purement professionnels (un pour alcoolisme au travail en public qui s’est traduit par une mutation, un pour carence " absence de travail " qui s’est traduit par une mutation, un autre pour avoir laissé un dossier en déshérence pendant 5 ans qui s’est traduit par une absence sanction ( !), etc…). Dans toute entreprise, l’alcoolisme sur les lieux de travail aurait été considéré comme une faute lourde entraînant le licenciement…

Il n’y a aucun examen du rôle des magistrats qui ont pris des décisions erronées, condamnations d’innocents (on pense à Patrick Dils), incarcérations provisoires injustifiées (on pense au procès Chalabi), remises en liberté de dangereuses (on pense à l’affaire dite du « chinois » en décembre 2000) etc… c’est à dire aucun examen de faits qui pourraient être qualifiés de « délits non intentionnels ».

Faut-il parler de ce juge d’Angoulême qui pratique l’art de la masturbation en plein tribunal, en public, siégeant pour juger !! Il était en mi-temps thérapeutique… malade le matin, magistrat délivrant sanctions, condamnations et peines l’après-midi !! Imaginez le même comportement dans une école, que diraient les parents d’élèves ?

Pour ce qui est des magistrats du parquet examinés en 2001, trois des dossiers concernent les disparus de l’Yonne pour lesquels certaines sanctions décidées ont été annulées ultérieurement ! Rappelons que le rapport de l’inspection générale des services judiciaires avait le 17 avril 2002 conclut que le tribunal d’Auxerre n’avait commis aucune faute ! Parmi les autres une place particulière doit être accordée à celui de ce magistrat parlant à la télévision de charniers d’enfants en région parisienne qui n’existent que dans son imagination. On peut se demander si il dispose de l’équilibre psychologique nécessaire à l’exercice de ses fonctions…

Tout cela témoigne d’une absence totale de gestion des ressources humaines du ministère de la justice. Tout cela témoigne d’un mépris absolu de la qualité des instructions et des jugements rendus.

Pour ce qui est du premier point qui entraîne une grande inefficacité, un immense gaspillage des budgets et des hommes il pourrait sembler que c’est aux contribuables de s’en émouvoir, mais pas aux justiciables. Pourtant, les justiciables sont concernés au premier chef ne serait-ce que parce que le mauvais fonctionnement du système se traduit par des délais insupportables. A l’automne 2003 on attend le verdict du second volet de l’affaire Elf pour des faits ont été commis entre 1989 et 1991, on reparle de l’affaire des disparues de l’Yonne dont les premiers faits ont commencé en 1977, la presse traite de l’affaire de Toulouse qui s’est déroulée au début des années 1990, on juge un volet de l’affaire du Crédit Lyonnais qui remonte à 1991-92, etc… Aux Etats- Unis le directeur financier d’Enron dont la faillite remonte à décembre 2001 est déjà jugé, condamné et a commencé d’exécuter sa peine... Aux Etats-Unis, toujours, s’ouvre en octobre 2003 le procès de John Allen Muhammad, accusé d’avoir tué 10 personnes dans la région de Washington à l’automne 2002 … Mais même à Bali, même au Maroc les affaires sont menées plus rapidement !
 
Quant à la qualité des instructions ! Ont été reconnus innocents par les tribunaux qui les jugeaient messieurs Robert Hue , Dominique Strauss-Kahn, Roland Dumas, Christian Pierret après des années de mise en examen et de contrôle judiciaire qui leur ont gâché autant d’années de leur vie. L’affaire des Ciments Français s’est terminée par une relaxe générale, celle de la banque Pallas Stern également. Pourtant le pôle financier de Paris a été créé en 1999 et doté de moyens considérables.

Le pire est peut-être la clôture par la Cour de Cassation le 18 juin 2003 de l’affaire du sang contaminé qui a agité la France pendant une vingtaine d’années pourquoi le supprimer ? ou encore l’annulation par la même Cour de Cassation le 1er octobre 2003 de l’accusation d’homicides involontaires portée contre Buffalo Grill. Qui compensera les préjudices considérables que l’instruction de Madame Bertella-Geffroy a causés à cette entreprise, à ses dirigeants et à son personnel ? Ce juge avait admis vouloir bousculer le code pénal et la jurisprudence jugés « inadaptés au domaine de la santé publique, notamment aux catastrophes sanitaires. » Il n’appartient pas aux juges de juger la loi !

Qui regarde ce que coûtent ces instructions ? Qui accepte que les procès aient lieu alors que les dossiers de l’accusation sont notoirement mal ficelés ?

Dominique Perben entend instituer des primes pour récompenser les magistrats efficaces. Il a raison. Mais l’efficacité ne doit pas être mesurée seulement par le nombre des dossiers traités mais aussi par la qualité avec laquelle ils ont été traités. Bien plus, il ne faut plus que la réussite au concours d’entrée à l’Ecole Nationale de la Magistrature donne un permis de juger à vie. La réussite des magistrats doit se juger à l’aune de leurs résultats, de la reconnaissance de leu sérieux et de leur compétence, de dossiers bouclés, de jugements équilibrés, du respect de la loi et des rendus des décisions dans des temps raisonnables.

Le Groupe Mialet souhaite qu’une véritable Direction des Ressources Humaines et une véritable Direction du Contrôle de Gestion soient créées au ministère.

Mais surtout le Groupe Mialet demande que les magistrats, qui se veulent indépendants, en acceptent les contraintes : un jugement rendu implique une responsabilité publique, celle de justifier de ses actes. Et, si erreur il y a, celui ou celle qui l’a commise doit en accepter les conséquences. S’il faute il y a, il sera jugé et, coupable, condamné, condamné aussi à payer des indemnités, comme tout citoyen commettant une faute, comme à tous ceux à qui ils délivraient si généreusement ces sanctions .

Un juge peut aussi être un coupable !

Dans ce cas là, et pour se protéger, il leur restera à contracter une assurance professionnelle comme n’importe quel médecin, artisan, promoteur, entrepreneur, enseignant, etc…
Impossible, direz-vous ! Ah bon et pourquoi l’impose-t-on à un constructeur, à un avocat, le recommande-t-on à un enseignant ?....
Révision déchirante de la situation actuelle où, par facilité, habitude, confort intellectuel et hypocrisie, les magistrats bénéficient de la judiciarisation de notre société, en sont les arbitres, jugent et sanctionnent telle ou telle faute professionnelle, mais s’en auto-dispensent.
Le corporatisme puissant du monde de la magistrature en sera bouleversé, nous pensons qu’à l’évidence les instructions ne se feront plus par-dessus la jambe, les décisions seront prises avec plus de pondération, avec un authentique sens de la responsabilité, un respect du citoyen qu’ils auront devant eux.
 
Comment et par qui les juger. La réponse ne va pas de soi. Le Groupe Mialet propose que la Commission de Discipline chargée de sanctionner les magistrats coupables de fautes professionnelles ne soit plus une émanation de la seule CSM, qu’il y siège des avocats, des représentants de la société civile et un observateur de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Et pourquoi pas un tribunal, où, prévenus, ils auront comme chacun d’entre nous à répondre publiquement de leurs actes ? 

CONCLUSIONS

Ces réflexions ne sont que pistes, que sujets à débat…
Devons nous nous satisfaire de ce qu’est la justice aujourd’hui dans notre pays ? Non ! Nous devons, au contraire, lutter pour obtenir ces bouleversements sociaux et intellectuels qui feront « bouger les lignes », qui remettront en cause les vieux corporatismes, qui n’accepteront plus la défausse de responsabilité au nom d’une soi-disant indépendance ?

La Loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence a présenté des avancées intéressantes, telles que l’enregistrement des interrogatoires pendant la garde à vue pour les mineurs, le relèvement des seuils des peines nécessaires à la mise en détention provisoire, l’institution d’un juge des libertés et de la détention, la généralisation des indemnités versées aux personnes incarcérées à tort et enfin le rôle accru de l’avocat pendant la garde à vue, l’instruction et le procès. Certes, après sa mise en œuvre, la délinquance a progressé... comme elle le faisait avant... Il faut la conserver, la faire évoluer, imposer certaines de ses mesures que nous jugeons très positives, y ajouter « l’enregistrement des gardes à vue par exemple, faire en sorte, surtout, que la responsabilité personnelle des magistrats puisse être mise en cause, ni plus ni moins que celle d’un directeur d’école, d’un maire ou d’un médecin.

Le projet de loi Perben nous apparaît très inquiétant. Certes, il est possible de penser que le plaider coupable pourra faire progresser la compréhension par les condamnés de la réalité de leurs erreurs et qu’il désengorgera les tribunaux. Certes, il est possible de penser que l’institution d’un statut du repenti ne fait qu’entériner et clarifier ce qui existe déjà. En revanche, l’extension, dans des limites mal précisées, des pouvoirs de police ne peut qu’horrifier les honnêtes gens, les vrais bandits étant, eux, bien armés pour résister aux nouvelles pression qu’ils auront à subir. Non… il est possible laisse à Arboux la possibilité de penser le contraire…

La véritable question qu’il faut se poser est : « Faut-il attendre de nouveaux textes qu’ils soient capables de changer le comportement quotidien des magistrats ? » Les textes existants ne sont pas si mauvais : aucun n’oblige le parquet à réclamer, le juge d’instruction à décider l’incarcération provisoire du capitaine d’un bateau qui a coulé, du guide de montagne qui n’a pas su prévoir une avalanche ou d’un père de famille qui n’a pas ramené son enfant le dimanche soir à son ex-épouse.

Il est bon que les juges soient devenus des contre-pouvoirs aux hommes politiques dont l’impunité frisait quelquefois l’insolence. Il n’est pas bon que les hommes politiques n’osent plus prendre les décisions qui sont de leur ressort (foulard islamique, obligation d’une vaccination contre l’hépatite…) ou voter des lois qui leur semblent nécessaires (redéfinition de l’ABS par exemple).Parlons-en…

L’application à la lettre des textes de loi parus se suffirait à elle-même si l’on n’observait pas à l’heure actuelle un curieux chassé-croisé entre les élus du peuple qui se soucient de jurisprudence et les juges qui entendent faire la loi. Ce sont les juges qui ont décidé que l’abus de biens sociaux est imprescriptible, c’est Monsieur le député René Dosière qui rappelle à l’ordre les représentants du monde judiciaire, dans son discours à l’Assemblée Nationale, en leur précisant, au nom de la Commission des Lois, « le souhait unanime de la Commission d’obtenir de la part des différentes juridictions, une application de cette proposition de loi qui soit conforme à la lettre et à l’esprit que le législateur a entendu lui donner. »  : on ne peut pas mieux dire que le législateur considère que la lettre et l’esprit des lois ne sont pas respectées par les magistrats !

Ces pages n’auront de sens que si elles provoquent des interrogations chez vous, que si vous réalisez toute l’incohérence du système, que si vous prenez conscience des tunnels sans fin des instructions, des sommes colossales gaspillées pour des dossiers jamais clos et inaboutis laissant prévenus et justiciables sur leur faim, un goût amer dans la bouche, que si vous comprenez que le monde judiciaire est sur la mauvaise pente, que les citoyens de ce pays, ne croyant plus à l’équité du jugement rendu, se tourneront vers d’autres horizons, là où la raison du plus fort prime, là où les puissants ont toujours raison et les faibles toujours tort, là où il n’existe plus de République, de liberté de penser, ailleurs, là où les membres du Groupe Mialet ne veulent pas aller.

Le Groupe Mialet
18/10/2003