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MA de Villepinte - Théâtre avec Jean-Luc Moisson

Publié le samedi 25 octobre 2003 | https://banpublic.org/ma-de-villepinte-theatre-avec-jean/

BILAN DE L’ATELIER THÉÂTRE DE LA MAISON D’ARRÊT
DE VILLEPINTE (SEINE SAINT DENIS) DE 2000 À 2003.

Partenaires :

  • SPIP de la maison d’arrêt
  • Centre Culturel Aragon de Tremblay-en-France

Animateurs :
Jean-Luc Moisson de la compagnie Les Moissonneurs des Lilas (JLM)
Rozenn Biardeau de la compagnie Les Scénophiles Tranquilles (RB)

Buts de l’atelier :

  • Proposer un moyen d’expression artistique aux détenus
  • Construire un lien avec l’extérieur pour préparer les détenus à un retour dans la société et, pour ceux qui ne peuvent l’imaginer à court ou moyen terme, leur permettre de ne pas perdre contact avec la vie.

Calendrier des actions accomplies :

  • Été 2000 : stage d’initiation théâtrale - 2 semaines (60heures) JLM
  • Saison 2000-2001 :
  • atelier hebdomadaire, 3 heures par semaine, 34 séances
    (102 heures)D JLM
  • lectures d’extraits de romans à la bibliothèque de la maison d’arrêt - JLM
  • Été 2001 : stage de création, 3 semaines (90 heures) - JLM /RB
  • Saison 2001-2002 :
  • atelier hebdomadaire, 3 heures par semaine, 35 séances (105 heures) - JLM
  • lecture de textes écrits par des détenus au centre culturel Aragon
    deTremblay en France par des comédiens professionnels - JLM
  • Été 2002 : stage de création, 4 semaines (120 heures) - JLM /RB
  • Saison 2002-2003 :
  • d’octobre à mars : atelier hebdomadaire, 3 heures par semaine, 23 séances (69 heures) - JLM/RB
    - avril : stage de création, 2 semaines (60 heures) JLM /RB

En trois ans, deux lectures-spectacles, trois spectacles ont été réalisés à la maison d’arrêt ainsi qu’une lecture de textes écrits par les détenus au centre culturel Aragon de Tremblay-en-France.
Total des heures : 606 heures
Nombre de participants : 82 (plus de 150 personnes sont passées aux divers ateliers et stages)
Détail des actions accomplies :

  • Été 2000 : stage d’initiation théâtrale (60 heures) JLM

Salle mise à disposition : 16 m2.
Nombre de participants : 12

Contenu de l’atelier :
Apprentissage de la respiration, relaxation, échauffement corporel, travail de la voix.
Écriture de textes à partir de thèmes proposés.
Lecture de ces textes et théâtralisation.
Travail de chœur.

  • Saison 2000-2001 : atelier hebdomadaire (102 heures) JLM

Salle mise à disposition : 16 m2
Nombre de participants :12

Contenu de l’atelier :
Apprentissage de la respiration, relaxation, échauffement corporel, travail de la voix
Travail d’écriture sur leur vécu en prison.
Improvisations.
Découverte du texte :

  • travail autour des fables de La Fontaine( chaque détenu a choisi de travailler une fable dont la morale correspondait à sa propre histoire)
  • Lecture-spectacle en fin d’année de « Tue la mort » de Murphy présenté aux autres détenus de la maison d’arrêt.( participation de RB à la lecture)

Bilan :
Désir des détenus de passer à l’acte théâtral.

Lectures d’extraits de romans à la bibliothèque de la maison d’arrêt pour donner le goût de lire et faire découvrir des auteurs. JLM

  • Été 2001 : création d’un spectacle de l’écriture à la réalisation (90 heures) JLM/RB

Salles mises à disposition : 16 m2 et salle polyvalente (gymnase)
Nombre de participants : 14

Déroulement du stage :
Conjointement à un travail d’initiation théâtral s’est déroulé un travail à la table où chacun a pu exprimer les thèmes qu’il souhaitait aborder puis, un travail d’improvisations s’est mis en place pour explorer chacun des thèmes.
Aller et retour entre table et plateau a fin de cerner les thèmes retenus
Mise en espace, en lumière et en musique du travail accompli.
Présentation devant les détenus de la maison d’arrêt et le personnel administratif et médical.

Titre du spectacle : « Dieu, Diable, la tour de Babel et les sept pêchés capitaux »
Thème : Après avoir constaté son échec de dresser les hommes contre Dieu avec la tour de Babel, le Diable a l’idée d’insuffler aux hommes les pêchés capitaux.

Il est à noter une collaboration avec les ateliers-poterie et céramique qui ont réalisé des accessoires pour le spectacle.
Le centre culturel Aragon a mis à disposition et installé le matériel d’éclairage.

Bilan :
Les détenus désirent poursuivre et approfondir l’expérience ainsi que plusieurs spectateurs ayant assisté au spectacle.

  • Saison 2001-2002 : atelier hebdomadaire (105 heures) JLM

Salle mise à disposition : salle polyvalente (gymnase)
Nombre de participants : 16

Contenu de l’atelier :
Après avoir acquis un vocabulaire commun de travail et suite au désir des stagiaires de monter une pièce écrite, après lecture de plusieurs ouvrages, nous nous sommes arrêtés sur un texte de Christian Rullier « Football et autres réflexions ».
Texte contemporain très critique sur l’univers du football et ses à-côtés : les médias, les supporters, les sommes mises en jeu, ….La coupe du monde se profilait à l’horizon.
Trois semaines avant la représentation, deux des acteurs ayant été transféré et un troisième libéré, nous avons transformé le projet en une lecture spectacle.

Bilan :
Si tous les participants se sont investis dans le travail, il est à noter pour la plupart des difficultés pour apprendre un texte qu’ils n’ont pas écrit eux-mêmes.

Lecture de textes écrits par les détenus au Centre Culturel Aragon de Tremblay-en-France lors du Festival « Le théâtre en train de se faire »
Les textes lus par des comédiens attachés au centre culturel Aragon ont été choisis par les détenus et mis en espace par JLM.
Il est à noter la joie qu’ont eue les écrivains de ces textes sachant qu’ils seront lus à l’extérieur de la maison d’arrêt devant un « vrai public ».

Été 2002 : création d’un spectacle de l’écriture à la réalisation (120 heures) JLM/ RB

Salle mise à disposition : salle polyvalente (gymnase)
Nombre de participants : 15

Nous avons procédé comme l’été précédent avec plus de temps à notre disposition ce qui nous a permis d’approfondir le travail et de présenter un spectacle plus conséquent à la fin du stage.

Titre : « Les mille et un voyages de Liverglu »
Thème : libre adaptation des voyages de Gulliver où notre héros se trouvait confronté à de nombreuses épreuves selon les mondes qu’il rencontrait.

Là encore s’est nouée une collaboration avec les ateliers poterie et radio de la maison d’arrêt.
Bilan :
Très positifs, les retours nous incitent à explorer d’autres pistes de l’univers théâtral.

Saison 2002— 2003 :

Salle mise à disposition : salle polyvalente (gymnase)
Nombre de participants : 15

  • d’octobre à mars : atelier hebdomadaire (69 heures) ’ JLM /RB

Compte tenu des difficultés qu’éprouvent certains à jouer devant les autres détenus, nous avons décidé de faire un travail sur le masque.

Contenu de l’atelier :
Réalisation d’empreinte des visages de chacun à l’aide de bandes plâtrées
Confection par les détenus de masques à partir des empreintes
Apprentissage du jeu masqué, construction de personnages et de canevas d’histoires.

Lors d’un atelier, nous avons reçu la visite de membres du SPIP du bâtiment D2 de Fleury-Mérogis qui avaient entendu parler de notre travail et des négociations sont en cours pour que nous intervenions là-bas.

  • avril : stage de création d’un spectacle à parti du travail réalisé autour des masques (60 heures) JLM /RB
    Titre : « La valise magique »
    Thème : dans un aéroport, à la suite de la découverte d’une valise d’où s’échappaient des musiques variées, des scènes masquées se mettent en place inspirées par l’univers musical proposé.

Bilan : jouer masqué implique un investissement corporel beaucoup plus grand pour faire passer les émotions et cela n’a pas été évident pour tous.

Laissons la parole aux participants des ateliers et stages :

« Je suis très heureux, cela m’a apporté beaucoup de joie »
« J’y croyais pas trop en vérité, surtout avec le peu de moyens qu’on avait, mais ça c’est bien passé et, à la fin, c’était plus que réussi »
« On est tous vainqueurs »
« C’était très enrichissant, ça m’a vraiment apporté quelque chose »
« On a appris la tolérance, on a appris à se connaître et à laisser tomber la façade pour aller au cœur de l’individu »
« C’était super, les coups de gueule, les fous rires, la relaxation, tout quoi…. »
« Cela permet d’évacuer un peu »
« L’histoire est née dans nos têtes et c’était très beau »
« Cela nous permet d’apprendre à vire en collectivité »
« Le stage m’a permis de mieux me connaître ; à communiquer aussi, à vaincre ma timidité, à parler en public ; ça sert à tout, le théâtre »
« Le théâtre, ça nous rend moins nerveux »
« Le stage m’a permis de sortir du rôle que l’on joue tout le temps en prison, à créer des liens, à travailler en groupe, à apprendre à s’écouter. Pour moi, c’est le début de la réinsertion »
« Parler avec des gens de l’extérieur, ça fait du bien ; surtout avec une femme, par ce que, au bout d’un moment, on sait plus comment leur parler, aux femmes….. »
« J’étais dans un cauchemar, j’allais voir la psy ; maintenant, grâce au théâtre, je vais bien et j’ai plus besoin de la psy’ »
« Ce travail, ça m’a vraiment ému par ce que, malgré les différences sociales, de religions ou de culture, on a pu s’entendre et créer un spectacle ensemble. En plus, c’était un beau spectacle ! »

  • Bilan de l’activité :
    Les acquis :
  • Constituer un groupe et y intégrer chaque participant.
  • Créer un contexte favorable au travail en équipe et travail individuel.
  • Apprendre à se détendre et à éliminer ses tensions.
  • Valoriser l’individu dans une confrontation socialisée.
  • Développer ses aptitudes à communiquer au travers des techniques
    d’expression verbale et corporelle.
  • Retrouver l’habitude des relations sociales.
  • Apprendre à travailler avec un objectif.
  • Enrichir les images de soi, renforcer la confiance et l’estime de soi.
  • Améliorer son expression orale et gestuelle.
  • Développer sa créativité.

Il est difficile aux participants d’entrer dans un court laps de temps dans un processus de création car, pour se faire, il faut :
- accepter de faire confiance aux animateurs et aux autres membres du groupe

  • accepter de ne pas savoir où l’on va or, pour des personnes qui sont en attente de leur jugement et ne connaissent pas leur devenir, ce n’est pas chose facile
  • accepter de jouer et de s’exposer devant les autres détenus car, si cela ne leur plaît pas, ces derniers le font savoir et pendant longtemps
    D’où la nécessité d’un temps de travail de trois semaines minimum plutôt que de travailler sous forme d’ateliers hebdomadaires sur l’année compte tenu de la spécifié même de la maison d’arrêt et des départs permanents des détenus.

Perspectives :

Compte tenu la dynamique mise en place et du travail effectué, il m’apparaît indispensable de continuer à proposer un travail théâtral à la maison d’arrêt de Villepinte sous forme de stages de trois à quatre semaines avec création de spectacles à la clé à raison de deux ou trois stages par an.
Jean-Luc Moisson