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Circulaire AP, 20 juillet 2001 - Lutte contre l’indigence

Publié le samedi 3 mai 2003 | https://banpublic.org/circulaire-ap-20-juillet-2001/

Lutte contre l’indigence

AP 2001-05 PMJ3/20-07-2001
NOR : JUSE0140057C

POUR ATTRIBUTION
Directeurs régionaux des services pénitentiaires - Chef de la mission outre-mer - Chefs d’établissement - Directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation - Directeur de l’ENAP - Directeur du service de l’emploi pénitentiaire

- 20 juillet 2001 -

Sommaire :
INTRODUCTION
I. – LES PROCÉDURES DE REPÉRAGE DE L’INDIGENCE
 1. A l’arrivée de la personne
 2. Le critère financier
II. – LA COMMISSION PLURIDISCIPLINAIRE DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES EN SITUATION D’INDIGENCE
 1. Les membres de la commission
 2. La périodicité des réunions
III. – LES RÉPONSES À APPORTER AUX SITUATIONS D’INDIGENCE
 1. A l’arrivée : développer l’aide matérielle
 2. Pendant la détention : favoriser l’accès aux activités
 2.1. Le travail pénitentiaire
 2.2. L’enseignement
 2.3. Les activités socio-éducatives, culturelles et sportives
 3. La sortie : mobiliser les aides
 3.1. L’aide administrative en vue de la sortie
 3.2. Les aides matérielles réglementaires
IV. – LES INDICATEURS D’ÉVALUATION DE LA LUTTE CONTRE L’INDIGENCE
 1. Objectif 1 : poursuivre la mise en place des procédures de repérage et d’aide aux détenus indigents
 2. Objectif 2 : accroître les actions visant à favoriser l’accès des détenus repérés indigents aux activités rémunérées et non rémunérées
 3. Objectif 3 : poursuivre la mise en œuvre des dispositions applicables aux détenus sortants dont les ressources sont insuffisantes
Annexe :
Données de base à recueillir pour la tenue des indicateurs
 
INTRODUCTION
Le rapport sur l’amélioration des conditions de repérage et de prise en charge des personnes en situation d’indigence de février 2000 a proposé un cadre de réflexion et d’action pour lutter contre la pauvreté en prison.
D’ores et déjà, les circulaires relatives aux missions des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et au plan d’amélioration des conditions de travail et d’emploi (PACTE 2) traitent de ces questions dans les champs respectifs du suivi socio-éducatif et de l’accès aux droits, d’une part, de la participation des personnes indigentes aux activités rémunérées ou non, d’autre part.
L’objectif de la présente circulaire est de généraliser la mise en œuvre de certaines de ces recommandations, en particulier en instaurant les commissions d’indigence et en fixant un seuil uniforme de revenu comme critère financier de repérage de l’indigence.

1° La question de l’indigence en détention :
L’indigence est une situation, temporaire ou durable, liée à l’absence de ressources sur la part disponible du compte nominatif. Elle crée une dépendance qui pèse psychologiquement et économiquement tant sur la personne détenue que sur son environnement familial. Cette situation est souvent conjuguée à d’autres formes de carences notamment sur les plans culturel et sanitaire. Elle constitue un handicap pour la personne détenue dans sa vie en détention, dans le maintien de ses liens avec ses proches et pèse sur ses éventuels projets en matière de réinsertion.
En outre, si certaines personnes détenues étaient indigentes dès l’incarcération, d’autres le deviennent rapidement par la perte de minima sociaux dans les premiers mois d’incarcération, par la rupture des liens familiaux, par l’absence ou la perte d’un emploi en détention.
La situation d’indigence est donc évolutive et de ce fait nécessite de la part de l’administration pénitentiaire une politique fondée sur :
- un repérage fin à l’arrivée de la personne détenue ;
- une vigilance constante des différents services et une mise en commun des informations dont ils disposent ;
- un soutien financier aux personnes repérées sur des besoins identifiés ;
- une offre d’activités rémunérées, organisées de sorte qu’elles ne soient pas exclusives d’autres actions liées à la santé, aux apprentissages de base, au maintien des liens familiaux... ;
- une anticipation de la préparation à la sortie.

2° Le pilotage de la lutte contre l’indigence :
La lutte contre l’indigence dans les établissements pénitentiaires s’inscrit dans une politique globale concertée entre le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation. La circulaire du 15 octobre 1999 relative aux missions des SPIP a défini les champs d’intervention en matière d’indigence.

Le chef d’établissement est responsable de la mise en place des actions de lutte contre l’indigence. Il définit les priorités d’action avec le DSPIP et assure le suivi des personnes indigentes tout au long de la détention.

Le DSPIP recherche les partenaires et anime les réseaux susceptibles d’intervenir localement (centre communal d’action sociale, associations…). Il contribue au repérage des personnes détenues lors de l’accueil et veille à la prise en compte systématique de cette question dans le cadre d’un suivi individualisé des détenus et de la préparation à la sortie.

La lutte contre l’indigence n’induit pas un dispositif exclusif mais est intégrée dans la politique globale de l’établissement, en liaison avec d’autres actions telles que : la revalorisation des rémunérations au service général, l’amélioration de l’hygiène, la création des quartiers arrivants, la prévention des suicides, le plan d’amélioration des conditions de travail et d’emploi (PACTE 2), mis en place notamment pour une meilleure insertion professionnelle des personnes les plus lourdement placées en situation de dépendance.

I. – LES PROCÉDURES DE REPÉRAGE DE L’INDIGENCE
Le repérage fait intervenir plusieurs critères. Le premier d’entre eux est l’argent dont dispose la personne détenue provenant de l’état de liberté. Il est complété par les informations concernant sa situation familiale et sociale et son comportement. Lorsque la personne vient d’un autre établissement pénitentiaire, s’ajoutent à ces critères l’état du paquetage et le niveau du compte nominatif ainsi que les informations transmises par le SPIP de l’établissement de provenance.

1. A l’arrivée de la personne
Le premier diagnostic d’indigence s’établit lors de l’arrivée en détention des personnes à partir des entretiens d’accueil effectués par les travailleurs sociaux du SPIP et les autres personnels de l’établissement : direction, personnel de surveillance, service médical et service de l’enseignement notamment (art. D. 284 et D. 285 du CPP).
Les informations socio-économiques recueillies sur la personne au moment de son incarcération doivent être consignées sur une fiche de liaison, établie par le greffe et remplie au fur et à mesure par le personnel effectuant les entretiens d’accueil de sorte que les mêmes informations ne soient pas redemandées à chaque entretien. Elles doivent permettre de repérer et d’alerter éventuellement sur l’urgence d’une situation individuelle.

2. Le critère financier
Les personnes détenues en situation d’indigence sont repérées par les services comptables de l’établissement sur la base d’un critère de ressources fixé à 45 euros par mois (300 francs). Ce critère de ressources est analysé à partir des trois éléments cumulatifs suivants :
- le niveau de ressources sur la part disponible du compte nominatif pendant le mois courant (solde du disponible) doit être inférieur à 45 euros ;
- le niveau de ressources sur la part disponible du compte nominatif au cours du mois précédent doit être inférieur à 45 euros ;
- le montant de dépenses dans le mois courant (dépenses cumulées sur 30 jours) doit être inférieur à 45 euros.
En cours de détention, c’est l’examen régulier des comptes nominatifs qui constitue le principal mode de repérage. D’autres éléments interviennent en complément de l’analyse comptable, tels que le comportement du détenu, son niveau scolaire (illettrisme), son état de santé, sa situation familiale et sociale…
Ces éléments sont recueillis avant la tenue de la commission d’indigence par les travailleurs sociaux du SPIP afin d’ajuster et d’individualiser l’aide à proposer.

II. - LA COMMISSION PLURIDISCIPLINAIRE DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES EN SITUATION D’INDIGENCE
De nombreux sites ont déjà expérimenté le fonctionnement d’une commission pluridisciplinaire de lutte contre l’indigence. Ces structures qui portent des noms divers (commission indigence, commission sociale, observatoire local de la consommation…) ont toutes pour objectif d’instaurer un lieu d’échange d’informations et de suivi des actions menées en faveur des personnes détenues indigentes. Ces commissions garantissent une plus grande transparence des choix de l’administration pénitentiaire, notamment vis-à-vis des partenaires apportant leur concours à la lutte contre l’indigence.
Il convient donc d’en généraliser la mise en place.
Néanmoins, cette commission ne doit pas être une nouvelle instance ; elle doit être complémentaire ou s’inscrire dans d’autres commissions pluridisciplinaires existantes ou en voie de création (commission de classement et d’orientation, commission locale de la formation des détenus, commission PEP…).

1. Les membres de la commission
La commission est présidée par le chef d’établissement (ou son représentant) en tant que responsable de la mise en place des actions de lutte contre l’indigence et comprend, dans toute la mesure du possible :
- le DSPIP ou son représentant ;
- le chef de détention ou son représentant ;
- le responsable local du travail (RLT) ;
- le responsable local à la formation des détenus (RLFD) ;
- le responsable local de l’enseignement (RLE) ;
- un représentant du groupement privé ;
- un représentant de l’unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) ;
- un représentant du service médico-psychologique régional (SMPR).
Il est par ailleurs souhaitable que des représentants des associations impliquées localement dans l’aide aux indigents participent aux réunions de la commission.
La commission peut également s’ouvrir à d’autres intervenants ou partenaires impliqués ou souhaitant s’impliquer dans la vie et le fonctionnement de l’établissement, tels que les aumôniers, les visiteurs de prison, les collectivités territoriales, le service public de l’emploi, des entreprises commerciales...

2. La périodicité des réunions

Elle est à définir en fonction des besoins de l’établissement et des pratiques en cours. A titre d’exemple, certains établissements réunissent la commission par quinzaine tandis que d’autres ont mis en place une commission trimestrielle accompagnée d’une structure permanente de suivi des personnes détenues repérées indigentes.

III. – LES RÉPONSES À APPORTER AUX SITUATIONS D’INDIGENCE
A l’accueil et pendant le temps de la détention, l’aide matérielle est essentiellement soutenue par le budget de l’établissement (chapitre 37-98) et par le budget du SPIP dans le cadre de la préparation à la sortie (chapitre 46-01).
Cette aide est éventuellement relayée par les œuvres caritatives et les associations, notamment pour des aides ponctuelles.

1. A l’arrivée : développer l’aide matérielle
Toute personne entrant en détention est en situation de vulnérabilité. Son dénuement provisoire ou durable ne peut dès lors qu’être un facteur de risque supplémentaire... Les premières heures de l’arrivée en prison sont pour la personne détenue une étape importante au regard du déroulement ultérieur de son incarcération. Il est donc nécessaire d’améliorer l’accueil des personnes tant sur le plan humain (informations, conditions d’hygiène et de restauration...) que matériel.
Beaucoup d’établissements se sont d’ores et déjà organisés pour améliorer ces conditions d’accueil en prison. Sur la base des actions déjà menées, des directives seront données ultérieurement afin d’en généraliser la mise en œuvre, en particulier dans les maisons d’arrêt.
Aujourd’hui, des aides matérielles sont exigées par les textes pour les personnes démunies de ressources arrivant en prison. Il s’agit de :
- la fourniture d’une trousse de toilette comprenant des produits d’hygiène et son renouvellement pour les personnes détenues dont les ressources sont insuffisantes (art. D. 357 du CPP) ;
- la distribution à chaque entrant en maison d’arrêt de sous-vêtements et d’une paire de chaussettes (note du 28 février 1995) ;
- la fourniture de deux timbres et d’un nécessaire de correspondance (circulaire du 19 décembre 1996).

2. Pendant la détention : favoriser l’accès aux activités
Il convient de privilégier l’accès des personnes détenues repérées indigentes aux activités rémunérées. Néanmoins, la compatibilité de l’accès aux revenus du travail avec la participation aux autres activités d’insertion doit être favorisée.

2.1. Le travail pénitentiaire
Une activité rémunérée doit être prioritairement proposée aux personnes détenues repérées indigentes par la commission. Le classement au service général peut être privilégié. En effet, l’administration pénitentiaire qui en a l’entière maîtrise tant du point de vue de son organisation que de son fonctionnement peut favoriser la prise en compte dans le même temps d’autres handicaps (santé…) et, sur le plan professionnel, l’accès à des formations générales et/ou professionnelles.

2.2. L’enseignement

1° Les droits d’inscription à l’enseignement à distance (CNED, Auxilia…) doivent être pris en charge.
2° A défaut d’offre d’activité rémunérée compatible avec la situation individuelle de la personne, il y a lieu d’étudier la possibilité de versement d’une aide financière, par une association caritative, aux personnes détenues non-travailleurs engagées dans des actions de lutte contre l’illettrisme.

2.3. Les activités socio-éducatives, culturelles et sportives
Il doit être prévu un accès gratuit (ou modulé en fonction du niveau de ressources) aux activités socio-éducatives, culturelles et sportives.

3. La sortie : mobiliser les aides

Les mesures de préparation à la sortie permettent de mobiliser l’accès aux dispositifs de droit commun et d’accompagner les personnes détenues dans leur démarche d’insertion.
Il convient, pour les personnes dont la situation à la sortie de prison est précaire, de renforcer les relais de prise en charge à travers le partenariat avec le monde associatif car l’indigence est un facteur aggravant des difficultés rencontrées par toute personne sortant de prison...

3.1. L’aide administrative en vue de la sortie

1° Les dossiers doivent être instruits en amont de la sortie par une mobilisation des organismes instructeurs (CAF, DDASS).
2° Des conventions doivent être systématiquement mises en place avec les CAF et les DDASS pour permettre aux personnes libérées de percevoir le RMI dès la sortie. Pour cela, il est nécessaire d’initier les demandes avant la sortie (circulaire du 24 novembre 1989).
3° Un guide d’adresses des associations caritatives, des organismes pouvant assurer un logement provisoire, des agences ANPE et missions locales, du SPIP, de points ressource santé... doit être distribué.

3.2. Les aides matérielles réglementaires

L’aide matérielle est attribuée en fonction de l’examen des situations individuelles par la commission d’indigence. Elle concerne :
1° La fourniture de vêtements aux sortants qui n’ont pas de ressources suffisantes pour s’en procurer (art. D. 482 du CPP) ;
2° La participation à l’acquisition d’un titre de transport si la personne libérée n’a pas sur son compte nominatif une somme suffisante pour rejoindre son lieu de résidence (art. D. 483 du CPP) - (art. D. 484 du CPP : report de la sortie au lendemain) ;
3° La remise systématique d’une aide matérielle ("kit sortant" comprenant a minima un ou des titres de transport, une carte téléphonique et des chèques multi-services) pour les personnes libérées dont les ressources sont insuffisantes pour faire face aux besoins immédiats de la vie quotidienne (art. D. 481 et D. 483 du CPP).
Pour les cas de sortie imprévue, il est nécessaire de prévoir des trousses de secours, en concertation avec le greffe, la comptabilité et le service pénitentiaire d’insertion et de probation afin de les remettre aux personnes qui en ont besoin.

IV. - LES INDICATEURS D’ÉVALUATION DE LA LUTTE CONTRE L’INDIGENCE
1. Objectif 1 : poursuivre la mise en place des procédures de repérage et d’aide aux détenus indigents

2. Objectif 2 : accroître les actions visant à favoriser l’accès des détenus repérés indigents aux activités rémunérées et non rémunérées

3. Objectif 3 : poursuivre la mise en œuvre des dispositions applicables aux détenus sortants dont les ressources sont insuffisantes

Nota bene :
La tenue des indicateurs sur l’indigence en prison entre dans la démarche initiée par la sous- direction des personnes placées sous main de justice (SDPMJ), en liaison avec la sous-direction des services déconcentrés (SDSD), en vue de la construction d’un outil informatique simple permettant de suivre aux niveaux local, régional et national les orientations fixées en matière de prise en charge des personnes sous main de justice.
A partir de la saisie mensuelle, par établissement, des données de base constituant ces indicateurs, l’outil informatique en construction permettra notamment le calcul automatique de ces indicateurs.
Cet outil, expérimenté durant le dernier trimestre 2001, sera généralisé au cours du 1er semestre 2002. Il convient dès à présent d’organiser dans chaque établissement la collecte des données de base nécessaires au calcul des indicateurs (cf. annexe).

* * *

Les mesures décrites dans cette circulaire ne préjugent pas des orientations nouvelles qui pourront être retenues dans le cadre de la loi pénitentiaire.
Vous voudrez bien me tenir informée des éventuelles difficultés rencontrées dans la mise en place de cette circulaire.
 
La directrice de l’administration pénitentiaire,
M. Viallet
© Ministère de la justice - Novembre 2001