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2000 au Directeur de la Maison centrale de Poissy

Poissy le 9 avril 2000

Monsieur le Directeur,

Notre courrier qui a dénoncé les conditions du suicide de nos deux compagnons est resté sans suite. Vous n’avez pas parlé aux détenus pour les rassurer sur leur détention dans votre établissement. Nous avions hélas raison de ne pas nous illusionner sur votre attitude à l’égard de la « population pénale ». Nous espérons pourtant que cette lettre rencontrera plus d’humanité de votre part.

Nous reprenons contact avec vous pour dire cette fois notre sentiment d’indignation et de honte à propos d’un détenu qui vient de passer vingt neuf ans dans les prisons françaises : Monsieur Serge LEBON ! Il est depuis quelques années dans votre établissement pour une peine qui aurait du prendre fin il y a déjà dix à quinze ans, puisque étant condamné à perpétuité, pour un crime qu’il a largement payé. Mais la perpétuité comme vous le savez ne signifie pas mourir dans les murs d’une prison. La prison ayant contribué à déclencher et aggraver sa maladie mentale il est trop facile maintenant d faire le constat de l’inconséquence d’une politique carcérale, et invoquer votre impuissance à le libérer. Un homme ne se réduit pas à de la chair humaine.

Chaque matin en le voyant dans la cour dans sa tour d’ivoire personnelle, nous avons honte pour cette administration que vous représentez dans l’établissement.

Il vous est difficile aussi dans son cas, dans des propos administratifs de regretter la longueur des peines. L’enjeu dans ce cas n’est pas celui d’un « dossier » à gérer, mais de la fin de vous désolidariser du caractère inhumain d’une langue de bois des juges qui se débarrassent de détenus dans les prisons pour de très très longues années, sans se donner les moyens d’en évaluer les effets.

Au-delà des mots, et plus sérieusement, le cas de Monsieur LEBON fait franchement honte à ce qui nous reste d’humanité dans notre société.

Vous comprendrez donc que vos déclarations faites aux médias à propos d’une supposée « réinsertion sociale problématique » n’est qu’une patate chaude que vous repassez à des fonctionnaires éloignés du terrain, et donc objectivement irresponsables. Vous devriez, sans coup férir, commencer par résoudre la situation de ce détenu. Cela prouverait a minima que les mots de notre justice ne sont pas vidés de leur contenu. Car 29 ans est simplement un nombre indécent dans ne démocratie telle que la France. Il s’agit dans ce cas d’une mise à mort maquillée de bonne conscience, et donc particulièrement lâche.

Pourriez-vous nous donner la preuve que vous faites ce qui est nécessaire pour mettre fin à la mascarade inhumaine qui garde encore ce prisonnier dans vos geôles ? Car cet homme risque comme vous le savez clairement d’être retrouvé « suicidé » lui aussi, un beau matin. C’est une affaire de simple prévention donc, pour laquelle, nous n’en doutons pas, vous travaillez.

Dans l’espoir que vous entendrez ce nouvel appel à raison humaine,

Nous vous prions d’accepter nos salutations encore teintées d’espoir.

G.D.