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Le problème n’est pas le surpopulation, mais la répression ! - Communiqué du SNEPAP FSU

Publié le mardi 15 avril 2003 | https://banpublic.org/le-probleme-n-est-pas-le/

59 115 PERSONNES DETENUES : LE PROBLEME N’EST PAS LA SURPOPULATION MAIS LA REPRESSION !

 

SNEPAP FSU - Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’Administration pénitentiaire

 

Depuis hier soir [9 avril 2003 ndlr], ce chiffre est commenté sur le mode fataliste, ou avec une opération du type : nombre de personnes détenues ’ nombre de places existantes = nombre de places à créer !

Mais, il faudrait être naïf, pour penser qu’une simple opération arithmétique fusse-t-elle du type addition et gérée par un secrétaire d’état chargé de l’immobilier, pourrait venir au secours de l’administration pénitentiaire, de manière efficace et durable.
Il ne s’agit pas davantage d’une équation (à une ou plusieurs inconnues) qu’il conviendrait de résoudre, puisque tous les paramètres sont connus. Prenez une campagne électorale qui surfe sur le mode « l’insécurité vous menace, pour vous protégez, votez pour moi », ajoutez une dose de faits divers, faites chauffer une loi jusqu’au 9/9/02, mélangez doucement avec une loi sur la sécurité intérieure et vous obtiendrez un soufflé qui fera gonfler votre population pénale jusqu’à faire exploser votre four !

Pour le SNEPAP FSU, les questions essentielles sont : qui est condamné à une peine de prison, pour quelles raisons, et dans quel but ? Le sens de la peine qui devait être le grand thème d’une loi en 2001, ne semble plus préoccuper l’actuel gouvernement, ni les parlementaires qui ont pourtant fait un travail d’enquête conséquent sur les prisons. Qui sont les 59155 personnes actuellement détenues ? L’augmentation continue depuis 2002 est elle un reflet de la délinquance ou de l’activité policière, résolument réorientée par Monsieur Sarkozy sur la répression ? Parmi les 59155 personnes incarcérées, certaines ont commis des crimes et délits graves, mais il y a aussi des personnes n’ayant pas payé de pension alimentaire, qui ont dégradé des abribus, filouté des aliments, commis des agressions sonores, fait usage de manière illicite de substances classées comme stupéfiants… D’autres, avant d’être délinquants sont d’abord atteints de pathologies mentales… La détention peut elle alors se justifier, ou être utile ?

Les personnels de l’administration pénitentiaire ont le sentiment qu’on les « a laissé choir », eux qui se débrouillent pour que la vie quotidienne dans les établissements se passent le moins mal possible. La surpopulation entraîne en effet de la promiscuité, des conditions de détention indignes d’une démocratie (matelas par terre…), mais surtout comment assurer des parloirs famille ou avocat alors que le nombre de places possibles est resté identique, et que les demandes ont augmenté de 50, voire de 100 %  ? Comment un travailleur social peut-il mettre en place des projets de sortie cohérents, préparer des aménagements de peine pour 180, voire 220 personnes ? Comment simplement prendre le temps d’entendre, de comprendre la parole de la personne détenue ?

Le SNEPAP FSU exige une politique pénale qui prenne réellement en compte le contexte et la gravité des faits reprochés, la personnalité de l’infracteur et son parcours de vie. La peine d’emprisonnement ne doit pas être la sanction de référence, au détriment des peines s’exécutant en milieu ouvert. La surpopulation actuelle ne peut à terme que renforcer le sentiment d’exclusion des personnes, et augmenter la probabilité de récidive. Elle accroît de manière conséquente les difficultés des personnels, met en péril la sécurité des établissements, ne permet pas à la sanction de faire sens, et coûte très cher au contribuable. L’instauration d’un numérus clausus ’à l’instar de certains pays européens, permettrait au contraire, dans une logique républicaine, d’assurer les deux missions de l’administration pénitentiaire, la garde et la réinsertion.

Le gouvernement actuel semble bien en peine d’infléchir la logique mise en place. Allons nous avoir droit à un décret de grâces « extrêmement généreux » à l’occasion du 14 juillet, pour remédier à la surpopulation et éviter des « incidents » durant l’été ? Dommage, il n’y a pas de bicentenaire à fêter en 2003 !

Pour le SNEPAP FSU, une réponse de ce type ne serait qu’un aveu d’impuissance des politiques, et renforcerait l’incohérence du discours actuel sur la délinquance !
Ayons le courage de réfléchir sur d’autres formes de sanction, sur la dépénalisation de certains actes, sortons d’un schéma archaïque où la tolérance zéro (à moyens constants bien sûr !) s‘apparente à la pénalisation de la misère, pendant qu’en parallèle tous les crédits sociaux, d’éducation, de prévention sont en baisse !

Paris, le 9 avril 2003