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CEDH, Arrêt Yengo c/ France du 21 mai 2015, req. n°50494/12
Condamation de la France pour absence de recours effectif permettant de faire cesser ou d’améliorer des conditions de détention inhumaines et dégradantes

Publié le mercredi 3 août 2016 | https://banpublic.org/condamation-de-la-france-pour/

Le 21 août 2011, le requérant fut mis en examen par une ordonnance du juge d’instruction pour des faits de nature criminelle et placé en détention provisoire au Centre Pénitentiaire Camp Est de Nouméa.

Devant la chambre de l’instruction devant laquelle il interjettait appel, le requérant dénonça ses conditions de détention expliquant que « [...] La cellule fait 3m x 5m et accueille 6 personnes, à l’intérieur est compris ce que l’on appelle des toilettes turques où l’on se lave et en même temps faisons nos besoins, un lavabo pour faire la vaisselle et laver son linge, il y a 3 lits superposés à gauche, 2 lits superposés à droite et le 6ème dort par terre entre les lits sur un matelas dans des conditions d’hygiène très déplorables, les remontées d’odeurs des toilettes [sont] à hauteur du visage de celui qui dort sur le matelas par terre, et à chaque utilisation des toilettes, l’eau qui déborde vient mouiller le matelas [...]  ». Il précisa en outre que “les détenus devaient constamment rester allongés sur le lit, compte tenu de l’exiguïté des cellules et d’un espace vertical de seulement soixante centimètres entre les lits, tout en soulignant la situation humiliante d’avoir à utiliser dans la cellule des toilettes, qui servent par ailleurs de douche en utilisant la chasse d’eau, à la vue des autres codétenus.

La Chambre de l’instruction confirma l’ordonnance sans se prononcer sur les conditions de détention.

Le requérant forma alors une demande de mise en liberté devant le juge des libertés et de la détention où il critiqua à nouveau ses conditions de détention, puis à nouveau devant la Chambre de l’instruction et enfin devant la Cour de cassation où il avança notamment comme arguments les recommandations effectuées en urgence par le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) à la suite de sa visite du Centre Pénitentiaire de Nouméa en octobre 2011 (1ère fois que le dispositif de recommandations d’urgence était utilisé). La Haute Cour française rejeta le pourvoi du requérant compte-tenu de l’absence d’allégations propres à sa personne et suffisamment graves pour mettre en danger sa santé physique ou mentale.

Le requérant fut finalement remis en liberté le 15 mai 2012.

Quelques mois plus tard, le 31 juillet 2012, le Tribunal Administratif de Nouvelle-Calédonie condamna la France à lui verser une provision en réparation du préjudice moral subi du fait de ses conditions de détention.

Au regard de cet élément, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) estima que le requérant ne pouvait plus se prévaloir d’une violation de l’article 3 de la Convention sur les traitements inhumains et dégradants puisque cette violation avait depuis été reconnue par le versement de la provision.

En revanche, la CEDH estima que le requérant avait bien été victime d’une violation de l’article 13 de la convention sur le droit à un recours effectif puisque les différents tribunaux français (notamment la Chambre de l’Instruction) ne lui avaient pas permis de bénéficier d’un recours préventif contre ses conditions de détention. La CEDH a ici estimé qu’une réclamation administrative suivie d’un recours pour excès de pouvoir ne constituaient pas un tel recours, de même que les différentes demandes de mise en liberté formulées par le requérant et que la procédure de référé-liberté n’avait à l’époque des faits pas encore subi l’évolution jurisprudentielle lui permettant de devenir un outil pour que le juge fasse cesser des conditions de détention indignes.

 
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• Arrêt Yengo c/ France, (PDF - 463.6 kio)
• Communiqué de Presse CEDH - Yengo c/ France, (PDF - 94.7 kio)