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La prison d’Alençon-Condé ou comment l’Etat crée des conditions de détention inhumaines

Publié le mercredi 22 janvier 2014 | https://banpublic.org/la-prison-d-alencon-conde-ou/

Le 30 avril 2013, le centre pénitentiaire d’Alençon-Condé était inauguré. Il est considéré comme le centre pénitentiaire le plus sécuritaire de France, avec 3 quartiers maisons centrales de 68 places chacun.

Avec le centre pénitentiaire de Réau, de Lille-Annouelin, de Lyon-Corbas et de Nantes, l’Etat a mis en place la construction de nouveaux établissements pénitentiaires pour répondre notamment aux condamnations relatives aux conditions matérielles de détention dont il faisait l’objet.

La construction de ces centres pénitentiaires repose sur un partenariat public-privé, une entreprise privée en étant le maître d’ouvrage.

Toutefois, depuis son inauguration il y a juste 6 moins, plusieurs agressions de surveillants au moins ont été dénombrées sans compter les violences subies par les détenus et les incidents disciplinaires.

Ces tensions ne semblent pas dues à la personnalité des détenus mais à la déshumanisation de ces nouveaux établissements.

En effet, il apparaît que le taux de suicide et le nombre d’incidents est plus important dans ces établissements que dans les « anciens ».

« Guantanamo français  » pour certains, la maison centrale d’Alençon-Condé est une véritable « bombe à retardement » dont les incidents récents (prise d’otage fin décembre 2013) sont la preuve certaine.
Le tribunal administratif de Caen a refusé une demande d’expertise au motif que l’intérêt de la demande n’était pas prouvée. La justice judiciaire d’Alençon, quant à elle, réprime avec force les incidents (la prise d’otage a conduit la justice a prononcé une peine de 8 ans en comparution immédiate !) ne posant pas la question de la réalité carcérale de cet établissement où le manque d’activités, d’intimité, de personnels soignants, et le racisme ambiant, sont des témoignages parvenus jusqu’à Ban Public.

La situation de la prison d’Alençon-Condé n’est que le résultat de politiques pénales et pénitentiaires archaïques et dépourvues de sens commun qui se sont succédées ces dernières années.

Tant les règles supranationales que celles édictées en droit interne soulignent la prohibition de la torture et des traitements inhumains ou dégradants.

A ce titre, le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (ci-après Le Pacte) du 16 décembre 1966, ratifié par la France le 25 juin 1980 et entré en vigueur le 4 février 1981, dispose dans son article 7 que :

«  Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.  »

Au niveau européen, le Conseil de l’Europe, par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (ci-après La Convention), ratifiée par la France le 3 mai 1974, n’a pas manqué de faire état du même principe fondamental au travers de son article 3.

«  Nul ne peut être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.  »

De son côté, l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que

«  La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires  ».

Cet article doit s’entendre non seulement au prononcé de la loi mais aussi à son exécution.

« Nécessaire », c’est-à-dire permettant de restaurer l’équilibre social brisé par le délinquant lors de l’acte infractionnel.

Ainsi, cet équilibre est restauré dès lors que le caractère vindicatif de la procédure pénale a permis à la victime d’obtenir justice par le prononcé de la peine d’emprisonnement et par l’octroi de dommages et intérêts, mais aussi dès lors que le reclassement du condamné est acquis.

C’est dans ce sens que la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel a édicté que «  la nécessité des peines doit être appréciée du seul point de vue de la personnalité du condamné . » (Michel Van de Kerchove, Revue de science criminelle 2008 p. 805, Le sens de la peine dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français)

La Commission européenne des droits de l’homme n’a pas manqué de souligner que les conditions de détention « peuvent tomber sous le coup de l’article 3  »(X c/Suisse, 9 mai 1977, DR, 11, 216).

Dès lors une peine de prison «  est susceptible de soulever un problème sous l’angle de l’article 3, par la manière dont elle est exécutée et par sa durée  » (Kotälla c/Pays-Bas, 6 mai 1978, DR, 14, 238).

Si l’article 3 de la Convention impose à l’État de s’assurer que tout prisonnier soit détenu dans le respect de la dignité humaine, la Cour de Strasbourg n’a pas manqué de condamner un État, partie à ladite Convention, lorsque les modalités d’exécution d’une peine ou sa durée soumettent le prisonnier « à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention » (Kudla c/Pologne, 26 octobre 2000, GACEDH, n°14).

Règles de bonne conduite, la règles pénitentiaires sont des objectifs que l’administration doit atteindre.
Elles ont posé comme principe que le régime prévu pour les détenus doit offrir un programme d’activités équilibré (R25.1), afin de « permettre à tous les détenus de passer chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux. »(R25.2).
Dans son ouvrage sur les règles pénitentiaires européennes commentées, l’administration pénitentiaire précise :
« La règle 25 souligne que les autorités pénitentiaires ne doivent pas concentrer leur attention uniquement sur certaines règles spécifiques comme celles qui portent sur le travail, l’éducation et l’exercice physique mais doivent examiner l’ensemble du régime de détention de chaque détenu et veiller à ce que celui-ci reste conforme aux normes fondamentales de respect de la dignité humaines. Ces activités ne devraient couvrir que la période d’une journée normale de travail. Il est inacceptable que les détenus passent 23 heures sur 24 dans leur cellule. »

Ainsi ces règles prévoient :

  • L’accès au travail (R26.1) ;
  • L’accès à des exercices physiques et des activités récréatives (R27.1) ;
  • L’accès à des programmes d’enseignement (R28.1)

C’est sous l’impulsion de ces règles pénitentiaires européennes que le législateur français est intervenu par les articles D432 et suivants du Code de procédure pénale.

Aussi si l’administration ne peut avoir une obligation de résultat quant à la fourniture d’activités, encore faut-il qu’elle fasse le nécessaire pour que les détenus soient occupés.
A défaut, elle manque à sa mission de réinsertion.

Comme le rappellent les Cour administratives d’appel de Nantes et de Marseille : « le régime de la détention en établissement pour peines, qui constitue normalement le mode de détention des condamnés, se caractérise, par rapport aux maisons d’arrêt, par des modalités d’incarcération différentes et, notamment, par l’organisation d’activités orientées vers la réinsertion ultérieure des personnes concernées et la préparation de leur élargissement. » (CAA Nantes, 07NT01662 ; CAA Marseille 07MA03800)

Aussi, dans le cas de Condé, aucune des modalités d’incarcération, n’est orientée vers la réinsertion.
Cet établissement ne peut conduire qu’à la violence.

Ban Public dénonce le traitement subi par les condamnés incarcérés à la maison centrale de d’Alençon-Condé.
Ban Public demande à ce que le gouvernement et les parlementaires se saisissent de la situation explosive de cet établissement et y apportent des solutions pérennes garantissant la réinsertion des condamnés.

Ban Public rappelle l’article 1 du 24 novembre 2009 :
« Le régime de l’exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions. »

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