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Non à la politique du pilori ! (GENEPI)
Vers un droit pénal de l’ennemi ?!

Publié le lundi 18 octobre 2010 | https://banpublic.org/non-a-la-politique-du-pilori/

Paris, le 3 septembre 2010

Communiqué de presse du GENEPI :

Plus de doute, la rentrée politique annonce le retour des pires discours sécuritaires. On époussette, ça et là, une rhétorique électoraliste usée jusqu’à la corde dont on ne connait que trop bien les ressorts. Le « discours de Grenoble », véritable déclaration de guerre instituant un droit pénal de l’ennemi, en est l’archétype : un appel au bon sens qui repose sur une manipulation cynique de l’opinion publique, une utilisation fallacieuse des chiffres et un recours compulsif au fait-divers. Le tout au service d’un verbiage belliqueux destiné à éveiller les peurs, les fantasmes et les penchants racistes. Effets d’annonce ? En partie, sans doute. Mais ces mots justifieront l’adoption, demain, de lois éminemment dangereuses pour les équilibres démocratiques de notre pays.

Le Groupement Étudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées (GENEPI) est consterné par la résurgence de ce climat délétère et ne saurait rester silencieux devant l’annonce de mesures qui sont autant d’attaques aux principes fondamentaux de la justice pénale de notre pays. Depuis sa première prise de position publique, en 1981, le GENEPI, sa citoyenneté pour seule bannière, n’a eu de cesse de dénoncer ce qu’il considère comme de graves dérives sécuritaires foulant au pied l’impératif de réinsertion inhérent à toute peine.

Les peines plancher seront bientôt remises sur le tapis. Hier justifiées comme des mesures d’exception contre des individus étiquetés « dangereux », leur champ d’application sera bientôt étendu. Le GENEPI refuse qu’il soit ainsi porté atteinte au principe d’individualisation des peines garanti par l’indépendance de l’autorité judiciaire. Ces principes sont également bafoués par l’annonce, qu’on dirait fantaisiste si elle n’était si grave, de mesures de placement sous surveillance électronique (PSE) pour les multirécidivistes à l’issue de leur peine. Le bracelet électronique ne saurait être imposé de façon automatique, qui plus est sur de longues durées, et il est impensable qu’une telle mesure puisse être imposée à un individu ayant purgé sa peine. Le GENEPI s’indigne de ce glissement vers une justice de sûreté fonctionnant sur le contrôle et la mise à mort sociale et rappelle que toute peine doit nécessairement permettre la réinsertion.

L’ordonnance de 1945 sera bientôt supprimée au profit d’un code pénal des mineurs. Au motif qu’un jeune de 1945 n’est pas un jeune des années 2000 – qui pourrait le contredire ? – on voudrait nous faire croire à l’obsolescence de l’ordonnance de 1945. M. Sarkozy feint d’ignorer que ce texte a été réformé de nombreuses fois, y compris depuis 2002. Si ce n’est pas la première attaque qu’il subit, nul n’avait encore osé porter atteinte au principe fondamental qu’il incarne : le primat de l’éducatif sur le répressif dans la justice des enfants, principe rappelé par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Espérons que M. Sarkozy ne s’aperçoive pas un matin que les hommes et citoyens de 1789 ne sont pas ceux de 2010 et qu’il n’en tire pas argument pour annoncer l’obsolescence de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen !

Le GENEPI s’inquiète de l’annonce de ces mesures dangereuses et dénonce la rhétorique qui l’accompagne. Les réalités que ces mesures prétendent combattre n’ont rien d’objectif. Elles sont des constructions politiques. Avoir le courage de les appréhender comme telles est l’unique condition qui permettra de relever le niveau du débat politique français sur le système pénal. Certains sons de cloches entendus récemment dans le principal parti d’opposition ne peuvent que nous inciter sur ce point au pessimisme. C’est dans l’espoir que ces stratégies politiciennes cessent que le GENEPI signe l’appel de la Ligue des droits de l’Homme contre la politique du Pilori.


Non à la politique du pilori !