Publié le vendredi 14 mai 2010 | https://banpublic.org/le-regime-ouvert-de-detention-peut/ Rapport remis à Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Justice, par Paul-Roger Gontard, doctorant en droit pénal, le 2 avril 2010 INTRODUCTION « Le terme "établissement ouvert" désigne un établissement pénitentiaire dans Ce modèle d’établissement pénitentiaire fut le premier sujet d’étude du Congrès des Depuis, de nombreux pays ont largement utilisé ce modèle dans leurs systèmes Pourtant, ces prisons sont plus que jamais des réponses pertinentes aux actuelles Pour ne citer que ces quelques exemples de leurs nombreux avantages. Par certains côtés, ces établissements reviennent à l’essentiel des peines privatives de liberté. Comme le présentait déjà Cesare Bonesana marquis de BECCARIA en 1764, « Parmi les peines et la manière de les infliger, il faut choisir celle qui, proportion gardée, doit faire l’impression la plus efficace et la plus durable sur l’esprit des hommes et la moins cruelle sur le criminel ». Les peines de prisons effectuées dans les établissements pénitentiaires ouverts font partie des sanctions pénales les plus fidèles à cette doctrine. Dès lors, compte tenu des résultats affichés par ce régime tant en France que dans les pays de l’Union Européenne ; compte tenu des exigences de modernisation de nos modes d’exécution des peines qui accompagnent les dernières réformes législatives et recommandations conventionnelles édictées ces dernières années ; compte tenu enfin du besoin de transformer l’image sociale de nos prisons, il paraît nécessaire de s’interroger sur la faisabilité d’un développement de l’utilisation du régime ouvert de détention dans notre champ pénitentiaire national. Afin de répondre à ce questionnement, il sera tout d’abord primordial de comprendre 1. LE REGIME CARCERAL OUVERT EN EUROPE 1.1. Histoire et Fonctionnement du modèle carcéral ouvert européen 2. LA SELECTION DES DETENUS 2.1. Eléments de profilage des détenus adaptés au régime ouvert de détention 3.1. Cadre règlementaire supranational 4.1. Choix matériels accompagnant la création de nouveaux établissements ouverts
La culture humaniste de notre pays nous enjoint de ne jamais oublier qu’un criminel n’en reste pas moins Homme. Cela signifie, pour la question pénitentiaire, que la protection de sa dignité, élément majeur de l’identité Humaine, doit être au mieux préservée y compris pendant le temps carcéral de la peine. Punir ne signifiant plus nécessairement devoir souffrir dans nos sociétés modernes, l’enjeu d’un établissement pénitentiaire ouvert est de démontrer que la sanction peut être associée à un lieu où l’on apprend les gestes et les comportements de la vie en société : respect des règles et des horaires de travail, élaboration d’objectifs personnels, reconquête de sa propre dignité de citoyen, participation et responsabilisation au sein d’une communauté de vie. Le seul centre de détention français bénéficiant de ce régime, CASABIANDA, a montré par sa longue histoire que cet enjeu pouvait être remporté. Or, son existence unique sur notre territoire montre le retard relatif pris par la France face à ses partenaires européen dans l’utilisation de ce modèle. Il est temps pour les décideurs de ne plus voir CASABIANDA comme une expérience ; après 60 années d’existence, ce centre ne peut plus légitimement être considéré comme expérimental ou pilote. Il faut donc aujourd’hui tirer les conséquences pour notre territoire de l’utilisation de ce modèle en France, ainsi que des nombreuses autres utilisations du même type en Europe. Or, ces résultats montrent que les prisons ouvertes sont une véritable réussite dans la recherche d’un minimum de contrainte pour un maximum de sécurité. En outre, les buts de la peine étudiés par le prisme d’une prison ouverte concilient un certains nombre d’intérêts qui peuvent être compris de tous :
Tous ces éléments nous montrent la modernité de ce modèle, et son adéquation aux enjeux qui occupent actuellement la société en général et le monde pénitentiaire en particulier. La prison ouverte est donc une réponse qu’il faut envisager développer dans notre pays. Le rapport que nous venons de faire sur la faisabilité de développement de ce régime de détention en France nous permet d’affirmer qu’il peut trouver une place naturelle dans notre système pénitentiaire français. Non seulement les aménagements règlementaires nécessaires à son développement sont minimes, mais plus encore les résultats des expériences françaises et européennes en cette matière nous encouragent à en multiplier les utilisations. En outre, la plupart des éléments structurels nécessaires à l’ouverture de nouveaux établissements conformes à ce régime sont d’ores et déjà existants sur notre territoire. Qui plus est, le besoin affiché par la France d’individualiser au mieux les peines de ses condamnés offre l’opportunité au régime ouvert de détention de compléter les réponses déjà existantes tant en matière de régime d’exécution de peine que d’aménagement de celles-ci. Ce sont donc, d’après les estimations de population que nous avons effectué à l’occasion de cette étude, au moins trois ou quatre nouveaux établissements pénitentiaires utilisant ce régime qui pourraient utilement être implantés sur notre territoire. Toutefois, l’ensemble de ces éléments positifs ne doivent pas nous faire oublier les difficultés rencontrées par les expériences françaises du présent et du passé, et certains risques révélés par les statistiques étrangères. Ces résultats nous enjoignent de sélectionner avec application les populations orientées vers ces établissements. C’est à cette première condition que l’efficacité et la pérennité de ce modèle carcéral pourront être assurées dans notre champ pénitentiaire. De plus, ces expériences réclament, comme deuxième condition, une répartition cohérente d’établissements ouverts sur notre territoire afin de faire accepter par les détenus un éloignement raisonnable de leurs proches tout en tirant profit des atouts pour leur réinsertion apportés par ces établissements. Une réparation par ailleurs concertée avec les décideurs et les populations locales. Qui plus est, cette répartition doit tenir compte de la double contrainte constituée par le besoin d’un accès nécessairement aisé aux services publics sociaux et de santé, tout en préservant un éloignement raisonnable des grandes infrastructures de transport. Deux nouvelles conditions favorisant un risque d’évasion maîtrisé tout en maximisant l’utilisation des moyens disponibles pour favoriser la réinsertion. C’est l’équilibre constitué par ces quatre conditions qui permettra, en fin de compte, l’acceptation sociale des risques découlant d’une prison sans barreau. Parce que ce risque sera limité grâce aux contraintes que nous venons d’évoquer, mais aussi compensé par les bénéfices tirés par la société et les détenus en termes de réinsertion et d’humanisation des prisons, il pourra devenir, aux yeux de la société, un risque acceptable. « Parmi les peines et la manière de les infliger, il faut choisir celle qui, proportion gardée, doit faire l’impression la plus efficace et la plus durable sur l’esprit des hommes et la moins cruelle sur le criminel. » écrivait BECCARIA au XVIIIème siècle. Les prisons ouvertes, comme stricte application de ce principe, visent à limiter les contraintes à leur strict nécessaire, tout en rationalisant et en maximisant les moyens mis en œuvre pour lutter contre de nouvelles infractions. C’est pourquoi, à la suite de cette analyse, la question n’est plus pour nous de savoir s’il est possible de créer de nouvelles prisons ouvertes en France, mais plutôt quelles prisons ouvertes seraient les plus utiles à notre pays. Cette étude devra donc être poursuivie pour tenir donc compte des éléments matériels qui devront accompagner le développement de ce régime en France, afin de maximiser les chances de réussite de nouvelles prisons ouvertes sur notre territoire.
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