le contrôle effectif de la police judiciaire.
Le temps limité de mon intervention ne me permet pas de revenir sur chacun de ces principes ni sur l’ensemble des questions théoriques et pratiques liées à la suppression du juge d’instruction. Je ne pourrai évoquer devant vous que la proposition principale de l’AFMI visant à la promotion de l’instruction en équipe et certaines réalités de l’instruction contemporaine.
Les deux courants principaux de réforme : la suppression du juge d’instruction / la collégialité de l’instruction
Le Président de la République a annoncé, le 7 janvier 2009, lors de l’audience solennelle de début d’année de la Cour de Cassation la suppression du juge d’instruction : « Il est donc temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus ».
Alors qu’elle se veut sans aucune doute moderne et nouvelle, l’annonce présidentielle ne fait que reprendre une proposition émise après guerre dès 1949 par la commission Donnedieu de Vabres de réforme du code d’instruction criminelle puis reprise en 1990 par la commission Justice Pénale et Droits de l’Homme précitée.
De fait, s’agissant des propositions de réforme de l’instruction des dernières décennies, deux courants principaux existent.
Le premier prône en effet la suppression du juge d’instruction au profit de son remplacement par un modèle alternatif confiant au parquet, c’est à dire à l’agent de la poursuite, la conduite de l’enquête, permettant à la défense de combattre les éléments à charge par une contre-enquête, l’équilibre étant assuré par un juge de l’instruction, intervenant pour autoriser les mesures les plus attentatoires aux libertés individuelles (perquisitions, écoutes téléphoniques, détention provisoire) et pour contrôler la régularité et la loyauté des preuves.
Pour soutenir ce modèle, ses partisans soulignent qu’il permet l’unité de la phase présentencielle pénale sous un régime procédural unique et qu’il est aujourd’hui retenu par la plupart des autres pays européens.
La récente étude publiée par le service de législation comparée du Sénat met certes en évidence cette tendance européenne à l’accroissement du rôle du Ministère Public dans l’instruction des affaires pénales mais manifeste surtout qu’aucun modèle judiciaire européen n’existe, le statut du parquet, le rôle du juge de contrôle, les pouvoirs de la police judiciaire, l’existence de procédures exceptionnelles variant d’un Etat à l’autre.
La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’impose aucun modèle procédural précis. Dans une affaire Medvedyev (10 juillet 2008), elle vient d’indiquer que le parquet français n’est pas une autorité judiciaire au sens que la Cour donne à cette notion, « l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif lui manquant en particulier ». La décision de la Grand Chambre est attendue fin 2009. Il est frappant de constater que le rapport d’étape du comité dit Léger ne cite même pas cette décision. Comment réformer aujourd’hui la procédure pénale française sans attendre cette décision fondamentale ?
L’autre courant de réforme est celui de la collégialité de l’instruction. Lui aussi a des parrains prestigieux. Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, avait fait adopter la loi n° 85-1303 du 10 décembre 1985 portant réforme de la procédure d’instruction en matière pénale instaurant cette collégialité. Elle fut écartée pour des raisons budgétaires par la loi du 30 décembre 1987.
La commission d’enquête parlementaire dite d’Outreau, alors que la plupart de ses membres partaient avec un a priori favorable à la suppression du juge d’instruction, vient après un travail approfondi, à nouveau de préconiser de confier l’instruction à une collégialité de magistrats du siège. La loi du 5 mars 2007 a créé les pôles de l’instruction, accru les possibilités de cosaisine de plusieurs juges d’instruction et prévu l’entrée en vigueur le 1er janvier 2010 de la collégialité. La loi du 12 mai 2009 vient de reporter cette entrée en vigueur au 1er janvier 2011. Par deux fois, le Parlement a donc adopté une loi visant à la collégialité de l’instruction.
Nous avons pu exprimer ailleurs pourquoi la notion de cosaisine, et non celle de collégialité, nous semblait plus adaptée à la conduite stratégique d’un dossier évolutif. En tout état de cause, l’AFMI s’inscrit clairement dans ce courant favorable à l’évolution vers une instruction en équipe. Ce sont les regards croisés sur les orientations d’enquête qui permettent d’éviter certains écueils de l’instruction actuelle : solitude, résistance au contradictoire, piège de l’hypothèse unique, terreau de l’erreur judiciaire. Cette instruction en équipe garantit aussi une autorité renforcée sur les services de police judiciaire, une dépersonnalisation des dossiers, et des avantages secondaires comme la continuité de la prise en charge des procédures et l’accompagnement des nouveaux magistrats instructeurs. Elle nous paraît surtout correspondre aux réalités de l’instruction contemporaine et future.
L’AFMI a récemment appelé les juges d’instruction à développer leurs pratiques en matière de cosaisine et le travail en équipe au sein des pôles de l’instruction. Notre association a sollicité et obtenu la mise en place d’actions de formation continue au soutien de ces nouvelles pratiques professionnelles. L’Inspection des Services Judiciaires a produit un rapport important sur la mise en place des pôles de l’instruction que le Garde des Sceaux refuse de publier. La question posée est aussi celle de la méthode de la réforme. Pourquoi ne pas commencer par une évaluation de ces dispositifs avant de s’engager vers de nouvelles pistes ? Comment ne pas croire que les vrais progrès se font surtout avec les professionnels, disposant de formations et de temps pour faire évoluer leurs pratiques et méthodes ?
La réalité de l’instruction contemporaine : les affaires criminelles et complexes et une efficacité reconnue au niveau international
Mme le Professeur Delmas Marty a évoqué à plusieurs reprises dans son intervention la « marginalisation progressive » du rôle du juge d’instruction, ce dernier n’étant plus saisi que dans 4% des affaires pénales poursuivies.
Si la réalité statistique est indéniable, même si elle mériterait quelques affinements, je préfère le terme de spécialiste plutôt que de marginal pour qualifier le juge d’instruction.
Le travail du juge d’instruction s’est en effet recentré sur les affaires criminelles et complexes. 100% des affaires criminelles et complexes sont aujourd’hui instruites par les juges d’instruction qui revendiquent d’être les spécialistes de ces enquêtes.
Pour parler concrètement, il s’agit de toutes les affaires renvoyées devant une Cour d’Assises, des dossiers de criminalité organisée, des réseaux de prostitution, des trafics de stupéfiants, des filières d’immigration clandestine, des affaires de terrorisme, des dossiers à dimension internationale, des dossiers économiques et financiers, des accidents collectifs, des affaires de santé publique. Pour les plaintes avec constitution de partie civile, il peut s’agir de dossiers plus simples mais qui ont été classés sans suite ou laissés sans réponse par le parquet, divers enjeux pouvant alors être en cause.
Il semble aujourd’hui utopique d’imaginer qu’une voie procédurale unique permette de répondre à la diversité factuelle et juridique des affaires, du vol à l’étalage aux mésactions du gang des barbares, au naufrage du Bugaled Breizh ou au réseau international de prostitution. Comment ne pas se rendre à l’évidence que des moyens procéduraux spécifiques sont nécessaires en phase présentencielle notamment en matière criminelle ou pour lutter contre le crime organisée ?
Faire progresser les droits de la défense dans les 96% des dossiers ne donnant pas lieu à instruction et dans lesquels l’enquête n’est pas contradictoire n’impose pas de supprimer une voie procédurale qui a fait preuve d’efficacité.
Les juridictions interrégionales spécialisées en matière de criminalité organisée ont pu être décrites comme des « machines de guerre » contre le crime organisé.
Corinne Goetzmann, juge d’instruction à la JIRS de Paris et qui a démissionné du comité Léger dont elle était membre, cite un exemple récent dans l’un de ses dossiers relatifs à une filière d’immigration clandestine. Des réunions sont organisées via Eurojust, cellule de coopération internationale, entre les autorités judiciaires allemandes, néerlandaises, italiennes et françaises, l’objectif prioritaire étant de convenir d’une date d’interpellation commune. L’Italie n’a jamais été à même de fournir une date d’interpellation en raison de la difficulté pour le parquet, qui participait comme directeur d’enquête aux réunions de coopération, à obtenir une décision en temps utile du juge de l’enquête. Compte tenu des délais de détention aux Pays-Bas et en Allemagne, seuls les passeurs y ont été interpellés et jugés. La procédure d’instruction à la française est la seule à avoir permis l’interpellation non seulement des passeurs mais aussi des organisateurs du réseau.
Cet exemple démontre la vraie capacité de l’instruction à la française à mener une lutte efficace contre la délinquance organisée sans se contenter des cibles les plus visibles (comme les « mules » passeurs de drogue notamment) et en utilisant par exemple les techniques de confiscation des avoirs criminels.
Une autre réalité de l’instruction contemporaine est la délivrance de commissions rogatoires internationales ou de mandats d’arrêts internationaux par un magistrat du siège, ce qui permet en quelque sorte de « protéger » le pouvoir exécutif dans ses relations internationales et diplomatiques.
L’ONG Transparency international, dans sa lettre de mars 2009 a pu également évoquer le coup fatal à la lutte contre la corruption nationale et internationale que constituerait la suppression du juge d’instruction. Je ne peux évoquer plus longuement la question déterminante de l’indépendance de la direction d’enquête dans les dossiers économiques et financiers, mais j’espère vous avoir fait comprendre que c’est en raison de sa spécialisation dans les dossiers lourds et complexes que l’évolution vers l’instruction en équipe est une nécessité absolue.
La direction d’enquête indépendante : l’effectivité du contrôle de la police judiciaire
Mme le Professeur Delmas Marty évoque le rôle d’enquêteur du juge d’instruction ou du parquet. Dans une formule célèbre, Robert Badinter a pu décrire le juge d’instruction comme l’impossible alliance de Maigret et de Salomon.
Le magistrat, qu’il soit du siège ou du parquet, n’est pas un enquêteur. L’autorité judiciaire a un rôle de direction de l’enquête pénale, veillant à sa régularité, sa loyauté et son efficacité en vue de sa finalité judiciaire.
Comment se concrétise cette direction d’enquête ? Il ne s’agit pas seulement de sanctionner a posteriori des éventuelles nullités de procédure mais d’entretenir des contacts permanents et préalables avec le service enquêteur : décisions sur le choix des personnes à interpeller, sur les modes d’audition (convocation/interpellation), sur le bon timing de l’enquête (vérifications préalables), demandes précises sur les investigations à effectuer.
Par ce rôle de direction d’enquête, le magistrat exerce un contrôle effectif de la police judiciaire : on ne contrôle bien que ce l’on dirige.
Mme Delmas Marty vous a parfaitement décrit combien et comment les magistrats du parquet ont vu leurs tâches se multiplier et se diversifier. S’agissant des dossiers criminels et complexes, ils ne sont pas à même d’assurer un réel suivi des enquêtes, tenus par des instructions générales, des impératifs de réussite de procédure, surtout appelés à d’autres taches temporaires (permanences, audiences, règlement de dossiers etc.) et aussi chargés d’assurer la remontée hiérarchique des informations.
Le nombre réduit de dossiers dont le juge d’instruction a la charge lui permet d’assurer cette direction effective de l’enquête. Le juge d’instruction connaît son dossier : c’est cette connaissance qui garantit un réel contrôle de la police judiciaire. On peut utiliser l’image du juge d’instruction attelé à son dossier comme le percheron à sa charrue. Le juge d’instruction, tenu informé du déroulement de l’enquête dès la délivrance de la commission rogatoire, qui a pu autoriser des écoutes téléphoniques porte préalablement une appréciation sur la dimension qu’il convient de donner au moyen coercitif de la garde à vue. C’est lui qui décide de l’opportunité de procéder plutôt par convocation ou par interpellation. C’est lui qui détermine, par exemple en matière de trafic de stupéfiants s’il y a lieu de procéder à 6h du matin, voire la nuit, d’enfoncer la porte, de procéder à une perquisition immédiate. Il est aussi à même de programmer l’avenir : autres investigations parallèles ou suivant immédiatement la garde à vue.
Ce contrôle préalable n’est pas exercé par le juge des libertés et de la détention. Isolé, avec un contentieux hétérogène, sollicité en urgence et de façon intermittente, il n’a qu’une vision incomplète, fragmentée et superficielle du dossier. Il est soit un juge de la forme, soit un juge qui fait confiance. L’exemple du juge des enquêtes en Allemagne montre combien son rôle est accessoire par rapport à celui du parquet. Travaillant au rythme de ce dernier et des services d’enquête, il ne peut assurer pleinement son rôle de contrepouvoir.
Le juge de la relation et de la vérité
Le juge d’instruction conduit lui même les interrogatoires, confrontations des parties (mis en examen, témoin assisté, partie civile) en présence de leurs avocats. Ce sont des actes fondamentaux, qui permettent la construction progressive et contradictoire du dossier, tout cela dans la proximité d’une justice de cabinet.
Il s’agit du temps et de l’espace particuliers de l’avant procès pénal, qui peuvent se révéler fondamentaux dans les dossiers criminels même reconnus ou simples. Le juge d’instruction « donne du volume », selon l’expression de Philippe Vouland, avocat pénaliste à Marseille : il peut aussi faire apparaître la ou les vérités subjectives de chacun des protagonistes. Antoine Garapon a pu parler de « juge de la relation ».
La réalité du métier de juge d’instruction, c’est l’animation du lien entre ce qu’il recueille de façon contradictoire au cours des interrogatoires et de l’enquête menée par la police judiciaire : il entend la personne au fil du dossier sur le résultat des investigations, il donne des instructions au service enquêteur en fonction des interrogatoires : il s’agit de la construction d’un dossier évolutif.
Enfin, le juge d’instruction français est acteur dans la recherche de la vérité : il ne se contente pas des éléments amenés d’une part par l’accusation, d’autre part par la défense : il n’est pas lié par une vérité négociée entre les parties.
Citant l’exemple du film de Xavier de Lestrade « Soupçons » sur l’affaire Michael Peterson aux USA, Christian Guery a pu montrer qu’entre les deux thèses présentées, celle de l’accusation évoquant le meurtre de la femme par le mari et celle de la défense, prônant l’accident, personne n’ a recherché s’il n’y avait pas une troisième histoire (piste d’un autre meurtrier, piste de la « chouette qui tue », une plume étant retrouvée dans la main de la victime). Le juge d’instruction est l’acteur de la troisième histoire qui ne laisse pas l’administration de la preuve entre les mains des parties.
C’est dans cette même logique de recherche active de la vérité que des magistrats et avocats spécialistes de la justice internationale demandaient récemment la création de juges d’instruction internationaux (Libération, 16 avril 2009).
Je conclurai par une référence à la notion de juste distance proposée par Mme le professeur Genevieve Giudicelli Delage : « A vouloir trop éloigner le juge de l’action, on prendrait le risque de le rendre inefficace. La garantie juridictionnelle de la phase d’enquête ne peut être effective que si le juge est en position de juste distance : ni trop près pour ne pas être aveuglé, ni trop loin pour ne pas être aveugle. »
Bibliographie
Commission Justice pénale et droits de l’homme, La mise en état des affaires pénales, La Documentation française, 1991.
Christian Guery, J’instruisais, tu instruisais……nous instruisons, AJ.P, septembre 2006 p. 340.
Christian Guery, L’instruction idéale, blog Dalloz, 16 mars 2009.
ENM, rapport d’activité et de recherches, promotion 2006, La cosaisine des juges d’instruction dans la procédure pénale française.
Rapport sur l’évaluation de la mise en place et du fonctionnement des juridictions interrégionales spécialisées, Inspection des services judiciaires, janvier 2006.
Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2007.
Rapport fait au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, juin 2006.
Rapport du groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l’affaire dite d’Outreau, Ministère de la justice, février 2005.
Haritini Matsopolou, Les innovations dans la conduite de l’information judiciaire : une urgence pour 2010, Droit pénal, avril 2007, p. 7.
Jocelyne Leblois-Happe, Quelle collégialité pour l’instruction en 2010, Dalloz, n°30, p. 2101.
Fabrice Deferrard, Le juge d’instruction retrouvé, Recueil Dalloz, 2006.
Dominique Karsenty, Réflexions sur la mise en œuvre des pôles de l’instruction au regard des droits fondamentaux, JCP, 27 février 2008.
Catherine Giudicelli, Le juge d’instruction évoluera ou disparaîtra, AJ.P, 2009, p. 68.
La direction de l’enquête pénale, AJ.P, novembre 2008.
L’instruction des affaires pénales, les documents de travail du Sénat, série législation comparée, mars 2009.
Rapport d’étape sur la phase préparatoire du procès pénal, Commission de réflexion sur la justice pénale, mars 2009.
Projet de code d’instruction criminelle, rapport de M. Donnedieu de Vabres, Revue de sciences criminelles et de droit comparé, 1949, p. 433.
Genevieve Giudicelli Delage, La juste distance : réflexions autour de mauvaises questions (?) à propos de la réforme de l’instruction et de la procédure pénale française, Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz.
Franck Natali, Léon Lef Forster, Justice pour tous : une alternative à la suppression du juge d’instruction, Gazette du Palais, 22 mars 2009.
Jerome de Hemptinne, Marcel Lemonde, François Roux, Pour des juges d’instruction internationaux, Libération, 16 avril 2009.
_______
(1) Catherine nous avait transmis, en mai, ce texte de son intervention à l’Académie des sciences morales et politiques.
*** LE KIOSQUE ***
- 4. – RAPPEL. Pierre V. Tournier, Loi pénitentiaire, Contexte et enjeux. Editions, L’Harmattan, Collection Controverses, 2008, 114 pages, 12€.
A paraître dans le rapport annuel 2009 de l’Observatoire national de la délinquance (OND)
Pierre V. Tournier, Sanctions pénales .Quelles sont les infractions sanctionnées ? A quoi condamne-t-on ? Les sanctions sont-elles plus « lourdes » aujourd’hui qu’hier ?, 15 pages.
— -, Démographie du placement sous écrou. Population sous écrou, population détenue, inflation carcérale, surpopulation, densité, places inoccupées, détenus en surnombre, 8 pages.
— -, Processus pénal et origine des mis en cause, note rédigée à la demande du Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations, présidé par François Héran, directeur de l’INED, 10 pages.
— -, Observer les prisons et autres lieux d’enfermement (France, 2009), 17 pages.
* Textes disponibles dès maintenant, par courriel…
*** DU COTE DU PASSÉ ***
- 5. - Le devenir de la prison Montluc. Le préfet de Région Rhône-Alpes, Jacques Gérault a tenu une conférence de presse le mercredi 1er juillet 2009 au quartier hommes de la prison Montluc sur la reconversion du site. Certains bâtis, inscrits depuis le 25 juin dernier au titre
des monuments historiques, vont devenir un lieu de mémoire. Derrière les murs de cette ancienne prison militaire plus de 7 000 personnes juives ou résistantes ont été condamnées pendant l’occupation, à la déportation, à la torture ou au peloton d’exécution. Les plus emblématiques de ces martyrs : Jean Moulin, l’historien Marc Bloch ou les enfants d’Izieu.
La gestion de ce lieu de mémoire sera confiée au Centre d’histoire de la résistance et de la déportation. Une enveloppe de 150 000 euros a été débloquée pour ce projet au titre du plan de relance.
* Source : Direction de l’administration pénitentiaire
*** MESURES ET SANCTIONS PENALES***
- 6. - Population sous écrou au 1er août 2009. Le nombre de personnes sous écrou est de 67 794 (France entière). Si ce nombre est pratiquement stable (+ 0,3 % sur les douze derniers mois), le nombre de détenus est, lui, en baisse (- 2,1 %). Le nombre de places opérationnelles en détention a augmenté de 4,9 %, le nombre de détenus en surnombre baissant de 19 %, en un an.
Composition de la population sous écrou
Au 1er août 2009, les 67 494 personnes sont sous écrou (+ 229 en un an, soit + 0,3 %) se répartissent de la façon suivante : 15 384 prévenus détenus (- 7,2 %), 47 036 condamnés détenus (- 0,4 %), 4 522 condamnés placés sous surveillance électronique (+ 36 %), 552 condamnés en placement à l’extérieur, sans hébergement pénitentiaire (+ 16 %).
14 % des condamnés sous écrou font l’objet d’un aménagement de peine (semi-liberté, placement sous surveillance électronique, placement à l’extérieur avec ou sans hébergement pénitentiaire).
Surpopulation
* Nombre de personnes détenues : 62 420 (- 4 1 363 en un an, soit - 2,1 %).
* Nombre de places opérationnelles en détention : 53 323 (+ 2 488 en un an, soit + 4,9 %)
* Surpopulation apparente : 62 420 - 53 323 = 9 097
* Nombre de détenus en surnombre : 11 411 (- 2 658 en un an, soit - 19 %)
Année 2009 – Détenus en surnombre
Champ : France entière
Données élaborées à partir de la statistique mensuelle de la population sous écrou, Ministère de la justice [voir tableau en pièces jointes]
NB. Nous reviendrons sur la question des suicides sous écrou, la semaine prochaine.
PVT
*** PARIS, RIVE DROITE, RIVE GAUCHE ***
- 7. - PARIS. Mardi 15 septembre 2009. 17h30. Séance inaugurale du séminaire, public, de recherche « Enfermements, Justice et Libertés dans les sociétés contemporaines », du Centre d’histoire sociale du XXe siècle. 20ème séance.
- Lieu : Amphithéâtre Dupuis, 9, rue Malher Paris IVe, (sous-sol) Métro Saint-Paul.
Ce séminaire se tient, depuis septembre 2007, chaque 3ème mardi du mois de 17h30 à 19h30, au Centre d’histoire sociale du XXe siècle Université Paris 1, sous la responsabilité de Pierre V. Tournier. Disciplines concernées : anthropologie, architecture, criminologie, démographie pénale, droit, ethnologie, géographie, histoire, philosophie, sciences du psychisme, science politique, sociologie, …
Sous la présidence de M. Pierre Lyon-Caen, avocat général honoraire à la Cour de Cassation, membre de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), co-fondateur du Syndicat de la Magistrature.
En présence de MM. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République et Claude d’Harcourt, préfet, directeur de l’administration pénitentiaire.
« Placement sous écrou et dignité de la personne »
Communication de M. Jean-Manuel Larralde, professeur de droit public à l’Université de Caen,
Discutants : Dr. Olivier Boitard, psychiatre des hôpitaux, médecin-chef à l’hôpital de Clermont (Oise), président du Comité d’action syndicale de la psychiatrie, M. Pierre Méheust, juriste, ancien président du GENEPI, M. Arnaud Philippe, étudiant en économie à l’Ecole normale supérieure, ancien président du GENEPI.
* Avec le soutien de l’Association française de criminologie (AFC) et de la Société GEPSA, prestataire de services dans les établissements pénitentiaires en gestion déléguée. GEPSA contribue à la réinsertion des personnes détenues grâce aux dispositifs de formation profession-nelle, d’emploi et d’accompagnement mis en place en partenariat avec l’Administration pénitentiaire.
*** NOMINATIONS ***
- 8. - * Cabinet de Michèle Alliot-Marie, ministre d’Etat, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés : François Molins, magistrat, directeur du cabinet (jusqu’alors procureur de la République de Bobigny) ; Alexandre Jevakhoff, inspecteur général des finances, directeur adjoint ; Ludivine Olive, chef du cabinet et nièce de la garde des Sceau ; Jean-Louis Daumas, conseiller technique chargé de la Justice des mineurs, de l’accès au droit et de l’aide aux victimes (jusqu’alors directeur de l’ENPJJ) ; Bruno Clément, conseiller pénitentiaire (jusqu’alors directeur adjoint à l’ENAP, directeur des enseignements).
* Cabinet de Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Justice et aux Libertés : Laurent Marcadier, magistrat, directeur du cabinet (jusqu’alors secrétaire général de la présidence de la cour d’appel de Paris), Michel Suchod, conseiller spécial (ancien député socialiste, ancien député du Mouvement des citoyens, aujourd’hui conseiller de la Gauche moderne.)
* Décret n° 2009-853 du 8 juillet 2009 relatif aux attributions déléguées au secrétaire d’Etat à la justice « M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la justice, remplit toute mission et assure le suivi de tout dossier que lui confie le ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, auprès duquel il est délégué ». [sic]
* Cabinet de Brice Hortefeux ministre de l’Intérieur : Michel Bart, préfet, a été nommé directeur du cabinet. Il a été directeur adjoint du cabinet (1999-2002) de ministre de l’Intérieur de gauche Jean-Pierre Chevènement puis de Daniel Vaillant (2000).
- 9. - Message de Nathalie Duhamel, secrétaire général de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, juillet 2009.
Près de 9 ans après la création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, j’ai décidé de quitter mes fonctions. Sous l’autorité de Pierre Truche, Premier président honoraire de la cour de cassation, et avec une si petite équipe, nous avons, après la création de la Commission par le vote de la loi du 6 juin 2000, mis en place cette nouvelle institution qui, à partir des dossiers qui lui étaient soumis, a porté un regard indépendant sur le fonctionnement des services de sécurité de notre pays.
Ce ne fut pas facile ! Cette mission étant jusqu’alors réservée aux seuls corps de contrôle internes à l’administration et aux droits de visite des parlementaires trop rarement exercés.
9 ans après, la CNDS, autorité administrative indépendante, chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité, chaque année plus souvent saisie par des centaines de citoyens, a amélioré l’efficacité de ses procédures de contrôle, et est reconnue par les organismes internationaux de contrôle du respect des libertés fondamentales.
La création dans la Constitution d’un Défenseur des droits doit entraîner, à terme, une modification du paysage institutionnel dans lequel s’inscrira la CNDS. Chacun devra veiller à la pérennité de ses missions et au respect de son indépendance.
Sous l’autorité de M. Roger Beauvois, président de la CNDS, Benoît Narbey, qui travaille à la Commission depuis deux ans, me remplacera à partir du 1er septembre 2009. Forte d’une énergie renouvelée, avec le concours de tous ceux qui croient au rôle d’une institution vigilante, la CNDS saura, poursuivre sa voie afin de renforcer la confiance des citoyens envers les acteurs de la sécurité.
nathalie.duhamel@cnds.fr
* Avant d’être rapporteur adjoint à la CNDS, Benoît Narbey a été chargé de mission "Asile et lieux privatifs de liberté en France" au sein de l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). Il est titulaire du master 2 « Droit de l’exécution des peines et droits de l’homme » (Universités de Pau et de Bordeaux, ENAP). Rappelons que la CNDS est présidée par Roger Beauvois, président de chambre honoraire de la Cour de Cassation.
*** ATTENTION, VOUS ENTREZ DANS UN ESPACE « MILITANT » ***
Avertissement. La rédaction d’ACP ne partage pas nécessairement le positionnement politique des personnes physiques ou morales citées dans ces rubriques « militantes ». Par la diffusion de ces informations, elle souhaite simplement favoriser le débat d’idées dans le champ pénal, au delà des travaux scientifiques que cette lettre hebdomadaire a vocation à faire connaître.
*** JOURNÉES « PRISON » DE NOVEMBRE ***
- 10. - Du 23 au 29 novembre 2009. 16èmes journées nationales « prison ». « La citoyenneté ne s’arrête pas aux portes des prisons ! ». Organisées par le Groupe national de concertation prison (GNCP).
« Les citoyens d’un même Etat, les habitants d’une même ville ne sauraient vivre toujours seuls et séparés. »
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social
La prison interroge la société qui se trouve, en elle, confrontée à sa propre marginalité. Du fait de la transgression des règles établies par le délit ou le crime, la prison représente un point de rupture. Rupture entre la société et les sujets dont elle est composée, rupture du contrat social, rupture de l’expression d’une citoyenneté. Il convient alors de s’interroger sur l’appartenance des personnes détenues à la collectivité.
Jusqu’en 1854, « la mort civile » pouvait être prononcée comme une peine supplémen-taire pour les personnes condamnées à la perpétuité ou à l’exécution capitale, elle consistait en l’extinction générale des droits civils. En 1885, la loi sur la relégation crée « l’internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions françaises » (1) des délinquants et criminels multirécidivistes : ils ne pouvaient plus jouir de leurs droits civiques et étaient forcés de quitter le territoire. Un siècle plus tard, en 1970, la relégation est supprimée et est instituée la tutelle pénale pour les récidivistes, qui sera abrogée par Robert Badinter en 1981. De cette évolution historique émerge un questionnement empreint d’actualité : les personnes détenues peuvent-elles être des citoyens à part entière ?
Jadis lieu de passage vers le châtiment réel, symbole de rupture entre l’Homme et la Cité, la prison nécessite aujourd’hui le maintien du lien vital qui unit ces hommes à la Cité. La prison doit donner un autre sens, une autre direction à la peine, un horizon tourné vers la collectivité.
Chaque individu est lié par son existence même à la société. Chaque homme naît citoyen. Par conséquent, si la prison doit être pensée comme une sanction nécessaire, elle ne doit pas pour autant détacher les personnes détenues des autres citoyens, puisqu’ils seront amenés à se retrouver. En effet, depuis 1981 et l’abolition de la peine de mort, toute personne condamnée est destinée un jour à sortir de prison. Toute personne détenue est donc, comme toute autre, une personne en devenir. Ainsi il est dans l’intérêt de tous de préparer cette sortie, et faire en sorte que « chaque détention [soit] gérée de manière à faciliter la réintégration dans la société libre des personnes privées de liberté (2) ».
Aujourd’hui, près de 54 % des personnes détenues sont sans diplôme, plus de 85 000 personnes sortent de prison chaque année dont 10% ne disposent pas de solution d’hébergement pérenne, 35 % de la population mise sous écrou vit sans ressources suffisantes, de nombreuses personnes détenues vivent 22 heures sur 24 en cellule, dans l’oisiveté la plus totale. Face à ces réalités, comment maintenir ou développer le lien entre la société et les personnes détenues ? Comment faire de la prison un temps utile et non un temps mort ?
La prison interpelle notre société, lui rappelle ses valeurs fondatrices. Elle est un reflet altéré mais nécessaire des différentes évolutions constitutives de nos mœurs et de nos institutions. Ce sont ces interrogations qu’il nous faut saisir et révéler, c’est ce lien perdu pourtant évident que nous devons créer et cultiver. La citoyenneté ne s’arrête pas aux portes des prisons !
(1) J.-B. Duvergier, Lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du Conseil d’Etat, Paris, 1885, p. 225-252
(2) Règle pénitentiaire européenne n°6, Conseil de l’Europe, 11 janvier 2006
- 11. - DOUAI. Mardi 24 novembre 2009. « Respect de la dignité de la personne et incarcération : utopie ou exigence républicaine ? » avec Alain Blanc, président de chambre à la Cour d’appel de Douai, président de l’Association française de criminologie (AFC) et Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, ancien président de l’AFC.
Rencontre organisée par l’Association Arc-en-Ciel, d’accueil des familles, les aumôneries des prisons et l’Association nationale des visiteurs de prison (ANVP), dans le cadre des journées nationales « prisons ».
- Lieu : à préciser.
* Contact : fievet.francois@neuf.fr
- 12. – LYON. Jeudi 26 novembre 2009. « La prison, quelle voie pour l’insertion ? » avec Maître Ugo Iannucci, avocat au Barreau de Lyon, Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Jean-Olivier Viout, procureur général de la cour d’appel de Lyon.
Rencontre organisée par la FNARS, commission « Justice » de Rhône-Alpes en concertation avec le groupe local « Concertation – prison », dans le cadre des journées nationales « prisons ».
- Lieu : à préciser.
* Contact : luc.hartmann@wanadoo.fr
- 13. - MULHOUSE. Vendredi 27 novembre 2009. « Doit-on laisser la citoyenneté aux portes des prisons ? ». Journée « Justice » organisée par la FNARS Alsace.
* Contact : fnars-alsace@wanadoo.fr
*** DU COTE DES RADICAUX ***