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N° 142 ACP du 8 juin 2009

Publié le samedi 13 juin 2009 | https://banpublic.org/no-142-acp-du-8-juin-2009/

ACP N°142 
Paris, le 8 juin 2009 


Arpenter le Champ Pénal
Approche indisciplinaire
 7ème année
 Directeur de la publication : Pierre V. Tournier

 ACP a le plaisir de saluer la publication du n°103 de « Prison-Justice », revue de la Fédération des associations réflexion, action, prison et justice qui vient de connaître une profonde mutation. Allez la découvrir en prenant connaissance de ce premier dossier, fruit du travail du pôle réflexion de la FARAPEJ, intitulé « Quel nouveau paradigme pour la justice ? Avec des contributions d’Alain Cugno (rédacteur en chef), Robert Badinter, Serge Portelli, Dominique Simonnot, Nicole Maestracci… www.farapej.fr

*** LES COMPTES DU LUNDI ***

A propos d’Europe…

 Retour sur la question des suicides sous écrou et des statistiques pénitentiaires en général. Sur la base de la Statistique pénale annuelle du Conseil de l’Europe (SPACE) (1), on sait qu’environ 1 600 décès ont été enregistrés, en 2006, dans les prisons de l’Union européenne, dont environ 480 par suicide. Rapporté à la population carcérale de l’Union, cela donne un taux de mortalité de 27,5 p. 10 000 et un taux de suicide de 8,2 pour 10 000. Cette année-là, les taux ont été pour la France, respectivement de 37 p. 10 000 et de 16 p. 10 000. Ainsi, dans notre pays, le taux de mortalité carcérale est supérieur de 35 % au taux de l’Union. Quant au taux de suicide, il est deux fois plus élevé que dans l’Union européenne. 

 Ajoutons que le taux de suicide, pour la France en 2006 n’avait rien d’exceptionnel : il a été de 15 p. 10 000 en 2007 et de 17 p. 10 000 en 2008. Nous n’avons pas pu obtenir les chiffres pour les 5 premiers mois de 2009, la Direction de l’administration pénitentiaire se refusant à publier une statistique infra-annuelle.
 Ne devrait-elle pas engager une analyse de cette particularité française et tenter de savoir ce que recouvre de tels écarts entre pays, par exemple avec l’Espagne (taux de suicide carcéral de 4,8 p. 10 000 en 2006) avec l’Angleterre (8,6 p. 10 000), l’Allemagne (9,6 p. 10 000) et même l’Italie (13 p. 10 000) ? 
 Pourquoi ne pas prendre langue avec les administrations de ces pays pour y voir plus clair et, peut-être, avancer ensemble ? Et rendre public les résultats de ces analyses en application de la règle pénitentiaire européenne n°90.1 « Les autorités pénitentiaires doivent informer continuellement le public du rôle joué par le système pénitentiaire et du travail accompli par son personnel, de manière à mieux faire comprendre l’importance de sa contribution à la société ».
 Dans le même esprit, il nous parait essentiel que la Direction de l’administration pénitentiaire reprenne la diffusion systématique d’une statistique trimestrielle des entrées en détention et des sorties de détention, diffusion qui a été assurée pendant des années – depuis la fin des années 1960 jusqu’à une date récente -. Complétant de façon indispensable la statistique mensuelle sur les personnes sous écrou au 1er jour du mois, cette statistique de flux trimestriels devrait permettre de connaître, en particulier, le nombre de libérations avant jugement, de libérations en fin de peine, de libérations conditionnelles, de suicides, de décès pour autre cause, d’évasions. Il s’agit d’un impératif démocratique à un moment à l’on va de record en record quant au nombre de personnes sous écrou. 
 
Pierre V. Tournier

(1) Source : La statistique pénale annuelle du Conseil de l’Europe (SPACE) a été créée et développée par mes soins à partir de 1983. Depuis 2002, elle est placée sous la responsabilité de mon collègue le professeur Marcelo F. Aebi, vice-directeur de l’Ecole des sciences criminelles de l’Université de Lausanne, assisté de Natalia Delgrande.

La dernière production a été rendue publique récemment. Elle se réfère à la situation des prisons au 1er septembre 2007 et aux données de flux de l’année 2006. Le document, en anglais, comprend 99 pages. Il peut vous être adressé, par courriel (en pdf) sur simple demande.

Mortalité carcérale en 2006 dans l’Union européenne (voir tableau ci-joint)

*** LE KIOSQUE ***

- 2. - Ouvrages

Collectif, « Qu’est-ce que l’adolescence ? » Coordonné par Véronique Bedin, Editions Sciences Humaines, 256 pages, 12,50 euros.
Quand commence et quand finit l’adolescence ? Les filles et les garçons vivent-ils ce passage différemment ? Les ados d’aujourd’hui sont-ils plus violents que ceux d’hier ? Comment les parents vivent-ils cette période ?…
 Ce livre fait le point sur les bouleversements physiques et psychiques de l’adolescent. Mais il éclaire aussi sur cette notion ambiguë qu’est l’adolescence : un ensemble de représentations collectives qui varient selon les sociétés et les générations.
 Véronique Bedin est directrice des éditions Sciences Humaines et co-auteur avec Nicole Catheline de Les Années-collège, Le grand malentendu, Albin Michel, 2004.
 Avec les contributions d’Alain Braconnier, Nicole Catheline, Daniel Coum, Monique Dagnaud, Isabelle Danic, Daniel Favre, Michel Fize, Hervé Glevarec, Patrice Huerre, André Iteanu, Philippe Jeammet, Hugues Lagrange, Pascal Lardellier, David Le Breton, Daniel Marcelli, Laurent Mucchielli, Élisabeth Rallo-Ditche…
Alain Bauer et Émile Pérez, « Les 100 mots de la police et du crime », Que Sais-je, PUF, 2009.
Présentation de l’éditeur : « Les activités criminelles et les actions des services de sécurité alimentent au quotidien l’actualité présentée par les médias, les discussions de comptoir comme les séries télévisées : faits divers, actions criminelles, poursuites, recherches, interpellations peuplent notre imaginaire collectif. De « violence » à « loi », de « bavure » à « argot », de « procès-verbal » à « garde à vue », de « témoin » à « mandat », cet ouvrage présente 100 mots afin d’aider à une meilleure compréhension de cet univers si particulier, dans sa quotidienne complexité. »
Alain Bauer est professeur titulaire de la chaire de criminologie du Conservatoire national des Arts et Métiers. Il préside le Conseil d’orientation de l’observatoire national de la délinquance.
Émile Pérez est Inspecteur général de la police nationale, chef du Service de coopération technique internationale de police.

- David Chekroun et Étienne Pataut, L’Europe de la Justice, Les essais de la Fondation Jean Jaurès, juin 2009, 70 pages, 4 €. www.jean-jaures.org
Présentation de l’éditeur : « La menace terroriste et l’internationalisation du crime organisé ont forcé les Etats membres de l’Union européenne à accentuer leur coopération policière. Pourtant, la mise en place d’une politique communautaire de la justice, qui devrait aller de pair afin de protéger les droits des citoyens européens, fait aujourd’hui défaut. Autour de propositions concrètes, Etienne Pataut et David Chekroun donnent forme à ce que pourrait être l’intégration des politiques relatives à l’« espace de liberté, sécurité, justice ». De la class action européenne à la protection des consommateurs, en passant par l’harmonisation du droit familial, ils tracent les grandes lignes d’une Europe de la justice qui reste à bâtir. »
David Chekroun est professeur de droit à ESCP Europe et spécialisé dans les questions de justice en Europe.
Étienne Pataut est professeur de droit à l’Université de Cergy-Pontoise et spécialisé dans les questions de justice en Europe.

- Conseil de l’Europe, « La réforme de la Convention européenne des droits de l’homme : Un travail continu », mai 2009, 764 pages, 69€.
La Conférence ministérielle européenne sur les droits de l’Homme réunie à Rome à l’occasion du 50 anniversaire de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales avait souligné deux éléments cruciaux : - la responsabilité qui incombe aux Etats membres, Parties à la Convention, de veiller continuellement à ce que leur législation et leur pratique soient conformes à la Convention et à exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ; - la nécessité de prendre d’urgence des mesures pour assister la Cour dans l’accomplissement de ses fonctions, compte tenu du nombre croissant de requêtes. Une réflexion approfondie devait ainsi être entamée dans les meilleurs délais sur les diverses possibilités et options en vue de garantir l’efficacité de la Cour face à cette nouvelle situation. La Conférence de Rome a déclenché des travaux intenses. Depuis janvier 2001, la coopération intergouvernementale du Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) du Conseil de l’Europe s’est concentrée sur l’élaboration d’instruments normatifs dont le plus important a été le Protocole n 14 à la Convention. Ces travaux ont largement bénéficié des débats de haut niveau qui ont eu lieu lors de diverses tables rondes, ateliers et séminaires organisés principalement par les Présidences successives du Comité des Ministres. Le présent ouvrage recueille cet ensemble de travaux.

*** SUITES DU COLLOQUE sur la CRIMINOLOGIE du 3 février 2009 ***

- 3. – Petit état de l’art de la recherche sur le phénomène criminel et les réponses institutionnelles en France.

Par Philip Milburn

 Philip Milburn est professeur de sociologie à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines

 Il n’est guère aisé de faire le point sur l’ensemble des recherches réalisées au cours des dernières années sans tomber dans les travers d’un catalogue fastidieux. On préfèrera par conséquent rappeler les domaines couverts et ceux qui méritent de l’être, car, sur les sujets qui nous intéressent, la recherche est très largement lacunaire, notamment par comparaison aux travaux existant dans les pays anglophones et même dans d’autres pays francophones.
 Avant cela, il convient d’indiquer les conditions de possibilité d’une recherche sur ces questions en France ; ceci est d’autant plus indispensables que les enjeux qu’elles charrient sont très fortement chargés en valeur politique, surtout depuis que la question de sécurité publique est devenue l’un des principaux enjeux politiques d’un Etat qui a moins de prise sur les questions sociale et économique. Ceci pose en effet avec davantage d’acuité l’autonomie de la recherche et des chercheurs qui ne sauraient être les simples instruments de la valorisation des politiques publiques. Il n’est nullement exclu, toutefois, que les objets soumis au regard du chercheur sur les questions criminelles répondent à une commande publique. En revanche, pour maîtriser sa valeur heuristique, la recherche scientifique doit pouvoir produire ses dispositifs méthodologiques et ses schémas théoriques. Mieux : si une recherche criminologique doit exister, elle n’a guère de substance spécifique mais se trouve à l’intersection de plusieurs disciplines scientifiques, moyennant quoi la recherche réalisée dans cet espace doit redoubler de vigilance épistémologique, c’est-à-dire s’interroger inlassablement sur les conditions de validité d’un objet sans cesse construit et reconstruit.
 Il s’agit donc de mettre en œuvre une approche critique, c’est-à-dire qui interroge les fondements de la légitimité de ses objets, de ses méthodes et de ses interprétations. Elle doit être d’autant plus épistémologiquement critique que les enjeux sont politiquement stratégiques, en l’espèce ceux du contrôle social sous sa forme la plus directe. Ceci ne signifie pas pour autant que ce type de travaux soit adressé à la seule communauté des scientifiques qui se parleraient à eux-mêmes. Christian Demonchy, dans le papier qu’il présente pour ce colloque, distingue utilement une « criminologie technocratique » répondant aux seules attentes de l’Etat, d’une « criminologie démocratique » qui rend ses résultats disponibles au débat public : citoyens, professionnels, associations, syndicats, élus locaux aussi bien que les pouvoirs publics. C’est au reste cette démarche qui prévaut dans la plupart des pays qui présentent une filière de formation et de recherche en criminologie. J’en veux sinon pour preuve, en tout cas comme illustration fort significative, ce travail très complet réalisé par les collègues du laboratoire criminologique de l’Université Libre de Bruxelles sur la réforme de la loi sur la justice des mineurs en Belgique. Différents travaux juridiques et empiriques ont été compilés en toute liberté d’interprétation et donne lieu à une publication qui peut servir de référence à quiconque est concerné par la question (1).

 Pour développer le propos, je distinguerai quatre grands axes de recherche où l’étude du crime et de ses réponses sont amenés à se développer.

1/ le fait criminel, ses auteurs et ses victimes ;
2/ le processus normatif de définition des illégalismes et des techniques y répondant ;
3/ Les stratégies et dispositifs de traitement de la criminalité ;
4/ le rapport avec le public et les médias.

 1. - Le fait criminel, ses auteurs et ses victimes

 Cet aspect est évidemment surdéterminé par l’approche comptable. La question des statistiques du crime dominent le débat et on ne s’y attardera pas ici : il n’en reste pas moins un aspect important qu’on ne saurait négliger, et le débat sur les sources de données et la disponibilité des données quantitatives brutes est essentiel. Mais il convient de cerner la question en amont en termes épistémologiques : que mesure-t-on ? Car les chiffres habituellement livrés saisissent davantage les faits déclarés, ce qui suppose que certaines personnes (victimes, policiers, autres agents administratifs) aient considéré l’illégalité du fait avant de les déclarer.
 Il convient donc de faire porter la recherche sur les rationalités qui animent différentes catégories d’illégalismes et permettent de les classer. Il s’agit donc de comprendre le phénomène criminel avant de le comptabiliser. Or la mise au jour d’une telle rationalité suppose de se pencher en premier lieu sur les valeurs que recèlent les faits incriminés pour les protagonistes, à savoir les auteurs, les victimes et les professionnels.
 Il existe bien sûr une importante tradition de sociologie criminelle pour saisir la logique de l’implication de certaines personnes dans une pratique de délinquance, dont la recherche française ne peut faire l’économie. Elle doit se souvenir toutefois que le sens du fait criminel se trouve dans la relation entre celui qui transgresse et ceux qui s’estiment lésés par la transgression, ne serait-ce que moralement. Il ne s’agit pas là que des victimes mais du corps social dans son ensemble, représenté par la norme et ceux qui s’en proclament garants. La psychologie est également convoquée dans le questionnement sur les logiques du « passage à l’acte », qui ne saurait toutefois se limiter à un simple questionnement causaliste.
 La dimension attachée aux victimes, ou du moins aux plaignants, n’a guère été prise en compte en France avant les années 1990, hormis quelques recherches pionnières (2). Outre la question du traumatisme des victimes et de sa réparation (qui relève de la « victimologie »), l’un des aspects insuffisamment étudiés tient sans doute à la caractérisation des faits par les victimes. On songera par exemple aux violences conjugales ou aux abus sur les enfants pour qui la relation avec l’auteur des faits infléchit singulièrement la manière dont ils caractérisent les faits.
 Enfin, les logiques professionnelles et politiques contribuent largement à définir les faits comme illégalismes et à leur conférer leur valeur spécifique. la consommation de drogues peut être vue comme pratique banale, phénomène illicite ou risque sanitaire selon la position institutionnelle, professionnelle ou personnelle. Les graffitis peuvent être vus comme pratique ludique, culturelle ou illégale selon les positions. Il ne s’agit pas pour la recherche criminologique d’établir une quelconque vérité dans ces options, mais de saisir les logiques qui, dans les actions comme dans les esprits, contribuent à donner sens au fait criminel avant, pendant et après son occurrence.

 Il apparaît plus que souhaitable que la recherche qualitative sur le phénomène criminel permette de distinguer les différences existant entre différents types de faits, en fonction des logiques qui les sous-tendent. Ainsi, la consommation de drogue ou d’alcool, le vandalisme, les agressions sexuelles, les violences conjugales, les différents types de vol (étal, roulotte, etc.) le trafic et le gangstérisme organisés (etc.) n’ont en commun que le fait de faire l’objet d’une condamnation dans le code pénal, mais ils ne répondent pas aux mêmes rationalités que la recherche en « criminologie » doit s’employer à interpréter. Ceci a pour premier objectif de ne pas se laisser enfermer dans les classifications portées par le sens commun, le débat public et le politique. En effet, des catégories telles que « violence » « incivilités », « sauvageons », « barbares », « terroristes, « pédophile » fonctionnent comme un écran masquant les réalités empiriques, alors même qu’elles sont au cœur des réponses juridiques et des politiques de sécurité publique. Elles brouillent largement le débat public sur les questions, entretiennent souvent un effet de panique morale et opèrent généralement de fâcheux amalgames. Dès lors que l’on a une visibilité sur les faits et sur les rationalités qui les habitent, leur mesure prend une nouvelle dimension et appelle des instruments méthodologiques appropriés.
Les enquêtes de victimation sont désormais opérationnelles en France, mais elles méritent sans doute qu’un espace de débat méthodologique permette de faire le bilan des instruments, de les comparer et de les enrichir. Quelques enquêtes connues ont élaboré en France la méthode de « délinquance auto-déclarée » : toutefois, leur interprétation reste encore insuffisante en termes théoriques, et leur multiplication est souhaitable, pas uniquement sur des publics de jeunes collégiens. Enfin, les enquêtes de « reporting » de l’activité des professionnels de la sécurité, qui se sont développées au Royaume-Uni et aux USA, ne sont pas pratiquées en France. Il s’agit là de mesurer l’activité réelle (interventions) et non pas seulement celle qui est déclarée officiellement (plaintes, main courante, déferrements...). En outre, la criminalité d’affaires (white collar crime, selon l’expression d’E. Sutherland) sont extrêmement rares en France, si l’on excepte les travaux de référence de Pierre Lascoumes (3).

 La question de la désignation, de la classification et de la mesure des phénomènes criminologiques, qui est encore largement en friche dans l’hexagone, invite des compétences de sociologues et de psychologues, mais aussi de démographes, d’historiens, ou d’anthropologues dont les méthodes et les référents permettraient d’enrichir considérablement la connaissance.

 2. - Le processus normatif de définition des illégalismes et des procédures y répondant

 La première définition du « crime » est bien sûr sa définition juridique. Il importe par conséquent d’approfondir la recherche sur cet aspect : le droit pénal n’est pas figé, il varie dans le temps et dans l’espace. Le recherche sur les évolutions du droit et la comparaison entre les droits nationaux (ou fédéraux) est partie prenante d’une criminologie contemporaine.
 Il s’agit d’interroger la nature pénale des faits visés. Le travail sur le raisonnement juridique (esprit du législateur et jurisprudence) est essentiel ici. Mais il doit être assorti d’un travail plus général sur les évolutions du droit pénal, que ce soit dans la promulgation des textes (ou leur abrogation) ou dans leur application (4), qui doit permettre de saisir le périmètre des qualifications. Ainsi, certaines en sont sorties (vagabondage, avortement), d’autres y sont entrées (viol conjugal, harcèlement). Mais au-delà, ce sont certaines infractions stratégiques sur lesquelles il convient de s’arrêter en cela qu’elles caractérisent une certaine définition politico-juridique de la criminalité : que l’on songe aux évolutions des notions d’association de malfaiteurs et de terrorisme.
 Une telle lecture analytique de ces textes suppose également de s’attacher à des éléments tels que la peine encourue ou le délai de prescription, qui par leur allongement ou leur raccourcissement, viennent définir la « gravité », c’est-à-dire la degré d’illégalité et de trouble à l’ordre public pour certains domaines d’infraction. Ainsi, les agressions sexuelles commises par ascendant ont vu leurs délais de prescription significativement allongés. L’introduction des « peines plancher » pour récidivistes ou de la procédure de rétention des justiciables jugés dangereux une fois leur peine exécutée constitue sans doute une modification majeure de la nature du droit pénal susceptible de redéfinir ses logiques profondes, contribuant à faire reposer la peine non seulement sur les faits ou la personnalité mais sur la dangerosité du justiciable incriminé (5).
 Aussi est-il important que des études portant sur la pratique des tribunaux, portant sur le recours aux qualifications, à leurs associations sur des mêmes faits, aux condamnations prononcées, au recours aux peines plancher puissent se développer. Ces travaux dits de « sentencing » sont pratiqués de longue date dans les pays anglophones et apportent des données essentielles sur les usages du droit (6). Ils permettent de saisir les logiques des décisions d’application de la loi, les jugements constituant la concrétisation du droit et par conséquent la matérialisation de la nature de l’illégalisme.

 Autre domaine où les normes et le droit jouent un rôle décisif : celui de la procédure pénale. Ainsi, en France, les évolutions en la matière ont été considérables au cours des années passées et ont contribué à infléchir la logique des réponses institutionnelles aux illégalismes. Au point que Jean Danet y voit un « tournant » dans l’histoire du système pénal français (7). Depuis l’interpellation et la garde à vue jusqu’à l’exécution et l’application de la peine, en passant bien entendu par le déroulement des phases d’investigation, d’incrimination et le procès, le parcours des justiciables mis en cause est décisif dans le processus de tri qui amène aux différentes formes de réponses pénales et qui contribue à définir les contours de la définition institutionnelle de la délinquance en termes d’application de la loi.
 L’action du parquet a connu en France, on le sait, des évolutions considérables depuis les 25 dernières années, qui l’a amené à absorber dans des réponses restant à son niveau (la « troisième voie entre poursuites et classement ») une bonne partie des infractions déferrées. Ces évolutions reposent sur une architecture d’aménagement des procédures qu’il convient d’étudier non seulement dans ses effets sociologiques (extension du filet pénal par exemple) mais également quant à la volonté du législateur et à l’« esprit des lois ».
 Un domaine essentiel mérite une attention semblable de la recherche : celui des peines. Derrière la prééminence de l’incarcération comme ultima ratio et de l’inflation carcérale, une série de dispositifs inédits ou innovants de pénalisation se développent, entre des peines impliquant la société civile (travail d’intérêt général, médiation pénale, etc.) et le contrôle électronique (bracelet), sont des domaines d’investigation prometteurs en termes de doctrine juridique mais aussi d’usages institutionnels.

 Ce court aperçu n’épuise certainement pas le domaine. Les méthodes appelées à s’y développer peuvent s’inspirer des Legal Studies bien développé aux USA. Une dimension de comparaison internationale est en outre essentielle pour bien saisir les logiques générales qui sont à l’œuvre dans le contexte d’internationalisation du droit. Aussi, outre la science juridique, les disciplines telles que la philosophie, l’histoire, les sciences politiques et la sociologie du droit sont en première ligne dans ce secteur de recherche criminologiques.

 3. - Les stratégies et dispositifs de traitement de la criminalité

 C’est peut-être là le domaine où la recherche française s’est le plus développé au cours de deux dernières décennies. Ainsi, les recherches sur l’activité de la police et sur la prison, qui restaient très confidentielles jusque dans les années 1980, ont connu un essor important (8). De même, l’étude de l’activité du parquet et de la mise en œuvre des différents outils qu’il s’est vu attribuer (alternatives aux poursuites, procédures accélérées, compositions et comparutions sur reconnaissance de culpabilité, etc.) a fait l’objet de travaux assez nombreux mais il s’agit là d’un domaine stratégique, la cheville ouvrière de l’action pénale, et il conviendrait d’accroître encore la connaissance scientifique. Les travaux attachés à l’activité des tribunaux proprement dits (audiences) ne sont pas à la hauteur des besoins : qui est condamné pour quelles infractions ? Quels sont les arguments avancés par le ministère public et par la défense ? Quelle est l’influence des parties civiles ? Quelles logiques habitent les différences de condamnation à infraction égale, en correctionnelle et en Assises (jury) ? Quelles logiques président aux erreurs judiciaires, qui nous renseignent sur les modes de fonctionnement du système pénal ?
 Bien entendu, la question des effets des peines sur les condamnés est un domaine important sur lequel les résultats sont encore insuffisants. Il s’agit principalement de mesurer le taux de récidive après la sortie. En la matière, l’approche longitudinale est la plus efficace, avec toutes les difficultés du suivi sur le long terme. Mais des mesures des taux de réinsertion réussie permettraient sans doute également de mieux comprendre certains processus à l’œuvre.

 Le domaine des politiques françaises de sécurité publique a fait l’objet de publications majeures mais en la matière il subsiste des lacunes importantes. Les dispositifs multi-agences introduits au cours des années récentes ont été très peu exploré : GIR, Colti (9), Conseils départementaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CDSPD) ou d’autres n’ont pas fait l’objet de recherches majeures, notamment quant à leur fonctionnement institutionnel. Les politiques publiques en matière de prévention sous toutes ses formes, depuis la prévention spécialisée jusqu’aux politiques de la jeunesse (culture et sports) et aux politiques sociales et de la ville entrent également dans ce champ d’investigation. En effet, nombre de facteurs sociaux ordinaires semblent jouer quant au développement de la délinquance dans certains espaces urbains et la prise en compte de l’ensemble des aspects environnementaux doit rester indissociable d’une étude des réponses aux illégalismes qui ne se résume pas aux domaines de la sécurité publique et de la pénalisation. Ainsi, les réponses sanitaires entrent également en ligne de compte dans la mesure où elles visent les désordres dus aux difficultés mentales de certains justiciables ou à leurs assuétudes (alcool, drogues).
 A côté des moyens classiques de maintien de l’ordre et de pénalisation et des politiques publiques, la question des nouvelles technologies de contrôle et de surveillance mérite que l’on ouvre un chantier d’étude qui leur soit consacré. La vidéosurveillance apparaît déjà presque archaïque alors que se développent les techniques de biométrie et d’identification par ADN, les fichiers électroniques et la télésurveillance : autant d’instruments de réponse au crime qui induisent des effets spéciaux tant en termes d’efficacité que d’effets induits sur le contrôle des populations dans leur ensemble.

 L’ensemble de ce domaine d’étude fait appel à plusieurs approches méthodologiques et disciplinaires. Il existe un besoin de données statistiques autant que qualitatives. La sociologie et la psychologie sont particulièrement concernées en la matière, que ce soit la psychologie sociale ou clinique. Mais les sciences politiques, l’histoire, les sciences juridiques, sont amenées à jouer un rôle décisif sur ce registre, de même que l’anthropologie (10).

 4. - le rapport avec le public et les médias

 Cette dimension est sans doute celle qui a été la plus clairement négligée par la recherche, au point qu’on ne pense pas à l’intégrer aux études criminologiques. Elle représente pourtant un domaine décisif si l’on veut bien se souvenir que les inflexions des politiques pénales répondent largement aux effets de « panique morale » face à une délinquance souvent grossièrement surestimée non pas dans sa réalité statistique mais dans ses effets sur la population. Dans ce processus, les médias jouent un rôle majeur de loupe grossissante ou déformante, par la mise en scène de faits divers hautement inquiétants.
 La question de savoir si les médias sont instrumentalisés par le pouvoir politique en vue d’une insécurisation électoralement rentable ou s’ils répondent à une pure logique marchande où les faits divers seraient particulièrement vendeurs, mérite de réaliser un travail de fond. Celui-ci ne devrait pas, en outre, se cantonner aux grands médias nationaux, mais il s’impose une plongée dans la presse quotidienne régionale qui est particulièrement impliquée dans les faits divers locaux et les faits d’insécurité, et dont l’impact est considérable.
 Cet ensemble de réflexions renvoie également à la mesure de l’insécurité qui permet de saisir les réalités des craintes des citoyens qui ne portent pas sur l’ensemble des formes de délinquance mais prennent des aspects différents selon qu’il s’agit des nuisances de voisinage, des prédations ou des violences physiques. De même, les formes d’insécurisation sont variables selon les publics qui sont confrontés à certains types de comportements hostiles. La question de l’insécurité des femmes est assez typique en la matière (11).

 Ce domaine d’interrogation interpelle des champs d’expertise heuristique qui ont peu de contacts avec l’étude du crime en France tels que les sciences de l’information et de la communication ou les études de genre. Mais l’histoire, la sociologie des médias et les sciences politiques sont évidemment directement concernés.

 Remarques finales

 Nous avons voulu dans ce papier tracer quelques pistes pour la recherche criminologique en France, à partir des travaux existant et des nécessités de connaissance dans ce domaine. Le développement de ce secteur de recherche et d’études ne sera possible qu’à certaines conditions. La première tient à la reconnaissance de l’utilité d’une véritable recherche scientifique qui s’appuie sur des chercheurs confirmés, sur des revues scientifiques et sur des moyens suffisants en termes de personnel et de structures dédiés à ce secteur : laboratoires, réseaux de recherche, revues, financements de thèses de doctorat...
 La seconde tient au financement public de programmes de recherche et de coordination des enquêtes locales dans l’objectif de ménager un esprit de liberté dans l’exercice de l’activité scientifique (détermination des méthodes, problématisation de l’objet, publication des résultats, etc.). Enfin, il est impératif que l’ensemble des données collectées par les instances officielles puissent être disponibles pour la recherche, notamment sous la forme brute (non exploitées) de manière à pouvoir opérer tous les traitements statistiques possibles.

Notes

(1) J. Christiaens, D. de Fraene et I. Delens-Ravier, Protection de la jeunesse, Formes et réformes, Bruxelles, Bruylant, 2005.
(2) Cf. Ph. Robert et R. Zaubermann, Une autre regard sur la délinquance, Déviance et société, 2004/3, 28, p.259-266 (3) Cf. notamment P. Lascoumes, Elites irrégulières, Essai sur la délinquance d’affaires. Paris, Gallimard, 1997.
(4) J-P. Jean note que sur 15 000 infractions, 60, fondent 90% des condamnations. In : J-P. Jean, Le système pénal, Paris, La découverte, coll. Repères, p.32.
(5) Cf. M. Kaluszynski, Le retour de l’homme dangereux. Réflexions sur la notion de dangerosité et ses usages. Champ pénal/Penal Field, Vol. 5, 2008.
(6) Cf. F. Van Hamme et K. Beylens, La recherche en sentencing : un survol contextualisé, Déviance et société, 2007/2, vol. 31, p. 199-228.
(7) J. Danet, Justice pénale. Le tournant. Paris, Gallimard, coll. Folio, 2006. Sur ces aspects, cf. également J-P. Jean, op. cit.
(8) Cf. D. Monjardet, Ce que fait la police ? Paris, La découverte, coll. Textes à l’appui, 1996 et Ph. Combessie, Sociologie de la prison, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2009 (première édition 2001).
(9) Commissions départementales de lutte contre le travail illégal.
(10) Des travaux de type anthropologique menés sur le milieu carcéral ont montré leur intérêt majeur.
(11) Sur cette questions, cf. notamment : M. Lieber, Genre, violences et espaces publics : La vulnérabilité des femmes en question. Paris, Presses de Sciences po, coll. « Fait politique », 2008.

*** SUR FRANCE CULTURE ***

- 4. – Diffusion prochaine des cours de Mireille Delmas-Marty, "Libertés et sûreté dans un monde dangereux" (cours 2009) dans l’émission « L’éloge du savoir » de France culture. Emission radiophonique produite et présentée par Christine Goémé, diffusée sur France Culture du lundi au vendredi (15 juin 2009 au 9 juillet 2009 (de 6h à 7h). Fréquence : 93.5 (Paris et sa région). Autres fréquences en France :
 http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture/frequence/
Chaque émission est aussi diffusée et reste disponible à l’écoute pendant une semaine sur le site Internet de France Culture à la page de l’Eloge du savoir :
 http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/utls/
Ecoute sur Internet, logiciels nécessaires : pour l’écoute en direct : (6h-7h, heure) Windows Media Player. Pour l’écoute à la carte (une semaine à partir de la première date de transmission) : Real Player Ces logiciels sont téléchargeables gratuitement sur Internet de France Culture : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture/services/

* Contact : Sylvie Sportouch, Collège de France, Etudes juridiques comparatives et internationalisation du droit, 3, rue d’Ulm 75005 Paris, Tel : 01 44 27 18 56

*** EN RÉGION ***

- 5. - TOULOUSE. 17-18 juin 2009. Le Centre universitaire de perfectionnement en psychologie appliquée du Service de la formation continue de l’Université de Toulouse 2 Le Mirail, partenaire de l’organisation aux côtés de la Société Française de Psychologie nous annonce que Le congrès national de la Société Française de Psychologie aura lieu du 17 au 19 juin à Toulouse dans les locaux de l’IUFM Midi-Pyrénées* Des stages de formation continue sont organisés en pré-congrès les 15 et 16 Juin 2009 :

1) PSYCHOTHERAPIES MEDIATISEES PAR L’ART. Jean-Luc SUDRES, maître de conférences en psychologie, hdr.

2) RECUEIL ET EVALUATION SYSTEMATIQUE DE LA DECLARATION D’UN ENFANT PRESUME VICTIME D’ABUS. Hubert VAN GIJSEGHEM, Ph.D. psychologue, expert psycholégal, professeur titulaire (retraité). Université de Montréal, Canada.

3) AUTISME : DE LA COMPREHENSION AUX INTERVENTIONS. Carole TARDIF, maître de conférences en psychologie, hdr, Université Aix Marseille 1 et Centre Psyclé. Bernadette ROGE, professeur, Université Toulouse 2 et OCTOGONE/CERPP.

4) LES FACTEURS HUMAINS AU TRAVAIL. Vanessa VIDALLER, docteur en psychologie sociale et du travail, consultante formatrice.

5) ADOLESCENCE ET SYMPTOMES CONTEMPORAINS. Marie-Jean SAURET, psychanalyste, professeur Toulouse 2 Le Mirail, Equipe de recherches en cliniques (sous-équipe du Laboratoire de recherches en psychopathologie clinique et psychanalyse d’Aix Marseille 2, E.A. 3278. Pascale MACARY-GARIPUY, psychanalyste, maître de conférence, hdr, Toulouse 2, Equipe de recherches en cliniques, E.A. 3278. Jean-Luc GASPARD, psychanalyste, maître de conférences Rennes 2, Haute-Bretagne. Eléonore PARDO, docteur en psychologie clinique, chargée de cours Toulouse 2 et Paris 7, membre de l’ERC, Toulouse 2. Laurent COMBRES, psychologue clinicien. docteur en psychologie clinique, chargé de cours Toulouse 2 et Montpellier 3, membre de l’ERC, Toulouse 2.

6) LES VIOLENCES CONJUGALES. Nathalie BARDOUIL, docteur en psychologie, expert judiciaire, responsable du pôle évaluation, Centre VALEATIS. Docteur Agnès THOMAS, médecin de santé publique, médecin légiste, responsable du réseau Prévios, CHU Rangueil.

7) METHODOLOGIE DE PROJETS INDIVIDUALISES. Nathalie BARDOUIL, docteur en psychologie, expert judiciaire, responsable du pôle évaluation, Centre VALEATIS.

- Lieu du congrès : IUFM Midi Pyrénées, site, avenue de Muret - Croix de Pierre, 181, avenue de Muret, 31076 TOULOUSE cedex

* Contact : http://congres-sfp2009.psylone.com/index.php http://www.univ-tlse2.fr/form-co/ (rubrique psychologie et psychanalyse)

*** ATTENTION, VOUS ENTREZ DANS UN ESPACE « MILITANT » ***

Avertissement. La rédaction d’ACP ne partage pas nécessairement le positionnement politique des personnes physiques ou morales citées dans ces rubriques « militantes ». Par la diffusion de ces informations, elle souhaite simplement favoriser le débat d’idées dans le champ pénal, au delà des travaux scientifiques que cette lettre hebdomadaire a vocation à faire connaître.

*** ON A RAISON DE SE RÉVOLTER ***

- 6. - Communiqué de presse du 28 mai 2009 du Syndicat de la Magistrature. « Dépôts » : sous les palais, l’indignité. Depuis plusieurs années, les rapports accablants s’accumulent sur l’état des prisons françaises. En 1999, déjà, une commission d’enquête parlementaire dénonçait cette « humiliation pour la République ». En novembre 2008, le Commissaire européen aux droits de l’Homme fustigeait, encore, les « conditions inacceptables de détention » dans nos établissements pénitentiaires. Cette réalité, longtemps occultée, est aujourd’hui connue, à défaut d’être prise en compte.
 Ce que l’on sait moins, c’est qu’il existe dans certains palais de justice des lieux, significativement appelés « dépôts », où des personnes en attente de jugement ou de comparution devant un magistrat sont enfermées, pour une durée maximale de 20 heures, souvent la nuit, dans des conditions tout aussi inadmissibles.
 Plusieurs événements récents éclairent l’abandon de ces locaux. Au tribunal de Bobigny, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a constaté, le 13 octobre 2008, des conditions d’hygiène « indignes », l’absence de matelas et de couvertures, des sanitaires hors d’usage, des fuites d’eau, l’absence de confidentialité des entretiens avec les avocats et les travailleurs sociaux, le non-respect de l’intimité lors des fouilles… Le 27 octobre 2008, six magistrats ont observé que les conditions de détention au « dépôt » du tribunal de Créteil n’étaient « pas conformes aux règles minimales de salubrité et d’hygiène ». Leur rapport dénonçait notamment la situation des cellules, toutes dégradées, mesurant 7 à 8,5 m2, où il arrivait que 5 hommes soient détenus en même temps, avec des toilettes sans séparation et une aération insuffisante… A la suite de cette visite, des procédures ont été annulées et ces locaux ont été fermés. Le Procureur de Créteil a pris l’initiative de les rouvrir, mi-avril, avant même la fin des travaux entrepris et la visite du Comité d’hygiène et de sécurité… Résultat : les lieux ont été investis par des rats !
 Plus récemment, à l’invitation de la Conférence du stage et du Bâtonnier, des avocats ont demandé l’annulation de plusieurs procédures en invoquant l’état du « dépôt » du palais de justice de Paris. Un magistrat du tribunal correctionnel s’y est donc rendu. Son rapport était débattu aujourd’hui à l’audience. Il confirme ce que les avocats avaient eux-mêmes constaté. Il a notamment été relevé qu’une cellule dite « d’avant-fouille » pouvait contenir jusqu’à 40 personnes pendant 4 heures, avec un muret minuscule en guise de séparation des toilettes. Etrangement, cette salle a été fermée pour travaux quelques jours avant la visite… Il existe par ailleurs des cellules collectives de moins de 3 m2 contenant des lits superposés constitués de lattes en bois. Etrangement, toutes ces cellules seraient équipées de matelas depuis quelques jours… La visite a eu lieu le 13 mai. Etrangement, le Procureur de Paris et le député Philippe Houillon y sont allés la veille… pour dire que la situation n’était pas « apocalyptique ». Il est vrai que dormir sans couverture, ne pas pouvoir se laver (4 douches pour 121 personnes), être enfermé dans une cage avant de voir le Procureur (cellules grillagées de 2 m2)… ce n’est pas la fin du monde !

 Toutes ces initiatives n’ont pas été vaines. Des crédits auraient été débloqués (1). Mais on est loin du compte. Le Syndicat de la magistrature dénonce l’indignité des conditions de détention des personnes déférées, résultat d’une politique pénale absurde obsédée par la comparution immédiate. Il appelle l’ensemble des magistrats à exercer leurs prérogatives en allant visiter les « dépôts » et à en tirer toutes les conséquences, au regard notamment de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui dispose, faut-il le rappeler : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

* Contact : syndicat.magistrature@wanadoo.fr  ; www.syndicat-magistrature.org

 (1) La Garde des Sceaux a annoncé le 28 mai l’affectation « en urgence » d’un million d’euros pour rénover le dépôt du TGI de Paris.

*** LA PRISON EN DÉBATS ***

- 7. – PARIS. Mercredi 17 juin 2009 de 18h à 20h. « La loi pénitentiaire ». Conférence-débat organisée par La commission ouverte « bioéthique et droit de la santé » du barreau de Paris en partenariat avec l’Union des jeunes avocats (UJA), animée par Soliman Le Bigot, avocat. La discussion s’appuiera sur les ouvrages récents de : Christiane de Beaurepaire, psychiatre, « non-lieu, un psychiatre en prison », Fayard 2009. Isabelle Lepac, avocat, « le voyage immobile, incursion au cœur de l’enfermement dans la France du XXIe s » Belfond 2008, prix Monte Cristo 2008

- Lieu : Maison du Barreau, salle Gaston Monnerville, 2 rue de Harlay, 75001 Paris

* Contact : s’inscrire à l’adresse suivante : commissions.ouvertes@avocatparis.org, en mentionnant vos coordonnées postales si vous n’êtes pas avocat du Barreau de Paris. Cette réunion est prise en compte dans le cadre de la formation continue des avocats. Il n’y a pas d’attestation papier envoyée pour les avocats parisiens, le nombre d’heure validé par avocat est directement transmis au service de la formation continue.

 
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