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(2001-09-01) Cet isolement incessant, cet acharnement ont signé son visage...

Samedi 1er septembre. L’heure sonne et il est étrangement minuit. Mais nous sommes à peine rentrés de Paris où nous avons pu accorder à Abdelhamid un court instant de bonheur, une entrevue où l’on pourra lire sur son visage une souffrance latente. Cette affaire monstrueuse, ce rude combat, cet isolement incessant, cet acharnement ont signé son visage...
Et ce soir, je viens me joindre à vous puisque je vous sais attentifs, présents et surtout sincèrement sensibles. Et puisque ce soir j’éprouve l’immense besoin de crier tout haut toute ma peine et ma rancœur, j’ai décidé de témoigner. Mais les mots n’existent malheureusement pas pour exprimer toute notre souffrance ; nous tenterons tout de même de la caractériser.
Est-ce utile de vous rappeler la monstruosité de l’affaire de notre frère, cette procédure totalement bafouée où l’on se sent minuscules, impuissants, inexistants ?
Est-ce utile de vous rappeler son isolement total, cette geôle dans laquelle on tente de l’épuiser, de l’éteindre à petit feu, en clair de l’anéantir ?
Je ne parlerai pas ici de la douleur de mon frère ; son rude combat en donne un bref aperçu... En revanche, je peux vous illustrer la souffrance de ma famille et plus particulièrement celle de notre pauvre mère. Comme elle le dit si bien avec l’accent du pays « wouldi hayetti », autrement dit « mon fils, ma vie », ou encore « mon fils, ma bataille »... L’image d’Abdelhamid est omniprésente dans son esprit ; elle hante sa vie, aussi fort que cela puisse paraître.
Abdelhamis, nass, Azou... autant d’appellations qui provoqueront une bien triste lueur dans le regard de notre mère, et bientôt des larmes perleront sur son visage aux traits accusés.
Et il nous arrive de méditer longuement, histoire de s’évader un court instant, histoire d’analyser cet acharnement ou encore de mieux cerner cet emprisonnement. Il est vrai que nos questionnements sont incessants. Est-ce l’engrenage dans lequel se trouve la justice française qui pousse le gouvernement à faire la sourde oreille ?
Est-ce alors Abdelhamid qui correspondrait le mieux au profil type de l’accusé, ou encore ses origines ?
Rappelons qu’il est citoyen algérien !
Est-ce encore sa combativité qui dérange ? On dira plus tard que c’est sa personnalité...
J’avais toujours cru en une justice vraie et droite, en une justice juste et raide.
Alfred Jarry disait : « Les balances de la justice trébuchent et pourtant l’on dit raide comme la justice. La justice serait-elle ivre ? »
De mon côté, j’ose le coire.

Et j’en terminerai avec les paroles de Voltaire (dans son ouvrage Zadig) : « Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent. »
Merci pour votre sensibilité.

Melle Nadia Hakkar
Besançon, le 1er septembre 2001