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Chronologie des faits depuis le jour du décès de Médhi

Mercredi 02 Juin vers 15 h 00
Mme CHARVET appelle au domicile de la famille REZIGA : « Madame, votre fils Mehdi a tenté de mettre fin à ses jours » ... « c’est pas possible, il devait sortir bientôt du mitard ! et il est libérable entre le 25 et le 27 Juillet, quand est-ce que ça s’est passé ?! » ... « à l’heure du repas ... téléphonez à l’hôpital Lyon-Sud au numéro que je vais vous donner » ...

Mme REZIGA appelle tout de suite à l’hôpital : on la promène de service en service, enfin, un homme lui répond « je ne peux pas vous renseigner, il me faut l’accord du Parquet » ...

La mère rappelle Mme CHARVET : « qu’est ce qui se passe, on me dit que je ne peux pas avoir d’informations sur mon fils » ... « rappelez-les, c’est le bon service » ...

Mme REZIGA rappelle, bande-son d’attente ... Elle appelle sa fille Nébia et l’informe de la situation ... Nébia appelle tout de suite à l’hôpital : un homme lui répond « votre frère est dans un état critique, le cerveau est atteint, il faut venir » ... Nébia appelle immédiatement Mme CHARVET et lui rappelle ce qu’elle lui avait dit quelques semaines auparavant - « vous attendez qu’il lui arrive quoi ?! » ...

Mme CHARVET lui répond « je suis désolée, je ne comprends pas ce qui s’est passé, ce matin j’ai demandé à le voir à 10 h 30 et il a refusé de me voir » ... « vous l’avez vu de vos propres yeux vous dire qu’il ne voulait pas vous voir ? » ... « non, c’est d’après les dires des surveillants » ... « c’est quand même bizarre, il a jamais refusé de vous voir, et même la pire des personnes qui vient au mitard, un détenu le refuse pas » ... « je suis vraiment désolée ... tenez-moi au courant »...

Mme REZIGA Kheïra, sa fille Nébia, Mr Farid REZIGA l’oncle de Mehdi et de Nébia rejoignent Mr Fathi SAHRAOUI qui est déjà à l’hôpital Jules Courmont à proximité du service où est Mehdi ... mais où on lui refuse l’accès.

16 heures, Hôpital Jules Courmont
La famille sonne : Fathi les informe qu’il est là depuis un quart d’heure et leur dit qu’il n’a pas eu accès à Mehdi pour le moment ...

Comme il s’agit du service qui accueille les détenus pour les soins hospitaliers, la porte est blindée, il faut se présenter, attendre : une bonne demi-heure s’écoule avant que le médecin, Mr Le Dr GRONSEL, sorte et se rende auprès de la famille qui est encore dehors. Il les reçoit dans un couloir ...

« Votre fils est dans un coma profond, son cerveau n’a pas été ventilé du fait qu’il est resté pendu presque une heure, et il a peu de chances de s’en sortir, s’il s’en sort, il restera comme un légume parce que le cerveau est atteint » ... Mme REZIGA demande à voir son fils : « non, il faut une autorisation, j’ai l’ordre du Procureur » ... « Mon frère est sur son lit de mort, et vous nous parlez du Procureur ?! » ... « De toutes façons, j’ai pas les permis de visite » ( Mr le Docteur GRONSEL mettrait en doute l’identité de la famille ? quelque chose d’autre se passe ? le corps de Mehdi est séquestré ? veut-on éviter que la famille le voie ? ) ...

« Mais les permis de visite, on peut demander à ce qu’ils soient faxés ! » dit Nébia.

Nébia appelle Mme CHARVET : « vous avez assez fait d’erreurs, alors vous nous faxez les parloirs ici rapidement » ... Mme CHARVET notera qu’ « il est anormal que les services hospitaliers pénitentiaires n’aient pas les permis de visites », elle faxe les permis...

Les fiches parloirs qui sont faxées ce jour-là sont bien celles de Mehdi, d’après Farid.

Il faudra en tout plus d’une heure et demi entre l’arrivée de la famille à l’hôpital et l’arrivée des permis de visite ... avant d’avoir l’autorisation de voir leur fils et frère, Mehdi ... deux par deux seulement.

Ils sont obligés de mettre blouses et gants : ils voient Mehdi.

Nébia et Fathi entrent d’abord : il est en box isolé. Pour « soins intensifs » ? ...

Une minerve autour du cou, un gros tuyau dans la bouche : l’aérateur ?

Nébia et Fathi parlent à Mehdi : le signal sur l’écran s’agite, cela montre que Mehdi réagit à la parole de membres de sa familles ... ainsi à plusieurs reprises : durée de la visite, dix minutes au maximum.

Mme REZIGA, sa mère entre avec Mr CHATMI le père de Mehdi : des C.R.S. - quatre - empêchent l’accès de Mr CHATMI à son fils car « il n’a pas de permis de visite » ... ils accepteront finalement de le laisser voir mais « ça reste entre nous » diront-ils.

Sa mère parle à Mehdi : la machine retransmet immédiatement le signal que Mehdi entend, perçoit, réagit ... : Mme REZIGA s’en inquiète et est d’abord effrayée ... l’infirmière la rassure « non, non, n’ayez pas peur, c’est parce que votre fils vous entend, il réagit et le signal de l’appareil se modifie » ... Durée de la visite, cinq minutes.

Nébia, la sœur de Mehdi, demandera à pouvoir rester dormir à l’hôpital : « non, ce n’est pas possible ».

19 h / 19 h 15 : La famille rentre donc au domicile, Nébia appelle Me SCREVE, lui demande d’intervenir pour obtenir qu’elle puisse rester auprès de son frère : il dit qu’il va s’en occuper de suite ... il rappelle « c’est bon, j’ai obtenu que vous puissiez rester auprès de votre frère pour la nuit » ...

20 h 00 : Nébia appelle l’hôpital, elle les informe qu’elle arrive, et on lui répond qu’ « on l’attend » et que « l’état de Mehdi est stable » ...

20 h 15 : Nébia se rend à l’hôpital, elle sonne, se présente en compagnie de Fathi qui l’a accompagnée en voiture : « le médecin arrive » leur répond-on ... Elle attend ... Des membres de la famille arrivent : tantes, grand-mère, cousines ... Nébia sonne à nouveau : « le médecin arrive » ...

20 h 45 : Il arrive effectivement ... la famille est dans la salle d’attente : « on a essayé de le ranimer, il est décédé ».

Annonce officielle de la mort de Mehdi.

Nébia fait une crise de nerfs, les infirmières présentes s’occuperont d’elle : en se souvenant maintenant du déroulement des faits, il lui semble que ces infirmières - celles qui lui avaient expliqué que Mehdi réagissait en fait aux paroles des membres de sa famille - voulaient lui faire part de quelque chose ... avaient une attitude bien différente des médecins ...

Passé l’émotion, et après avoir essuyé un refus pour que sa sœur Nébia puisse voir Mehdi, la famille demande à ce que la grand-mère puisse entrer pour faire des prières pour son petit-fils ... Refus ... puis acceptation ...

Mme CHATMI Cherifa, doyenne de la famille rendra hommage à son petit-fils entourée de ... quatre C.R.S. qui observent et écoutent.

On peut noter que :
les C.R.S. indiquent à Nébia le lieu de sortie du corps ... à l’opposé de la sortie qui sera empruntée effectivement,
deux camions de C.R.S., plusieurs voitures, des motards sont postés tout autour à l’extérieur de l’hôpital : ils sont en nombre très important.

Mercredi 02 Juin 1999, à 22 h 30
le corps de Mehdi est emmené à l’Institut Médico-légal de Lyon par un fourgon, escorté par des services de police.

On peut noter aussi que :
le dossier pour l’inhumation était prêt très rapidement d’après la famille.

Le médecin dira, concernant les réactions vitales de Mehdi alors que sa famille lui parlait dans le box de l’hôpital : « non, c’est l’appareil, vous avez dû toucher un fil ... » ...

Question : comment est-il possible qu’une personne qui est confiée en vie aux services de soins intensifs, après s’en être sortie suite à une prétendue pendaison, et alors que les principales fonctions vitales sont en état de fonctionnement ( ventilation, pouls ) tout comme certaines fonctions de perception ( Mehdi réagit aux paroles des membres de sa famille ) décède subitement dans un milieu totalement dédié à la réanimation et aux soins intensifs ? !

Alors qu’une personne en état de coma profond peut être maintenue en vie durant des années ... en quoi l’état de Mehdi se serait-il aggravé ? et comment ?

Jeudi 03 Juin vers 08 h 30 :
la famille de Mehdi se rend à l’I.M.L - Institut Médico-Légal - de Lyon : un membre du personnel - aide-technicien - Mr REZIG est présent dans la pièce.

Mme BENYOUB, tante maternelle de Mehdi, lèvera le drap pour regarder le corps de Mehdi : Mr REZIG se précipite, remonte le drap et fait remarquer à la famille que « c’est haram - péché - de regarder le corps d’un homme » ... « mais c’est mon fils ! » dit Mme REZIGA ... « même ! ça ne se fait pas, même pour la mère » ...

La famille a tout de même le temps de constater que :
on a du mal à reconnaître Mehdi tellement son aspect est changé ( il est amaigri, il porte la barbe, il a les cheveux longs alors qu’il les porte habituellement très courts ),

le corps de Mehdi présente de nombreux hématomes : bas de la poitrine, au niveau du cœur, du sang coagulé sous la tête du côté droit, sous le cœur un hématome très foncé, sur l’abdomen un très important hématome, la région inguinale droite porte un gros hématome,

le corps de Mehdi présente des épaules relevées et en avant - comme dans les situations de protection-réflexe,

la famille constatera une très fine trace rougeâtre, marbrée, sur le cou, à la base du cou, seulement des deux côtés, sans aucune trace au milieu du cou, comme un griffure fine ( la version officielle est pourtant qu’il se serait pendu avec un drap ),

Mr BENYOUB constatera aussi un hématome sur l’une des tempes de Mehdi...

Le Docteur TILHET-COARTET, de l’I.M.L. de Lyon dira d’ailleurs, au sujet de ces hématomes, une semaine après, au téléphone avec Melle REZIGA Houria, tante maternelle de Mehdi, qui lui pose des questions au sujet de ces traces suspectes : « il s’agit des traces dues aux électrochocs » ...

Mr REZIG, le technicien de l’I.M.L. rajoute, durant ce bref temps de visite alloué à la famille à l’I.M.L. de Lyon : « ... moi j’m’appelle REZIG et lui REZIGA ... ton fils il est mort d’anorexie et de la honte de sa famille ... ».

Mr REZIG dira aussi à la famille, en regardant le corps de Mehdi, et faisant référence à son expérience : « Mehdi s’est bien suicidé, il avait le sourire, il est parti avec le sourire » ...

Au sujet des importants hématomes sur l’abdomen de Mehdi, il dit aussi : « la peau d’un homme c’est comme ça, c’est comme un cuir qu’on tanne, c’est pour ça qu’il y a cette trace » ...

Mr REZIG, « l’aide technique » de l’I.M.L dit alors : « bon, il faut sortir parce qu’on va lui faire une prise de sang » .

La famille sort.

Ce Jeudi 03 Juin 1999, vers 10 h 00
la famille doit quitter les lieux : l’autopsie va avoir lieu.

Mr REZIGA Farid, oncle maternel de Mehdi, est présent à l’I.M.L de Lyon, ce Jeudi 03 Juin, vers 9 h 30, dans la salle où est présent le corps de Mehdi.

Il dit : « j’ai constaté sur le corps de Mehdi, au moment où ma grande sœur ( Mme BENYOUB Zohra ) découvre le corps de Mehdi, comme une rustine très noire sous les côtes à gauche, des griffures légères et fines sur les faces latérales du cou, et à ce moment-là, il n’avait plus la minerve qu’il portait au moment où nous l’avions vu dans le box du service de soins à l’hôpital Jules Courmont, la veille, Mercredi 02 Juin vers 17 h ... derrière la tête, il avait du sang séché sur les cheveux, j’ai vu que entre le moment où je l’ai vu dans le service réanimation et le lendemain, il y avait eu une modification de son visage, il avait enflé de la tête, ce n’était plus le Mehdi que je connaissais ... Il semblait ne pas avoir fait de toilette depuis longtemps, il avait les cheveux gras, alors que Mehdi s’occupe de lui d’habitude, il faisait sa douche tous les matins, avant même de déjeuner, il se changeait parfois deux ou trois fois de vêtements dans la journée, au point que sa mère râlait de ces habitudes, pourtant tous ses vêtements étaient propres quand on les a récupérés, sauf deux paires de chaussettes et deux pulls qui étaient sales, d’ailleurs il manque des vêtements dans ce qui nous a été rendu ( le médecin de l’hôpital répond qu’il ne sait pas où sont les vêtements qu’il devait avoir en arrivant, il ne sait pas comment Mehdi était habillé en arrivant à l’hôpital ... ) » ...

Le Vendredi 04 Juin 1999, vers 8 h 30 - 09 h 00
au Funérarium de la Ville de Lyon situé dans l’enceinte de l’hôpital Lyon-Sud - Jules Courmont, le corps de Mehdi a été ramené suite à l’autopsie réalisée à l’I.M.L. de Lyon : la famille se rend à l’hôpital Jules Courmont, ils trouvent sur place Mme CHARVET - Assistante de Service Social des Prisons de Lyon, accompagnée de deux surveillants de la Prison.

56, Mme Hacina KERAOUN ... qui a travaillé à l’antenne " Toxicomanies " des Prisons de Lyon, avec Mme CHARVET, amie et voisine de quartier de Mme REZIGA, accompagne la mère de Mehdi, qui elle, ne connaît pas physiquement Mme CHARVET : lorsque Mme CHARVET verra Hacina en compagnie de Mme REZIGA, elle sera très visiblement surprise ... mais elles ne se parleront pas ...

57, Mme KERAOUN dit, de sa visite à Mehdi : " j’avais été surprise de constater que Mehdi n’avait pas du tout l’aspect de quelqu’un qui s’est pendu, je m’attendais, comme tout le monde à voir le corps d’un pendu, hors, il était beau ... par contre très amaigri ...

* Mme KERAOUN Hacina connaît d’ailleurs - du fait des fonctions qu’elle a tenues à l’antenne " Toxicomanies " des Prisons de Lyon ( elle a travaillé avec Mme CHARVET ) - la psychologue responsable, Hélène De La VAISSIERE, qui est la Psychologue de l’Antenne Toxicomanies du S.M.P.R. des prisons de Lyon, responsable de la jeune stagiaire Laetitia X, qui rendait fréquemment visite à Mehdi : A VOIR.

La famille peut voir le corps de Mehdi un moment.

Les procédures administratives entre les Pompes Funèbres musulmanes et le Parquet de Lyon ont été réalisées très efficacement et très rapidement, essentiellement semble-t-il par téléphone

Concernant la toilette mortuaire faite à Mehdi :
Réalisée par deux employés de la société AL ISRA et Mr REZIGA Abdallah, grand-père de Mehdi dont le témoignage est le suivant, à la sortie de la toilette faite à Mehdi, il dira à Mme REZIGA Kheïra, sa fille « il l’ont tué », décrivant les nombreuses marques sur le corps de Mehdi, notamment le très important hématome noir qui barre l’abdomen de Mehdi ...

L’associé de Mr FOUDALA, de la société AL ISRA, refusera de répondre aux questions sur la toilette mortuaire de Mehdi et notamment sur ce que présentait le corps de Mehdi, il a dit à Mr REZIGA Farid, l’oncle de Mehdi, qu’il faut qu’il s’adresse à la Mosquée de Lyon, de demander 89, Hadj AÏSSA qui pourra donner des renseignements.

Concernant les formalités pour l’inhumation et la toilette mortuaire de Mehdi : la Mosquée de Lyon a donné à la famille une adresse des Pompes Funèbres Grande rue de la Guilliotière, dès que la famille s’y rend le Jeudi 03 Juin 1999 vers 10 h 30, ils trouvent fermé « ouverture à 14 h »...

A 14 h : ils reviennent, c’est encore fermé, ils se rendent au Consulat d’Algérie, rencontrent l’Assistante Sociale du Consulat, elle leur donne une adresse : Pompes Funèbres « AL ISRA », dont le Directeur est Mr Badis FOUDALA, 10, rue Montébello, 69003 Lyon, Tél. : 04.72.61.17.07, ils le rencontrent, expliquent la situation : Mr FOUDALA a dû multiplier les appels téléphoniques ( une vingtaine pour aboutir aux bons services ) :

au Procureur il demande où en sont les permis d’inhumer pour Mehdi, il lui est répondu que « tout est prêt », qu’il pourra les retirer le Vendredi matin « ils seront prêts, il faudra présenter le certificat d’agrément de votre service »,

au cimetière de Cusset, Mr FOUDALA apprend qu’il sera possible d’avoir l’inhumation pour 16 heures,

à la Mairie de Pierre Bénite, ville où est situé l’hôpital Lyon Sud, pour savoir si le certificat de décès est prêt,

au Palais de Justice à nouveau ( motif inconnu ), mais comme il n’y avait pas de transport possible pour le Vendredi pour cause de suractivité, Mr FOUDALA insistera alors auprès des services funéraires de l’hôpital Jules Courmont pour faire leur possible pour que le transport ait lieu le Vendredi 04 Juin, finalement, l’hôpital rappellera AL ISRA pour leur dire que le transport aura lieu à 11 h 15 ... Le prestataire chargé du transport du corps acceptera de « serrer son programme » pour satisfaire la demande de AL ISRA : le corps de Mehdi est amené au cimetière, déposé, le transport repart ...

Mardi 22 Juin 1999 à 15 h :
Entretien, après le décès de Mehdi, entre Mme REZIGA Houria et Mr Le Dr Stéphane TILHET-COARTET, Médecin Légiste à l’I.M.L de Lyon ( appel du domicile de Mme REZIGA Kheïra au Cabinet de Mr Stéphane TILHET-COARTET * SE REFERER A LA FACTURE DETAILLEE France TELECOM : UN APRES-MIDI ) :

Mme REZIGA Houria demande si Mr Tilhet a reçu les rapports d’autopsie, Mr TILHET rappelle qu’il n’a pas la possibilité de transmettre à la famille des informations sur ces rapports, qu’il doit le rendre au Procureur et que la famille est invitée à prendre rendez-vous avec le Procureur, seul apte à communiquer des informations à ce sujet ... Mme REZIGA demande au Docteur TILHET quel est son avis concernant les causes de la mort de Mehdi, il répond : « première conclusion, c’est une pendaison », Mme R. H. demande d’où peuvent provenir les traces de coups qui ont été constatées sur le corps de Mehdi par Mr REZIGA Abdellah, grand-père de Mehdi ( il faut souligner que Mr REZIGA Abdellah, âgé de 78 ans, en possession de toutes ses facultés, a exercé durant de nombreuses années dans des services de pompes funèbres, en Algérie, et qu’il est très accoutumé aux corps de personnes défuntes puisqu’il était chargé de la toilette mortuaire et des mises en terre ... ) ... Donc Mr REZIGA Abdellah fait la toilette mortuaire de son petit fils Mehdi, le Vendredi 04 Juin 1999, entre 9 h 30 et 10 h 00, dans le funérarium de l’hôpital Jules Courmont à Pierre Bénite - ici, le Dr TILHET répond : « vous avez constatés ces traces de coups ? » ... « oui, d’après vous, d’où proviennent ces coups, un pendu, même lorsqu’on le dépend, il ne peut tout de même pas avoir des marques de coups sous les côtes, sur la poitrine, une barre sous la poitrine et le bras » ... « ah bon ! moi je pense que ces marques proviennent certainement des premiers soins qui ont été prodigués notamment des électrochocs » ... « les électrochocs, c’est pas au niveau du bras, ni sous les côtes » ... « écoutez, moi, je ne sais pas ... il faut attendre les rapports d’autopsie, ça peut aller de quinze jours à quatre mois, ça peut être très long, mais vous serez avisés » ... « est-ce qu’on peut enterrer un mort sans les rapports d’autopsie ?! » ... « voyez avec le Procureur, je ne peux rien vous dire ... » ...

Il faut cependant noter qu’avant que le Dr TILHET n’accepte d’avoir cet entretien avec Mme REZIGA Houria, celle-ci a eu beaucoup de difficultés à l’obtenir : « il n’est pas là ... il est allé manger ... rappelez plus tard ... », etc ... ces difficultés durent une bonne partie de l’après-midi ...

Mme REZIGA Houria confirme qu’elle n’a pas reconnu physiquement Mehdi au moment où elle lui rend visite à la morgue de l’hôpital : « Mehdi avait une barbe non taillée de plusieurs jours, lui qui avait toujours la peau lisse et se rasait de près, lui que l’on n’a jamais vu avec la barbe, il était amaigri d’au moins dix kilos, je l’ai reconnu à ses yeux, à ses cils, là il avait les cheveux longs, bouclés, lui qui les portait bien courts, soignés, il n’y avait pas de marques de strangulation, simplement une petite trace fine, des deux côtés du cou et pas au milieu - sur le larynx ...

Le corps de Mehdi est lavé par son grand père maternel, aidé de deux employés des pompes funèbres musulmanes.

Le corps de Mehdi est mis en bière, les prières rituelles sont faites, le cercueil est scellé par les services de police et le cercueil est transporté au cimetière de Cusset où a lieu l’inhumation.

Eléments tirés des témoignages des personnes qui se sont occupées de Mehdi :

Mercredi 02 Juin 1999 :
- 10 h 30 : L’assistante sociale - Mme CHARVET - demande à voir Mehdi dans le cadre de ses fonctions : elle dira que « les surveillants disent que Mehdi ne veut pas me voir », d’ailleurs, Mme CHARVET a été mutée depuis, il semble qu’on ne souhaite pas, aux prisons de Lyon, dire où elle travaille actuellement ... En tous cas, elle n’a pas vu de manière effective Mehdi ce jour-là ...

Lorsque Nébia, accompagnée de Mr CHATMI Mohamed Tahar son père, rencontre dans le cadre d’un rendez-vous le Directeur des Prisons de Lyon Mr P. DUFLOT, dans les jours qui suivent les funérailles : sur interpellation du père de Mehdi, le Directeur maintient que :

Mehdi s’est pendu avec un drap,
les personnels de la prison l’ont trouvé à 11 h 10 le Mercredi 02 Juin 1999,
ce sont les infirmières de la prison qui ont fait les premiers secours et qu’elles ont réussi à refaire partir le cœur,

Nébia : « de toutes façons, c’est vous qui l’avez tué » ... « je ne peux pas vous empêcher de penser ça » ... « comment ça se fait que le surveillant avec lequel Mehdi a eu une altercation n’a pas déposé plainte ? il s’est vengé ? » ... « non, je connais très bien ce surveillant, ça fait longtemps qu’il travaille ici, et c’est quelqu’un de très compréhensif et tel que je le connais, il serait incapable de faire une chose pareille ... sinon il ne l’aurait pas décroché » ... « comme vous vous connaissez votre surveillant, moi je connais bien mon frère, et c’est impossible qu’il en arrive à se suicider » ... silence du Directeur ...

La famille reprend les vêtements de Mehdi et ses effets personnels ( plusieurs cartes postales écrites par Mehdi et non datées, un livre de mots mêlés (où il semble que Mehdi a voulu transmettre des messages - les mots entourés ont tous trait à des choses violentes ), des documents administratifs - procès verbal de sanction disciplinaire et une demande de sortie pour permission pour le Mercredi 02 Juin ( ?! ), une bouteille d’huile et un paquet de biscuits ...

Le médecin n’a pas pu rentrer au mitard : Mehdi n’aurait laissé personne rentrer au mitard, « donnez-moi le nom du médecin », Mme CHARVET refuse de donner le nom du médecin ...

Sa mère fait le nécessaire pour obtenir pour Mehdi une permission de sortie pour le Mercredi 02 Juin 1999 de 08 h 00 à 18 h 00.

Jeudi 08 Juillet, 11h 20
Rencontre entre Monsieur le Docteur GRONSEL, médecin à l’hôpital Jules Courmont, Mmes REZIGA et MEHENTEL, une amie, après le décès de Mehdi.

Mme REZIGA : « que pensez-vous de ce drame ? » ... il répond « ça serait mieux que ça ne soit pas arrivé » ... « quel était son état à son arrivée » ... « très grave » ... « à quelle heure est-il arrivé ? » ... « je ne sais pas exactement, il faudrait que je reprenne le dossier » ... « dans quel véhicule est-il venu ? » ... « aucune idée, je ne sais pas » ... « quelles lésions internes ou externes avez-vous constatées ? » ... « aucune lésion, de toutes façons il y a procédure judiciaire » ... « pourquoi avez-vous mis aussi longtemps pour me recevoir la première fois que je suis venue ? » ... « je m’occupais de lui, et son état était grave, le cerveau n’aime pas souffrir, par manque d’oxygène, je ne peux vous dire que la vérité et ce que j’ai constaté, c’étaient des dégâts irréversibles » ... « quels vêtements avait-il en arrivant ? » ... « je ne sais pas, voyez ça avec le S.A.M.U » ... « comment ça se fait qu’il n’a pas de traces de pendaison, le visage bleuté, les yeux exorbités, la langue tirée, etc ... ? » ... « tout dépend de la pendaison » ... « est-ce qu’il a eu des électrochocs ? » ... « non, à moins que le S.A.M.U en ait fait » ... « est-ce qu’il a eu des électrodes ? » ... « oui » - les questions que pose Mme REZIGA lui ont été indiquées par un médecin ... « est-ce qu’il saignait ? » ... « non » ... Monsieur le Docteur GRONSEL fait ensuite un cours de médecine à Mme REZIGA, lui explique le fonctionnement du cœur, il ajoute que Mehdi n’était pas sale ... »quels étaient les vêtements qu’il avait sur lui ? » ... « je ne sais pas » ... « la dernière fois que je vous ai vu, vous m’avez dit qu’il était dans un coma profond et que son cerveau était atteint, comment se fait-il que quand j’ai parlé à mon fils, la machine a répondu, ça veut dire qu’il m’entendait, j’ai voulu sortir et l’infirmière m’a dit « ne sortez pas, la pièce est stérile » - Mme REZIGA avait une blouse et des gants - « oui mais la machine s’est mise à alerter ... » ... « ne vous inquiétez pas, ce n’est pas le cœur, c’est parce que votre fils vous entend, c’est pour ça qu’il y a des signaux » ... Mr Le Dr GRONSEL répond : « ce n’est pas possible, vous avez dû toucher un fil ou le lit ! » ... « écoutez, mon fils ne s’est pas suicidé, voici l’album de photos de mon fils, tout le monde se voile la face, ce qui est arrivé à mon fils peut arriver à votre fils ou à vos petits-enfants parce que personne n’est à l’abri de la prison, mon fils a eu une bonne éducation et c’est la société qui en a voulu ainsi, je ne crois pas à votre justice et la vérité se fera avec la grâce de Dieu » ...

Lundi 12 Juillet, vers 14 h 30
QUE DIT Mr P. DUFLOT, Directeur des Prisons de Lyon ?

Mme REZIGA téléphone le matin à la prison de Lyon et demande un rendez-vous avec le Directeur, elle l’obtient pour le même jour pour 14 h 00.

Deuxième rendez-vous entre la famille et le Directeur des prisons de Lyon : le 12 Juillet 1999 à 14 h 30, Mme REZIGA Kheïra, Mr AZAHOUM Boualem, Mr KOUCHANE Nordine, Melle REZIGA Nébia, et bien sûr Mr P. DUFLOT, Directeur des Prisons de Lyon :

Déroulement de l’entretien : ( notes de Mr AZAHOUM Boualem et témoignages des participants ).

Présentations. Questions de la famille et des personnes qui accompagnent.

Le Directeur commence à décrire et expliquer la situation :

« Il y a enquête judiciaire, diligentée par Mr HASSENFRATZ, Procureur, et Mr NOYER, Substitut à l’exécution des peines, avec des investigations de police et une autopsie, comme chaque fois qu’il y a décès en prison, je ne peux pas me prononcer car l’enquête est en cours », il dit que suite à ces investigations, « il y a un rapport qui est délivré au niveau de l’administration pénitentiaire sur les conditions de placement, les visites médicales, les conditions du décès, en tentant de cibler les responsabilités », il répète qu’ « il s’agit d’un rapport de type administratif ».

Il dit que la famille ne peut pas avoir accès à ce rapport, il détaille à la famille le déroulement de la journée du Mercredi 02 Juin, tout en disant qu’il « était absent ce jour-là », il dit aussi « on l’a découvert à 11 h 10 dans le mitard, accroché au grillage de métal, les surveillants du quartier disciplinaire l’ont découvert comme ça, ils ont fait les premiers gestes de secours, massages, il y a eu intervention ensuite des infirmiers », ...

D’après le Directeur, « le procureur de la République Mr HASSENFRATZ diligente une enquête » - à plusieurs reprises, le Directeur se réfugiera pendant l’entretien derrière « l’enquête judiciaire » - Mehdi aurait « été retrouvé par les surveillants du quartier disciplinaire à 11 h 10 accroché aux barreaux », puis il dit « au grillage d’une porte-fenêtre » située ... à ... « deux mètres de hauteur » ... Nébia : « comment vous expliquez qu’un gars de 1 m 70 puisse s’accrocher à un grillage à deux mètres ! » ... « je ne sais pas moi, j’étais en congrès ce jour-là » ... Nébia : « pourquoi pour les parloirs que j’avais réservés pour le Mardi 1er Juin et Samedi 05 Juin vous aviez dit que je n’avais pas réservé ? » ... « oui, vous aviez bien réservé ces parloirs, mais il y a eu un dysfonctionnement » ... Mme REZIGA : « qui a donné les premiers secours à Mehdi ? » ... « les surveillants » ... « pourquoi, ils ont un diplôme de secourisme ? » ... « oui, oui, effectivement ... le médecin du SAMU est arrivé à 11 h 30 et à 11 h 45, il n’y avait plus de signe de ventilation, il a été décidé le transfert à l’hôpital Jules Courmont » ... « dans toute votre carrière vous avez dû en voir des suicides » ... « oui, malheureusement » ... « et tous les suicides que vous avez vus c’était des hommes qui voulaient mettre fin à leur jours ?! vous n’avez jamais eu un doute ? une pensée qui vous a traversée l’esprit ? » ... « oui ... bien sûr ... ça m’est arrivé ... mais pour votre frère, je suis formel : c’est un suicide » ... « c’est vous qui l’avez tué ! » ... « c’est pas moi ! » ... « je parlais dans la globalité » ... « le jour où vous avez trouvé mon frère, vous avez dû déchirer ses vêtements, où sont ses vêtements ? » ... « ils ont peut-être été jetés » ... « de quel droit ! c’est une pièce à conviction » ... « je ne sais pas, je vais voir ce qu’on en a fait » ... « comment vous expliquez que les vêtements qu’on a récupéré soient tous propres ! - 25 jours sans en changer ? » - ... « ben ... il devait pas réclamer » ... « mais c’est obligatoire la douche, mon frère c’était quelqu’un qui prenait soin de lui » ... « quand un détenu prend du mitard, un médecin voit le détenu et dit s’il est apte ou pas à subir le mitard » ... « il fait chaud » ... « oui, c’est affreux » ... « vous, vous avez juste à appuyer sur le bouton et vous avez la clim et eux ils grillent dans les cellules à trois » ... « écoutez, j’essaie de les aider à se réinsérer, j’ai mis en place un service pour préparer les sorties des détenus, les détenus refusent d’y aller et il y en a un qui s’est suicidé dans ce bâtiment » ... « pourquoi n’y avait-il pas de suivi social et médical pour Mehdi, il aurait dû avoir un éducateur » ... « c’est l’assistante sociale qui s’en occupait » ... - au sujet de l’attestation que Nébia a demandé à Mme CHARVET attestant qu’elle est bien venu voir Mehdi à 10 h 30 le 02 Juin 1999 - Nébia : « est-ce que vous donnez l’autorisation à Mme CHARVET de faire cette attestation ? » ... « je ne comprends pas pourquoi elle a besoin de mon autorisation : si elle veut la faire, qu’elle la fasse » ... « est-ce qu’il est possible de voir le mitard ? » ... « non, ce n’est pas possible » ... « est-ce que vous avez les noms des surveillants qui étaient présents la nuit et de ceux qui ont trouvé le corps de Mehdi le matin ? » ... « oui, j’ai tous les noms » ... « et vous vous étiez là ? » ... « je n’étais pas présent à la prison le 02 Juin » ... « et le Directeur qui est tombé pour sévices sexuels sur détenus ? » ... « d’abord ce n’était pas un Directeur mais un surveillant gradé ... si vous voulez plus de renseignements, adressez vous au Procureur » .

Concernant les conditions qui ont amené à la décision de mettre Mehdi au quartier disciplinaire, le Directeur dira que « les règles ont été respectées, comme en cas d’agression sur un surveillant » - puisque c’est le cas dans la version officielle - le médecin de la prison, le Dr. LAMOTHE ayant autorisé la mise en détention au quartier disciplinaire ...

La famille manifestera ses réserves sur cet avis, compte tenu du résultat - officiel ...

La famille demande comment il se fait que Mehdi, puisqu’il était dépressif, officiellement, n’avait pas demandé à voir l’aumonier musulman - d’autant qu’il avait pris la résolution d’apprendre la prière : le Directeur répond que « depuis l’affaire KELKAL, cette question n’est pas résolue » et que « c’est vrai que cela crée des difficultés pour les maghrébins » ...

Il précise à la famille, qui cite le rôle de l’Assistante de Service Social qu’elle n’a pas le pouvoir de faire une quelconque attestation ou écrit sans l’autorisation de l’Administration Pénitentiaire.

Mme REZIGA demande au Directeur de jurer qu’il s’agit d’un suicide, la discussion devient tendue, le Directeur admet qu’il « y a des doutes et des dysfonctionnements » ...

Mr AZAHOUM demande au Directeur s’il est prêt à signer le compte rendu de cet entretien : il dit « non » ...

Dans le cours de la discussion, Mme REZIGA dira au Directeur, parlant de Mehdi : « vous l’avez exécuté ! » ... après un silence, le Directeur dira « c’est pas moi » ... « je dis pas que c’est vous, c’est dans la globalité » ...

La famille questionne le Directeur au sujet des raisons du transfert des 80 détenus - essentiellement issus de la banlieue Lyonnaise a bien précisé la famille - le Directeur répond qu’il s’agit « d’un mouvement qui s’est fait dans le cadre normal de transferts de détenus, c’est dû à des travaux, qu’il n’y a pas de places dans les autres prisons de la région et que les détenus ont dû être transférés sur Paris » - on note, dans Lyon Capitale du Mercredi 10 Novembre 1999 que le nouveau Directeur de la prison Saint-Joseph affirme pour sa part, dans son interview, qu’il s’agissait « d’éviter une mutinerie » ...

Le lendemain, Mme CHARVET « est en congé » ... elle est mutée depuis ...

« Vous pouvez attester de tout ce que vous venez de dire, avec signature et tampon ? » ... « non » ...

Le linge rendu après le décès de Mehdi ... est propre : il ne l’a même pas porté.

* Voir : Norme d’intervention des services de secours : 20 minutes, normalement.