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La journée mondiale du refus de la misère... en prison

Depuis 1987, le 17 octobre est la journée mondiale du refus de la misère. Cette journée est l’occasion pour les plus pauvres et pour tous ceux qui refusent la misère et l’exclusion de se rassembler pour affirmer que la dignité et la liberté de tous doivent être respectées. Le nombre de personnes pauvres en prison est plus élevé qu’à l’extérieur. Non seulement les personnes en situation de précarité matérielle vont plus en prison que les autres, mais aussi, la prison engage et conforte un processus de paupérisation.

 Les chiffres sont là : 17,5 % des entrants en prison disent ne pas avoir de protection sociale, 5 % se déclarent sans abri et 10 % hébergés dans un domicile précaire (source : revue trimestrielle du Haut Conseil de la santé publique, n°44, septembre 2003). Les critère de pauvreté sont nombreux et les chiffres précédents peuvent être complétés par le pourcentage de personnes qui se déclarent illettrées à l’entrée en prison : 11 %.
Il serait simpliste de penser que le seul fait d’être pauvre incite à la commission d’infraction (comme le vol). La surreprésentation des classes à faible revenu, à l’entrée en prison, a de multiples causes.
Les juges ont plus facilement recours à la détention provisoire pour les personnes offrant peu de garanties de représentation. Le fait de ne pas avoir de travail, le fait de ne pas avoir de domicile fixe, sont des facteurs qui incitent les juges à prononcer des mises en détention provisoire, de manière à être sûrs que ces personnes puissent être à la disposition de la Justice.
Par ailleurs, la procédure de comparution immédiate présente, entre autres particularités, celle de pouvoir conduire à un mandat de dépôt dès la fin de l’audience, y compris si la peine est égale ou inférieure à 1 an. Ce qui n’est pas le cas dans les autres procédures où, en vertu de l’article 723-15 du code de procédure pénale, la convocation par le juge de l’application des peines est nécessaire pour les peines inférieures à 1 an. La procédure de comparution immédiate peut être plus facilement choisie par les procureurs pour des personnes en situation de précarité du fait du risque de ne pas les voir se présenter à une audience ultérieure. Pour ces mêmes raisons, des peines de prison fermes sont plus facilement prononcées.
Enfin, l’octroi d’une libération conditionnelle dépend essentiellement de 2 facteurs : l’hébergement à la sortie et le fait d’avoir une promesse d’embauche. Inutile d’expliquer que la précarité avant l’incarcération, souvent synonyme de réseau social peu développé, fonde une inégalité certaine quant à l’octroi d’une libération conditionnelle.

 La prison elle-même entretient et déclenche un processus de paupérisation. D’abord parce que le travail, toujours rémunéré très en dessous du SMIC horaire du milieu libre, est loin d’être accessible à tous (le taux de chômage étant généralement très élevés dans les établissements pénitentiaires). Ensuite, parce que l’incarcération entraîne la suspension, éventuellement différée, de certaines prestations sociales perçues en milieu libre. Certes, les commissions d’indigence, qui se réunissent en général tous les mois dans les établissements, peuvent verser de l’argent aux personnes qui n’ont pas plus d’une certaine somme (en général 30 euros) sur leur compte nominatif. La somme versée est de l’ordre de 45 euros, sans que jamais cela devienne un revenu mensuel.
Par ailleurs, au-delà de ces aspects strictement financiers, les liens avec les proches, du fait de l’incarcération, se distendent ; or la proximité, familiale notamment, entraîne souvent une solidarité pouvant limiter, voire enrayer, la précarité.

 La journée mondiale du refus de la misère peut être l’occasion d’interpeller les responsables politiques sur la question de la pauvreté et de la prison, intimement liées par une double relation de causalité : d’une certaine manière, la pauvreté conduit en prison et la prison elle-même rend pauvre.

La rédaction
Ban Public
Octobre 2007