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(2007) « Au secours, je fais une crise cardiaque »

Mise en ligne : 9 mai 2007

Dernière modification : 11 mai 2007

Texte de l'article :

« Au secours, je fais une crise cardiaque »

Je le reconnais, je n’avais jamais réellement pris conscience à quel point une personne détenue pouvait se trouver en danger en cellule. Et c’est le moins qu’on puisse dire ! En avril 2006, à 2 heures et demi du matin, je ressens une vilaine douleur dans toute la poitrine. Affalé dans mon lit, je suis incapable de bouger, de faitre le moindre geste. J’ai soif et le simple fait d’attraper ma bouteille d’eau, qui se trouve au pied du lit, est un vrai supplice. Ne pouvant ainsi rien faire, pas même me rendre jusqu’au lavabo pour me rafraîchir un peu, j’essaie de trouver une position dans le lit qui ne m’est pas trop insupportable. La douleur est persistante, déchirante, et il m’est extrêmement difficile de retrouver le sommeil. Je me concentre à penser à autre chose et j’attends ainsi jusqu’au petit matin.

7h15, c’est l’ouverture des portes, une à une, par le surveillant qui prend soin de bien faire claquer les portes en les ouvrant et en les refermant. J’ai dû me rendormir, car j’ouvre les yeux. Sûrement étais-je das un état de demi-sommeil. La douleur dans ma poitrine est toujours présente, mais ne m’empêche plus de me lever. Heureusement, d’ailleurs, car j’ai une visite au parloir ce matin. Mais d’abord, je dois me rendre à l’UCSA pour mon injection quotidienne d’un de mes médicaments pour le VIH, le Fuzéon. Comme pour alimenter une conversation entre l’infirmière de service et moi, afin de rendre le moment moins impersonnel, je lui explique les douleurs que j’ai ressenties dans la nuit en cellule. Elle me demande d’ôter mon tee-shirt pour me faire passer un électrocardiogramme. J’hésite un instant, car je ne veux pas être en retard pour le parloir. Elle me fait donc cette électrocardiogramme et ni une, ni deux, je lui dis que je dois y aller pour mon parloir. Elle me répond qu’elle fera voir le résultat de l’ECG au médecin. Je retourne en cellule pour y déposer mon injection pour le soir et je repars aussi sec pour le parloir. Le surveillant est en bas et on attend plus que moi.

Je me trouve dans le long couloir où tous les détenus attendent avant de monter voir les familles ou leurs proches. Au loin, un surveillant arrive vers nous et, me voyant, crie mon nom pour que je vienne à lui. Il m’explique que je dois me rendre tout de suite à l’UCSA pour voir le médecin. Il a, soi-disant, quelque chose d’important à me dire. Secret médical oblige, il ne sait pas pourquoi je suis appelé ainsi en urgence. J’hésite un instant et me disant que l’UCSA se trouve juste à côté des parloirs, j’ai le temps de m’y rendre pour voir ce qu’on me veut. A peine ai-je mis les pieds dans l’UCSA qu’une infirmière, celle-là même qui m’a fait passer l’ECG, me fait rentrer dans une salle de soin en m’ordonnant de m’allonger sur la table de soin en attendant l’arrivée du médecin. Je demande ce qui se passe et elle me répond que le médecin me le dira lui-même, qque je ne dois pas m’inquiéter. Ben, c’est plutôt loupé pour l’inquiétude, car voyant l’attroupement d’infirmières et de surveillants autour de moi, je me demande bien ce qui se passe. Le médecin arrive et m’annonce que je suis entrain de faire un infarctus. Rien que d’entendre le mot « infarctus », c’est la panique totale dans mon esprit. Un infarctus ? Mais qu’est-ce qu’il me raconte celui-là, « je n’ai pas fait de crise cardiaque, j’ai juste eu une assez forte douleur dans la poitrine » lui dis-je l’ai très étonné. « Non, mais n’allez pas tardez à en faire une si vous continuez à vous agiter comme vous le faites » me rétorque-t-il. Sa remarque me calme. On appelle le SAMU, je me retrouvze à l’hôpital Cochin, on me nettoie deux artères bouchées à 90 et 50 % et retour à la prison, 5 jours plus tard. Un mois plus tard environ, je fais une Péricardite, une inflammation de l’enveloppe cardiaque. Re-SAMU, re-hôpital pendant 3 jours, et, à nouveau, je suis de retour en cellule. Seul.

Depuis ce jour, je suis dans l’angoisse de faire une crise cardique en cellule. Surtout pendant la nuit. Bienque la journée, je ne sois pas plus en sécurité, au moins le surveillant de l’étagee passe à plusieurs moments pour différentes raisons. Mais c’est surtout la nuit qui m’inquiète. Que se passerait-il si je faisais une crise cardique entre la fermeture des portes le soir, et l’ouverture le matin ? N’étant pas du genre à me bourrer le mou, je suis bien conscient que je serais bien « dans la merde  ». Pourtant, depuis mon infarctus, il a été recommandé expressement par mon médecin un passage toutes les deux heures à la cellule où je me trouve. Et là, le bas blesse. 17h45 fermeture des portes. Premier passage de la ronde de nuit entre 20h et 20h45, second passage entre 23h30 et 00h30. Etant insomniaque, je ne m’endors pratiquement jamais avant les 3 ou 4 heures du matin. Entre la dernière ronde et le moment de m’endormir, pas un seul surveillant n’est passé. Parfois, j’entends des pas se rendre au bout du couloir. C’est là que se trouve la clef de contrôle pour les mouchards. Mais pas un œil dans les cellules. Je pourrais être allongé au sol entrain de crever la gueule ouverte, ça serait la même. Alors j’angoisse. Il n’y a pas un seul jour où jen e pense pas à mon cœur. Pourvu qu’il ne me fasse pas une entourloupe celui-là. Au moindre pépin, je suis bon. Je ne pourrais pas aller jusqu’à la porte de la cellule pour crier « au secours, je fais une crise cardiaque  ».

Didier Robert, détenu à la M.A. de la Santé, à Paris.