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Mise en ligne : 16 mai 2007

Texte de l'article :

INTRODUCTION

L’édition 2006 du rapport de la Commission de suivi de la détention provisoire s’inscrit dans la continuité de ses précédents rapports.

La première partie retrace les évolutions générales qui caractérisent la détention provisoire en France. D’abord sous l’angle des modifications législatives et réglementaires intervenues. Puis selon une approche quantifiée de la détention provisoire telle qu’elle peut apparaître en soi et surtout en valeur relative dans les données générales du système répressif : délinquance observée, garde à vue, poursuites engagées, informations ordonnées, mises en détention, prévenus et population incarcérée. Enfin dans la considération des décisions d’indemnisation de la Commission
nationale à la suite de détentions injustifiées.

Comme on le verra dans l’examen détaillé des analyses, les données ne marquent pas d’infléchissement sensible mais plutôt la poursuite des tendances observées depuis 2003. La Commission a été conduite à relever malheureusement une fois encore les insuffisances du domaine statistique. Répartir les affaires confiées aujourd’hui aux juges d’instruction par incrimination pénale reste encore impossible. Des phénomènes aussi importants pour le cours des procédures que la requalification (en général de crimes en délits) ne sont que très malaisément saisissables.

Naturellement le travail des juridictions a bien d’autres priorités. Il faut avoir cependant clairement conscience qu’une analyse aussi exacte que possible des procédures aidera à mieux connaître la réalité des tribunaux, par conséquent à mieux définir la direction à prendre pour les réflexions à mener et les moyens à répartir.

La seconde partie du rapport est consacrée au thème particulier de la durée de la détention provisoire. C’est là, naturellement, un élément important du dossier. Il est d’ailleurs prévu que la Commission y revienne en 2007.

Sur ce sujet, existe certainement un malentendu. L’opinion ne manque pas d’être frappée, sans doute à bon droit, par les durées très longues de détention, celles qui résultent en particulier des poursuites pour crimes. Elle s’indigne légitimement lorsque ces poursuites s’achèvent en acquittement. Comme le faisait observer le rapporteur de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale consacrée aux suites à donner à l’affaire dite « d’Outreau », sans durée excessive de détention provisoire, il n’y avait pas « d’affaire ».

Pourtant, en termes quantitatifs, ce n’est pas là l’essentiel de la détention provisoire. Les prévenus en matière correctionnelle sont évidemment les plus nombreux.

Or, dans cette matière, on sait - et ce rapport en témoigne à nouveau - la place croissante que tiennent désormais les procédures de comparution rapide. Dans ces procédures là, la détention provisoire tient aussi une place, différente sans doute de la détention des prévenus criminels, mais importante, qui n’épargne pas à ceux qui en sont l’objet le « choc carcéral » mais dont la durée brève fait obstacle à toute prise en charge efficace. Sans doute, la question est désormais de savoir jusqu’où ira la diminution des informations judiciaires et la croissance parallèle des faits jugés en comparution immédiate. Sommes-nous proches d’un nouvel équilibre entre les unes et les autres, ou faudra-t-il devoir encore compter avec la poursuite des mouvements déjà observés ?

Quant à la détention provisoire la plus longue, encore faut-il en souligner les composantes, connaître les motifs exacts de cette longueur. On se contentera ici de mentionner deux éléments qui paraissent devoir être soulignés d’emblée.

D’une part, la loi pénale, au fil des années, a sensiblement renforcé les droits des victimes dans la procédure et prémuni les juges contre des vérités trop vite établies. On doit s’en féliciter. Mais on ne doit pas méconnaître que ces évolutions ont leur contrepartie dans l’augmentation du temps consacré à l’instruction. Le législateur ne peut, ne doit pas ignorer quels sont les effets « en creux » des inflexions de procédure qu’il décide.

D’autre part, l’allongement du procès d’assises est aujourd’hui un fait général. Il n’y a guère de cause qui ne nécessite aujourd’hui au moins deux jours de débats, en raison notamment du grand nombre de témoins appelés par les parties à la barre. La contrepartie réside dans l’allongement des « files d’attente », c’est-à-dire dans l’accroissement des délais d’audiencement : il est de près d’un an en moyenne ; de quatorze mois dans les grandes agglomérations. Il s’en déduit que lorsqu’une personne est renvoyée devant les assises, l’instruction achevée, il faut encore patienter plusieurs mois (même si les personnes incarcérées sont, heureusement, prioritaires). De même en cas d’appel (très minoritaire). Il y a là une anomalie qui contribue à allonger sensiblement les délais de détention, qui n’a d’autre cause que celle de la répartition des moyens disponibles. La Commission ne peut la passer sous silence.

La détention provisoire demeure le résultat d’un grand nombre de facteurs. Ce sont ces facteurs que le rapport voudrait aider à éclairer.