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Approche indisciplinaire de la question pénale (Pierre V. Tournier - Centre d’Histoire Sociale du XXème siècle)

05 A Annexes

Mise en ligne : 6 avril 2007

Texte de l'article :

Annexe 1. - Le texte exhaustif des nouvelles règles pénitentiaires européennes ainsi que l’exposé des motifs a été mis en ligne sur le site du Collectif « Octobre 2001 » :

Collectif « Octobre 2001 »  : http://www.collectif2001.org

Principes fondamentaux

Règle 1. Les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l’homme.

Règle 2. Les personnes privées de liberté conservent tous les droits qui ne leur ont pas été retirés selon la loi par la décision les condamnant à une peine d’emprisonnement ou les plaçant en détention provisoire.

Règle 3. Les restrictions imposées aux personnes privées de liberté doivent être réduites au strict nécessaire et doivent être proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquelles elles ont été imposées.

Règle 4. Le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de l’homme.

Règle 5. La vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison.

Règle 6. Chaque détention est gérée de manière à faciliter la réintégration dans la société libre des personnes privées de liberté.
 
Règle 7. La coopération avec les services sociaux externes et, autant que possible, la participation de la société civile à la vie pénitentiaire doivent être encouragées.

Règle 8. Le personnel pénitentiaire exécute une importante mission de service public et son recrutement, sa formation et ses conditions de travail doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus.

Règle 9. Toutes les prisons doivent faire l’objet d’une inspection gouvernementale régulière ainsi que du contrôle d’une autorité indépendante.

Exemples de règles en contradiction flagrante avec la situation des prisons françaises

Règle 12.1 Les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet.

Règle 17.1 Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale.

Règle 18. 5. Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus.
6. Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter.
7. Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir avant d’être contraints de partager une cellule pendant la nuit.

Règle 19.3 Les détenus doivent jouir d’un accès facile à des installations sanitaire hygiéniques et protégeant leur intimité.

Règles 25. 1. Le régime prévu pour tous les détenus doit offrir un programme d’activités équilibré.
2. Ce régime doit permettre à tous les détenus de passer chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux. 
3. Ce régime doit aussi pourvoir aux besoins sociaux des détenus.

Règle 50. Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires à ce sujet.

Règle 93. Les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques. Ces organes de contrôle indépendants doivent être encouragés à coopérer avec les organismes internationaux légalement habilités à visiter les prisons.

Règles 95.3 Dans leurs rapports avec les prévenus, les autorités doivent être guidées par les Règles applicables à l’ensemble des détenus et permettre aux prévenus de participer aux activités prévues par les dites Règles.

Règles 105. 4. Lorsque des détenus condamnés participent à des programmes éducatifs ou autres pendant les heures de travail, dans le cadre de leur régime planifié, ils doivent être rémunérés comme s’ils travaillaient.
 
Règle 106. 1. Un programme éducatif systématique, comprenant l’entretien des acquis et visant à améliorer le niveau global d’instruction des détenus, ainsi que leurs capacités à mener ensuite une vie responsable et exempte de crime doit constituer une partie essentielle du régime des détenus condamnés.
2. Tous les détenus condamnés doivent être encouragés à participer aux programmes d’éducation et de formation. 
3. Les programmes éducatifs des détenus condamnés doivent être adaptés à la durée prévue de leur séjour en prison.

 

Annexe 2. - Des peines systématiquement aménagées, des procédures adaptées au quantum

Afin d’aider les condamnés à (ré) apprendre à vivre dans le respect des lois et de protéger les victimes potentielles de nouveaux délits et de nouveaux crimes, toute peine privative de liberté doit être aménagée. Cela signifie qu’avant la fin de la peine privative de liberté, le condamné doit pouvoir sortir de l’établissement pénitentiaire où il est écroué, accompagné ou non, de façon partielle ou totale, de façon temporaire ou définitive, sans pour autant que l’écrou soit levé. Une telle orientation est en contradiction avec l’existence des peines perpétuelles et des périodes de sûreté. Celles-ci interdisent toute procédure d’aménagement pendant un temps qui peut être atteindre 30 ans. Il faut abolir et la peine à perpétuité et les périodes de sûreté. La peine de réclusion criminelle maximale encourue serait alors de 30 ans.

Toute peine privative de liberté doit être exécutée dans sa totalité pour partie en milieu fermé, pour partie en milieu ouvert. Aussi la période sous écrou définie au moment du procès, ne peut-elle, en aucune manière, être réduite ou prolongée pour l’affaire concernée. Une telle orientation nécessite de renoncer aux grâces collectives. Ce principe implique aussi l’abolition des crédits de réduction de peine introduit par la Loi Perben 2, comme des réductions de peine supplémentaires.

Les procédures d’aménagement des peines doivent dépendre de la longueur de la peine. Nous proposons de distinguer les « courtes peines » (un an ferme ou moins), les peines intermédiaires (plus d’un an à 5 ans), les longues peines (plus de 5 ans à 10 ans) et les très longues peines (plus 10 ans à 30 ans). Dans le système proposé, les courtes peines, sont systématiquement exécutées, à temps partiel ou à plein temps, en milieu ouvert, sauf incident en cours d’exécution (semi-liberté, placement à l’extérieur, placement sous surveillance électronique fixe). La LC est la mesure centrale d’aménagement des peines de plus d’un an. Elle doit concerner l’immense majorité de ces condamnés. Les autres mesures d’aménagement s’inscrivent dans cette perspective (permissions de sortir, placement à l’extérieur, semi-liberté, placement sous surveillance électronique fixe, voire placement sous surveillance électronique mobile, pour les peines les plus lourdes). 

Pour les condamnés à des peines intermédiaires », nous proposons un système de LC d’office à ½ peine pour tous, les mesures d’aide et de contrôle étant définies par le juge de l’application des peines (JAP). Les condamnés aux longues peines peuvent bénéficier d’une LC à ½ peine, la décision étant prise par le JAP (système discrétionnaire). En fonction des progrès réalisés dans l’avenir en matière d’aménagement des peines, ce système devrait évoluer vers un système de libération d’office, comme pour les peines intermédiaires. De même, les condamnés aux très longues peines peuvent bénéficier d’une LC à ½ peine. La décision est prise par le tribunal de l’application des peines (système discrétionnaire). Là encore, en fonction des progrès réalisés dans l’avenir en matière d’aménagement des peines, ce système devrait évoluer vers un système de libération d’office. Quand nous parlons de progrès, nous pensons aussi bien aux modalités de prise en charge au sein de la détention qu’en milieu ouvert (voir nos six priorités, supra).

Enfin, nous proposons que la partie exécutée en détention ne puisse en aucun cas excéder 20 ans (LC d’office pour tous, au bout de 20 ans). Ainsi un condamné à une peine de 30 ans, effectuerait au maximum les 2/3 de sa peine en détention. Faut-il rappeler qu’aujourd’hui on peut rester plus de 40 ans en détention.. Pour les 151 détenus initialement condamnés à perpétuité et libérés entre le 1er janvier 1995 et le 1er janvier 2005 (données de flux), la durée moyenne de détention est d’environ 20 ans. Plus précisément, 2/3 ont effectué moins de 20 ans en détention et 1/3 plus de 20 ans. 21 détenus on été libérés après une détention d’au moins 25 ans, la maximum étant de 33 ans. Limiter la durée de la détention à 20 ans, serait donc un réel changement. Ces personnes ont commis des faits d’une extrême gravité. Il serait totalement irresponsable de l’oublier. Mais elles sont aussi peu nombreuses. En 2002 il y a eu 20 libérations de condamné à perpétuité, et 21 en 2004, chiffre à mettre en regard des 22 392 libérations recensées au cours du seul 3ème trimestre 2005 (métropole). L’Etat n’a-t-il pas les moyens de les surveiller de près ? 

5 pays sur les 46 membres du Conseil de l’Europe n’ont pas de peine perpétuelle Aussi si nous voulons construire un espace judiciaire européen, il nous faudra construire une échelle des peines commune, allant dans le sens du renforcement des droits de l’homme et de nos valeurs humanistes. Il est aujourd’hui acquis que la peine de mort ne sera pas ce dernier échelon. Mais ce ne sera pas non plus la peine à perpétuité.