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Date : 9-03-2007

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(2006) Saisine n°2006-16 sur les conditions de sanctions disciplinaires de M. A.T.

Mise en ligne : 14 mars 2007

Texte de l'article :

Saisine n°2006-16

AVIS et RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité

à la suite de sa saisine, le 3 février 2006, par Mme Christine BLANDIN, sénatrice du Nord, et le 22 mars 2006 par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 3 février 2006, par Mme Christine BLANDIN, sénatrice du Nord, et le 22 mars 2006, par M. Noël MAMÈRE, député de la Gironde, des conditions dans lesquelles M. A.T. avait été sanctionné disciplinairement alors qu’il était détenu à Bapaume.
La Commission a entendu M. A.T. et pris connaissance des investigations de l’Inspection des services pénitentiaires.

LES FAITS
Par décision du juge de l’application des peines d’Arras, en date du 22 novembre 2005, M. A.T. avait été placé à l’extérieur à titre probatoire à compter du 1er décembre 2005, dans l’attente de sa libération conditionnelle, qui est intervenue le 1er juin 2006.
Il allait travailler quatre jours à l’extérieur et devait, selon la réglementation, être fouillé à corps à chaque retour en détention. Il accepta au départ cette mesure, mais le contrôle étant devenu plus strict en application d’une note de service du chef d’établissement en date du 11 janvier 2006, il refusa ensuite de s’y soumettre, avant de changer d’avis pour ne pas perdre le bénéfice de ses permissions de sortie.
Il se plaint, lorsqu’il accepta à nouveau une fouille, de la présence lors de cette opération d’une dizaine de surveillants.

Le 17 février 2006, la commission de discipline du centre de détention a prononcé une sanction de six jours de cellule disciplinaire à exécuter pendant le week-end.
Le 27 mars 2006, le directeur régional a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision. Une requête introductive d’instance pour excès de pouvoir a été déposée le 26 mai 2006 devant le tribunal administratif de Lille.

AVIS
La Commission nationale de déontologie de la sécurité estime d’abord que certains faits dont elle est saisie ne relèvent pas de ses compétences, car s’ils se rattachent à des autorités relevant d’un service de sécurité (en l’occurrence l’administration pénitentiaire), ils sont étrangers à toute mission de sécurité (sanction de six jours de cellule disciplinaire prononcée à l’encontre d’un détenu récalcitrant par la commission de discipline de l’établissement pénitentiaire).
En revanche, la Commission s’estime pleinement compétente pour examiner si les fouilles corporelles intégrales contestées par le détenu A.T. ont été réalisées conformément aux règles déontologiques.
Destinées à s’assurer que les détenus ne détiennent sur eux aucun objet ou produit susceptible de présenter un risque pour l’ordre ou la sécurité, les fouilles corporelles sont encadrées à la fois par l’article D.275 du Code de
procédure pénale (dans sa rédaction issue de la loi du décret n°98-1099 du 8 décembre 1998) et par les dispositions d’une circulaire d’application n°86-12 du 14 mars 1986.
En application du premier de ces deux textes, « les détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef d’établissement l’estime nécessaire. Ils le sont notamment à leur entrée dans l’établissement et chaque fois qu’ils en sont extraits et y sont reconduits pour quelque cause que ce soit. Ils doivent également faire l’objet d’une fouille avant et après tout parloir ou visite quelconque. Les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en garantissant l’efficacité du contrôle, préservent le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».
Dédiée principalement aux fouilles intégrales, la circulaire d’application apporte pour sa part plusieurs précisions supplémentaires : en premier lieu, les détenus soumis à une fouille intégrale doivent se déshabiller complètement en présence d’un agent ; en second lieu, tout contact entre le détenu et l’agent de l’administration pénitentiaire est proscrit, à l’exception du contrôle de la chevelure, étant observé que la force peut être employée dans l’hypothèse où un détenu refuserait d’obtempérer.
Eu égard aux contraintes particulières afférentes au fonctionnement des établissements pénitentiaires, et compte tenu des précautions prises pour préserver l’intimité et la dignité des détenus, la réglementation précitée relative aux fouilles des détenus n’a pas été jugée contraire aux dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, proscrivant les traitements inhumains et dégradants (CE, 8 décembre 2000, JCP 2001, IV, 2547).
En même temps qu’elles provoquent souvent un malaise chez les personnels de l’administration pénitentiaire chargés de les pratiquer, les fouilles systématiques ou aléatoires sont par nature dégradantes et humiliantes chez les détenus qui en font l’objet. Il est donc de la plus haute importance que les conditions matérielles dans lesquelles s’exécutent les fouilles n’aggravent pas l’élément habituel d’humiliation et d’avilissement inhérent à ces mesures.
En l’espèce, les fouilles dont se plaint M. A.T. ne se sont pas accompagnées de modalités d’exécution déontologiquement condamnables : les locaux de fouilles étaient adaptés et n’exposaient pas le détenu fouillé à la vue des autres détenus, ni de toute personne étrangère à l’opération. Pratiquées par un personnel de l’administration pénitentiaire de même sexe que le détenu, les fouilles n’ont jamais entraîné de contact physique blâmable entre l’agent et M. A.T.

RECOMMANDATIONS
En même temps qu’elle ne relève aucun manquement à la déontologie de la part du personnel de l’administration pénitentiaire, la Commission tient à rappeler que les fouilles intégrales, dégradantes par nature, doivent toujours être justifiées par les exigences du maintien de l’ordre et de la sécurité au sein de l’établissement pénitentiaire.
Elles doivent, en outre, être pratiquées dans des conditions visant à réduire le degré d’humiliation du détenu et à fournir des garanties contre les abus.

Adopté le 6 novembre 2006

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé son avis à M. Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux, dont la réponse a été la suivante :