Loi portant amnistie

Loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie
(J.O. du 9 août 2002) [sur le site Legifrance]

Travaux préparatoires
Schéma de la procédure législative
1ère lecture - CMP

Assemblée nationale - 1ère lecture

Projet de loi portant amnistie, n° 19, déposé le 3 juillet 2002 (urgence déclarée).

Examen en commission (commission des lois, rapporteur : M. Michel Hunault).
- Examen du projet de loi : réunion du jeudi 4 juillet 2002.
- examen des amendements (art. 88) : réunion du 9 juillet 2002.
- Rapport de M. Michel Hunault, n°23.

Discussion en séance publique (mardi 9 et mercredi 10 juillet 2002).
1ère séance du mardi 9 juillet 2002 : compte rendu analytique - compte rendu intégral.
2ème séance du mardi 9 juillet 2002 : compte rendu analytique - compte rendu intégral.
séance du mercredi 10 juillet 2002 : compte rendu analytique - compte rendu intégral.

Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, après déclaration d'urgence, le 10 juillet 2002 (T.A. 1).

Sénat - 1ère lecture
(Dossier et documents en ligne sur le site du Sénat)

Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, n° 355 (2001-2002).
Rapport de M. Lucien Lanier, au nom de la commission des lois, n° 358 (2001-2002).
Discussion les 23 juillet et 24 juillet 2002 et adoption le 24 juillet 2002 (T.A. 109).

Commission mixte paritaire
(accord)

Projet de loi modifié par le Sénat, n° 153.

Rapport de MM. Michel Hunault et Lucien Lanier [Assemblée nationale, n° 160 ; Sénat, n° 382 (2001-2002)].

Discussion en séance publique à l'Assemblée nationale.
Séance du samedi 3 août 2002 : compte rendu analytique - compte rendu intégral.
Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale le 3 août 2002 (T.A. 25).

Discussion en séance publique au Sénat.
Discussion et adoption le 3 août 2002.
Projet de loi adopté par le Sénat le 3 août 2002 (T.A. 116) (texte définitif).


En savoir plus
Communiqué du Conseil des ministres - Les lois d'amnistie - Les précédentes lois d'amnistie

Le communiqué du Conseil des ministres du 3 juillet 2002
[Voir aussi, sur le site du Premier ministre, "Loi d'amnistie : concilier pardon et répression" et "Les infractions exclues d'amnistie"]

Le garde des Sceaux, ministre de la justice a présenté un projet de loi portant amnistie.
Ce projet amnistie certaines infractions commises avant le 17 mai 2002. Il s'inscrit dans la tradition républicaine des lois d'amnistie adoptées après chaque élection présidentielle.
Toutefois, tenant compte de l'évolution de notre société et de la priorité accordée par le Gouvernement à la lutte contre les différentes formes d'insécurité, il s'attache à mieux concilier le geste de pardon, qui est l'inspiration de l'amnistie, avec les nécessités de la répression. Les dispositions retenues conduisent ainsi à une amnistie sensiblement moins importante que celle qui résultait des précédentes lois, notamment en raison du grand nombre des exclusions à l'amnistie que prévoit le projet.
S'agissant de l'amnistie des infractions en raison de leur nature ou des circonstances de leur commission, sont notamment amnistiés les contraventions de police, les délits de presse, les délits militaires et les délits commis au cours de conflits sociaux ou professionnels.
S'agissant de l'amnistie accordée en fonction de la nature ou du niveau des peines prononcées par les juridictions (amnistie "au quantum"), le projet est moins large que celui de 1995. Si, comme en 1995, sont amnistiés les délits punis de peines d'emprisonnement inférieures ou égales à trois mois d'emprisonnement ferme ou assorti du sursis avec mise à l'épreuve, seuls les délits punis d'une peine d'emprisonnement avec sursis simple d'une durée inférieure ou égale à six mois, et non neuf mois comme en 1995, sont amnistiés.
Sont également amnistiés les délits punis de peines moins graves que l'emprisonnement, comme l'amende, le travail d'intérêt général ou certaines peines alternatives. Dans certains cas, comme en 1995, l'amnistie est subordonnée à l'exécution de la peine.
Les exclusions du bénéfice de l'amnistie marquent les valeurs essentielles que la société entend préserver. Elles sont beaucoup plus nombreuses que lors des lois précédentes. Toutes les exclusions prévues en 1995 ont été reprises, certaines ayant été étendues, et de nouvelles exclusions ont été prévues. Sont ainsi exclus de l'amnistie, outre les actes de terrorisme et le trafic de stupéfiants, l'association de malfaiteurs, les faits de proxénétisme, le trafic de fausse monnaie, les infractions à la législation sur les armes, ainsi que les faits commis en état de récidive légale afin de marquer que l’amnistie ne doit pas bénéficier aux personnes qui ont fait l’objet de condamnations dans des conditions témoignant de la persistance de leur comportement délinquant.
Sont de même exclus les délits d'outrages, de rébellion, de violences, d'injures et de diffamation commis sur les personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public, comme les policiers, les gendarmes ou les agents des services ferroviaires ou des réseaux de transport public. Les dégradations et destructions aggravées - notamment celles commises sur des biens publics - sont également exclues.
La protection des personnes vulnérables et de la dignité humaine justifie l'exclusion des infractions sexuelles ou des infractions commises contre les mineurs, des délits de harcèlement sexuel ou moral, du délit de recours à la prostitution des mineurs, de l'abandon de famille, et de l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse, qui permet notamment de sanctionner l'action des sectes.
La nécessité de lutter contre l'insécurité routière conduit à l'exclusion non seulement des homicides et des blessures involontaires résultant d'un accident de circulation, mais également de tous les délits et de la plupart des contraventions prévus par le code de la route, y compris le stationnement gênant sur des places réservées aux véhicules de personnes handicapées, aux véhicules de transport ou de service publics, comme les ambulances.
La protection des équilibres écologiques conduit à l'exclusion de l'ensemble des délits du code de l'environnement, et celles des travailleurs à l'exclusion des infractions sanctionnant le non respect des règles de sécurité dans le travail, même en l'absence d'accident.
En matière économique et financière, sont notamment exclus de l'amnistie tous les délits de corruption ou assimilés, y compris la corruption européenne ou internationale, ainsi que les sanctions prononcées en cette matière par les autorités administratives compétentes, comme la commission des opérations de bourse.
Le projet reprend les dispositions traditionnelles relatives à l'amnistie des sanctions disciplinaires et professionnelles.
Il est enfin précisé, ce qui ne figurait pas dans la loi de 1995, que l'amnistie n'empêche pas le maintien des mentions relatives à des faits amnistiés dans les fichiers de police judiciaire : cette disposition garantit l'efficacité de ces fichiers, tout en respectant la logique de l'amnistie, qui efface les condamnations mais ne fait évidemment pas disparaître les faits eux-mêmes.
(Extrait du communiqué du Conseil des ministres du 3 juillet 2002).

 

Les lois d'amnistie
(Note établie par le Service des études et de la documentation de l'Assemblée nationale)

L'article 34 de la Constitution dispose que c'est la loi qui fixe les règles concernant l'amnistie. La loi d'amnistie est votée dans les mêmes conditions que les lois ordinaires et elle est soumise, le cas échéant, au contrôle du Conseil constitutionnel.

Traditionnellement, une loi d'amnistie générale est adoptée au début du mandat du Président de la République. Mais des lois d'amnistie particulières ont été également adoptées à la suite d'évènements exceptionnels ou de périodes de troubles.

Techniquement, la loi d'amnistie définit son champ d'application selon trois méthodes :
- l'amnistie en fonction de la nature de l'infraction ;
- l'amnistie en fonction du quantum de la peine ;
- l'amnistie par mesures individuelles (qui tient essentiellement compte de la personnalité de l'auteur de l'infraction).

1 - L'amnistie en fonction de la nature de l'infraction

Dans sa décision n°89-271 DC du 11 janvier 1990, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur peut, dans un but d'apaisement politique ou social, enlever pour l'avenir tout caractère délictueux à certains faits pénalement répréhensibles, en interdisant toute poursuite à leur égard ou en effaçant les condamnations qui les ont frappés ; il lui appartient, alors, de décider quelles sont les infractions et, le cas échéant, les personnes auxquelles doit s'appliquer le bénéfice de l'amnistie; le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce qu'il délimite ainsi le champ d'application de l'amnistie dès lors que les catégories retenues sont définies de manière objective.

La technique de l'amnistie en fonction de la nature de l'infraction est la plus classique. Elle manifeste la volonté du législateur de privilégier, dans le champ de l'amnistie, certaines catégories d'infractions, ou à l'inverse, d'exclure d'autres catégories d'infractions.

Parmi les infractions spécifiquement incluses dans le champ des lois d'amnistie, on citera :
- les infractions politiques : par exemple, les délits de presse, les délits commis à l'occasion de conflits sociaux ou professionnels, les délits commis en relation avec les élections.
On doit observer qu'à l'origine, les infractions amnistiées étaient celles commises en relation avec des périodes de troubles bien déterminées - par exemple, les évènements de mai 1968. Depuis 1969, ce type d'infraction a été amnistié par les lois successives en dehors de toute circonstance particulière.
- les infractions militaires : il s'agit d'infractions - généralement des délits mineurs - au code de justice militaire ou au code du service national qui sont reprises, traditionnellement, depuis 1919, dans les lois d'amnistie générale.
- les sanctions disciplinaires et professionnelles : c'est depuis 1905 que les lois d'amnistie sont sorties du strict domaine pénal pour s'étendre à ce type de sanctions. On notera toutefois que l'amnistie de ces fautes, lorsqu'elles ont donné lieu à une condamnation pénale, est généralement subordonnée à l'amnistie de l'infraction elle-même, et que les fautes constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ne peuvent être amnistiées que par une mesure individuelle du Président de la République.
Toutefois, dans la loi d'amnistie n°95-884 du 3 août 1995, et à la différence de la loi de 1988, les dispositions relatives à la réintégration des représentants du personnel licenciés pour faute n'ont pas été reprises - pas plus que celles qui organisaient la réintégration de plein droit dans leur établissement des étudiants ou lycéens ayant fait l'objet de sanctions disciplinaires.

D'autres dispositions des lois d'amnistie prévoient, à l'opposé, l'exclusion de certaines infractions du champ de l'amnistie défini selon la technique du quantum de la peine (voir ci-dessous).

Depuis 1960, en effet, la tendance du législateur est d'énumérer les faits qu'il entend exclure, plutôt que ceux qu'il entend inclure dans le champ de l'amnistie.

Le champ des exclusions varie selon les lois d'amnistie. Parmi celles qui sont régulièrement exclues par les dernières lois : les infractions en matière de terrorisme, les délits de discrimination entre les êtres humains, les infractions et violences sur mineurs, les fraudes électorales, les trafics de stupéfiants, les délits de presse liés à l'apologie de crimes de guerre ou de crime contre l'humanité, les délits en matière de pollution, le délit d'abandon de famille, les délits en matière de douanes ou de concurrence,... Y figurent également, mais avec un champ d'application variable, les délits et contraventions en matière de législation du travail.

La loi de 1995 y a ajouté les infractions de corruption au sens large, certaines atteintes à l'autorité publique, les délits d'entrave à l'IVG, les délits et certaines contraventions routières, les délits relatifs à l'immigration clandestine.

2 - L'amnistie en fonction du quantum de la peine

Depuis la dernière guerre, les lois d'amnistie ont largement recouru à cette technique, dont l'un des objectifs clairement affichés est d'alléger le système judiciaire de la masse considérable d'infractions de faible ou moyenne gravité.

Très généralement, les lois d'amnistie comportent (article 1er de la loi de 1995) l'amnistie des contraventions de police (beaucoup de commentateurs dénonçant l'incivisme qui résulte de ces dispositions dans les périodes précédant l'adoption de telles lois). Elles prévoient aussi traditionnellement l'amnistie des délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue.

Elles prévoient enfin le quantum des peines d'emprisonnement en dessous duquel s'applique l'amnistie. On notera, à cet égard, que ce quantum est passé de six mois d'emprisonnement ferme en 1981 à quatre mois en 1988, puis trois mois en 1995. Il y a donc, sur cette disposition essentielle, un relatif durcissement des lois d'amnistie. De même, pour les peines d'emprisonnement assorties du sursis, le seuil a été fixé successivement à quinze mois en 1981, douze mois en 1988, puis neuf mois en 1995.

A cela s'ajoute l'exclusion de certaines peines du champ de l'amnistie (voir ci-dessus).

3 - L'amnistie par mesure individuelle

Outre l'amnistie individuelle des fautes constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur (voir plus haut), les lois d'amnistie comportent régulièrement une disposition donnant au Président de la République la possibilité d'accorder, par décret, l'amnistie des infractions n'entrant pas dans le champ d'application de l'amnistie de droit :
- d'une part, aux personnes âgées de moins de vingt et un ans au moment des faits ;
- d'autre part, à des personnes qui se sont illustrées d'une manière particulière au cours des conflits armés ou dans les domaines humanitaires, scientifiques, culturels ou économiques.

En conclusion, il est vrai que le champ des lois d'amnistie a eu tendance à s'élargir. On a même pu parler d'éclatement de l'amnistie à propos de l'extension du domaine pénal à celui des sanctions disciplinaires et professionnelles. Mais on doit aussi noter que dans la période récente - par le jeu des exclusions et de l'abaissement du quantum des peines prises en considération - la portée des lois d'amnistie a été sensiblement réduite.

 

Les lois d'amnistie adoptées au début du mandat du Président de la République depuis 1981
(sur le site Légifrance)

Loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie.

Loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie.

Loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie.


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